L’homme est inquiétant, ses valeurs suspectes, ses amitiés douteuses et ses propositions parfois détestables, mais que ses discours sont beaux !
Celui qu’il vient de faire à Charleville-Mézières dans les Ardennes, est probablement le plus fort de tous. Manifestement ils sont écrits par la même plume, certainement un républicain enflammé, souverainiste, patriote, très critique sur l’ordre économique mondial et la construction européenne (Henri Guaino ?). Honnêtement, je ne trouve rien à redire sur l’essentiel du texte. C’est admirable !
Serais-je en train de rechercher en Sarkozy un exécutoire à ma fibre républicaine, désormais orpheline après l’abandon de JPC ? Du calme, du calme … Je connais le personnage et je commence à voir clair dans sa stratégie. Je ne vais pas me rallier si facilement, juste par un beau discours simplement parce que j’y retrouve les thèmes que je défends.
J’avais déjà commenté son discours de Saint-Etienne et je ferais sur celui-ci les mêmes remarques. Le diagnostic est parfait. Il est empreint d’une grande lucidité sur le déclin du pays et ses causes profondes. La description des malheurs du pays est juste et presque exhaustive. Les propositions en revanche sont toujours les mêmes.
Ses critiques de la mondialisation, du libre-échange, de l’euro fort, de la désindustrialisation, du capitalisme dominé par la finance, de la politique communautaire de la concurrence, de la fracture générationnelle, de l’ascenseur social en panne, de la modération salariale qui comprime la demande (oui, oui, tout ça !) ne servent toujours qu’à justifier des mesures de droite très classiques.
Il n’a pas osé cette fois-ci nous resservir sa proposition d'exonération des droits de successions. Après un tel hymne à l’égalité des chances, il n’a tout de même pas osé ! Mais on retrouve toujours les mêmes propositions qui constituent la réponse classiquement libérale à la mondialisation : Baisse du coût du travail, remise en cause des 35h, assouplissement du code du travail, lutte contre l’immigration, diminution des impôts et des allocations pour ceux « qui ne se lèvent pas le matin », amélioration de la productivité dans les services publics, investissement dans la recherche et les filières d’excellence etc …
Il faut néanmoins rester honnête et se garder de tout sectarisme. Son discours comporte des éléments intéressants.
Plus encore qu’à Périgueux, il a tenu un discours sur l’Europe dans des termes que Jean Pierre Chevènement n’aurait pas renié. Fait nouveau, il a critiqué « la religion du libre échange absolu (qui) est un renoncement ». S’il refuse toujours le principe du protectionnisme, il s’en rapproche de plus en plus : « L’Europe ne doit pas accepter que son niveau de vie soit tiré vers le bas et sa cohésion sociale mise en péril par le dumping monétaire, social ou écologique. Dans une guerre économique qui ne dit pas son nom l’Europe a besoin d’une préférence communautaire qui a été le fondement de la création de l'Union européenne. »
Le discours de Sarkozy reprend également des propositions sociales qu’il avait déjà évoqué dans des précédents discours, notamment l’opposabilité des droits (logement, garde d’enfants, scolarisation des handicapés) et le cautionnement public pour ceux qui ne présentent pas assez de garanties pour le système bancaire.
Sarkozy a du prendre conscience que s’il en reste à son image de narcisse agité et à son discours de Bushiste prônant une révolution libérale et néoconservatrice, il ne dépassera pas les 15 % au premier tour et ne sera pas présent au second. Manifestement, il se cherche une nouvelle image et une nouvelle doctrine.
La manière dont il a répondu aux interviews hier était caractéristique de cette recherche d’identité. Non seulement son coté volontaire, déterminé et hyperactif a fait place à une apparente sérénité (cela on l’avait déjà vu chez Arlette Chabot) mais il a en outre poussé l’exercice jusqu’à vouloir apparaître aimant, complice et même protecteur. La stature du Père de la Nation lui étant définitivement inaccessible, il cherche à endosser le rôle du grand frère. C’était risible et pathétique. Comme si Christian Clavier se mettait à vouloir faire du Jean Réno !
