Décidemment, la France ne sait pas parler d’Europe. A l’époque où la classe politique en promettait monts et merveilles, l’Europe, c’était la paix, la modernité, l’avenir, c’était simplement "l’Europe" avec son drapeau aux étoiles dorées et son hymne à la joie. Chaque étape de sa construction, Maastricht, Amsterdam, Nice, a été présentée comme un pas en avant, toujours insuffisant et méritant d’être ultérieurement complété, mais qu’il fallait néanmoins soutenir. La construction de l’Europe ne devait pas s’arrêter, comme si le but était le chemin ...
Le discours a commencé à devenir inaudible au moment du projet de traité constitutionnel. Le président de la république en a fait une lecture défensive, insistant sur les points qui demeuraient de la responsabilité des Etats, et ainsi l’a présenté comme une menace potentielle. Les tenants du oui ont défendu le traité en promettant l’apocalypse en cas de victoire du non ; et les tenants du non annonçaient soit la disparition de la France et soit l’avènement d’un empire ultralibéral qui emporterait toute trace d’Etat providence. Résultat, la France a voté non, mais deux ans après, on ne sait toujours pas ce qu’elle a refusé exactement !
Paralysée sur le sujet depuis le référendum perdu, la classe politique a été muette sur la question lors de la campagne présidentielle, à l’exception notable du nouvel élu, qui lui défendait un « traité simplifié » pour relancer l’Europe et en réorienter le projet. Depuis son élection, il en a fait sa priorité, parcourant les capitales européennes pour gagner à sa cause ses collègues chefs d’Etat.
Les journalistes, comme toujours, commentent la surface des choses en rapportant les positions des Etats européens sur un projet de texte dont on ignore tout. Les opposants contestent le futur mode de ratification sans jamais prendre position sur ce qu’il devrait contenir ou ne pas contenir. Bref, on ne sait toujours pas, si on a besoin d’une constitution, ce qu’il faudrait y mettre, si ce nouveau traité en sera une, ce dont a besoin l’Europe pour se relancer ou même quelle est sa raison d’être et son horizon.
Je vais donc essayer de lancer le débat tel qu’il me semble devoir être posé.