Après avoir posé le diagnostic et construit la grille de lecture de la crise de l’Euro, nous allons passer en revue les propositions de solutions qui sont actuellement dans le débat. Nous verrons dans un premier article les solutions autorisées, avant d’examiner les solutions plus hétérodoxes.
Depuis la crise grecque, toute l’énergie des dirigeants européens a été consacrée à neutraliser la spéculation des marchés afin de contenir l’effet d’emballement du processus d’insolvabilité. Le fonds de solidarité européen a été conçu pour permettre de prêter à un taux raisonnable les liquidités nécessaires aux Etat en difficulté. Il est donc censé donner un peu de temps aux Etats pour remettre leur finance en ordre afin de pouvoir retourner au plus vite se financer sur les marchés. Le problème est que ces Etats ne connaissent pas une difficulté passagère consécutive à la crise, comme on voudrait nous le faire croire. Comme on l’a déjà vu, ces Etats glissent lentement mais sûrement sur la pente de la banqueroute.
On ne fait que d’essayer de gagner un peu de temps pour repousser le problème à plus tard en espérant que le cataclysme prévisible ne se produise pas. Mais que se passera t-il après 2013 lorsque les dettes des Etats seront considérées comme officiellement à risque ? Les Etats en difficultés pourront-ils même encore se financer sur les marchés ? Nul ne le sait.
Les dirigeants européens ont-ils conscience de la gravité de la situation ? On pourrait être tenté de répondre par la négative lorsqu’on écoute les propos lénifiants de nos ministres qui s’évertuent à présenter cette crise comme une guerre du politique contre la spéculation financière. Pourtant les déclarations des dirigeants allemands qui refusent de toutes leurs forces une « Europe de transferts financiers » laissent à penser du contraire. Eux semblent avoir compris la vraie nature de la crise, même s’ils refusent toutes les solutions proposées par leurs partenaires.
La vérité est que personne n’a à ce jour de solution et qu’en réalité, il n’y a pas de bonnes solutions.
De l’austérité naîtra de nouvelles crises financières
La première solution qui a été mise en œuvre en accompagnement des plans dit de « sauvetage » a été d’imposer aux populations concernées un drastique plan d’austérité. Solution somme toute logique. Ces pays ont vécu trop longtemps au dessus de leurs moyens. Ils doivent donc ramener leur niveau de vie au niveau de richesse que leur économie produit de manière endogène.
Les plans de rigueur ne visent pas seulement en effet à réduire le déficit public. Les hausses d’impôts, les réductions des dépenses publiques et les baisses de salaires ont pour objet plus profond de réduire la consommation, donc les importations et ainsi de contribuer à ramener la balance courante vers l’équilibre afin de casser le moteur du surendettement.
Cette politique n’est naturellement pas sans dommages, non seulement pour les peuples, leur niveau de vie et de protection sociale, mais aussi pour l’économie elle-même. L’austérité, par la contraction économique qu’elle implique, fait monter le taux de chômage et accélère les faillites d’entreprises. Ainsi, des acteurs économiques « normalement » endettés peuent devenir du jour au lendemain, insolvables. Appliquée à des pays ayant un taux d’endettement privé excessif, cette purge présente le risque de transformer de bonnes dettes en créances irrécouvrables et donc en pertes pour le système bancaire. L’Espagne et le Royaume-Uni, qui se trouvent tout deux dans cette situation, risquent donc fort d’entraîner une nouvelle crise financière qui se propagera dans toute l’Europe.
En outre, une généralisation des politiques de rigueur dans un contexte où demande est déjà atone aura pour effet d’instaurer un climat récessif sur tout le continent, ce qui ne pourra que favoriser la contagion de la crise à d’autres pays. Lorsque la rigueur concerne de petits pays, la contraction de la demande n’a guère d’effet. Mais si tout le monde se met à se serrer la ceinture sur le continent en même temps sans qu’une grosse économie ne compense en se mettant à consommer, l’Europe s’engagera dans une spirale dépressive et déflationniste sans fin.
En tout état de cause, si le « théorème d’Artus » est juste, ces cures d’austérité, aussi douloureuses et risquées soit-elles, apparaissent cependant inévitables pour les pays concernés pour corriger rapidement le déséquilibre de leur balance courante.
