Nous poursuivons donc notre tour d’horizon des solutions possibles à la crise des dettes souveraines, telle que diagnostiquée précédemment comme une crise de solvabilité des pays déficitaires de la zone.
Après avoir passé en revue les solutions qui ont cours dans les milieux autorisés, examinons à présent les pistes de solutions plus hétérodoxes.
Aucun remède miracle ne se dégageant au terme de cette analyse, je proposerai ensuite une synthèse en forme de conclusion. Pour ceux qui ont des difficulté à lire les longs texte sur écran, l’intégralité de la série sera proposée dans une version remaniée en pdf à imprimer.
Le défaut sur les dettes publiques, une fausse bonne idée.
Les Allemands, qui ont bien compris le caractère structurel de la crise des dettes souveraines ont proposé d’accompagner les prochains plans dit « de sauvetage » par un mécanisme de défaut afin de faire partager la note avec les investisseurs trop imprudents.
Cette proposition a priori séduisante comporte toutefois bien des inconvénients. En premier lieu, elle tend à rendre les marchés extrêmement nerveux ce qui les poussent à majorer les primes de risques qu’ils exigent. Cette prise de position a d’ailleurs grandement contribué à favoriser la contagion de la crise à l’ensemble des pays en difficultés. A quel niveau monteront les taux d’intérêts sur les dettes publiques des pays à la solvabilité douteuse, lorsque les dettes publiques seront officiellement risquées ? Les pays concernés pourront-ils même encore arriver à se financer sur les marchés ? On entre là en terre inconnue.
En outre, nul ne sait exactement quel est l’ampleur des dettes irrécouvrables toute nature confondues en Europe. Si le volume des pertes à faire subir au système bancaire est limité, celui-ci pourra le supporter sans faillir. Mais rien n’est moins sûr. Frédéric Lordon dans son dernier texte, prédit une faillite généralisée des banques en cas de généralisation du défaut des Etats !
Plus profondément, la proposition souffre du même vice que celle des Eurobonds. Elle ne fonctionne qu’en cas de difficulté ponctuelle mais est inopérante en cas d’insolvabilité structurelle. Admettons qu’un pays surendetté fasse défaut et bénéficie de prêts garantis par ses voisins européens. Il devra quand même pouvoir remettre son économie sur pied pendant la durée où ses besoins de financement seront assurés par les mécanismes de solidarité, afin de pouvoir revenir ensuite sur les marchés financiers avec de solides garanties !
Il y a enfin quelque chose de profondément paradoxal d’attendre des Etats qu’ils épongent les pertes des banques en les recapitalisant, puis d’accepter que ceux-ci une fois trop endettés leur fasse subir des pertes qui pourraient de nouveau leur être fatales.
Si in fine, la solution est de recourir massivement à la création monétaire pour recapitaliser les banques après leur faillite comme le propose Lordon dans son scénario, pourquoi ne pas utiliser cette arme avant, afin d’éviter le cataclysme financier ?
La monétisation des dettes, oui mais comment ?
La solution de la monétisation massive des dettes publiques est aussi une idée qui fait son chemin depuis quelques temps, même si c’est davantage sur la toile que dans les milieux autorisés. Le fait que les Etats-Unis aient décidé de recourir massivement à la planche à billets pour faciliter le financement leur économie (lourdement et structurellement déficitaire) a quelque peu contribué à légitimer cette solution hétérodoxe. Elle se recommande en effet d’arguments valables.
Les créances irrécouvrables auxquels il s’agit de faire face s’analysent comme de la monnaie-dette qui a été émise en excès sur la base d’une promesse de création de richesse qui n’a finalement jamais eu lieu. En cas d’insolvabilité de l’emprunteur, cette (fausse) monnaie, au lieu d’être détruite normalement par le remboursement des prêts à partir de revenus réels, va l’être soit par destruction de capital (les titres de dettes détenues par la banque ou l’épargnant perdant brutalement toute valeur) soit par des sacrifices de l’emprunteur obligé de suer sang et eaux pour rembourser ou de vendre des bijoux de famille. Dans les deux cas, le défaut sur la dette se traduit par une destruction de richesse. A grande échelle, le défaut sur les créances irrécouvrables peut s’avérer cataclysmique.
La création monétaire, en organisant la substitution de monnaie-dette émise en excès par de la vraie monnaie définitive, peut alors permettre d’atténuer cette destruction de richesse.
