Après avoir exposé en introduction les principes du protectionnisme européen, puis opposé que le projet de l’Union Européenne ne pouvait pas être réorienté et que l’Europe à 27 (demain 29 ou 30) constituait en tout état de cause un ensemble trop vaste et trop hétérogène pour y envisager un protectionnisme de relance, je vais poursuivre dans une nouvelle série de trois billets ma campagne personnelle pour une autre Europe et ma réflexion sur le protectionnisme européen.
Avant d’abandonner définitivement l’échelle communautaire comme espace pertinent pour la conception d’une alternative raisonnable, il convient de se pencher sur le couple franco-allemand car là se situe la clé de toutes les évolutions possibles. S’il est possible de convaincre l’Allemagne de changer de stratégie économique, on aura encore le droit de placer quelques espoirs dans l’UE. Si en revanche, l’analyse montre que les deux pays dérivent dans deux directions opposées, il sera temps de penser à autre chose : Retour à la nation souveraine ou construction d’une autre Europe, hypothèses que nous envisagerons ensuite.
L’hypothèse d’une conversion de l’Allemagne aux thèses protectionnistes a toujours présumé qu’elle y aurait intérêt davantage qu’au libre échange mondialisé. L’idée est la suivante : L’économie allemande a adopté depuis longtemps une stratégie mercantiliste basée sur les exportations. Elle est donc dépendante de la demande extérieure, laquelle fait actuellement défaut. C’est pourquoi la récession attendue pour 2009 outre-rhin sera le double de celle attendue pour la France (6% contre 3%). Comme elle exporte toujours essentiellement vers l’Europe (51.8 % de ses exportations vers l’UE 15 et 10.5% vers les PECO en 2008) elle aurait tout intérêt à une politique de relance de la demande intérieure européenne qui a été écrasée par une décennie de libre échange.
Plusieurs arguments me semblent s’opposer à cette stratégie :
L’Allemagne a toujours conçu son développement par la conquête de marchés extérieurs et non par le développement de sa demande intérieure. On voit mal comment elle pourrait renverser cette logique et penser son développement par le soutien à une « demande intérieure européenne » qu'elle n'a jamais pensé pour elle même. Au contraire, elle a été capable de la comprimer volontairement en réduisant ses coûts salariaux (-12% de 2004 à 2007) pour gagner en compétitivité. La France peut penser ainsi, sa croissance ayant toujours été tirée par la consommation des ménages. Pour l’Allemagne, cela représente une vraie rupture conceptuelle. Penser la demande intérieure lui sera d’ailleurs d’autant plus difficile à mesure qu’elle intègrera son déclin démographique.
De plus, au contraire de la France ou de l’Italie, l’Allemagne a plutôt bien réussit son adaptation à la mondialisation. Il est donc probable que même si ce modèle s’écroule, elle mettrait du temps à s’en apercevoir et resterait longtemps attachée à ce qui a fait son succès. Lorsqu’on voit l’attachement des élites françaises au libre échange alors que la France n’a jamais montré le moindre début de commencement de la plus petite des adaptations(1), on peut se dire que les allemands, connus pour leur rigidité intellectuelle, n’abandonneront pas de sitôt la recette qui a si bien fonctionné dans les années 2000. Et cela d’autant plus qu’ils auront quelques raisons de penser que cette stratégie ne tardera pas à redevenir payante.
Le boom de ses exportations est lié d’une part à une compression des coûts mais aussi à un bon positionnement dans les pays émergents où ses exportations ont fortement cru au cours des années 2000 : Chine, Asie, Russie et PECO (+4 points de PIB). Ainsi la part des exportations vers l’Europe occidentale tend à décroître depuis plusieurs années déjà. L’Allemagne est donc toute disposée à abandonner l’Europe à son sort, comme un marché saturé condamné à la croissance faible, pour amplifier sa stratégie en direction des émergents. Même dans un monde en croissance faible, les pays émergents conserveront en effet une croissance soutenue en raison du rattrapage (Chine, PECO) ou des exportations d'hydrocarbures (Russie, OPEP). Cette croissance résiduelle représentera la solution de facilité pour tous. Elle sera recommandée par tous les analystes et privilégiée par tous les décideurs. L’Allemagne sera très bien placée pour la mettre en œuvre et en tirer profit (mieux que le reste de l’Europe en tout cas) Pourquoi donc ne cèderait-elle pas à ces sirènes dans un jeu solitaire ?
