Jacques Delors aura été probablement l'homme politique qui aura le plus marqué les décennies 80 et 90, en France et en Europe. Il a été l'artisan du virage de la rigueur en 1983 pour rester dans le SME, puis à partir de 1985 en tant que président de la commission européenne, celui conversion néolibérale en Europe avec l'acte unique puis le traité de Maastricht. D'une certaine manière Delors est le père fondateur de notre système économique fondé sur la concurrence exacerbée supposée être un vecteur de compétitivité et l'ouverture des économies aux quatre vents de la mondialisation.
Plus encore que Mitterrand ou Jospin, il est la référence intellectuelle des dirigeants socialistes d'aujourd'hui, quant il n'a pas été leur mentor. Son avis sur la crise actuelle est donc particulièrement intéressant.
Jacques Delors a donné une longue interview la semaine dernière à la tribune pour les dix ans de l'Euro, sa grande oeuvre. Dans l'ensemble, parfaitement inintéressante, où Delors se présente tel qu'il a toujours été, comme un technocrate sûr de lui et volontiers donneur de leçon, adepte de la “pensée zéro”, plus intéressé par la description du réel ou la technique gouvernementale que par le cap à donner aux politiques publiques. Néanmoins, cette longue et barbante interview contenait une “pépite”, un moment de cruelle vérité, que l'on pourrait considérer être une maladresse d'un vieillard plus vraiment habitué aux interviews, mais qui est en réalité très révélatrice de ce qu'a été l'idéologie dominante de la classe dirigeante de ces trois dernières décennies.