Le parti socialiste commence à se rendre compte que de conduire une campagne avec une candidate qui fait dans le télévangélisme risque de virer au chemin de croix.
Dimanche soir au grand Jury, Dominique Strauss Kahn, interrogé sur les questions fiscales, après s’être clairement opposé aux propositions de François Hollande d’instaurer une CSG retraite, bottait finalement en touche en enjoignant aux journalistes d’interroger directement la candidate. Hier, lors de ses vœux, François Hollande devait manger son chapeau pour avouer que ses propositions fiscales avaient été formulées à titre personnel et conclure comme il pouvait : « Ségolène arbitrera »
Cette épisode de la campagne est probablement plus important qu’il n’y paraît. Il nous renseigne sur la façon dont la France sera gouvernée si par aventure – car il s’agirait d’une aventure – Ségolène Royal était élue à la présidence de la république. Elle semble annoncer aussi un début de crise au PS qui pourrait bien le faire voler en éclats avant la fin des législatives.
L’absence de fond et l’incapacité de la candidate à déduire des propositions précises de ses discours creux n’est pas en soi une chose ni surprenante, ni nouvelle. Que cela perturbe le PS qui va de plus en plus se trouver démuni pour contrer Sarkozy ou simplement faire campagne, non plus. Tous les observateurs avisés savaient qu’un sondage de popularité ne fait pas une élection. Les limites de la reine des sondages étaient patentes et connues depuis l'origine.
On aurait pu néanmoins appréhender cette candidature comme une figure d’incarnation à offrir au peuple français pour qu’il puisse s’aimer et se reconnaître en elle. Elle aurait assumé un rôle monarchique qu'elle aurait probablement très bien joué. C'eût été le mieux que pouvait espérer le PS. Créer une icône pour combler ses failles idéologiques puis se contenter de jouer le je de l’alternance pour reconquérir le pouvoir à moindre frais. Au pouvoir, la nouvelle présidente se serait contentée d’un rôle de première dame. Elle aurait offert son amour aux Français et les aurait hypnotiser par son étincelante beauté que le pouvoir aurait encore magnifié. Elle aurait inauguré des hôpitaux et des crèches, fait des déplacements en province pour témoigner de la solidarité du peuple français auprès des victimes de toutes sortes de catastrophes. Elle aurait remis des décorations au nom de la France. Mais, concrètement, elle aurait laissé à un premier ministre issu du parti, la réalité du pouvoir.
Seulement, Ségolène ne semble pas l’entendre ainsi. Elle a été formée à l’Elysée, sous et par Mitterrand. On l’a dit extrêmement autoritaire et, manifestement, elle entend être une présidente de plein exercice. De toute manière, les institutions de la cinquième république ne permettent guère ce genre d’artifice surtout face à un Sarkozy, qui lui, a fait l’impasse sur la fonction d’incarnation pour endosser le rôle de l’homme providentiel avec qui « tout devient possible »
Ségolène veut rester maître de son image et de ses propositions. Une fois au pouvoir, elle devra composer avec une majorité parlementaire, un Premier ministre, un gouvernement et un ministre des finances. Dans la campagne ces acteurs se nomment parti socialiste, premier secrétaire du parti, équipe de campagne et Dominique Strauss Kahn qu’elle a explicitement missionné sur le sujet. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un système de gouvernance qui associe diverses légitimités, et qu’il faut savoir mobiliser, surtout quand on a fait de la démocratie participative, l’alpha et l’omega de sa philosophie politique.
La question posée est très politique. Où va-t-on rechercher les ressources supplémentaires pour financer les priorités affichées par le programme ? Elle est aussi très technique. A partir de quel niveau de revenu doit-on augmenter les impôts des plus riches ? Elle a aussi un impact électoral majeur. A quelle fraction de la société française déclare t-on ouvertement la guerre ?
Toutes les composantes sont donc légitimes à exprimer leur point de vue sur la question. Pourtant tous s’en remettent à l’arbitrage de la candidate. La décision qui vient du haut, elle s’imposera telle une révélation. Sans discussion. Le pouvoir dans toute sa verticalité. Tous des exécutants. Une seule décisionnaire.
Ce week-end vient de nous donner un petit aperçu de la manière dont la France sera gouvernée. Ou non gouvernée, car à mon avis, on peut attendre l’arbitrage longtemps. Si la dame en blanc prend la parole, ce sera très certainement pour prôner un « ordre fiscal juste » sans plus de détails.
D’ailleurs, ceux qui ont renvoyé à l’arbitrage de la candidate ne se faisaient aucune illusion quant à sa capacité à décider, les uns avec un beaucoup de dépit et de tristesse, l’autre avec un léger sourire en coin.