Enfin, l’Allemagne, disposera d’alliés solides en Europe pour rejeter toute perspective d’abandon du libre échange : tous ceux qui ont, comme elle, ont su tirer profit de la mondialisation ou qui sont culturellement et identitairement libéraux et libre échangistes, sans parler de la commission de Bruxelles, des traités européens et de tous les fossiles intellectuels qui ont la religion du droit positif et des dogmes en vigueur…
En tout état de cause, la conversion de l'Allemagne au modèle protectionniste ne pourrait s'envisager quà l'échelle communautaire, voire au delà en incluant les pays émergents d'Europe centrale et orientale avec lesquels son économie est désormais fortement intégrée. On se retrouverait donc avec un (trop) grand marché intérieur protégé, comportant des distorsions concurrentielles importantes, ce qui, comme on l'a déjà vu, ne manquerait pas de susciter des dynamiques dépressives de course au moins disant.
Il n’y a qu’une raison rationnelle qui pourrait, non pas convaincre l’Allemagne, mais la contraindre, à modifier sa stratégie, c’est celle recommandée par Emmanuel Todd : Faire exploser la zone Euro et la menacer ainsi de voir sa compétitivité pénalisée par une monnaie dont la valeur s’envolerait (surtout dans un contexte de chute du dollar) Cette stratégie a tout de même une petite faille. L’intensité de la peur serait probablement supérieure du coté où s’exprimerait la menace ! La France serait bien plus terrifiée à l’idée de retourner au Franc (avec l’explosion de la dette publique que la dévaluation signifierait) que l’Allemagne de s'exposer à des rétorsions commerciales de ses clients en adoptant le protectionnisme.
Je ne dis pas que l’Allemagne est condamnée pour l’éternité au mercantilisme et à chercher son salut dans le grand large. Je dis qu’il ne faut pas faire de sa conversion un préalable pour mettre en place une alternative.
L’Allemagne a plus de temps que nous pour faire sa conversion car son modèle reste potentiellement viable. Il continuera à fonctionner lorsque le monde passera du stade de la dépression à celui de la stagnation. Le modèle français était déjà à la peine lorsque la mondialisation était dopée par l’endettement des ménages anglo-saxons. En vitesse de croisière, lorsque la course à la réduction des coûts reprendra de plus belle pour satisfaire les exigences d’une finance qui n’aura pas toujours pas été arraisonnée (avec ce que cela suppose de plan sociaux et de délocalisations), on imagine le cocktail que représentera en France une croissance nulle, une chômage de haut niveau en hausse constante, un Etat-providence surchargé, des déficits non maîtrisables. Et pour finir de faire peur, ajoutons à ce tableau déjà bien noir, Sarkozy toujours au pouvoir !
Plus longtemps on tardera à mettre en œuvre un vrai protectionnisme de relance, plus difficile sera la conversion. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre l’Allemagne. Il nous faut d’ores et déjà penser à un « plan B »
Malakine
(1) Je parle là du pays en tant que système socio-productif et non pas des champions du CAC 40 qui, eux, ont su s'adapter. Cependant assimiler les intérêts des grandes groupes à l'intérêt du pays c'est confondre l'intérêt général avec les intérêts de la classe dominante.
A suivre :
- Le protectionnisme national est-il envisageable ? (ce week end)
- Une plus petite Europe dans une plus grand (Bientôt)
Rigidité intellectuelle des allemands, méfie toi des à priori, les allemands sont moins rigides qu'on pense. J'ai pu faire passer des idées et des changements là où je travaille que je n'ai jamais pu faire passer en France dans les boites où j'étais.
