Ce samedi, j’ai assisté au « forum citoyen » du Sénat dont les thèmes principaux portaient sur la mondialisation et le développement durable et qui devait être l'occasion de remettre le prix du livre de l’économie 2007. Cette journée m’a laissé la curieuse impression que la pensée dominante était entrée dans une crise sérieuse. L’enthousiasme béat des élites pour la modernité et les injonctions à l’adaptation ont laissé la place à un regard plus lucide qui n’occulte plus les difficultés et les menaces. Le discours dominant n’appelle pas encore à la remise en cause de l’ordre économique, mais des critiques sérieuses à l’encontre du libre échange, ou même du système capitaliste lui-même, commencent à se faire jour.
La remise du prix du livre de l’économie à l’ouvrage de Pierre Dockès « L’enfer, ce n’est pas les autres » est caractéristique de cet effondrement des certitudes. J’ai déjà ici publié un commentaire sur cet essai, profondément confus et traversé de contradictions. De ce point de vue, l’essai est d’une grande médiocrité. Il ne fait qu’agréger un certain nombre de diagnostics, sans aucun fil directeur, sans ne rien démontrer, et surtout sans convaincre. L’auteur arrive même à convaincre le lecteur de l’antithèse du propos qu’il voulait initialement défendre : La mondialisation est une chance … à condition de la réformer de fond en comble !
L’ouvrage ressemble à ce qu’aurait pu être un essai d’un intellectuel soviétique voulant démontrer à la fin des années 80 que l’économie socialiste était le seul horizon acceptable pour l’humanité tout en soulignant ses fragilités, ses carences, ses effets pervers et appelant à de profondes réformes.
Le débat dans l’hémicycle du sénat avec les auteurs sélectionnés, mais surtout le déjeuner en présence de Luc Ferry m’a laissé cette impression de « fin de monde », d’être à un moment de l’histoire où les penseurs du système affichent encore mécaniquement leur foi mais n’arrivent plus à cacher leurs doutes et leur pessimisme quant à sa viabilité à moyen terme.
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