Les grands discours de Nicolas Sarkosy peuvent faire illusion sur la capacité à proposer au Pays une vision d’avenir et un chemin pour sortir la France de l’ornière, mais plus qu’aux mots et à ses intentions, c’est à ses propositions qu’on juge un candidat. Sa proposition de supprimer les droits de succession le révèle pour ce qu’il est : Le candidat des classes dominantes et du modèle américain.
Cette proposition cumule toutes les tares. C’est la plus dangereuse et stupide de toutes celles qui ont été mise en avant dans cette pré-campagne. Elle est non seulement à contre-courant des grands enjeux de demain, mais contredit même le discours qui la porte. Au final, elle est symptomatique de la pire des gouvernances.
Une contre-réforme
Que l’on soit de gauche ou de droite, les grands enjeux économique et sociaux, de ce début de 21ème siècle s’imposent à tous. Ils se nomment résorption de la dette publique, consolidation des systèmes sociaux, fracture générationnelle, vieillissement de la population, remise en marche de l’ascenseur social, et compétitivité de l’économie française dans la mondialisation. Or quelque soit la grille de lecture qu’on adopte la réforme ne fera que de renforcer les problèmes et n’en traitera aucun.
Elle privera le budget de la Nation d’environs d’une somme évaluée aujourd’hui à 7 Milliards d’Euros par an actuellement. Plus grave, elle le privera d’une assiette dynamique dont les produits devraient considérablement augmenter dans les vingt prochaine années. Le plus gros du patrimoine est détenu par des français qui ont actuellement entre 60 et 65 ans.
Elle accentuera les effets négatifs du vieillissement sur l’économie en favorisant l’accumulation de richesse par les classe d’âge les plus âgées et en retardant l’âge de la transmission du capital. L’exonération totale des droits de successions rendra sans effet les mesures d’incitation fiscales au transfert de patrimoine du temps de son vivant. Ainsi, avec l’accroissement de la durée de la vie, les successions organiseront bientôt un transfert au profit de sexagénaires, voire de septuagénaires. Les classes d’âges les moins consommatrices, et peut-être aussi les moins à même d’entretenir leur Patrimoine. Comme le souligne l’ancien ministre du Budget Alain Lambert sur son blog « L'idée que le patrimoine français soit détenu demain par une majorité de nonagénaires me panique un peu »
Elle renforcera la fracture générationnelle en accentuant privilégiant une fois de plus les anciens sur les jeunes et les actifs. Nous aurons donc d’un coté, des jeunes au pouvoir d’achat comprimés par les impôts, les charges sociales et la hausse du prix des loyers, et de l’autre des retraités détenant la quasi totalité du patrimoine, encaissant non seulement les revenus de leur capital (notamment les loyers) mais bénéficiant de surcroît de transferts liés à la retraite par répartition. La proposition est en particulier à comparer à celle, de l’économiste Godinot, reprise par DSK, de doter les jeunes d’un capital de départ prélevé sur les droits de successions
Elle ne contribuera naturellement pas à la remise en marche de l’ascenseur social dans la mesure où les inégalités salariales ne sont rien comparées aux inégalités de patrimoines. Dans le monde dessiné par Sarkosy, l’instrument privilégié de la redistribution sera donc la famille.
Enfin, elle ne favorisera pas non plus – quoiqu’il en dise – l’insertion de l’économie française dans le jeu de la mondialisation. Moins de taxes sur le capital, c’est naturellement plus de taxes sur le travail et une compétitivité moindre.
Une proposition incohérente avec le discours qui la porte
Sarkosy présente cette proposition dans son discours de Saint-Etienne en ces mots
« Je propose d'exonérer les patrimoines petits et moyens de tout droit de succession. Pour que le fruit du travail de toute une vie cesse d'être confisqué après avoir été taxé à plusieurs reprises. Parce que je crois à la famille et au droit de transmettre le patrimoine d'une vie de labeur à ses enfants et à ses petits-enfants. … ».
Cette allégation, comme j’ai déjà eu l’occasion de l'écrire est fausse sur deux points. La transmission ne se fait pas au profits « d’enfants » mais de jeunes retraités, ceux qui se trouvent déjà être les principaux détenteurs du patrimoine. De plus il ne s’agit pas pour l’essentiel du fruit du travail mais de l’épargne, qui sauf assujettissement à l’ISF n’a jamais été taxé. Le patrimoine des français est passé en dix ans de 3 400 à 8 000 Milliards. Cette augmentation, hors de proportion avec l’augmentation du pouvoir d’achat qui est intervenu sur la période, est bien le fruit d’une valorisation du capital, plus que d’une simple épargne des revenus du travail.
J’aimerais en outre critiquer cette proposition sur ses effets attendus mais Sarkosy, prudent, ne se place pas sur le terrain de l’efficacité mais sur celui de la morale. Or cette proposition dans la France de 2006 est profondément immorale. Non seulement parce qu’elle organiserait un transfert de richesse au profit de la classe d’âge qui est déjà la plus privilégiée, parce qu’elle est profondément inégalitaire et qu’elle inscrit dans une logique de « famille souche » étranger au modèle français, mais surtout parce qu’elle tend à substituer la rente au travail comme vecteur d’enrichissement, travail que Sarkosy veut pourtant réhabiliter.
Cette proposition est symptomatique de la mal-gouvernance.