Un exemple est celui de De Gaulle dont les conceptions novatrices de stratégie ont été appliquées pas l'armée allemande alors que l'état major français était englué dans le conservatisme de ses théories obsolètes.
Les allemands ne sont pas nés de la dernière pluie et savent innover à tous les niveaux ou reconnaissent l'innovation même si elle vient de l'étranger.
Rédigé par : olaf | 16 mai 2009 à 13:44
@ Olaf
Tu as peut-être raison. Les champions de la rigidité intellectuelle c'est peut-être nous avec notre goût pour les constructions idéologiques. Mais ça ne change pas grand chose à mon raisonnement.
Rédigé par : Malakine | 16 mai 2009 à 14:58
Même sur le plan comportemental les allemands me paraissent moins rigides que les français qui sont d'une susceptibilité et d'un épidermisme quasi paranoïaques, maintenant que je les vois de l'étranger avec un certain recul.
Le fait est que je commence, période d'adaptation nécessaire, à me sentir bien en Allemagne.
Ceci dit, la réussite industrielle d'exportation allemande de ces dernières années est effectivement un frein au changement de politique économique.
Ceci amène bien sûr l'hypothèse d'une fin de l'union européenne actuelle.
Enfin, je crois bien être d'accord avec P Jorion sur le fait que le protectionnisme ou tout le reste n'est en fait qu'une réponse à un symptôme, celui de la financiarisation de l 'économie.
Tant qu'on ne sortira pas de ça, on ne sortira de rien, protectionnisme ou pas.
Rédigé par : olaf | 16 mai 2009 à 16:47
@Olaf,
Une partie de ma famille vit en Allemagne et ce que tu dis sur le comportement des habitants est tout à fait vrai.
Rédigé par : Philippe | 16 mai 2009 à 19:53
@ Olaf
Mon sac est prêt mais je ne suis pas encore parti (en fait j’ai surtout du travail à finir).
Je crois qu’il faut se méfier de ce que j’appelle les jugements de dépaysement. Il arrive toujours que l’on se sente à l’aise (et valorisé) dans une culture étrangère à partir du moment, où l’on éprouve le plaisir de commencer à en assimiler les codes.
Pour le reste j’ai connu une amie allemande qui avait la même appréciation que vous sur les français, leur crispation identitaire à fleur de peau et leur imprévisibilité, mais en tirait des conclusions radicalement inverses des vôtres. L’espèce de dynamisme matérialiste et consensuel dans lequel elle avait toujours baigné dans sa culture d’origine, et qu’elle considérait elle COMME UNE RIGIDITE puisqu’il était difficile de transiger avec, lui sortait désormais par les yeux. Elle s’est d’ailleurs installée en France depuis maintenant près de vingt ans.
« L’épidermisme » dont vous parlez est certes de longue date culturel, puisque propre à une culture plus individualiste, mais je crois aussi qu’il s’est exacerbé depuis plusieurs décennies pour toutes les raisons dont j’ai déjà longuement parlé ces derniers jours.
La France a beaucoup plus souffert que l’Allemagne de la véritable « mise au pas » idéologique qu’a constitué pour elle la construction européenne en général, et l’alignement sur les désirs de son partenaire d’outre Rhin en particuliers. Cela avait été voulu il y a plus de vingt ans par François Mitterrand (et Jacques Delors) dont la méfiance atavique vis-à-vis de l’ancienne puissance militaire allemande le portait à tout lui céder afin de la « noyer » dans la construction européenne.
Nous voyons bien aujourd’hui et rétrospectivement à quel point c’est plutôt la France qui a bu la tasse dans cette étreinte ! Car avant même le traité de Maastricht, la politique dite du franc fort (en fait d’alignement sur le Mark) avait déjà coûté très cher à la France en terme de ralentissement économique et de chômage (un million de chômeur supplémentaire avançait Emmanuel Todd dans « l’Illusion Economique »).
Mais ce point comme bien d’autres étaient indépassables, car l’Allemagne s’est toujours définie par sa langue et la force de sa monnaie, ce dernier point s’étant accentué par le fait d’une banque centrale puissante et rendue très indépendante par la logique même du fédéralisme politique.