L’ineptie des « Eurobonds »
Pour juguler la crise des dettes souveraines, certains proposent des « Eurobonds » c'est-à-dire une émission de dette publique effectuée en commun et solidairement par l’ensemble des pays de la zone euro pour financer une partie de leur dette. On pourrait imaginer par exemple que les Etats membres puissent financer leur dette par des Eurobonds jusqu’au plafond autorisé par les critères de Maastricht (60% du PIB)
Ce mécanisme s’inscrit dans cette lecture européiste un peu mécanique de la crise. Beaucoup d’européistes refusent de reconnaître les tares de la construction de l’Euro et de l’union européenne pour se réfugier dans cette posture toujours très pratique et très appréciée des psychorigides, qui veut que lorsqu’une politique a échoué c’est toujours parce qu’elle n’a pas été assez loin. Appliquée à la crise financière européenne, ce discours conduit à affirmer que l’euro est une bonne monnaie mais qui souffre d’un défaut de coordination des politiques économiques. On ne sortirait donc de la crise que par le haut, par plus d’Europe, plus d’intégration, plus de solidarité.
Techniquement, cette proposition ne résiste pas à l’analyse. Elle n’apparaît que comme une posture destinée à exprimer un résidu de foi dans le projet européen sans apporter la moindre solution aux problèmes. Il est heureux que l’Allemagne, devenue le fer de lance du souverainisme en Europe, s’y soit fermement opposée.
Le niveau de la dette et des besoins de financements des différents Etats n’est pas identique pour tous. Les pays les plus endettés et donc les plus fragiles devront continuer à se financer seuls sur les marchés pour la partie la plus risquée de leur dette, ce qui reviendrait certainement à leur faire payer des taux d’intérêts usuraires. Au final, cette solution risque d’être perdant-perdant. Les Etats sûrs, comme l’Allemagne ou la France, verraient leur taux d’intérêt augmenter et les Etats fragiles payer des taux d’intérêts excessifs sur la partie de leur dette excessive au regard des critères européens.
Si l’on voulait financer l’intégralité de la dette par les obligations communautaires, cela impliquerait nécessairement une discipline budgétaire de fer, et concrètement la mise sous tutelle des pays en difficultés et une totale perte de souveraineté budgétaire pour tous. Un gigantesque pas en avant dans la direction du fédéralisme le plus technocratique !
Cette solution n’aurait de sens que si on avait à faire à une crise spéculative transitoire et sans fondements économiques réels. Mais si l’un des Etats devait être amené à faire défaut, ses voisins seraient amenés à se substituer à lui pour honorer sa dette.
La question peut éventuellement se poser en cas de crise bancaire et la nécessité de renflouer les banques d’un pays confronté à un important taux de défaut sur la dette privée afin d’éviter la contagion à l’ensemble du système. Mais dans ce cas, on peut imaginer d’autres solutions comme une intervention de la BCE pour racheter des titres de dette pourries, à l’image de ce qui s’est fait aux Etats-Unis en 2008.
En revanche, la solution ne fonctionne pas dans le cas d’un Etat en situation d’insolvabilité structurelle et permanente. Si un pays s’avère incapable de stabiliser son taux d’endettement public, la stabilisation du taux d’intérêt auquel il emprunte ne suffira pas à le sauver. Il sera tôt ou tard étranglé par le montant des intérêts à verser. Dans un tel cas de figure c’est un transfert financier permanent entre les pays excédentaires et les pays déficitaires qu’il faut mettre en place.
La solidarité européenne, c’est NEIN !
Cette solution procède d’une grille de lecture fédéraliste, souvent développées par Patrick Artus dans ses notes. Dans une union économique et monétaire, il est normal que certains pays, les plus compétitifs, se spécialisent dans la production et concentrent sur leur sol l’essentiel de la base productive de la zone, pendant que d’autres se désindustrialiseraient et se spécialiserait sur les services domestiques (tourisme, immobilier …) Ces derniers n’étant pas exportables, les pays désindustrialisés connaissent donc logiquement un déficit structurel massif de leur balance courante, ce qui les conduira à la banqueroute sans transfert financiers permanent.
Il s’agirait de reproduire à l’échelle du continent les mécanismes de circulation de la richesse qui existent au sein d’une nation. Si les transferts privés ne suffisent pas (migration des retraités, tourisme) il faudra organiser le transfert des régions productives vers les régions de consommation par la fiscalité et le budget. Cette solution se traduirait par la montée en puissance du budget européen avec soit un renforcement des compétences de transferts (politique régionale, fonds structurels) soit le développement de nouvelles compétences et pourquoi pas de « service publics européens ». Ce budget pourrait même être financé par une fiscalité propre européenne qui ferait mécaniquement davantage contribuer les territoires riches que territoires pauvres.
