Le gouvernement Fillon 1 avait fait sensation avec ses nouvelles têtes et ses personnalités issues de la gauche. Le Gouvernement Fillon 2 accentue encore la logique du renouveau. Encore plus de nouvelles têtes, plus d’ouverture, plus de diversité ethnique, plus de membres de la société civile, plus de têtes nouvelles, des ministres encore plus jeunes.
Ce gouvernement est incontestablement sympathique. Trop sympathique peut-être. La logique du renouveau a été poussée si loin qu’on ne peut s’empêcher de ressentir un malaise. Cette équipe donne plus l’impression d’un casting réussi que d’un gouvernement composé par les meilleurs des meilleurs affectés aux meilleurs postes, au point qu’on peut se demander s’il ne s’agit pas que d’une pure opération de com, d’un rassemblement hétéroclite de bêtes de médias dont la fonction se résumera à porter la bonne parole gouvernementale sur les plateaux de télévision, le pouvoir, le vrai pouvoir, se trouvant ailleurs, à l’Elysée, dans l’équipe des conseillers du président.
Il y a en effet une contradiction entre la pratique institutionnelle du président Sarkozy et la composition gouvernementale. L’hyperprésidentialisation du régime aurait du le conduire à désigner des experts anonymes, recrutés sur leur seule compétence à concevoir et mettre en œuvre des politiques publiques. Cependant, chez Sarkozy, la culture de l’efficacité et du résultat cohabite avec l’obsession de la com. En rassemblant autant de jeunes pousses plein d’ambition, Sarkozy marque encore un grand coup. Il prend cependant le risque de faire émerger de ses rangs son ou ses futurs concurrents les plus dangereux. L’un ou l’une des bébés Sarko voudra très certainement tôt ou tard voler de ses propres ailes …
Une curieuse architecture gouvernementale
Lors de sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy proposait de stabiliser l’architecture gouvernementale dans une Loi organique. Manifestement, ce n’est pas cette version ci qui pourra être gravé dans le marbre. On est en effet frappé par quelques bizarreries: Le secrétaire d’Etat chargé de la coopération n’est pas rattaché au ministre chargé du codéveloppement mais à celui des affaires étrangères. On remarque aussi quelques dissymétries dans les secrétariats d’Etats. Un ministre chargé de deux secteurs n’a de secrétaire d’Etat que pour l’un des deux (à la ville mais pas au logement – à la jeunesse et sports, mais pas à la santé). Cela donne l’impression que quelque chose d’inachevé, sinon de provisoire. On peut certainement s’attendre dans les mois prochains à des réajustements de périmètres ou à la création de quelques postes nouveaux.
Un virage libéral ?
On a beaucoup souligné (moi le premier) que Sarkozy a fait une campagne plus souverainiste que libérale. Il a beaucoup plus insisté sur la nécessité de protection ou la nécessité d’une politique industrielle, que sur l’allègement des impôts ou la flexibilité du marché du travail. Pourtant, on ne retrouve pas vraiment cette orientation ni dans l’architecture gouvernementale, ni dans la composition du gouvernement.
La présence de Borloo au ministère de l’économie donnait un caractère social à l’ensemble du gouvernement. Désormais, on a à Bercy, une avocate d’affaire qui a fait une grand partie de sa carrière aux Etats-Unis dont le monde dit qu’elle sera l’avocate de la mondialisation (Christine Lagarde), et un représentant de l’aile libérale de l’UMP (Hervé Novelli). De plus, l’association entreprises et commerce extérieur donne clairement le signe que la politique économique de la politique de la France s’inscrira dans l'horizon de la mondialisation. Un intitulé tel que « politique industrielle et PME » aurait envoyé un tout autre signal.
Parallèlement, on a beau chercher, on ne trouve aucune trace de souverainiste ou de tenant de « l’autre politique ». L’entrée de Nicolas Dupont-Aignan aurait pu équilibrer l’entrée d’un pur libéral, voire la nomination de Phillipe Seguin à Bercy. Ce n’est d’ailleurs pas l’arrivée des anciens socialistes qui rassurer de ce point de vue, car tous appartiennent clairement à la sensibilité sociale-libérale.
Vers un Sarkozysme de gauche ?
L’ouverture de Sarkozy à gauche ne s’est pas faite à moitié. En « débauchant » Kouchner, Jouyet, Besson et Bockel, il n’a pas pris les plus nuls, ni les plus insignifiant. A la fin de la campagne Sarkozy avait clairement souhaité organiser sa majorité en plusieurs pôles dont un « de gauche ». Il y a désormais matière pour le faire.