La création monétaire peut prendre deux formes assez différentes. Elle peut se faire a priori, par un prêt de la banque centrale que l’Etat va injecter dans l’économie via ses dépenses budgétaires, ou bien a posteriori par le rachat par la banque centrale de titres de dettes ne valant plus rien sur les marchés.
Cette technique est diabolisée car supposée susciter de l’inflation, voire de l’hyperinflation, ce qui continue d’effrayer les Allemands près d’un siècle après la République de Weimar. Cette technique peut également avoir pour effet de déprécier la valeur de la monnaie, ce qui ne convient pas davantage aux tenants d’une monnaie forte que sont nos amis d’outre-Rhin.
La crainte de l’inflation ne paraît guère fondée dans le contexte actuel. En effet, si le montant de la création monétaire se limite à celui des créances irrécouvrables, il ne s’agira que de maintenir la masse monétaire en circulation, en évitant la brusque destruction de capital qu’entraîneraient les défauts. En outre, l’inflation est bien davantage causée par un excès de demande sur l’offre que par un accroissement de la masse monétaire. La création monétaire ne participe à l’inflation que dans la mesure où elle contribue à stimuler artificiellement la demande. Or dans une mondialisation où les capacités de production apparaissent illimitées (exceptions faite des ressources naturelles bien sûr), le déséquilibre entre la demande et l’offre ne se traduit plus par de l’inflation mais par du déficit extérieur, ce qui dégradera la solvabilité globale du pays ! Là se trouve le véritable danger d’une création monétaire excessive.
La création monétaire apparaît donc absolument nécessaire pour favoriser une sortie en douceur de la crise financière larvée que connaît l’Europe, mais l’outil doit être manié avec la plus grande des précautions sous peine d’aggraver le mal qu’il s’agit de combattre.
Dans le cas présent, les deux formes de création monétaire doivent être bien distinguées. La création « a posteriori » constituée par le rachat par la banque centrale de titres de dettes plus ou moins pourries semble la meilleure solution. Elle permet de recapitaliser les banques strictement à hauteur des pertes potentielles au fur et à mesure que celles-ci se manifestent, de manière à limiter la brutalité de la destruction de capital. Cette technique ne contribue ni à l’accroissement de la masse monétaire en circulation, ni à stimuler artificiellement la demande. La recapitalisation des banques à la hauteur de leurs pertes ne heurte guère l’objection de l’aléa moral dans la mesure où les bulles d’endettement peuvent être aisément imputées à la responsabilité de l’Europe qui a trop longtemps fermé les yeux sur l’importance de l’endettement privé et le déséquilibre des balances courantes, pour ne s’attacher que trop exclusivement au niveau de l’endettement public.
Cette technique a été massivement pratiquée par la Fed au moment de la crise des subprimes par le rachat de créances immobilières douteuses. Elle est également utilisée par la BCE depuis le déclenchement de la dette souveraine. Elle fait incontestablement partie de la palette des solutions à privilégier. Il est à noter que la solution préconisée par Lordon (défaut sur les dettes publiques, faillite des banques, renationalisation et recapitalisation par création monétaire) procède de la même logique.
Beaucoup plus délicate est en revanche la solution de la création monétaire via des prêts à taux nuls que consentirait la BCE aux Etats membres. Elle aurait naturellement l’avantage de protéger les Etats contre une flambée des taux d’intérêt auxquels leur prêtent les marchés, bien plus efficacement que le mécanisme de prêts mutualisés ou les Eurobonds. Les Etats, directement financés par la BCE seraient en effet définitivement à l’abri de toute insolvabilité et de toute spéculation sur leurs taux d’intérêts.
Outre la difficulté à organiser une telle politique dans le cadre européen compte tenu de l’hétérogénéité des situations et le très probable véto allemand, elle se heurterait aussitôt au « théorème d’Artus ».
Cette solution ne pourra en aucun cas exonérer les Etats déficitaires de la nécessité de rééquilibrer leurs échanges extérieurs afin de restaurer leur solvabilité globale, ce qui implique une contraction forte de leur demande intérieure. La création monétaire pourrait quelque peu desserrer les contraintes, atténuer la rigueur du désendettement et donc prévenir les risques de défauts sur les dettes privées, mais elle ne peut en aucun cas être une solution pérenne. Il y a en effet une contradiction entre les termes du problème. La création monétaire prévient des situations d’insolvabilité en fournissant de nouvelles ressources monétaires, mais mal utilisée, elle peut aussi stimuler la demande et ainsi contribuer à dégrader encore la balance courante qui est le principal facteur de l’insolvabilité. L’essentiel est donc moins le principe de la création monétaire que de savoir où cette nouvelle monnaie sera injecté et pour quel usage.