Cette belle et grande idée, universaliste et partageuse, va probablement nous être rabâchée pendant toute la campagne présidentielle tant elle correspond bien à l’esprit français, surtout s’il est de gauche, européen et opposé aux « égoïsmes nationaux ». Certains nous présenteront ce fédéralisme budgétaire comme une révolution ou une formidable avancée de la construction européenne. Il ne s’agira en réalité que d’un avatar du très vieux « L’Allemagne paiera » qui n’a naturellement aucune chance de voir le jour.
Les Allemands, qui ont très bien perçu le risque, ont d’ores et déjà clairement indiqué qu’ils préféreraient quitter l’Euro que de payer pour les mauvais élèves de la zone. On ne peut guère leur donner tort. Non seulement la Grèce n’est pas pour l’Allemagne, ce que la Haute Marne est à Rhône-Alpes, mais ce projet entre en contradiction frontale avec l’esprit et la lettre de la construction européenne depuis toujours, laquelle n’a jamais été fondé que sur le principe de concurrence, de compétition des systèmes sociaux, dans une logique de chacun pour soi dans la mondialisation.
Quand bien même on voudrait percevoir pour des raisons idéologiques l’Europe comme une nation unifiée où pourrait s’exprimer la solidarité entre riches et pauvres, et la France comme une simple région de ce grand ensemble, il conviendrait de s’inquiéter du sort de notre pays et des emplois qu’il pourra encore produire dans ce schéma où la spécialisation serait totale.
La vocation de la France ne risque t-elle pas en effet à se limiter à une vaste zone touristique et de villégiatures pour riches retraités, où les seuls emplois qualifiés se trouveront dans quelques rares métropoles capables d’accueillir les fonctions de commandement de quelques grands groupes à taille mondiale.
Fort heureusement, les Allemands ne veulent pas d’une telle Europe. On ne peut que les en remercier !
La réindustrialisation par la compétitivité
Fondamentalement la crise actuelle prend sa source dans la désindustrialisation du continent. Les pays aujourd’hui menacés ont trop laissé se dévitaliser leur base productive. Ne pouvant plus exporter l’équivalent de ce qu’ils importent, leur échanges avec le reste du monde sont devenus structurellement déficitaires. Il s’agit là probablement de l’erreur économique majeure du modèle de la mondialisation libre-échangiste.
Trop exclusivement préoccupés par le niveau global de l’emploi, les Etats ont ne se sont plus souciés de leur nature. Plus la part d’emploi industriel devenait faible et plus les emplois de services non exposés à la concurrence internationale (et donc produisant des biens ou service non exportables) devenaient prépondérants, plus l’industrie a été négligée et traitée comme une activité marginale en terme de création d’emploi, appartenant au passé et condamnée à disparaître au profit d’une nouvelle économie de services. La crise actuelle rappelle la nécessité pour toute économie de pouvoir équilibrer ses échanges extérieurs. Malheureusement, peut-être un peu tard.
La dégradation des échanges extérieurs des pays en difficulté est une conséquence du phénomène d’euro-divergence qui a vu certains développer des excédents et d’autres du déficit. Ce phénomène peut être vu comme Patrick Artus comme inhérent à l’union économique et monétaire. On peut également y voir comme Jacques Sapir la conséquence d’une politique non coopérative excessivement agressive de l’Allemagne qui a gagné des parts de marché au détriment de ses voisins. Bien évidemment, ce n’est pas l’interprétation officielle qui est retenue dans les cercles autorisés. Encore une fois, c’est la position allemande qui sert d’étalon.