Cette affaire démontre également qu’un profond malaise est en train de s’installer à gauche.
Qu’au sein d’un parti, il y ait des voix différentes qui s’expriment sur un même sujet, c’est tout à fait normal, et même sain. Ce qu’il ne l’est pas, c’est qu’il n’y ait aucune procédure d’arbitrage d’instauré en interne. Ce qui est terrifiant pour le PS, c’est qu’aucun des lieutenants ne dispose du moindre élément de langage pour faire campagne. Le premier qui s’exprime pour dire des choses précises – et pourtant pas n’importe qui – est immédiatement désavoué, puis sommé de dire publiquement qu’il s’est exprimé en son nom personnel !
Ce « Ségolène arbitrera » de François Hollande comme de François Rebsamen sonne comme une prise de distance, un aveu d’émancipation, certainement aussi comme une première humiliation qui en annonce une longue série.
Je sens que le parti Socialiste commence à paniquer d’avoir désigné une candidate aux idées floues sur l’essentiel et qui n’en a d'arrêtées que sur des valeurs de droite. Une candidate qui ne peut pas s’exprimer sans faire de bourde. Une candidate qui s’est déjà totalement émancipée du parti au point de devenir incontrôlable, et qui probablement veut sa mort dès le lendemain de l’élection pour mieux asseoir son contrôle sur sa future majorité et donc son pouvoir personnel.
Ils ont peur. Ils ont raison.
Sarkozy, à droite, à bétonné son positionnement en tenant un discours qui satisfait pleinement ses troupes et réussit même à faire la synthèse entre les différentes sensibilités de son camp. Même ses opposants les plus irréductibles se retrouvent sans espace. Il a déjà réussi sa campagne de premier tour.
Royal c’est l’inverse. Malgré la primaire et l’absence de concurrent sérieux à gauche depuis le renoncement de Jean Pierre Chevènement, elle n’a toujours rien dit qui puisse entraîner l’adhésion de son camp, même pas de son parti. Elle est déjà dans une logique de second tour, voir déjà dans un exercice charismatique du pouvoir.
Les siens ne l’ont jamais soutenu que parce qu’elle présentait les meilleures chances de l’emporter. Que les sondages faiblissent ou que sa volonté de pouvoir s’exprimer trop brutalement contre l’appareil, et il risque de ne plus la suivre. L’éclatement du PS, que Ségolène Royal, a programmé pour après les présidentielles, viendra peut-être plus vite que prévu.
Bonjour,
Excellente analyse.
Il est évident que si la candidate socialiste continue sur ce registre jusqu'au bout de la campagne, elle se fera certainement balayer par Sarkozy, qui, bien que non exempt de tenir un double discours Gaulliste social/libéral atlantiste, prend au moins certaines positions...
Franchement, côté "image" SR est beaucoup mieux placée que NS... elle doit absolument annoncer et défendre un projet pour la France et pas seulement un catalogue de mesures : mais cela implique quelle sorte du flou et donc se lance dans un combat politique : en a t-elle les capacités ? nous ommes nombreux a en douter...
Le pire serait effectivement, qu'elle remporte la présidentielle sur cete ligne "télé-évangeliste" : on peut alors parier rapidement sur l'échec de la gauche... préparant ainsi le terrain à Nicolas Sarkozy...
Je ne suis pas rassuré.
Salutations
Franc-tireur
Rédigé par : le franc-tireur | 17 janvier 2007 à 10:29
Bel exercice !
Néanmoins, je suis en désaccord.
A mon avis, Ségolène a pu se hisser a la candidature du PS et demain probablement au second tour par un positionnement suivant le diagnostic suivant :
- les français veulent changer les têtes de leur politique,
- les français en on marre d'un président omnipotent / tout puissant et irresponsable / en lévitation,
- un certain "flou" idéologique n'est pas rédhibitoire pour gagner (cf. Chirac de 1995)
- l'utilisation habile du potentiel de répulsion des médias et des élites (vu pour le TCE en 2005, se faire quasi-insulter par Alain Duhamel tout les matins sur RTL vaut son pesant de voix !)
Ce positionnement sera-t-il le bon jusqu'au bout ? Réponse en mai.
Rédigé par : xsteph | 17 janvier 2007 à 14:05
Très bonne analyse de Malakine, Je suis d’accord avec le franc tireur pour son inquiétude de la ligne « télé-évangéliste » de la dame en blanc ou en bleu marial, mais ne soyons pessimiste, si on écoute le staff de Ségolène, elle joue pour l’instant la carte de la démocratie participative en organisant ou en faisant organiser des débats, des cafés- Ségolène .Elle a promis dès le 11 février d’annoncer son programme et de répondre avec précision aux différentes préoccupations des français. A cette date elle aura pu prendre en compte tous les enseignements de ces réunions et des questions, remarques émanant de son site internet. Osons encore y croire !