On ne peut donc pas exclure un soutien aux pays déficitaires par création monétaire qui ne se traduirait pas par une dégradation de la balance courante. L’exercice nécessiterait une précision chirurgicale, mais reste théoriquement possible. Il conviendrait alors que la monnaie injectée ne soutienne pas la demande pour des biens et des services importés, mais soit stimule l’offre locale, soit contribue à attirer des capitaux productifs. Cette création monétaire pourrait alors prendre la forme de fonds structurels pour la réindustrialisation des pays déficitaires.
Cette hypothèse se heurte cependant à la difficulté de restaurer une base productive lorsque celle-ci a été laminée par une décennie de mauvaise spécialisation sur l’économie de consommation et les emplois domestiques.
L’explosion de l’euro ou la thérapie de choc
Puisque la monnaie unique, par les déséquilibres croissant qu’elle a suscités au sein de la zone euro, a été un des puissants facteurs de la crise actuelle, sa suppression constituerait-elle alors la solution à privilégier ? Certains militent activement pour cette option, particulièrement Laurent Pinsolle et son parti DLR, qui a fait de la sortie de l’Euro son cheval de bataille.
La proposition paraît pourtant quelque peu simpliste. Ce n’est pas en supprimant les causes d’un problème qu’on répare les dégâts qu’il a causé. Penser cela c’est un peu comme croire que le cancer du poumon d’un gros fumeur va se soigner par l’arrêt de la cigarette. Le fumeur peut arrêter, il aura non seulement toujours son cancer, mais il devra en plus faire face à une insupportable sensation de manque !
Rappelons les effets attendus de cette théorie : En sortant de l’Euro, les pays déficitaires pourront de nouveau dévaluer, ce qui rétablira leur compétitivité et permettra d’alléger leur dette. Ils pourront en effet convertir souverainement la dette contractée en euro, en monnaie nationale dévaluée, retrouver la possibilité de monétiser leur dette publique en empruntant directement auprès de leur banque centrale.
Cette thèse est clairement affectée par le biais individualiste. La solution fonctionne pour un Etat isolé, mais absolument pas si elle est généralisée par tous !
1. La dévaluation de la dette contractée en euro s’assimile à un défaut partiel sur les dettes, ce qui ne manquera pas de dégénérer en crise bancaire et financière, qui se soldera par une destruction d’épargne et in fine par la nécessité de recapitaliser les banques. Or, il est évident que ce genre d’opération sera bien plus facile dans un cadre européen avec une quasi monnaie de réserve internationale, que dans un cadre national avec une monnaie nationale franchement ressuscitée.
2. La dévaluation généralisée des monnaies des pays déficitaires s’analysera comme une mesure d’appauvrissement brutal des économies concernées. Même s’il ne s’agira que de prendre acte d’une dégradation réelle de la compétitivité des pays concernés, l’ajustement s’effectuera de manière violente. Les importations seront immédiatement renchéries, y compris celles qui sont incontournables ou non substituables, ce qui se traduira par une perte de pouvoir d’achat et une contraction de la demande intérieure. Dans la mesure où ces économies sont davantage des économies de consommation que des économies de production, la contraction de la demande se traduira immédiatement par un accroissement du chômage.
3. La dévaluation généralisée entraînera par extension, une contraction vive de la demande globale en Europe, qui reviendrait à une concurrence exacerbée sur les coûts. Les dévaluations fermeraient les débouchés pour les exportations des voisins et accentueraient la concurrence pour leurs productions, ce qui ne manquera pas de causer quelques traumatismes dans l’appareil productif des pays voisins. Imaginons par exemple le sort des producteurs de fruits et légumes français concurrencés par des productions espagnoles rendues hypercompétitives par une pesetas dévaluée …
4. La monétisation des dettes publiques ne fera que déplacer le problème des taux d’intérêt sur la dette privée. Un pays dont la balance courante est déficitaire est contraint d’emprunter sur les marchés de capitaux les devises nécessaires au financement de ses acquisitions à l’extérieur. Plus les besoins seront importants et moins sûr sera la solvabilité de l’emprunteur, plus ces taux seront élevés. Un retour des pays déficitaires à leurs monnaies nationales se traduira immédiatement par une envolée des taux d’intérêts bancaires, avec des effets destructeur sur l’appareil productif qui s’agissait pourtant de stimuler.
