La proposition de François Hollande de renforcer l’imposition de ceux qui gagnent plus de 4 000 Euros par mois a été accompagnée par un étonnant débat sur le point de savoir à partir de quel niveau de revenu on peut être considéré comme riche dans la société française.
La simplicité de la question traduit une intéressante difficulté de la France à se faire une représentation d’elle-même. La notion de classe sociale a disparu de notre vocabulaire depuis qu’elles ne sont plus sensées être en lutte les unes contre les autres. Personne ne sait aujourd’hui exactement ce que recouvrent des notions, qu’on utilise pourtant à longueur de temps, telles que les classes populaires, les classes moyennes ou les riches.
La question est cependant mal posée. Elle n’est pas tant de savoir à partir de quel niveau de revenus on doit être considéré comme riche, mais de savoir quelle est la véritable source de creusement des inégalités et quelles sont les richesses que l’on pourrait mieux taxer sans pour autant pénaliser le dynamisme de l’économie.
Il est vrai que la nouvelle donne économique nous donne envie d’y voir plus clair. On sent que les inégalités se creusent, que le pouvoir d’achat des classes moyennes se comprime et que la pauvreté progresse. On sent aussi qu’à l’autre bout de l’échelle sociale, il y a des gagnants du système.
Pourtant, les statistiques disent le contraire. Selon l’INSEE, les inégalités restent stables, le pouvoir d’achat augmente et la pauvreté régresse. L’INSEE décrit même une société relativement égalitaire où l’on appartient aux 10 % les plus riches lorsqu’on touche plus de 2383 € par mois après impôts et prestations sociales.
Ce dernier chiffre m’a toujours troublé. Il suffit de regarder les voitures qui circulent dans les villes et sur les autoroutes pour se rendre compte qu’il y a bien plus de riches en France que ce que nous disent les statistiques de l’INSEE.
Le dernier numéro Alternatives économiques nous confirme ce sentiment et nous dit pourquoi.
- Les revenus du patrimoine sont extrêmement mal appréhendés par l’INSEE et fortement sous évalués. Dans une récente étude de décembre, l’institut avait tenté de d’ajouter des revenus du patrimoines aux revenus déclarés et, surprise, les revenus des plus de 75 ans apparaissaient alors supérieur de 8% à ceux des moins de 55 ans.
- Les données fiscales à partir desquelles travaille l’INSEE sous estiment considérablement les revenus des travailleurs indépendants, non pas parce que ces professions sont présumées frauder massivement le fisc, mais parce qu’elles peuvent déduire une partie de leur revenu de leur déclaration.
- L’Insee est aujourd’hui incapable d’apprécier le paramètre logement et de faire la différence entre les propriétaires et les locataires. Elle passe ainsi à coté de l’un des principaux facteurs de la montée des inégalités et de la fracture générationnelle.
- Mais surtout. Les plus values réalisées sur les ventes immobilières ou d’actions ne sont pas considérées comme des revenus mais comme un accroissement du patrimoine. Selon INSEE, le patrimoine des français a doublé en 10 ans, soit une augmentation de 4 600 Milliards d’euros. Naturellement, toute cette richesse ne s’est pas traduite en revenus. Il est toutefois évident que la hausse constante du CAC 40 et de l’immobilier a nourrit la fortune de beaucoup.
Selon mon mensuel préféré, les plus values sur les transactions seraient la cause principale de la montée des inégalités.
Aussi, c’est peut-être du coté des revenus du capital qu’il faudrait commencer par rechercher les nouvelles ressources fiscales dont l’Etat a besoin. Puisque tout le monde s’accorde pour vouloir revaloriser la « valeur travail », cette orientation devrait faire consensus. Et, il semble bien qu’il y ait en ce domaine quelques marges de manoeuvre. La taxation actuelle des plus values est de 27 % au-delà de 15 000 €, soit un taux inférieur au deux tranches supérieures de l’impôt sur le revenu (30 et 40 %). Pourquoi alors ne pas commencer par augmenter le taux et appliquer à ces revenus le principe de progressivité ?
Une autre solution, encore plus simple, consisterait à intégrer dans le revenu imposable l’ensemble des ressources d’un ménage, quelle que soit leur origine : revenus du travail, revenus du capital, plus values et successions.
Par ailleurs, il est impossible en matière fiscale de se focaliser sur le taux et oublier la question des assiettes qui sont tellement mitées par diverses exonérations et niches fiscales que le système permet aux plus riches d’échapper concrètement à l’impôt.
Oui les inégalités se creusent. Oui, il y a des riches dans notre pays. Oui, il faut les faire plus contribuer aux dépenses publiques. Mais il faut le faire intelligemment en s’attaquant aux assiettes les plus dynamiques et aux vraies injustices.