Si le système politique s’est à ce point coupé des réalités et des préoccupations réelles des français. Si la France s’enfonce le marasme et est incapable de s’attaquer aux problèmes de fonds en engageant les réformes de structures dont elle a besoin. Si les gouvernants s’acharnent à plomber l’avenir par des déficits cumulés dont le niveau actuel prive déjà l’Etat de toute capacité d’investissement sur l’avenir. Si l’Etat est incapable de la moindre vision stratégique et prospective. C’est essentiellement en raison d’un système de gouvernance périmé et contre-productif qui produit des mesures qui ne recherchent pas l’intérêt général, mais à entrer en synergie avec l’opinion publique ou à plaire à ses propres clientèles, quand elles ne sont pas que le prétexte à postures et positionnements tactiques ou idéologique dans le jeu politicien.
Construire une politique d’intérêt général exige de changer radicalement de méthode. Il faut faire l’effort d’asseoir les réformes sur un diagnostic mettant en évidence les enjeux et les problèmes, et les inscrire dans de vraies politiques publiques affichant des effets attendus et des indicateurs de résultat afin de permettre leur évaluation et leur adaptation. Dans cette perspective, toute proposition qui ne dit, ni ses fondements, ni son but, doit être intellectuellement rejetée pour vice de méthode et conduire à disqualifier son auteur.
Sarkosy a le droit d’être de droite est considérer que, dans le monde moderne, c’est le capital et non pas le travail qui créé de la richesse, mais dans ce cas, qu’il pose la question de savoir comment attirer, retenir et faire prospérer des grandes fortunes sur le sol national. Cette approche le conduirait certainement sur d’autres terrains que l’impôts sur les successions, probablement l’ISF ou les différentes causes de l’exode fiscal. Qu’il construise aussi une vraie politique publique autour de son choix stratégique de privilégier le capital, comme l’a fait son maître George Bush, mais qu’il ne se limite pas à une mesure-slogan irréfléchie pour faire un effet de tribune !
Retour sur ma proposition de s’appuyer sur les successions pour financer les dépenses de vieilissement.
L’analyse que j’ai récemment développée dans mon article sur le sujet conduit à la proposition strictement inverse à celle de Sarkosy. Je pense en effet qu’il faut au contraire augmenter massivement les droits de successions pour pouvoir faire face aux défis du vieillissement sans avoir à étrangler la population active.
Je n’ai encore trouvé aucun allié dans cette proposition. Je l’ai formulé sur le Blog de Koz suite dans son article sur le Papy Krach, mais mon idée n’y a pas rencontré beaucoup d’échos (pour l’instant). En revanche, la lecture des commentaires est toutefois édifiante sur la fracture générationnelle et le ressentiment qui monte contre la génération du baby boom. Finalement, je crois que c’est cette génération qui devrait proposer de mutualiser le fruit de leur successions à percevoir pour garantir leurs retraites parce qu’au train où ça va, dans 10 ans le discours dominant de la génération au pouvoir ça sera « Désolé, on ne peut pas payer. Vous n’avez qu’à mettre vos maisons en viager ».
En revanche j’ai trouvé sur le blog d'éconoclaste, dans un article où il critique le programme économique UMP un nouvel argument de poids. En proportion du PIB, le produit actuel des droits de succession est inférieur de deux fois et demi ce qu’il était en 1900, alors même que l’importance relative du patrimoine des ménages PIB est comparable (4 à 5 année de PIB). De plus, depuis 1900 le poids des prélèvements a triplé passant de 15 à 45 % du PIB. Aussi, retrouver l’importance de l’impôt sur les successions dans les ressources de la collectivité au niveau de ce qu’il avait au début du 20ème siècle conduirait à augmenter son produit par un facteur de 7,5 !
En tout état de cause, la suppression des droits de succession serait une erreur historique, l’équivalente de la retraite à 60 ans dans les années 80, de la réduction du temps de travail sans augmentation concomitante de la durée de cotisation sous Jospin, ou d’une qui consisterait aujourd’hui à réduire la TIPP pour compenser l’augmentation du prix de l’énergie.
Son voyage chez Bush l’avait déjà, à mes yeux, disqualifié. Cette proposition doit le priver définitivement de tout statut d’homme d’Etat responsable pour le ranger dans la catégorie des dangereux démagogues.
Bah, vous savez, le PS tout comme l'UMP envisagent de plus en plus d’accroître les impôts des expatriés, ou d'en créer de nouveaux, ça devient n'importe quoi :
http://www.dailymotion.com/video/x2zqxs_les-inconnus-taxes_fun
http://www.atlantico.fr/decryptage/isf-expatries-taxe-reforme-fiscalite-patrimoine-reformes-fiscalite-96221.html
http://www.jerome-cahuzac.com/index.php?post/2010/10/08/Demander-aux-expatri%C3%A9s-de-participer-%C3%A0-l%E2%80%99assainissement-des-finances-%3A
Rédigé par : olaf | 15 mai 2011 à 13:02
Un extrait de Cahuzac :
"Il est bien sûr exclu de mettre en cause le principe de non double imposition. Tel pourrait être le cas en décidant que les impôts acquittés par un compatriote résident fiscal à l’étranger majorés d’une contribution civique perçue en France ne devront pas excéder ce qui aurait été acquitté, toutes choses égales par ailleurs, au titre de l’IR et de la CSG-CRDS par ce compatriote s’il travaillait en France"
Un concepteur d'usines à gaz à rendement maximum de zéro.
Rédigé par : olaf | 15 mai 2011 à 13:19