5. Ce scénario n’aura des effets positifs que dans la mesure où la dévaluation permettrait un redéveloppement de la base productive. Or, non seulement il est délicat pour un pays de reconstituer une industrie qui a disparue ou qui n’a jamais existé, mais dans un contexte de contradiction globale de la demande européenne, il est évident que la production européenne ne pourra pas croître globalement. Tous les pays ne pourront pas s’avérer gagnants au petit jeu de la réindustrialisation par la course à la compétitivité-coût.
6. L’explosion de l’Euro produira un ajustement brutal des coûts de production au regard de la réalité de la force des différentes économies. Les produits allemands seront plus chers, les italiens moins chers, les espagnols encore moins … Cela entrainera une grande redistribution des cartes dans la localisation de l’appareil productif, ce qui se traduira par un nouveau train de délocalisation. Bien malin celui qui peut dire à l’avance qui seront les gagnants et les perdants d’une telle opération ! L’entreprise allemande qui sera pénalisée par un Mark réévalué, va-t-elle continuer à pouvoir exporter plus cher grâce à la qualité du made in germany ? Va-t-elle se déplacer de l’autre coté de la frontière en Alsace ou en Moselle ? Ou va-t-elle se délocaliser dans un quelconque paradis fiscal, salarial ou social, en Irlande, en Espagne en Europe centrale ou carrément en Asie ?
7. En outre, il n’est pas du tout certain que la France ait vraiment intérêt à dévaluer. Il est en tout état de cause certain que la dévaluation sera bien moindre en France où le déficit de la balance courante n’est que de 1% quand il est de 10% en Espagne, au Portugal ou en Grèce. Il est probable que les effets négatifs sur le pouvoir d’achat, la consommation, l’emploi dans l’économie domestique, la fermeture des marchés des pays qui dévalueront plus et le surcroît de concurrence qu’ils lui feront subir, l’emporteront sur le petit gain en termes de compétitivité coût qu’elle entrainerait sur sa base productive déjà laminée. Compte tenu de son niveau de déficit extérieur, la France aurait surtout intérêt à développer (enfin) des politiques publiques efficaces au service de son appareil industriel et en particulier de ses PME !
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L’objectif poursuivi par la sortie de l’Euro est juste. Il faut rapidement que chacun des pays de la zone retrouvent un équilibre de leur balance courante et pour cela, il faut que les monnaies puissent être régulièrement réajustables entre elles. Cependant, l’Eurodivergence a produit un tel niveau de déséquilibres internes qu’un ajustement par révision des taux de change entre les monnaies nationales, défaut partiel sur les dettes et contraction des demandes internes des pays déficitaires produira un choc très violent pour toute l’économie européenne. Cette solution constituerait une « thérapie de choc » à l’image de celle qui a été infligée aux économies des pays de l’Est au sortir de l’union soviétique, avec les mêmes chances de succès et les mêmes conséquences sociales. L’explosion de l’euro c’est le scénario de la déflagration, la politique du pire.
Le retour à l’équilibre « homéostasique » des économies nationales (désendettement et rééquilibrage des balances courantes) est indispensable, mais il gagnerait à s’effectuer de la manière la plus progressive possible, et donc si possible, dans le cadre de l’Euro et d’une Union Economique et Monétaire réformée.
Vers un protectionnisme national rustique ?
On ne parle plus guère de protectionnisme depuis quelques temps. Il se pourrait bien pourtant que la solution la plus efficace soit à chercher dans cette direction. Non pas un protectionnisme européen qui ne résoudrait en rien le phénomène d’eurodivergence, ni même un protectionnisme tarifaire qui emporterait les mêmes effets qu’une dévaluation généralisée, mais un protectionnisme national et radical qui aurait pour objet de localiser autoritairement une partie de la base productive sur les zones de consommation. C’est encore le plus sûr moyen de réindustrialiser rapidement une économie déficitaire.
Toute l’économie n’est pas soumise à la concurrence internationale. L’économie des services domestiques y est par nature préservée. Pourquoi alors l’intégralité de l’économie productive devrait être considérée comme mobile, allant et venant au gré des perspectives de profits offertes par les différents sites ? Ne pourrait-on pas circonscrire le champ de la concurrence internationale aux produits pour lesquels elle est inévitable ou souhaitable et considérer que certains produits ont vocation à être produit localement sur les zones de consommation ?