La première des réformes fiscales serait de refonder l’impôt sur le revenu pour un faire un impôt moderne, global et réellement progressif. Les propositions de l’économiste Thomas Piketty pourraient utilement inspirer le PS.
On disait autrefois que Le Pen apportait de mauvaises réponses à de bonnes questions. La dévalorisation du travail vis à vis du capital et de l’assistanat, la fiscalité, la dette publique sont de vraies questions que les politiques ont raison de poser. Cependant, entre l’UMP qui veut exonérer les successions et le PS qui veut remonter les taux d’imposition sur les revenus des cadres, c’est l’ensemble de notre classe politique qui est aujourd’hui concernée par cette critique.
La vraie question pour aborder selon moi la problématique de la fiscalité est de mettre en perspective l'évolution globale du PIB et la répartition de celui ci entre les revenus du travail et du capital.
Je ne sais si les chiffres que j'ai lu sont justes.
Nous avons une hausse moyenne du PIB (croissance) sur les 30 dernières années qui doit en moyenne tourner aux alentours de +2% par an. C'en est terminé des 30 glorieuses ( la croissance moyenne tournait aux alentours de +5% par an), place aux 30 piteuses où la stagflation et une croissance molle et incertaine se sont succédées.
Au delas de la croissance ce qui compte c'est la part de celle ci allouer aux revenus du capital et à ceux du travail.
C'est cela qui doit conditionner la politique fiscale.
Les chiffres que j'ai lus sont si ahurissants que je me demande si ils sont justes, si des internautes peuvent confirmer ou infirmer j'en serais très heureux.
A la fin des 30 glorieuses, environ 60% du PIB aux salaires, 40% aux revenus du capital.
2005, 40% du PIB aux salaires, 60% aux revenus du capital!!!!!
Pourquoi une telle évolution?
On me répondra que la situation n'est pas si grave et que 40% d'un gateau qui a grandi c'est mieux que 60% d'un gateau qui serait rester le même.
De fait le niveau de vie des salariés à en moyenne progressé c'est vrai.
Mais la vrai question est le caractère injuste de la répartition.
Si les revenus du capital se satisfesaient des 40% avec une croissance proche des 5% l'an, l'appétit insatiable, plus on en a plus on en veut, des détenteurs du capital a fait que l'on en est arrivé là!
La crise ils l'ont fait reposer sur le dos des salariés.
Aujourd'hui pour maintenir les gains de capital il y a nescécité de casser les protections sociales, c'est le cadre que préparait le TCE.
Concernant les niches fiscales la liste des abus est t'elle qu'elle m'inciterait presque à hurler avec l'extrème gauche.
Installer un jakusi ou un sauna est considéré comme une ammélioration de l'habitat et donne droit à des crédits d'impots!
On aura tout vu, non?
Mon grd père avait un vieux dicton, "l'argent c'est comme l'engrais, c'est fait pour être répandu. Mais si tu veux que sa pousse fait attention où tu le répends".
Vieille sagesse paysane, mon grd père n'a sans doute jamais possédé plus de 100 francs ds ses poches, mais à la maison on a tjs tous bien mangé.
L'Etat devra rapidement revoir sa répartition de l'engrais si l'on veut que demain, chaque français mange à sa faim.
Rédigé par : chavinier | 18 janvier 2007 à 20:45
En réalité l'accroissement des inégalités est un problème qui touche tout les pays du monde. C'est le fruit du libre-échange qui dévalorise le revenu du travail et augmente celui du capital. J'ai lu un texte interressant sur ce sujet écrit par un spécialiste de la finance. Il dit ,pour résumer ,que nous avons affaire à une nouvelle forme d'inflation qui contrairement à l'ancienne (celle du système Keneysien)favorise les revenues du capital. La stagnation des salaires dans les pays développé oblige ces derniers à accroitre leurs endettements public et privé sous toutes ses formes. Celà revient a pratiquer la politique de la planche à billet, les obligations d'état, le dollars (devenu quasiment de la fausse monnaie), les divers titre de dette, représentent aujourd'hui des sommes trés largement supérieur au PIB mondiale, la croissance mondiale actuelle est le fruit de la relance monnétaire de Bush en 2002. Autrefois les relance augmenter le revenu du travail en réduisant le chomage ,en relançant la croissance et en augmentant l'inflation des marchandises, mais le libre-échange à changé la donne. Aujourd'hui les relances Keneysiennes pratiqué par l'amérique provoque le creusement de son déficit extérieur et la croissance en Asie, ceux qui bénéficie de cette croissance en amérique sont les financiers et les grand possesseur de capital. C'est la meme chose en france, la mondialisation enrichie ceux qui possède des actions , des obligation etc.. Mais le problème c'est que la production mondiale stagne en effet les nouveaux pays industrialisés exportent l'essentiel de leur production vers les pays anciennement développés, ceci subissent un sous emplois chronique et ne fournissent que des services pour leur salariés. Donc la richesse PHYSIQUE du monde stagne ,mais certain s'enrichissent il y a donc transfert de revenu du bas de la pyramide vers le haut.