On ne saurait en effet reprocher dans l’union européenne et la mondialisation à un pays d’avoir comprimé les salaires et le pouvoir d’achat, réduits les droits sociaux et massivement délocalisés et d’être devenu “trop compétitif”. Le problème vient nécessairement des perdants qui se sont trop laissé aller. Il leur appartient donc de suivre le même chemin que l’Allemagne avec 10 ans de retard avec une bonne et saine politique de rigueur salariale et budgétaire et avec une politique industrielle un peu plus offensive (effort de recherche et d’innovation, recherche de marchés à l’export, réduction de la fiscalité sur les entreprises, intensification de la qualification de la main d’oeuvre …)
Si le premier terme du programme s’assimile aux politiques d’austérité déjà examinées plus haut, le second ne saurait être balayé d’un revers de main. La compétitivité industrielle ne se résume pas qu’au paramètre « coût ». Les pays déficitaires – et notamment la France – seraient bien inspirés de s’attacher un peu plus à la montée de gamme de leur appareil industriel
Le problème c’est que de maintenir sa compétitivité et reconstituer une base productive qui a disparu, n’est pas du tout la même chose ! Lorsque l’Allemagne a engagé sa course à la compétitivité, elle disposait d’une base forte et d’un appareil industriel performant. Tel n’est plus le cas des pays qui ont préféré miser sur les emplois semi-aidés de service à la personne, dans le tourisme, l’hôtellerie, la restauration ou la construction immobilière. Recréer des PME exportatrices performantes, un appareil de formation professionnelle orienté sur les métiers productifs et une culture de la conquête des marchés extérieurs ne sera pas des plus faciles.
Compte tenu de l’avance prise par l’Allemagne, l’exercice apparaît perdu d’avance dans le cadre de l’actuel carcan européen, avec finances publiques en ruine, une surveillance tatillonne de la commission sur les aides aux entreprises, avec une monnaie surévaluée et dans un contexte de libre échange intégral où toutes les activités productives sont devenues des nomades déracinés dont les décisions de localisation ne sont dictées que par la loi du profit maximum.
La solution des deux Euros
Pour finir ce panorama des solutions officielles, je ne résiste pas à dire un mot d’une proposition initialement défendue par l’économiste Christian Saint-Etienne et récemment reprise avec force par l’ancien patron des patrons allemands Han-Olaf Henkel. Elle consiste à scinder la zone euro en deux pour regrouper au sein d’une même monnaie les pays excédentaire et dans une autre les pays déficitaires.
Du point de vue allemand, il ne s’agit que de repousser hors de leur zone les pays à problèmes pour être certain de ne pas être amené à les renflouer. Du point de vue Français, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’idée vague d’union latine déjà évoquée ici à la faveur d’échanges avec Jacques Sapir.
Je n’examinerais pas ici en détail cette hypothèse dans la mesure où elle n’apporte en elle-même aucune solution économique aux problèmes posés. En revanche, elle comporte une dimension politique évidente en cas d’explosion, non pas seulement de la zone euro mais de l’union européenne elle-même. Elle préfigure une nouvelle Europe multipolaire dont les centres seraient Moscou, Berlin, Paris et Londres avec quelques zones de transitions plus ou moins satellisées. Et surtout elle acterait un divorce définitif du couple franco-allemand en forme de partage du continent qui ravira certainement tous les nostalgiques de l’Empire des deux cotés du Rhin.
Ayant été l’un des premiers à prôner une rupture avec l’Allemagne et à imaginer l’union latine dans la foulée en forme de porte de sortie (mai 2008) je ne peux qu’accueillir cette proposition avec sympathie et intérêt. Même si la question n’est pas d’actualité, nous devons tout de même la conserver discrètement dans un coin de notre tête comme une perspective possible pour reconstruire un nouveau système économique après l’inévitable déflagration européenne. L’enjeu prioritaire reste cependant de l’éviter. Nous verrons comment la prochaine fois en passant en revue les solutions dite « hétérodoxes »
Xavier Malakine
A suivre, les solutions « hétérodoxes »
- Le défaut sur les dettes souveraines
- La monétisation des dettes publique
- La fin de l’Euro et la dévaluation généralisée
- Le protectionnisme national
Comme tu l'as dit, l'Allemagne de par sa volonté a permis de limiter la mise en oeuvre des différentes solutions proposées et notamment les euro-obligations.
Clairement les Allemands ne veulent pas payer pour les autres et cela peut se comprendre.
Néanmoins, j'ai un peu de mal à saisir pourquoi ce pays ne va pas au bout de son "combat" en sortant de manière unilatérale de la zone euro.
S'agissant de la réindustrialisation du pays, il est vrai que la tâche est ardue mais comme on dit : impossible n'est pas français ! La question est de savoir vers quelle industrie on veut se tourner. N'oublions pas que les ouvriers Français sont ceux qui sont le plus productifs au monde.