Quant à sa doctrine, on ne peut pas exclure qu’elle évolue encore d’ici l’élection. Sarkozy est obsédé par l’idée de comprendre les mouvements qui traversent la société française. Manifestement, il a compris certaines choses et tente de les assimiler en toute hâte. La campagne lui permettra peut-être de muter, d’adopter enfin une dimension d’homme d’Etat, d’ancrer son discours et ses propositions dans le fond anthropologique du pays, et enfin d’entrer en résonance avec la société française.
Cela ne correspond évidemment pas à sa nature profonde et à son système de valeur, mais il a tellement envie d’être président, qu’il est prêt à toutes les transformations. Sarkozy, tout comme Ségolène Royal, avec deux stratégies différentes, se sont lancés dans une quête d’empathie avec le peuple français. Tout peut donc arriver lors de cette campagne. Les candidats que nous aurons face à nous en mai, ne ressembleront probablement plus à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Il faut l’espérer, en tout cas.
Dans la mythologie de la cinquième république, l’élection du président, est la rencontre entre un homme et un peuple. C’est peut-être bien la première fois, mais c’est ce qui est en train de se passer. Le peuple ne va peut-être pas se contenter de choisir le nouveau président. Il va peut-être aussi le faire.
Edgar Faure, quand on disait qu'il changeait d'avis selon le temps et qu'on le comparait à une girouette disait:" ce n'est pas moi qui change d'avis c'est le vent qui tourne " ( je ne garantis pas la formule exacte ) ;Eh bien Sarkozy comme beaucoup de politiques va changer de positionnement au fur à mesure des sondages et de l'image qu'il donne .Les promesses n'engagent que ceux qui les acceptent ! Chassez le naturel, il reviendra au galop si par malheur il est élu . Il montrera alors son vrai visage d'homme droite hyperlibéral , antisocial et pro-américain.Les français aspirent à un profond changement de cap , le malaise social est trop profond pour penser qu'ils se laisseront abuser une nouvelle fois .En tous les cas c'est mon voeu !
Rédigé par : René | 19 décembre 2006 à 20:16
Sarko : un discours qui fait froid dans le dos…
Quelle force, quelle grandeur ! Ce discours de Sarko serait un monument ? Vous voulez rire ! Il sent la naphtaline… Du De Gaulle ? Que nenni : du Pétain, tout simplement. Pour se faire élire président, notre petit caporal est en fait prêt à tout. Attention, avec Sarko, le danger guette. On vous aura prévenu : cet homme est fou !
Rédigé par : olivier | 19 décembre 2006 à 22:35
Je veux être clair. Je n'ai aucune sympathie pour l'homme, ni pour ce qu'il représente. Cependant, je pense qu'il n'a rien d'un idéologue. C'est un pur opportuniste. Le belfortain de coeur que je suis, n'a pas oublié qu'il a sauvé Alstom par une intervention de l'Etat dans son capital, ce qui n'avait rien de libéral.
Les idées du souverainisme européen sont dans l'air du temps. Voir que Sarko se rapproche de ces thèses m'intéresse. J'aurais préféré qu'elles soient reprises par la gauche. Malheureusement le retrait prématuré de JPC et son ralliement quelque peu aveugle à SR a abandonné ces idées à la droite. En ce qui me concerne, je préfère qu'elles soient reprises par la droite républicaine que pas du tout, ou bien par le FN.
Rédigé par : Malakine | 20 décembre 2006 à 09:25
Si vous relisez ses "grands discours", je serais étonné que vous y trouviez de la "navigation à vue" perpétuelle. Il y a au contraire de la cohérence qui n' est pas déméntie par le discours de Charleville. Les qualificatifs ci-dessus (d' ailleurs, je serais curieux d' une définition d' "hyper-libéral" appliquée à Sarkozy) relèvent plutôt de réflexes pavloviens. Quant à le comparer à Pétain ?!!! J' avais cru comprendre que "Travail, Famille, Patrie", cela avait été plus nettement dans le discours de Miss Pineau 2006.
Rédigé par : Erick | 21 décembre 2006 à 08:17