Au moment l'on cherche les moyens de relancer une économie asphyxiée pour conjurer le spectre de la crise des années 30, j'ai eu envie de reproduire la proposition que j'avais adressée l'an passé à la commission Attali : Créer une métropole nouvelle en France. Mieux que ça : Une nouvelle capitale économique !
Cette proposition avait été plutôt bien accueillie dans les commentaires et relevée par Le parisien comme l'une des dix meilleures idées proposées sur le site de la commission Attali. Le Rapport de la commission l'avait repris sous une forme différente, celle de la réalisation d'écopolis, des villes nouvelles de 50 000 habitants orientées développement durable. Malheureusement même si Sarkozy avait validé la proposition, elle s'est enlisée ensuite dans les sables de l'action gouvernementale, n'étant plus ensuite évoquée que dans le cadre du grand Paris.
La réalisation de villes nouvelles est une idée qui m'est chère depuis bien longtemps. Beaucoup s'obstinent à la regarder comme une utopie dangereuse en restant bloqué sur l'expérience désastreuses des villes nouvelles francilienne des années 70. Pourtant je reste persuadé de sa pertinence et de sa faisabilité. J'observe d'ailleurs que des projets de ce type se lancent un peu partout, comme en Tunisie sur les rives du lac Tunis ou en Russie a proximité de Nijni novgorod, deux méga-projets de ville de 500 000 habitant !
Je reproduis donc ce texte qui n'a pas pris une ride, en espérant qu'il puisse contribuer à relancer cette belle idée qui n'a jamais été autant d'actualité.
Après avoir tenté d’exposer les fondements théoriques de l'approche du dynamisme économique par la géographie, je vais en venir au cœur de la proposition que j'ai présenté à la commission Attali sur la libération de la croissance : la construction d’une ville nouvelle, ou de manière plus ambitieuse encore, car un tel projet n’est viable que s’il permet la réalisation d’une utopie : la construction d’une nouvelle capitale économique pour la France et l’édification d’un modèle de ville durable conçu pour répondre aux défis du siècle.
Cette ville, une fois achevée, pourra ajouter son dynamisme propre à l’économie toute entière. Elle constituera un moteur supplémentaire pour la croissance, peut-être même le principal. Sans attendre jusque là, l'engagement du projet, voire son annonce, suffira à relancer l’économie. Sa réalisation exigera des masses considérables de capitaux privés et publics pour le financement des investissements et surtout, l’idée de construire quelque chose destiné à durer et devenir du "patrimoine" pour les générations futures aura un impact extrêmement positif sur la psychologie du Pays.
La construction de villes nouvelles est considérée comme étant une utopie. Pourtant, d’autres pays se lancent dans ce genre d’aventure, généralement des pays neufs qui pensent que l’avenir leur appartient. Les réticences que suscite ce type de projet apparaissent en fait comme le révélateur d’une profonde crise de confiance. Vaincre ces réticences, penser que notre vieux pays serait encore en mesure de faire œuvre de civilisation en bâtissant une cité idéale n’est d'ailleurs pas le moindre des intérêts de ce projet.
En osant entreprendre de bâtir une cité exemplaire, la France pourra retrouver la foi en son génie et prendre pied dans le siècle qui s’ouvre avec confiance.
Une capitale économique pour le monde post-industriel :
La structure très centralisé du pays constitue un handicap pour la France. Elle souffre d’une carence en métropoles régionales dynamiques, d’un nombre trop faible de vrais en « pôle de compétitivité » et d’une capitale tellement centripète qu’elle a assèche le reste du pays de ses forces vives.
La ville nouvelle - que nous appellerons pour des raisons de commodité – « la Cité-Horizon » marquera une profonde rupture avec ce schéma centralisateur. Elle sera bâtie autour d’une grande université de niveau européen positionnée sur une thématique d’avenir porteuse de la prochaine révolution industrielle. Le choix est simple, il s’agira soit du développement durable dans tous ses aspects, soit de la recherche de l’énergie propre qui pourra remplacer le pétrole. Cette méga-université irriguera tout un tissu de centre de recherche, de transfert, d’incubateurs et d’entreprises innovantes, puis par effet d’agglomération accueillera les centres de décisions des plus grands groupes mondiaux.
La construction de la cité Horizons donnera un signal extrêmement fort en faveur d’une vraie décentralisation économique. Son lancement fera définitivement taire toutes les voix qui pensent qu’on ne peut réussir en France collectivement ou individuellement que dans la capitale. Elle aura donc un effet stimulant sur toutes les technopôles régionales. Le but n’est naturellement pas d’assécher la province pour créer remplacer un système centralisé par un duopôle, mais bien d’initier un développement polycentrique où chaque territoire pourra et devra contribuer à la croissance du pays. Si la Cité Horizons doit se développer au détriment d’autres villes, ce devra être au détriment de Paris, voire au détriment des autres capitales européennes.
C’est pourquoi, l’ambition du projet doit être le plus élevé possible : Bâtir la nouvelle capitale économique de la France et l’un des principaux pôles de développement à l’échelle européenne, Paris demeurant la capitale politique, culturelle et administrative du pays. Un peu de concurrence ne fera d’ailleurs pas de mal à la Ville-lumière qui a un peu tendance à s’endormir sur sa rente de situation …
Des investissements gigantesques … et rentables
Pour relancer la croissance, rien ne vaut l’investissement. Malheureusement, l’état des finances publiques ne permet plus de faire de se lancer dans de lourds investissements publics.