Cette structuration se fera t-elle à l’occasion de la réunification du parti radical ou par la constitution d’un tout nouveau mouvement type "Parti social libéral" ? Il est en revanche douteux que Sarkozy ne cherche pas à tirer profit de son ouverture en tentant de faire émerger une « nouvelle gauche » qui lui serait toute acquise pour offrir concurrence sérieuse au modem et au PS. Ce nouveau mouvement sera peut-être dépourvu de militant et même de base électorale, au moins dans un premier temps, mais il aura accès aux médias et bénéficiera de l’aura de la gestion gouvernementale. Il aura donc suffisamment de surface politique pour faire de l’ombre à Ségolène Royal, Dominique Strauss Kahn ou François Bayrou. Les autres n’en parlons pas …
Un futur candidat à la présidentielle se trouve parmi eux …
Le président qui succèdera à Sarkozy sera très probablement issu de ses rangs, pour une raison simple : la présidentiabilité s’acquière dans les fonctions gouvernementales et surtout dans les ruptures avec son propre camp. Les rares présidentiables que compte le PS aujourd’hui apparaîtront sûrement comme des vieux dinosaures en 2012 avec la cure de rajeunissement que Sarkozy est en train de faire subir à la vie politique. Les autres, les jeunes, faute d’expérience gouvernementale apparaîtront trop tendres ou pas assez crédibles.
Avec ce gouvernement composé de jeunes ambitieux, qui ont tous en commun, de bien passer à la télé, Sarkozy a créé une pépinière de futurs hommes d’Etat ou un grand concours qui pourrait s’intitulé à la recherche de la nouvelle star ! Le plus grand danger pour Sarko viendra de Borloo, de Besson ou de Bockel, surtout s’ils s’associent dans le même parti. Que l’un des trois claque la porte sur un différend de fond et il sera aussitôt en selle pour 2012. Mais la surprise pourrait aussi venir des jeunes pousses, notamment Laurent Wauquiez ou Rama Yade qui semblent manquer ni de talent ni de personnalité. Au sujet de cette dernière, elle se trouve être la vice présidente du club XXI-ème siècle, présidé par notre ami Hakim El Karoui, disciple d’Emmanuel Todd et animateur du site du protectionnisme européen. De quoi lui reconnaître un a priori favorable... Elle est en tout état de cause la sensation de ce gouvernement et pourrait bien être la grande révélation du prochain quinquennat.
Pourquoi NS prendrait-il le risque de faire apparaître des concurrents sérieux alors que son objectif est évidemment de rester là où il est, sur le trône Elyséen ?
Sarko n'a pas trimé , vécu toutes les vicissitudes possibles pendant 20 ans pour faire un petit tour de piste de 5ans puis repartir cultiver son jardin.
La star c'est lui , il ne doit pas y en avoir une autre. Aucune tête ne devra dépasser à part la sienne. C'est l'Elysée qui gouvernera, les BB sarko devront plier ou partir.
Rédigé par : bernard | 20 juin 2007 à 21:34
1) Faut-il s'inquiéter de la "curieuse architecture gouvernementale" ?
- "De toute façon Sarkozy reste le seul membre du gouvernement : c'et lui qui organise et décide de tout !" répond F. Hollande avec humour.
2) Un "virage libéral" ?
- Ce n'est pas un virage, c'est un simple contre braquage après un virage souverainiste (voire carrément à gauche) le temps d'une campagne.
Mais, avant que vous en fassiez la remarque, je n'avais pas observé que la composition du gouvernement marquait déjà ce tournant-redressement.
3) une pépinière de talents en formation dans ce gouvernement : cela me semble très probable maintenant que vous l'avez dit. Mai il n'y a certainement pas de quoi craindre à l'émergence d'un concurrent pour 2012, au mieux un successeur pour 2017...
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 21 juin 2007 à 01:07
Les "bébés-sarko": bien trouvé!! Adopté
et si je comprends bien, plus le temps passera, plus le PS aura de mal à revenir au pouvoir (= aligner des présidentiables crédibles), vu que les actuels sont en voie de ringardisation accélérée, et que les jeunes pousses n'auront pas la possibilité de se faire les dents au sein d'équipes ministérielles?
Rédigé par : David-David | 21 juin 2007 à 08:59
@ Malakin
Votre analyse me laisse l'impression suivante : "jamais content!" Si Sarko avait au contraire choisi des vieilles badernes qu'auriez vous dit ? Sarko n'innove pas! Il est réac' etc ... Dire que ce gouvernement fait Star Ac' parce que des "jeunes" y font leur entrée est un peu court.
