La véritable ligne doctrinale du candidat Sarkozy reste une énigme pour beaucoup. Celui qui s’est fait connaître pendant quatre ans par des positions néolibérales, atlantistes et communautaristes, a commencé sa campagne sur des thèmes souverainistes et sociaux, au point que certains commentateurs, tel Eric Zemmour, ont même été jusqu’à considérer que sa conversion était faite. Hakim El Karoui évoquait récemment sur ce site, le « virage » de Sarkozy. J’ai moi-même été troublé et assez séduit par ses derniers discours.
Dans mes articles sur ses discours de Saint-Etienne et de Charleville-Mézières, je soulignais ses prises de positions assez critiques et très lucides sur la mondialisation et le libre-échange, au point de me demander si la campagne n’allait pas le ramener aux sources du gaullisme et en faire un candidat acceptable. Néanmoins le doute subsistait, tant ce nouveau discours semblait avant tout destiné à priver d’espace une éventuelle candidature du clan chiraquien et à élargir sa base électorale. Sarkozy, qui doit se souvenir de son score des européennes de 1999 avec Madelin comme colistier et Pasqua comme concurrent, sait qu’une candidature exclusivement libérale l’amènera à moins 15% au premier tour.
Personne n’est dupe sur la nature du personnage. Ses valeurs puisent leur source, davantage dans le modèle américain que dans la tradition républicaine française. Sarkozy désire tellement le pouvoir qu’il est prêt à adopter la ligne qui pourra le faire élire. Cela est une évidence. La question est plutôt de savoir quel est véritablement son projet de société et où conduira t-il la France s’il était élu ?
Il me semble que son discours d'investiture de dimanche tranche définitivement la question. S’il s’est manifestement réinscrit, au moins dans le discours, dans une tradition républicaine, son projet est fondamentalement libéral, individualiste et d’essence extrêmement inégalitaire. Pour une fois, le discours est clairement en phase avec les propositions. Il est d’une grande cohérence, dans ce qu’il dit, comme dans ce qu’il ne dit pas