Pour finir sur l'europe à deux euros, cela peut être envisageable mais rien ne dit que ces deux zones seront des zones monétaires optimales. Or si ce n'est pas le cas on risque de retomber dans les mêmes travers.
Rédigé par : Tomgu | 23 décembre 2010 à 15:43
Sur la stratégie allemande et sur les réels gains de compétitivité obtenus, il me semble qu'un aspect historique essentiel est trop facilement oublié. Il s'agit de l'intégration des länder de l'est. La réunification a eu comme conséquence l’apport d’une main d'œuvre bien formé et à faible coût. Il a été demandé aux allemands un prix à payer pour la réunification. Cette « concurrence » a permis de justifier tous les efforts imposés aux salariés de l’ouest. La gauche allemande et les syndicats ont été les prescripteurs de cette politique. Il n’y a pas pour la France un modèle allemand à dupliquer comme il se dit ces deniers temps. Je pense également que si les allemands ont accepté de faire cet effort par patriotisme, jamais ils ne seront disposés à le faire pour les grecs, ou … les français.
Rédigé par : François Ennat | 23 décembre 2010 à 17:31
@Xavier
En fait, tu avais bien fait de prendre quelques vacances d'écriture; c'est du très bon "Malakine"... tu termines l'année en beauté ;)
@Tomgu
Tout à fait d'accord en ce qui concerne l'Europe à 2 euros; ca ne résoudra rien puisque qu'il n'y aurait pas de réel "dénominateur commun" dans aucune des 2 zones prises séparément; Néanmoins une zone euro-mark avec l'Allemagne, le Luxembourg, l'Autriche, les P-B (j'en oublie?) aurait peut être sens; s'y retrouver serai catastrophique pour la France.
@Tous
Il ne faut pas oublier que pour beaucoup des pays endettés (dette publique), si on oublie ces trois dernières années de crise, la dette représente sensiblement le montant des intérêts qu'il leur a fallu emprunter (# 1340 Md€ pour la France depuis 1980) . Les soldes primaires des budgets (sans intérêts) sont relativement équilibrés sur cette période. C'est bien l'obligation d'emprunter les trésoreries nécessaires (et donc de les faire monétiser par le système bancaire privé au lieu de le faire par les Banques Centrales) qui sont cause des accumulations des dettes publiques.
Rédigé par : A-J Holbecq | 23 décembre 2010 à 18:12
@ Malakine,
Pas grand chose à dire. Je partage totalement. Très bonne synthèse. Notamment la critique de l'idée farfelue des eurobonds.
Rédigé par : Laurent Pinsolle | 23 décembre 2010 à 20:16
D'accord aussi avec cette analyse.
La "pensée unique" est à bout de souffle devant ce qu'elle a enfanté. On imagine mal le changement, qui se profile encore de manière très flou, s'opérer dans la sérénité.
Rédigé par : Marsault | 23 décembre 2010 à 21:01
C'est une bonne synthèse qui m'amène d'ailleurs à une réflexion originale (non je suis à jeun ;-) ) :
En 1914, l'Allemagne est entrée en guerre avec des objectifs précis qui se révèlent objectivement réalisés aujourd'hui.
En 1919, la France victorieuse a poursuivi une politique du pire ("l'Allemagne paiera") qui est aujourd'hui présentée par de nombreux pays comme l'une des portes de sortie de la Crise.
la question est donc de savoir si le choix entre le maintien du statu quo actuel (pro-allemagne) ou l'accélèration des intégrations économiques (solution 1919) dépendra du Royaume-Uni ? - histoire de "boucler la boucle" et de se retrouver vraiment dans l'Europe post-Congrès de Vienne...
Cela en dit long sur la régression à laquelle nous assistons.
CM
Rédigé par : Verdun | 24 décembre 2010 à 12:18
Moi j'aime bien le ton que tu prends, parce qu'il n'est pas accusateur, ce qui crédibilise ton analyse.
Mais mon penchant ne peut cependant m'empêcher de dire ici que "la désindustrialisation, ce n'est pas qu'une erreur, c'est une conséquence néfaste du mondialisme en tant qu'idéologie - idéologie qui ne sert pas les intérêts des peuples européens - idéologie mise en oeuvre par la commission de bruxelles dont les commissaires ne sont pas élus démocratiquement" - une fois de plus: si on comprend simplement que le système de bruxelles défend d'autres intérêts que ceux des peuples des nations européennes, on comprend que la priorité c'est les pointer du doigt en tant que responsables et coupables de la régression généralisée actuelle - qu'on aurait pu largement éviter en étant simplement "européens", mais véritablement.