S’il peut être plus intéressant d’acheter à l’étranger les produits à haute intensité de main d’œuvre que de mobiliser des ressources pour les produire soi même ou les produits qui évoluent sans cesse pour ne pas se couper des dernières innovations, on ne voit guère l’intérêt d’appliquer la plus extrême des concurrences à des produits technologiquement mûrs ou qu’il est écologiquement absurde de faire transiter sur de longues distances. C’est bien cette concurrence totalement inutile qui entraîne une pression à la baisse sur les salaires, favorise toujours le moins disant et conduit les économies les moins préparées à la compétition à la ruine. La concurrence par la qualité, oui ! La concurrence sur les coûts au seul bénéfice de la maximation du taux de profit, non !
Les productions lié à l’équipement du foyer (électroménager, ameublement, matériaux de construction, équipements énergétiques et en particulier photovoltaïque …) pourraient être relocalisées autoritairement sur les zones de consommations, à la fois dans le but de réindustrialiser les économies déficitaires, limiter ainsi leur dépendance au monde extérieur et les doter en nouveaux emplois productifs qualifiés. Ainsi toute nouvelle bulle immobilière ou stimulation budgétaire du secteur de l’immobilier (notamment pour favoriser sa conversion écologique) entraînera mécaniquement le secteur productif sans dégrader la balance courante.
L’Europe pourrait alors conduire un programme de relocalisations industrielles. Ce plan définirait un délai au terme duquel certaines productions répondant à certains critères définis au niveau européen pourront être fermés au commerce international par décision des Etats membres. Cette réindustrialisation à marche forcée serait financée par de nouveaux fonds structurels européens dédiés aux investissements productifs. Ces fonds seraient alimentés soit par contribution des Etats excédentaires, soit par création monétaire bénéficieraient aux pays déficitaires au prorata de leurs déficits.
La réindustrialisation forcée permettrait d’attirer des capitaux productifs et donc de contribuer à rééquilibrer la balance courante des pays déficitaires, puis une fois les usines mises en service réduire durablement les risques de déficit structurel, même en cas de dégradation de la compétitivité.
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J’ai voulu au travers de cette longue analyse de tenter de restituer ce que j’ai cru comprendre de la dite « crise de l’Euro » de la manière la plus synthétique et simple possible, sans chercher à « vendre » aucune solution. J’espère que ce travail pourra contribuer à la compréhension du problème et à aider chacun à se faire sa propre opinion sur les solutions à mettre en œuvre.
Conclusion à suivre ...
X.Malakine
"Cette solution ne pourra en aucun cas exonérer les Etats déficitaires de la nécessité de rééquilibrer leurs échanges extérieurs afin de restaurer leur solvabilité globale, ce qui implique une contraction forte de leur demande intérieure."
Pas vraiment. Le vrai problème est de rééquilibrer la balance extérieure en ajustant le volume des importations à celui des exportations. Donc la vraie bonne solution, plutôt que de punir les consommateurs consisterait à réorienter la demande sur des biens produits domestiquement, donc de réindustrialiser la France, d'augmenter les salaires et donc d'en passer (Cf Sapir, Lordon et Todd) par une forme plus ou moins prononcée de protectionnisme.
Il n'y a jamais eu de développement économique qu n'ait été assis sur un marché intérieur fort. L'exportation à tout va, c'est du flanc. Les allemands s'en apercevron très bientôt.
Rédigé par : Abraxas | 30 décembre 2010 à 14:40
@ Xavier,
Ton papier est trop long pour que j'y réponde uniquement par un commentaire. Ce sera donc mon papier de samedi...
Rédigé par : Laurent Pinsolle | 30 décembre 2010 à 16:48
@Xavier
Ces différents points de vue sont intéressants.
Tu écris " La dévaluation de la dette contractée en euro s’assimile à un défaut partiel sur les dettes "
C'est vrai pour les dettes détenues par les non résidents, c'est inexact pour les dettes détenues par les résidents: leur pouvoir d'achat ne varie pas.