Pour plus de clarté aller sur ce site d'analyse financière iconoclaste . L'un des créateurs de ce site est William Bonner celui qui à écrit "L'empire des dettes" et "L'inéluctable faillite de l'économie américaine".
http://la-chronique-agora.fr/lca.php?id=1012
Rédigé par : Yann | 19 janvier 2007 à 00:14
Cher Chavinier,
Tu oublies un détail : en 30 ans, le capital est devenu beaucoup pls mobile que le facteur travail. D'où une "prime" au capital et des impôts moins armés pour "capturer" cette prime !
Mon cher Malakine, tu m'as donné envie d'être un peu moins destructif. Je t'annonce donc que j'ai inauguré ce soir "Désirs de Rupture", une rubrique "Idées"...
Rédigé par : Toreador | 19 janvier 2007 à 00:17
@chavinier:
Ce dont tu parles c'est la répartition entre capital et travail dans la valeur ajoutée produite. A ma connaissance les chiffres ne sont pas si déséquilibrés. A la fin des années 70 le travail représentait 70% de la VA. Aujourd'hui 60. Il s'agit d'arbitrages qui se passent pour l'essentiel dans les entreprises. Admettons que les entreprises favorisent les actionnaires plus que leurs salariés, est ce une raison pour que l'Etat adopte la même attitude dans sa politique fiscale en taxant moins les revenus du capital que les revenus du travail ! Son rôle devrait être de corriger ce desequilibre, pas de l'amplifier.
@ Yann
Ce que tu dit est juste. la mondialisation explique effectivement une grande partie le déséquilibre dans la repartition de la valeur ajoutée entre capital et travail. Mais dans ce phénomène global de triomphe du capital, il y a aussi l'immobilier - qui n'est pas que je sache influencé par le libre échange. Là, on est dans un champ strictement national. Aucun argument lié à la mobilité du capital, ne peut s'opposer à une plus grande taxation des plus values immobilières.
@ toreador.
L'argument est juste - on l'a malheureusement vu avec l'affaire halliday - mais on ne peut pas non plus en faire une règle d'or. On sait très bien que plus on a d'agent plus on a de motifs d'échapper à l'impôts (d'ailleurs il me semble que tu pratiques aussi l'"optimisation fiscale" à ce que tu dis sur ton site). Comme je le disais à l'instant, renforcer la taxation des plus values immobilières, ça ne ferait pas fuir les maisons !
Sinon, pour les idées, je veux dire les propositions alternatives, ça sera pour après la présidentielle. Pour l'instant je me contente de déplorer l'absence de vraie proposition de réforme fiscale.
Rédigé par : Malakine | 19 janvier 2007 à 07:04
A Malakine.
Mon expression doit être confuse ou alors trop ironique.
Jamais je n'ai voulu cautioner de quelques façons que ce soit la dérive actuelle de la répartition travail capital bien au contraire.
C'est bien sûr à l'Etat qu'il appartient celon moi de mettre en oeuvre une politique fiscale qui rétablira un plus juste partage de la richesse produite.
La question est de savoir si un candidat souhaite le faire et surtout est prêt à s'en donner les moyens?
Sarko, la messe est dite!
Ségo, je suis comme vous tous, j'attend.
Rédigé par : chavinier | 19 janvier 2007 à 09:38
Vous avez écrit: "un étonnant débat sur le point de savoir à partir de quel niveau de revenu on peut être considéré comme riche dans la société française."
Ne pourrait-on pas aller plus loin dans le débat pour se demander si, dans ce pays, on peut accorder le droit à quiconque de devenir, d'être et de rester "riche"? J'ai été frappé par la manière dont Ségolène Royal a présenté son patrimoine. Après avoir listé ses biens immobiliers et reconnu son assujettissement à l'ISF, elle a cru bon de devoir parler de ce qu'elle n'avait pas: pas d'actions, pas d'obligations, pas d'objets d'art. Comme si elle devait jatténuer la qualité de son patrimoine et prévenir un jugement critique sur son niveau de vie.