Reconnaissez sur ce point que l’Europe au moins du traité de Maastricht avait été beaucoup plus « formatée » pour l’Allemagne que pour la France. Nous sommes cependant d’accord sur un point semble-t-il, la réussite économique de l’Allemagne dans le cadre de cette Europe, et les difficultés que vont poser celle-ci à la France à cause de ses problèmes spécifiques (dont le problème démographique n’est pas le moindre) rendent le divorce (ou au moins la séparation de corps) plus que probable.
Un petit point d’histoire au passage : les nouvelles conceptions militaires offensives de l’armée allemande, lesquelles ont triomphé en 1940, n’avaient pas attendu les écrits du Général de Gaulle pour être pensées et surtout expérimentées.
En fait elles avaient déjà été appliquées durant la dernière phase de la première guerre mondiale, à partir du printemps 1918. C’est un fait généralement ignoré par tous ceux qui imaginent ce conflit comme une guerre de positions (ou de tranchées) du début à la fin.
Or de mars à novembre 1918, il n’est plus du tout question de guerre de position, mais d’une série de vastes attaques et contre attaques sur un front très profond, lequel aboutira d’ailleurs à une seconde bataille de la Marne à l’été 1918. Les allemands tenteront le tout pour le tout pour rompre les digues alliées grâce à une puissance de feu sans précédent (on peut dire que la guerre des canons a été gagnée par l’Allemagne) et par l’utilisation nouvelle de l’aviation comme force de bombardement.
Les franco-britanniques résisteront en opposant sans compter la chair humaine, et ces derniers mois de la guerre seront pour eux (autre fait méconnu) les plus meurtriers. L’obsession de Clémenceau et de son bras armé Philippe Pétain (d’où l’étrange affection que lui conserveront les français) est alors de : « Tenir ! Tenir ! En attendant les chars et les américains ». Ces derniers arriveront à temps pour la dernière contre attaque alliée à l’automne 1918 qui sera fatale à l’armée allemande.
Toute la configuration stratégique de la bataille de France vingt ans plus tard s’est en fait décidée à ce moment là. Les allemands avaient compris que les nouvelles forces mécaniques rendaient caduque la guerre de position et les français n’ont jamais voulu opter pour la guerre offensive de par le souvenir de ce que celle-ci leur avait coûté aux deux été meurtriers de 1914 et de 1918 (plus de la moitié des morts français l’ont été à ces deux périodes).
Phobie de l’innovation ou pas, les français n’avaient plus les moyens démographiques de mener ce type de guerre dévoreuse d’hommes en 1939. Songez à l’hécatombe de la bataille de stalingrad : 1.700.000 morts (d’après Antony Beevor dans son hallucinant « stalingrad »), soit bien plus que les tous les français tués de 1914 à 1918 !!!
Je finis sur un point obscur de votre commentaire : vous dites que le protectionnisme n’est qu’une réponse à un symptôme qu’est la financiarisation de l’économie. Si la financiarisation de l’économie est un symptôme, quel est donc le mal qui provoque ce symptôme là ?
Je connais assez bien Paul Jorion pour craindre que la nature du mal soit dûment identifiée : la monnaie, encore la monnaie, toujours la monnaie ! Je plaisante et caricature bien sûr. Toutes les théories qu’il développe autour de la monnaie et en particuliers sur les rapports de force qui se créent entre les prêteurs, les emprunteurs, et, en bout de chaîne, les salariés, sont originales et pertinentes. Je connais même l’importance qu’il accorde à l’universelle patience pour porter remède aux vices nés de ces rapports.
Il y a donc au moins une chose que ce Cher Paul n’aura pas compris dans sa vie, c’est que pour une fraction non négligeable de l’espèce humaine la patience est devenue un luxe !
Bon, je retourne à mon travail et je taille la route. Votez bien ou ne votez pas, mais de grâce, restez impatients !
Rédigé par : Daniel Dresse | 17 mai 2009 à 01:28
Je ne peux dire si la finance est un symptôme où une cause, mais elle pose problème, c'est le minimum à dire. Le mal de la financiarisation me parait proche du mal des sociétés africaines et de leurs superstitions, cette recherche effrénée de la martingale, du salut, finit par tout détruire.