___________
Je crois qu'il est nécessaire de bien comprendre que dans le système actuel il est impossible de ne pas avoir de dettes (comme je le dis souvent, s'il n'y a plus de dettes il n'y a simplement plus de monnaie de quelque forme que ce soit). La question est d'une part de savoir QUI doit monétiser ces dettes (il n'y a que 2 choix; les banques commerciales ou les banques centrales) et ensuite QUI doit les détenir, de préférence (il n'y a que 3 choix; les ménages, les entreprises, les APU)
Rédigé par : A-J Holbecq | 30 décembre 2010 à 17:35
Il me semble qu’il y a une solution qui n’est pas proposée : la restructuration des dettes, solution moins violente que le défaut pur et simple. C’est un procédé qui permet d’envisager de faire supporter de manière différente aux diverses catégories d’investisseurs (institutionnels, ménages, …) les pertes ou plutôt les gains différés dans le temps et/ou moins élevés que prévus.
Sur la sortie de l’Euro et ses conséquences, je ne me prononcerai pas n’ayant pas les connaissances suffisantes. Mais que l’on considère cette sortie comme une solution à la crise ou pas, elle est néanmoins nécessaire : la monnaie unique est une aberration économique qui ne peut pas fonctionner. La réforme de l’Union Economique et Monétaire ne pourra se faire de manière pertinente que sur la base d’une monnaie commune mais plus unique.
« On ne parle plus guère de protectionnisme depuis quelques temps ». Ce n’est pas l’impression que j’ai. Pierre-Noël Giraud par exemple en parle dans la contribution qu’il a faite au Rapport intermédiaire au Président de la République" préparé par C.Boutin, intitulé "De la mondialisation à l’universalisation : une ambition sociale" et publié en Décembre 2010. Yann a fait récemment un article sur son blog au sujet des quotas. Bref, il me semble que cela reste un sujet d’actualité.
J’aime beaucoup l’idée de « réindustrialisation à marche forcée ». Je trouve que cela fait très Gaullien et cela remet le politique au cœur de l’action en imposant ses décisions au monde économique.
Rédigé par : RST | 30 décembre 2010 à 17:54
@ Xavier,
Bon, finalement, mon papier est écrit, mais comme je le réserve pour samedi, en voici quelques éléments.
Je partage naturellement la dernière partie, le protectionnisme et le besoin d'une politique industrielle forte.
En revanche, je crois que ta critique de la sortie de l'euro souffre de deux grands angles morts. Tout d'abord, rien sur les problèmes que pose l'euro (surévaluation, encouragement à la baisse des salaires, politique unique pour des réalités nationales trop disparates). Nous ne partons pas d'une situation où tout va bien ! A ne pas prendre en comptes les faiblesses de l'unification monétaire européenne, ton raisonnement perd en force.
Deuxième angle mort : tu mets bien en avant les inconvénients des dévaluations. Et il faut reconnaître que les dévaluations posent également des problèmes. Mais c'est presque toujours la solution pour les pays en difficulté, ce qui indique qu'elles ont également des avantages. Si on suit ton raisonnement, on se demande pourquoi l'Argentine, la Grande-Bretagne ou la Suède ont eu recourt à la dépréciation de leur monnaie pour relancer leur économie.
Concernant le défaut, si je crois que c'est une solution assez extrême, je crois qu'on ne pourra pas y couper, au moins pour la Grèce, dont la situation est tout simplement intenable.
Enfin, sur la monétisation, je suis assez surpris que tu préfères le rachat de créances pourries par les banques centrales à la recapitalisation. C'est exactement ce que souhaitent les banques car cela leur permet de garder le contrôle sur leur business tout en se déchargeant de leurs erreurs sur la collectivité.
Rédigé par : Laurent Pinsolle | 30 décembre 2010 à 18:04
Article de Jacques Sapir :
"L’euro peut-il encore être sauvé ?"
Téléchargeable en word
http://www.debout-la-republique.fr/IMG/doc/Peut_on_sauver.doc
Rédigé par : A-J Holbecq | 30 décembre 2010 à 18:14
> Abraxas
J'ai envisagé les solutions une à une de manière isolées. Elles peuvent bien entendu être utilisées conjointement.
> RST
La restructuration c'est quand même une forme de défaut. La somme à rembourser reste la même mais on allonge la durée, c'est bien ça ? J'imagine que cette solution aura tout de même quelques conséquences au niveau du système bancaire et/ou des épargnants ?
> Laurent
Ce papier est la suite des deux derniers. Tu trouveras naturellement mon premier prétendu angle mort dans le premier.
Mon argument principal pour être très réservé sur une explosion de l'Euro, c'est justement qu'il a fortement dégradé la situation. On n'a pas affaire à UN pays qui aurait un problème monétaire mais 5 ou 6 !