Rédigé par : castor | 17 janvier 2007 à 19:27
Bof....
En réalité nous sommes ds le flou le plus complet, avec la sainte icone virginale sondagière.
Celle ci a une force, c' est d'avoir jusqu'à présent dit à chacun ce qu'il voulait entendre, blanc avec les radicaux, noir avec les chevènementistes; mais la campagne ne fait que commencer et ces contradictions risquent de se multiplier et se télescoper à l'infini.
Je pense que le pire est à venir si très rapidement Ségolène ne reprend pas la main.
Les deux candidats se font une guerre d'image et en aucun cas une guerre politique.
L'un comme l'autre peuvent nous dirent tout et son contraire. Royal l'a fait, Sarkosy est en train de la faire.
Pour lui aussi les ficelles sont grosses.
Qui peut croire qu'après avoir été se répandre en excuses devant Bush et les néoconservateurs états uniens, le gnome hyper actif serait devenu le gardien du temple gaulliste, indépendant des USA et garant des principes constitutifs de notre république qu'il n'a pas manqué de remettre en cause auparavant (la laicité, la séparation des pouvoirs,....) et qui nous promettait il y a peu atlantisme, communautarisme, ultra libéralisme et j'en passe.
Ségo c'est le flou, certes.
Mais Sarko, et pour une fois je ne partage pas l'avis de Malakine, ce n'est pas tout est possible mais bien le pire est certain.
Il ne fait aucun doute que son revirrement récent n'est que de pure posture tacticienne, et que une fois élu, le vrai visage de Sarkosy réapparaitra... pour la France il sera malheuresement trop tard.
Ségolène conserve pourtant un atout.
Le fait est que de nombreux électeurs la perçoivent encore comme le seul rempart à la rupture aventureuse qu'incarne Sarkosy.
De nombreux français, et ils le regrettent, s'apprètent à voter pour elle, non pas pour elle, mais contre Sarkosy.
Cette situation est cependant très fragile. Beaucoup de ces électeurs potentiels se sont résignés à voter "contre" au 1er tour alors que celui ci est normalement le moment de l'expression politique intime de chacun.
Le PS récupére là, la culpabilisation sans cesse répétée du 21 avril 2002. L'élimination ou le retrait de candidats potentiels porteurs de messages forts et mobilisateur (Chevènement, Taubira...) sera peut être bcp moins utile à la candidate du PS qu'on ne l'a cru.
Si Ségolène ne reprend pas la main très vite, elle s'éfondrera aussi vite qu'elle est montée.
Sa déclaration du jour sur un nouveau référendum pour un nouveau TCE en 2009, (Quel contenu? Encore du vent!!!!) laisse mal présager de la suite des événements.
Le PS fait l'impasse du 1er tour, c'est une terrible erreur stratégique, si Ségolène a été nouri au sein nouricier politique de Mitterrand, elle doit savoir qu'il lui faut rassembler son camp au premier tour.
Si elle échoue elle risque d'être "out" dés le 22 avril et ouvrir le bld "royal" pour Sarko.
Au moins cette fois le PS ne pourra pas se trouver un bouc émissaire providententiel et nous refaire le coup de :"c'est la faute à Chevènement".
Le PS, son appareil, ses militants et sa candidate auront creuser leur tombe tous seuls!
J'espère me tromper.
Ségolène doit reprendre la main et très vite.
PS: C'est vraiment une campagne pourrie.
Rédigé par : chavinier | 17 janvier 2007 à 21:25
Il est évident que Sarkozy prépare une purge néolibérale et à tailler dans l'Etat providence. IL ne faut effectivement pas se laisser abuser par ses discours sociaux. La seule inconnue me paraît résider dans l'intensité de son attachement aux thèses protectionnistes. Paradoxalement, son programme de rupture libéral exige de s'inscrire dans de nouvelles protections économiques sinon c'est l'explosion sociale et il le sait.
Quand à Royal ... mais franchement, que voulez vous qu'elle dise ? Le parti socialiste est en faillite idéologique depuis des années. Ce n'est pas un hasard s'il a désigné un icône au sourire ensorcelleur ... Comment parler de redistribution quand on ose pas parler de hausses d'impôts et quand l'Etat providence est en faillite ? J'en parlerais bientôt dans un article qui devrait etre intitulé, qu'est ce qu'être de gauche aujourd'hui ?
Rédigé par : Malakine | 19 janvier 2007 à 07:15