Rédigé par : jul' | 25 décembre 2010 à 12:13
Sans vouloir faire le troll mais volontairement provocateur :
N'y a-t-il pas moyen de renégocier les interets?
Pour n'en payer que rien ou partie?!
N'y aurait-il pas moyen d'allouer une partie du résultat du travail français au paiement d'une partie de ces interets? Un paiement en nature en quelque sorte....
Tout ou partie des travailleurs travailleraient "gratuitement" sur un travail servant a rembourser une partie de la dette?
Certes, difficilement réalisable voire complètement utopique dans ce contexte de mondialisation. Étant novice et très peu calé en économie mais pourtant très intéressé par ces questions, j'essaie d'apporter ma pierre a l'édifice...
Rédigé par : Marc | 26 décembre 2010 à 00:08
Pour ce qui est de l'innovation privée en France c'est devenu lamentable, j'ai payé cher pour l'apprendre et ne pas être parti plus tôt de la France.
Pour la recherche publique c'est aussi la cata, voir :
http://www.france5.fr/c-a-dire/index-fr.php?page=emission&id_article=1347
Rédigé par : olaf | 26 décembre 2010 à 11:13
Excellent, j'ai vraiment hâte de lire la suite, le sommaire des prochains numéros me paraît assez alléchant.
Je voudrais poser une question un peu naïve : une création massive d'emplois ne serait-elle pas la meilleure alternative à l'austérité ? L'idée serait de produire tous pour produire plus, et s'épargner des plans d'austérité. D'ailleurs ce n'est pas exactement ce que fait l'Allemagne.
En tout cas ce "théorème d'Artus" me paraît décidément très juste.
Autre chose (encore une question un peu naïve sans doute) : notre dépendance extérieure pour les matières premières ne pose-t-elle pas un problème fondamental ? N'est-ce pas in fine cette dépendance qui nous contraint à dégager des excédents commerciaux dans d'autres domaines afin de payer ces matières premières ? Et dans cette perspective, la véritable priorité ne consiste-t-elle pas à mettre en œuvre un énorme effort de recherche et développement pour sécuriser nos approvisionnements de ce côté-là ? Quitte à rouvrir nos mines d'uranium (dont le potentiel est sans doute très limité, mais c'est toujours mieux que rien), et pourquoi pas nos mines de charbon (là j'ai bien conscience que je donne dans la provocation, mais j'assume totalement…). Quitte surtout à investir massivement - et donc forcément au détriment du reste - et à très long terme dans la formation, la recherche et la main-d'œuvre en vue de trouver un substitut viable au pétrole, qui puisse être exploité/produit en France ? Je pense en particulier à ces biocarburants de deuxième (ou troisième ?) génération dont Yann a souvent parlé. Bon je vous fais grâce de la fusion nucléaire, des astéroïdes, de l'hélium 3 lunaire et de toutes ces sortes de choses bizarres… mais j'y pense très fort.
Comme tu le dis très bien, "La crise actuelle rappelle la nécessité pour toute économie de pouvoir équilibrer ses échanges extérieurs". (désolé, je n'ai pas trouvé le truc pour l'italique, si tu peux m'expliquer…)
Jusque récemment je ne "croyais pas" à la crise pétrolière de 73. Je persiste à croire qu'elle a servi de justification (bidon) à la politique de chômage de masse, mais plus ça va plus je me dis que cette crise avait réellement un sens profond.
Rappelons-nous que jusque dans l'entre-deux-guerres, notre économie carburait avant tout au charbon. Or les mines de charbon étaient en France…
Dans les années cinquante et soixante, on carburait au pétrole, mais on avait du pétrole… en Algérie, et le pétrole du Moyen-Orient était bon marché. Donc notre dépendance ne pesait pas du tout de la même façon sur notre économie.
Depuis les années soixante-dix, la donne a changé. Et ce n'est certainement qu'un début.
En gros, mon raisonnement est le suivant. Je pars d'un constat qui me paraît difficilement contestable : nous avons besoin de matières premières, et en l'état actuel des choses nous devons les acheter à l'étranger. Il me semble qu'il n'y a pas trente-six solutions. Je n'en vois que trois :
1/ Produire plus (en produisant tous…), en espérant avoir quelque chose de suffisant à proposer aux pays étrangers concernés en échange de leurs matières premières. Sachant que ces pays seront très bientôt (ou sont déjà) capables de produire eux-mêmes des avions de ligne, des centrales nucléaires et même des sacs Vuitton, arrivera très vite un moment où nous n'aurons plus que de la main-d'œuvre à leur proposer. Ce qui nous mettra dans une situation de domination, mais cette fois nous ne serons plus les dominants.