Tu fais comme si la France était une ile ou comme si elle était le pays qui souffrait le plus de l'Euro, mais si tu regardes le problème au niveau européen, tu verras que la France va être davantage victime de la méga-dévaluation post-euro qu'elle ne va en tirer avantage.
> André Jacques
JS nous l'a envoyé en nous demandant d'attendre sa publication avant de le publier.
Rédigé par : Malakine | 30 décembre 2010 à 18:49
Désolé, mais il a été diffusé sans doute cette après midi sur http://www.debout-la-republique.fr/L-Euro-peut-il-encore-etre-sauve.html
Rédigé par : A-J Holbecq | 30 décembre 2010 à 20:01
> Xavier
Je pense qu'en fait aucun pays n'a de problème strictement monétaire, mais de nombreux pays de la zone euro ont le problème de faire partie de l'euro.
Rédigé par : A-J Holbecq | 30 décembre 2010 à 20:03
@Laurent
Je vais défendre Malakine ici parce que je pense qu'il a raison de souligner le risque de guerre monétaire sous-jacent à la dévaluation par effet domino. Que certaines monnaies soient sous-évaluées c'est un fait indéniable, mais il ne faut pas oublier que nous vivons dans une système mondiale à change flottant que depuis 1971. Avant cela il y avait des parités fixes, elles ne variaient à cette époque que rarement et sous contrôle politique. On pourrait revenir à un tel système.
Personnellement je préfère l'idée d'un change fixe entre pays et l'usage d'autres mécanismes que la monnaie pour équilibrer les balances des paiements. Car la dévaluation entraine des effets en chaine. Comme je l'avais expliqué dans un texte dont je reprend ici un extrait:
"Mais il y a pire, la nature même du système des changes flottants est instable. Dans notre premier exemple il n'y avait que deux pays qui commerçaient ensembles, si l'on en rajoute un troisième les choses se compliquent un petit peu. En effet, rajoutons l'Italie comme nation commerçante avec la France et l'Allemagne. Imaginons que l'Italie ait une balance commerciale à l'équilibre avec les deux autres nations, mais que comme je l'avais indiqué la France fusse obligé de dévaluer sa monnaie de 10% par rapport au mark. Que doit faire l'Italie? Soit elle ne fait rien et la monnaie française se dévalue envers le mark mais aussi envers la lire Italienne, ce qui produira un déficit commercial de l'Italie vis à vis de la France. Soit l'Italie suit la France et cela produit un excédent de l'Italie vis à vis de l'Allemagne. Imaginons maintenant que l'on mette des centaines de pays dans le système et on obtient le système mondiale actuel. C'est à dire un système totalement chaotique incapable de produire une régulation."
http://lebondosage.over-blog.fr/article-droit-de-douanes-quotas-et-devaluation-52983513.html
La monnaie est une outil trop brutal pour réguler correctement le commerce à l'échelle mondiale. Ce qu'il faut c'est des mesures chirurgicales qui quant elles sont employés ne cause pas de problèmes secondaires. Quand on a un déficit commercial avec l'Allemagne, il faut réduire uniquement ce déficit, et ce, sans créer des excédents avec des voisins qui eux équilibraient leur commerce avec nous, sous peine de les contraindre à réagir à leur tour. Car c'est ce que l'Allemagne a fait à l'Europe. Pour équilibrer son commerce qui devenait déficitaire avec l'Asie, l'Allemagne a créé des excédents avec les autres pays de l'UE. On voit bien qu'avec une dévaluation nous allons produire des problèmes ailleurs en Europe tout en résolvant notre problème commercial avec l'Allemagne. Seule des politiques de quotas, de droits de douanes et de limite d'importation sélective peut nous éviter ces ennuis. On a besoin d'un scalpel pas d'un marteau piqueur.
Rédigé par : yann | 30 décembre 2010 à 22:29
@ Malakine
Je n'avais pas relu ton premier papier... C'est juste, le constat sur les faiblesses de l'euro est là, mais cela ne comble pas le second angle mort. Les dévaluations n'ont pas que des avantages, c'est vrai, mais j'ai l'impression que la vision que beaucoup de gens en ont aujourd'hui est totalement caricaturale, comme si les partisans du franc fort avaient gangrené les esprits. Les dévaluations sont devenues le mal absolu, comme le protectionnisme...
Les dévaluations, ce n'est pas forcément le chaos et le désastre. Bien sûr, il y a les cas de l'Argentine et de l'Islande, mais les dévaluations étaient massives (-72% et -50% par rapport au dollar), et il faut noter que les économies sont reparties après. S'entêter dans une union monétaire avec de gros décalages de productivité mène à ce qu'a vécu l'Argentine de 1998 à 2001...