Lorsque l'on parle de fiscalité, il faut prendre garde à ne pas focaliser les carences de notre système sur les inégalités. Ca conduit à un nivellement par le bas qui pénalise tout le monde. L'optimisation fiscale ça compte également surtout dans le contexte concurrentiel au niveau européen et mondial. Plus qu'on ne veut le reconnaître à cause de notre égalitarisme forcené et maladif, les pauvres ont besoin des riches. Johnny revient...
Rédigé par : gtab | 19 janvier 2007 à 10:42
Petite précision sur le partage primaire de la Valeur ajoutée (i.e. le partage du PIB avant impôts et investissements).
Il fut favorable aux salaires uniquement à partir des annés soixante-dix et au tout début des années quatrevingt où la part des salaires dans la VA a atteint environ 72 % (pour les sociétés non financières). En 2003, ce chiffre est de 65 % (donc 35% pour le profit brut des entreprises).
En revanche, Pour les sociétés industrielles du CAC 40, ce chiffre a glissé de 59 % en 2001 à 52 % en 2004 ...
Au delà du partage salaires/profits, il y aune profonde inégalité entre les entreprises : les PME nationales sont souvent mmoins profitables que les grands groupes multinationaux... et ces inégalités se reproduisent au niveau du salariat : il y a un fossé entre un employé de chez TOTAL (qui touche pas loin de 5 000 € /an de prime d'épargne salariale) et celui d'une PME du limousin...
Rédigé par : franc-tireur | 19 janvier 2007 à 10:58
@gtab
En effet, une économie a besoin de riches pour tirer la consommation. C'est la stratégie de Sarkozy telle que je l'analyse sans mon article sur son discours d'investiture.
En même temps, les finances publiques ont besoin d'être alimentée par ceux qui en ont les moyens. Pour cela, il me semble plus pertinent de taxer les facteurs qui sont à l'origine de la création de richesse, notamment les revenus du capital et les plus values, que de s'en prendre aux revenus élevés du travail. L'objet de mon article était justement de dire que le PS avait une très mauvaise approche en stigmatisant les riches.
@ franc tireur
Ton commentaire ouvre sur une autre question, l'inégalité des salariés selon la taille de leur entreprises. C'est à dire la structure de l'appareil industriel qui de plus en plus, tend à éclater les grandes entreprises en de multiples petites entités. Puisque les salariés ont plus d'avantages dans les grands groupes, est ce qu'il y a selon toi des mesures à prendre pour favoriser le maintien ou la reconstitution de grands groupes intégrés, ou bien est-ce un combat d'arrière garde ?
Rédigé par : Malakine | 19 janvier 2007 à 12:00
En réponse à Malakine :
L'inégalité entre les entreprises pose des problèmes...
Il n'y a pas de solution purement redistributive, même si la variation des cotisations sociales en fonction de la Valeur ajoutée et la part de l'emploi peut être une solution (avec qq effets négatifs, comme la remise en cause de la logique nationale de la cotisation ).
On peut aussi s'orrienter vers un renforcement de la politique de concurrence (la régulation) pour protéger les petites entreprises de la dépendance économique vis à vis des grands groupes. Ainsi, on pourrait légiférer pour réduire les délais de paiement, afin d'améliorer la santé financière des PME industrielles.
Mais je crois surtout qu'il faut retrouver une véritable politique industrielle qui incite les entreprises à retrouver une logique de branche et non pas la seule logique de la concurrence. Pour cela, je crois que l'Etat doit intervenir directement : en re-rentrant au capital, ou en participant au financement de certaines entreprises stratégiques ; Mais aussi en développant une politique de recherche ambitieuse, associant tout le tissu économique d'une filière... mais pour cela, comme tu le soulignes régulièrement, il faut réintroduire des protections éconmiques au niveau de la zone euro et de l'UE... en attendant une réforme des objectifs de l'OMC (on peut rêver !).
En d'autres termes le seul volant de la fiscalité/redistribution est à mon sens impuissant à réduire les inégalités. Cela relève d'une politique globale, qui soit au service du dynamisme économique et de l'emploi, ce qui implique d'utiliser tous les leviers de politique économique pour atteindre ces objectifs (politique monétaire, fiscale, budgétaire, industrielle, de recherche, de formation...).
Mais dans le cadre des statuts actuels de la BCE, du pacte de stabilité , et de la politique libre-échangiste de l'UE , c'est impossible...
dans ces conditions le seul facteur d'ajustement est la budget de l'Etat (à condition de ne pas faire de deficit > 3%)... Cela nous donne les hausses d'impôts de Hollande et les baisse d'impôts de Sarkozy... toutes les deux amélioreront la situation de certaines catégories sociales (les + riches ou les plus pauvres), mais je doute qu'une qq.conque amélioration globale découle des cette seule politique.
Rédigé par : Franc tireur | 19 janvier 2007 à 14:14