D'être étranger dans un pays procure des handicaps mais aussi des avantages de par la distanciation due à l'étranger, une forme de statut aristocratique.
Ca peut paraitre iconoclaste mais l'étranger peut avoir une forme de noblesse qui lui est reconnue, à juste titre je pense, car ce n'est pas simple d'être étranger.
Rédigé par : olaf | 17 mai 2009 à 02:25
Sinon pour la patience, il faudra bien en avoir, même pour ceux qui s'en croient exemptés.
Rédigé par : olaf | 17 mai 2009 à 02:29
Daniel Dresse a écrit :
"Je crois qu’il faut se méfier de ce que j’appelle les jugements de dépaysement. Il arrive toujours que l’on se sente à l’aise (et valorisé) dans une culture étrangère à partir du moment, où l’on éprouve le plaisir de commencer à en assimiler les codes."
Pour avoir pas mal bourlingué, je ne puis qu'acquiescer et confirmer l'attrait qu'exerce une culture nouvelle et la facilité avec laquelle nous nous laissons séduire, dans un premier temps, par ce qui nous apparaît nouveau et positif, sans toujours percevoir immédiatement les aspects moins exaltants.
Il me semble que l’expatrié français (celui que je connais le mieux) réagit toujours de façon assez tranchée, soit en rejetant sans nuance son nouveau pays (tout est tellement mieux en France) soit en adoptant sans réserves les us et coutumes de celui-ci (c’est bien connu, la France est un vieux pays attardé)
Rédigé par : RST (un impatient parmi d'autres) | 17 mai 2009 à 10:11
@ Malakine
Impossible de répondre de manière succincte. J'ai donc fait un papier en réponse :
http://gaulliste-villepiniste.hautetfort.com/archive/2009/05/17/n-oublions-pas-l-allemagne.html#comments
Rédigé par : Laurent, gaulliste libre | 17 mai 2009 à 11:03
@Malakine
Je doutes personnellement du coté potentiellement viable du modèle allemand. N'oublions pas que ce pays connais un déclin réel extrêmement puissant en matière démographique. On voit d'ailleurs ici l'absurdité du système de mesure que nous employons pour étalonner la réussite d'une société, on présente comme viable le modèle allemand alors qu'il condamne cette société à l'extinction démographique, et comme non viable la société française alors que sa démographie est raisonnable, tous çà parce que l'Allemagne a des excédents commerciaux. Il y a comme un problème dans l'échelle des valeurs, une croissance n'a aucun intérêt si elle se nourrie de la destruction de la société qu'elle est sensé rendre prospère.
D'autre part il est peu probable que l'Allemagne tire une croissance forte de son commerce avec l'Asie émergente pour la bonne et simple raison que le PIB allemand est trop gros pour être tiré par eux uniquement. Le PIB chinois est à peu près égale à celui de l'Allemagne je ne voit pas comment l'Allemagne va pouvoir tirer sa croissance à court terme en exportant vers ce pays, il y a un problème de taille du marché. Même avec une croissance chinoise qui renouerait avec les 10% par an, ce qui est problématique puisque la Chine tire elle même sa croissance de ses exportations, le volume des échanges sera insuffisant pour tirer réellement la croissance allemande. Il faudra au moins 10 ou 15 ans avant que la Chine soit suffisamment grosse pour tirer la croissance allemande et d'ici là c'est probablement les allemands qui achèterons des biens d'équipements chinois. Dans dix ans l'Allemagne sera dans le même état que le reste de l'occident un désert industrielle.
Maintenant il est vrai que les élites allemande croient dans le modèle d'exportation. Ils n'ont pas compris que ce modèle est de type parasitaire et qu'un parasite ne peut survivre qu'a condition que la créature sur laquelle il ponctionnent ses nutriments ne soit pas morte ou trop petite, auquel cas le parasite meurt avec la bête qu'il exploite. Comme l'a dit Emmanuel Todd les allemands sont allés au bout de l'inflation dans les années vingts, ils iront au bout du modèle exportateur leur population dusse-t-elle en mourir.