2/ Nous endetter encore un peu plus, mais là il semble qu'on ne pourra pas aller beaucoup plus loin.
3/ Travailler tous, et pourquoi pas travailler plus aussi, pour recouvrer un minimum d'indépendance et de souveraineté en termes d'accès aux matières premières.
Il paraît que Deng Xioaping a dit un jour : "Le Moyen-Orient a du pétrole, mais la Chine a des terres rares". Et la France elle a quoi ? On a intérêt à trouver quelque chose, parce que l'ère de la domination militaire de type colonial est bel et bien finie.
Rédigé par : Sébastien Mainguet | 27 décembre 2010 à 00:49
C'est Deng Xiaoping, évidemment.
Rédigé par : Sébastien Mainguet | 27 décembre 2010 à 02:27
@ Sébastien Mainguet
La France n'a pas de pétrole mais elle a des idées. C'est là dessus qu'il faut jouer !
Rédigé par : Tomgu | 27 décembre 2010 à 10:26
"...Solution somme toute logique. Ces pays ont vécu trop longtemps au dessus de leurs moyens":
Mais n'est ce pas aussi un des problemes? La France n'a jamais ete aussi riche. Un budget se balance entre depenses et recettes. Si le deficit nourrit la dette c'est aussi principalement car l'on n'a cesse depuis trente ans de reduire l'assiette des recettes et de tout defiscaliser. La niche Cope a deja coute 20milliards, la taxe prof coutera 9milliards, etc, etc...Avons nous vraiment vecu au dessus de nos moyens? Peut etre, mais pas comme l'on voudrait nous le faire croire.
"ramener leur niveau de vie au niveau de richesse que leur économie produit de manière endogène": chiche! Taxons aussi la valeur ajoutee et les gains du capital au niveau ou ils etaient taxes ne serait ce qu'il y a dix ans de cela. Combien de dizaines de milliards entreraient dans les caisses.
La reflexion economique est essentielle et aucune des "solutions" presentees n'est effectivement satisfaisante. Nous allons dans le mur, nous le voyons tous. Je crois qu'il n'y aura pas de solution economique tant qu'il n'y aura pas eu de reflexion profonde sur le role du politique. Le politique doit reprendre le pouvoir sur l'economique (la crise actuelle pose de veritables questions sur l'etat de nos democraties), cela ne pourra se faire que si les peuples europeens remettent leurs dirigeants devant leurs responsabilites dont la premiere devrait etre de servir leurs interets et non de travailler a leur apauvrissement.
Rédigé par : pierre urville | 28 décembre 2010 à 16:19
@pierre urville
Jusqu'en 2007/2008, les soldes primaires (sans intérêts) des budgets des APU étaient relativement équilibrés; les déficits étaient sensiblement l'équivalent des intérêts dus sur la dette publique, et il n'y aurait quasiment pas eu de dette résiduelle sans ces intérêts.
Mais cette précision faite, je suis d'accord avec vous.
Rédigé par : A-J Holbecq | 29 décembre 2010 à 10:21
La réindustrialisation du pays est une priorité.
Parce que le modèle "je ne produit plus - mais je consomme - à crédit" arrive en bout de course. Avec un service de la dette qui devient insupportable. Avec comme perspective d'avenir les plans d'austérité et la déflation.
Le pétrole bon marché, à horizon d'une génération, est derrière nous. Il y a un véritable enjeu à trouver les solutions énergétiques de remplacement. La France a la capacité a participer aux premiers rang de cette future bataille. Mais pour cela, il faut qu'elle ait les coudées franches, qu'elle puisse investir et créer les entreprises de demain. Ce qu'elle ne peut pas faire dans le carcan qu'est l'UE.
Seul l'Etat pourra financer cette réindustrialisation. Pour preuve, voir ce jour le rapport de l'Insee indiquant une baisse des crédits accordés aux entreprises par le secteur bancaire (alors que les crédits à la consommation augmentent fortement).
Rédigé par : philippe ségard | 29 décembre 2010 à 18:56