Bien sûr, un fort protectionnisme pourrait en partie compenser les déséquilibres de coûts au sein de la zone euro. Mais ce n'est pas tout de limiter les importations. Comment la Grèce fera pour exporter si elle ne peut pas dévaluer ? L'équilibre d'une balance commerciale se fait par les exportations et les importations. Là, le protectionnisme n'agit que sur les importations...
Je crois qu'un scénario où le franc perd 10 à 15% vs le mark, et la lire et la peseta 10 à 15% par rapport au franc avec un euro qui se déprécie d'au moins 15% peut bien fonctionner. La restructuration des dettes souveraines auraient lieu pour les pays de la périphérie. Aux pays européens de recapitaliser les banques tout de suite, d'un montant comparable aux pertes pour stabiliser le système. Je serais curieux de comprendre pourquoi tu préfères le rachat d'actifs pourris aux recapitalisations.
Mon problème avec l'euro, c'est qu'il dégrade la situation, comme tu le reconnais et que je pense qu'il va continuer à le faire et qu'il faut donc en sortir.
PS : j'ai également été surpris par la publication du papier de JS : j'ai demandé et il m'a été répondu qu'il avait envoyé le papier sans demander de respecter un embargo
Je ne vois pas en quoi je résonne comme si la France était une île. J'essaie d'envisager ce qui se passera avec les autres pays (d'où le scénario global sur les parités). Je vais développer un peu plus dans un autre papier.
@ Yann
Mais on ne peut pas conserver des écarts aussi importants de compétitivité. Les économies de la périphérie de l'Europe ne vont pas s'en remettre, qui plus est avec des dettes aussi élevés et les plans d'austérité actuels. J'ai l'impression que le protectionnisme ne sera pas suffisant...
Rédigé par : Laurent Pinsolle | 30 décembre 2010 à 23:19
> Yann
Je n'ai même pas envisagé le phénomène de dévaluation en cascade comme tu le fais. C'est seulement le bouleversement brutal des taux de change qui suivrait une sortie de l'Euro qui m'inquiète. Que la Grèce, le Portugal, ou l'Irlande dévalue, ce n'est pas bien grave, mais si L'Italie ou l'Espagne en font autant je crains que la France en fasse les frais et qu'au final, la nouvelle concurrence des pays du sud nous fasse plus de mal que le surcroît de compétitivité sur les pays du nord. Je crains aussi que celle-ci soit désormais trop faible pour qu'un petit surcroît de compétitivité coût puisse avoir de grands effets.
> Laurent
Le papier de Sapir semble partager mes craintes sur le scénario d'une explosion brutale de l'Euro. Sapir semble aussi préférer la reconstitution d'un "Euro latin"
Si tu veux vraiment aborder la situation d'un point de vue global, il faut que tu envisages l'impact du scénario de dévaluation généralisée d'une part sur la demande globale en Europe et d'autre part sur la taille de l'industrie européenne.
A mon sens la dévaluation simultanée de tous les pays déficitaires conjugué au désendettement, va avoir un effet récessif très fort à la fois sur la demande et sur l'appareil productif. Dans un contexte de perte globale, si certains pays tirent leur épingle du jeu, ce sera forcément au détriment d'autres. Les pays les mieux placé pour tirer profit de cet éclatement seront ceux qui auront conservé une base productive importante et qui souffrent le plus d'un manque de compétitivité coût. L'Italie et l'Espagne seront bien mieux placés que la France.
La solution que je propose sera présentée dans la conclusion.
Rédigé par : Malakine | 31 décembre 2010 à 11:10
Quelque chose m'échappe dans votre analyse, vous ne parlez que très rarement de réguler la finance. Or il me semble q'une bonne partie des dettes des états sont en lien direct avec celle-ci.Les dettes privés aussi, au non du libre marché et de la libre concurrence, on a préféré endetté(subprime et autres arnaques) les peuples que d'augmenter les salaires du plus grand nombre. Or depuis 2008, malgré être passer à quelques millimètres du goufre, de l'effondrement systémique du système, aucune lois en faveur d'une régulation importante de la finance n'est en vue. Au contraire elle a repris le pouvoir sur le politique. Il me semble que vos solutions ne peuvent aboutir sans ce préalable. (voir lordon)
Rédigé par : Sylvain | 31 décembre 2010 à 17:16