Rédigé par : yann | 17 mai 2009 à 13:07
@ Yann
Complètement d'accord. Qui plus est, pour un pays aussi industrialisé, les risques de délocalisations sont démultipliés.
Rédigé par : Laurent, gaulliste libre | 17 mai 2009 à 13:34
@ Yann
En faisant des recherches pour ce papier, j'ai été étonné de voir à quel point le commerce extérieur allemand vers la Chine était modeste. Finalement cette idée de la chine moteur de la croissance mondiale est un mythe, y compris pour les allemands.
Cependant il ne faut pas réduire tous les pays émergents à la Chine. Il y a aussi la Russie, sur laquelle l'allemagne est bien positionnée, et dont la croissance de long terme est garantie par ses besoins immenses et ses ressources pétrolière et gazières.
Je ne savais pas qu'Emmanuel avait dit que l'allemagne irait au bout de sa logique exportatrice. Voilà qui apporte de l'eau à mon moulin. Ceci ce n'est pas une surprise.
Rédigé par : Malakine | 17 mai 2009 à 15:52
@ Olaf
(J’ai raté le train, finalement je crois que je vais prendre le car demain matin)
…Historiquement affaire de circonstances ! Il arrive que les impatients aient leur utilité en cas d’urgence. Pour reprendre la période considérée, peut-on imaginer en mai 1940 un Charles de Gaulle ou un Jean Moulin « patient » ? L’histoire raisonnable des fatalistes est ponctuée parfois de temps forts déraisonnables, ce qu’ils oublient.
Rédigé par : Daniel Dresse | 17 mai 2009 à 15:59
La politique allemande n'a rien de pro-libre-échange ni de libérale (pas plus que celle de la Chine). Si c'était le cas, elle laisserait les salaires monter et rétablir l'équilibre de sa balance commerciale.
Si je suis d'accord avec vous sur un point, c'est que la course à la compétitivité se fait au détriment des travailleurs pour aucun bénéfice.
Rédigé par : jean_ | 17 mai 2009 à 21:41
J'attends avec une certaine impatience les deux prochains billets annoncés concernant cette réflexion sur le protectionnisme et l'Europe. Pourtant, à ce stade de vos réflexions j'ai l'impression que vous allez nous annoncer que nous sommes dans une impasse :
- le libre-échange est en crise, il faut lui substituer un autre modèle.
- or un tabou est largement répandu : "le protectionnisme... c'est la guerre !"
- heureusement E. TODD a inventé une notion "le protectionnisme européen", sorte d'oxymore qui en associant l'Europe (notion qui aurait stoppé l'affrontement des nationalismes) permet de reparler de protection sans complexes.
Vous vient alors l'excellente idée de donner du contenu à ce protectionnisme et mieux encore de tenter de définir les contours des forces et nations sur qui s'appuyer.
Vlan ! Voilà, dans ce sujet, l'Allemagne écartée des alliés potentiels. On ne s'appuiera pas non plus sur l'Angleterre (j'imagine) et demain j'envisage que vous écarterez de réduire le "protectionnisme européen" à la France... [Une lecture un peu rapide m'avait fait sauter les 2 prochains titres des prochains articles qui confirment l'hypothèse !].
Simple remarque concernant l'Allemagne : il y a plus de 10 ans maintenant, il n'était pas non plus évident de lui faire abandonner sa monnaie pour faire la monnaie unique. Ce fut pourtant le cas. Il n'y a pas de grand projet sans franchissement d'étapes à priori infranchissables...
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 18 mai 2009 à 14:08
@ PMF
Merci de ton impatience. Je devais faire la suite ce week end mais mon énergie intellectuelle était trop faible pour me coltiner à ce genre de sujet.
Mais non rassure toi, je ne finirais pas sur une impasse. L'idée en deux mot c'est une espèce de coup de force pour créer sous forme de coopération renforcée une mini-coopération économique entre les pays qui voudraient essayer un autre modèle : France, Italie et Espagne, les trois nations latines qui ont en commun d'être des cancres dans la mondialisation.