Seul l'avenir nous dira si çà n'est qu'un gouvernement de com' au service d'une seul qui tire les ficelles. Mais l'idée en elle-même de diversifier est très novatrice et perso bien que n'étant pas sarkoziste je trouve çà plutôt bien (j'étais le premier à râler que ce sont toujours les mêmes badernes qui se succèdent à la tête des ministères).
Soit ils plieront soit ils partiront. Il y aura probablement des FillonIII , IV ... voire des Borloo I, II ...
Moi je verrais bien Borloo en challenger sérieux en 2012 ...
Rédigé par : bernard | 21 juin 2007 à 09:38
Recrutement de pointures, renouvellement des cadres et communication. Exact. C' est la politique du savoir-faire et faire savoir dont on a si cruellement manqué depuis si longtemps et que les électeurs ont saluée.
Les appétits et les ambitions peuvent se révéler à tout moment et à toute occasion mais Sarkozy n' a pas fait mystère que son projet et son ambition personnelle commandaient deux mandats successifs; les conditions sont claires.
Rédigé par : Erick | 21 juin 2007 à 09:44
Malakine,
Je la "sens" bien votre analyse. Ce gouvernement est assurément sympathique et réunis beaucoup de compétences.
La conversion de Nicolaï (l'ami de Poutine) à l'incontournable baisse des charges me plaît énormément.
Dommage qu'il s'entête avec son bouclier social et ses autres dispendieuses mesure anti-sociales .... mais qui sait ?
Peut être que dans quatre ans, il fera sa campagne sur le thème de la SOLIDARITE.... histoire de piquer le seul thème qui aurait dû être celui du PS ?
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 21 juin 2007 à 11:35
Gilbert,
Vous allez encore me dire que je tire la couverture à Sarkozy ... :-) mais souvenez-vous que Sarko a été critiqué pour avoir célébré "les gens qui se lèvent tôt", stigmatisant ainsi les assistés faibles et les démunis.
A cela, il a répondu "Aide-toi et la République t' aidera". Si ça n' est pas une définition de la solidarité, hé bien ! que je sois pendu par les glaouis. D' autre part, le job qu' il a donné à Martin Hirsch n' est tout de même pas pour des prunes.
Alors le seul domaine réservé du PS me paraît plutôt envahi. Maintenant, on peut toujours jouer sur les mots (Ah ! La "solidarité") ... Comme je vous disais ailleurs, Sarkozy n' est pas un doctrinaire. Et c' est tant mieux.
Rédigé par : Erick | 21 juin 2007 à 14:48
Erick,
C'est vrai que l'on sait d'avance de que vous allez dire sur Sarkozy... mais je suppose que vous y trouvez du plaisir ?
A propos des propos proposés fort à propos par Tartarin et Coppé, le nouveau duo de comiques pétomanes:
J'avais vu Sarkozy immobile dans les banlieues pendant toutes ces années (sauf avec sa langue), et j'avais des doutes quand à sa capacité de convertir paroles en décisions concrètes.
Mais avant même que ses promesses ne se transforment en actions, voilà que déjà le bel accord se transforme en cacophonie. Coppé doute déjà du bien fondé des mesures proposées par le gouvernement de son propre parti et Raffarin lui, l'avant centre de la Chiraquie qui n'avait pu marquer un seul but pendant tout son minable interminable mandat, ne voit pas d'un bon oeil que Fillon file vers le but au bout de quelques mois. Tout ce que je n'ai pas eu l'intelligence de faire n'est pas bon à faire, semble être sa raison principale de parler. S'il dit que la TVA produira de l'inflation, à l'instar de tous ces gens là, il n'est absolument pas capable de dire pourquoi et comment. Il se garde bien de dire que la baisse des charges produira de la déflation et/ou de la hausse des salaires, pour un peu qu'elle soit bien encadrée !
Mais le peu que j'ai fréquenté ces gens là à l'assemblée et au sénat... m'incite à penser que le pauvre gars n'a vraisemblablement pas la moindre idée de ce qu'est vraiment une entreprise !
Seul un amateur peut critiquer par principe avant de connaître les tenant et les aboutissants exacts des modalités d'applications.
Hé! Oui, bien sûr comme pour toute idée, les modalités d'applications ont au moins autant d'importance que l'idée elle même.
Alors que mon parti empêtré dans ses querelles d'EGO n'est pas prêt d'opposer un programme économique, la meute des Chiraquiens, un temps contraint à l'allégeance, commence déjà à aboyer contre le mâle dominant !
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 21 juin 2007 à 16:21
Pari tenu Malakine, je dis que la petite Yade va montrer bientôt qu'elle ne connaîtr rien à rien, et je parie sur Amara
Rédigé par : Toreador | 23 juin 2007 à 01:32