Sur l'Allemagne, souviens toi qu'à l'époque c'était une contrepartie demandé à mittérand pour accepter la réunification. La crainte c'était que l'Allemagne dérive à l'est. L'idée de l'Euro c'était de l'arrimer à l'ouest autour au couple franco-allemand. Mais finalement la dérive à l'Est c'est un peu ce qui s'est passé avec la nouvelle stratégie économique de l'Allemagne. je propose simplement d'en prendre acte.
Pour revenir à l'Euro, je ne crois pas que ça ait demandé beaucoup d'effort à l'Allemagne. Elle conserve une monnaie stable, de surcroît sous évaluée par rapport à ce que serait aujourd'hui le DeutcheMark sans les pays structurellement déficitaire comme les pays latins susmentionnés.
Rédigé par : Malakine | 18 mai 2009 à 14:23
"c'était une contrepartie demandé à mittérand pour accepter la réunification" ???
ou
"c'était une contrepartie demandé PAR Mitterrand pour accepter la réunification".
---
J'attendrai le dernier billet pour voir ce que vous envisagez comme construction autour des "cancres de la mondialisation" qui ont en commun (de par leurs latitudes) d'avoir besoin d'exporter primeurs et vins et guère d'industrie à protéger.
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 18 mai 2009 à 14:47
Oui bien sûr.
En général on ne taxe pas les produits qu'on ne produit pas soi même. En ce qui concerne l'industrie, ce n'est pas comme ça qu'il faut prendre le problème. Ni en terme de protection, ni en terme d'industrie. Il faut considérer que tout ce qui se consomme est produit quelque part et que toutes les économies ont besoin d'avoir une assise productive suffisante. En outre, l'Italie a une très grande tradition industrielle.
Rien à voir mais je voulais signaler cette interview de Bayrou. Son discours est de plus en plus intéressant. Il va bien plus loin que ce qu'on pouvait s'attendre de lui en matière de réforme de la mondialisation.
http://www.latribune.fr/actualites/politique/20090518trib000377175/francois-bayrou-il-faut-quon-sorte-du-dumping-fiscal-arme-du-creusement-des-inegalites.html
Rédigé par : Malakine | 18 mai 2009 à 16:00
@Malakine,
je suis de ton avis, j'ai parcouru ce WE le bouquin de FB, intéressant malgré tout ce que l'on en dit et je viens de lire ses propos dans "La Tribune"
Rédigé par : Philippe | 18 mai 2009 à 19:44
@ Malakine,
Votre raisonnement est convainquant, mais je ne suis pas sûr que l'on puisse se passer de la seule vraie puissance économique européenne. Mais il faut au moins "lui tordre le bras" comme dit souvent Todd, et votre propos a le mérite de présenter une alternative cohérente (enfin, il faudrait quand même faire dégager Zapatero et Berlusconi, sans oublier notre Rodomont national) pour peser contre l'Allemagne.
Bon, j'arrête de jouer à celui qui sait. La vraie raison, c'est que j'ai tendance à tomber immédiatement amoureux d'une jolie allemande parlant français. L'Allemagne est, au moins pour cette raison, mon partenaire privilégié.
Rédigé par : archibald | 19 mai 2009 à 01:17
@ Philippe
En ce qui me concerne, je ne lirais pas son bouquin. La critique du pouvoir personnel est quelque chose qui m'a toujours profondément ennuyé. En plus, parler d'abus de pouvoir à un moment où l'Etat est totalement désarmé me semble être quelque chose de totalement anachronique.
@ Archibald
Contre les arguments de ce niveau là, je m'incline tout de suite ! :-) D'autant plus que je ressens exactement le même type de sentiment pour la Russie ! Personnellement j'aime beaucoup l'allemagne aussi. La semaine dernière j'étais en ballade à fribourg. Les villes allemandes sont vraiment magnifiques et très agréables à vivre.
Rédigé par : Malakine | 19 mai 2009 à 09:45