Le projet de Cité-Horizon mobilisera des dizaines de milliards d’Euros sur plusieurs décennies, avec ce que cela implique d’emploi induits, non seulement dans le BTP, mais aussi dans l’ingénierie et les services. Pourtant cet investissement ne sera que partiellement à la charge des finances publiques. La plupart des fonds seront d’origine privée et les investissements publics pourront être rentabilisés par la plus value sur le prix des terrains à bâtir.
Imaginons en effet que l’Etat acquière une centaine de kilomètres carrés de terrains dans une nature encore vierge (ce ne sont pas les endroits qui manquent en France), qu’il connecte cette zone aux grandes infrastructures autoroutières et ferroviaires (le pays en est largement pourvus), qu’il y réalise les grands équipements publics (routes, transports collectifs, assainissement, alimentation en eau potable, espaces publics, places, monuments, squares …), la valeur des terrains à bâtir explosera.
La cité Horizons sera donc financée assez facilement en mobilisant l’épargne nationale ou mondiale qui ne sait plus où s’investir intelligemment et sans trop de risques. Avec un schéma un peu ingénieux, on pourrait même éviter que l’endettement ne pèse sur les comptes publics. L’opération pourrait en effet être portée par une société d’économie mixte associant les grandes majors du BTP et de l’immobilier avec une partie du capital ouverte au public.
La Cité-Horizon sera une ville dense aux frontières nettes. Elle pourra être polycentrique avec des quartiers séparés par une nature préservée et reliés par un système de transport en commun ultra rapide, mais elle ne sera pas énormément consommatrice d’espaces. On pourra donc la localiser à peu près n’importe où.
On peut envisager de l’insérer dans un tissu existant comme le catalyseur d’une grande métropole polycentrique, par exemple dans le couloir rhodanien dans un triangle entre Lyon, Marseille et Montpellier. On peut la localiser dans des paysages exceptionnels et totalement vierges, tels les Alpes du sud ou le massif central pour renforcer son attractivité. On peut aussi faire prévaloir une logique d’aménagement du territoire en la localisant dans le « ventre mou » du pays entre le sud de la Loire et le nord du massif central … La géographie de la France offre une multitude de possibilités. La localisation devra seulement respecter deux critères : s’inscrire dans une région spontanément attractive en raison de son climat et de ses paysages (pas dans la Somme ou en Champagne) et être accessibles par les grandes infrastructures (pas sur le plateau des millevaches)
Une page blanche pour construire une cité de rêve
Il est très difficile pour une ville existante de grossir ou de se moderniser sans se dénaturer. La population de l’ile de France a augmenté de 5 millions d’habitants depuis 1945, mais ce n’est pas le Paris haussmannien qui a grossit. La croissance s’est faite par le développement de banlieues à problèmes et de lotissements périurbains sans âme. Toutes les villes ont rencontré ce problème à des degrés divers. Lorsque le développement a été bien géré, la centre-ville historique est devenu trop petit pour la masse de population qui s’est polarisée autour de lui, ce qui génère une impression de fourmilière et d’insolubles problèmes de transports (le cas de Lille par exemple).
Concevoir une ville pour un objectif de population donné, à partir d’une page blanche, permettra une totale liberté dans la définition de l’urbanisme. Tout pourra être pensé et dessiné en fonction de ce que sera la ville, à terme : les réseaux de transports, la largeur des trottoirs et avenues, les espaces verts, sa structure urbaine. Les architectes et les urbanistes pourront laisser libre court à toute leur créativité : Préserver une vaste forêt au cœur de la ville, creuser des canneaux ou des lacs artificiels, arrêter la ville dans des limites nettes et franches au-delà desquelles la nature restera intacte (sans banlieues ni lotissements), des systèmes de transports tellement bien conçus et performants qu’ils dispenseront de l’usage de la voiture, une architecture nouvelle permettant de réconcilier le mode de vie urbain et le rêve de la maison individuelle, des nombreux cœurs de quartiers vivants, une ville aux différentes ambiances architecturales, des espaces publics vastes et nombreux pour favoriser le lien social, une ville autonome en énergie avec des bâtiments très économes, une ville sans ségrégation sociale, sans quartier riches et pauvres, sans spécialisation excessive des zones d’habitat, de commerce et d’activité, des longues promenades piétonnes animées … Place à l’imagination et au rêve !
La Cité-Horizons sera nécessairement innovante, exemplaire, audacieuse, attractive. On y viendra de loin pour étudier son fonctionnement ou admirer ses monuments et son architecture. Avant même son achèvement, elle deviendra un haut lieu du tourisme européen !
Mieux que cela encore, parce que ses premiers habitants et ses premières entreprises y auront été attirés par son projet un peu fou, ils auront tous un esprit pionnier. La Cité-Horizon développera une culture à part, un extraordinaire dynamisme créatif. Elle deviendra la ville où tous les projets peuvent se réaliser, et elle fera école.
La foi retrouvée en notre pays et en notre civilisation
En France, ce projet paraît utopique est insensé. On a tendance à considérer que les villes nous ont été léguées par l’histoire et qu’on n’a pas à créer d’autre. Il paraîtrait même qu’on ne saurait plus le faire ...
Quelle drôle d’idée ! Pierre le Grand a pu fonder Saint Pertersburg sur des marécages au début du 18ème, et malgré nos moyens modernes, nous serions incapables d’en faire autant ? C’est vraiment alors que le déclin est plus profond qu’on ne le dit ! Une civilisation qui s’estime incapable de construire une ville (la base de la civilisation) est une civilisation morte ! On touche là à l’un de aspects les plus conservateurs pour ne pas dire l’un des les plus frileux de notre pays. Son obsession du « patrimoine » qu’il sacralise au-delà du raisonnable est la marque d'une inquiétante nostalgie du passé et d'un paralysant manque de foi en l’avenir ou en nous même.
Il y a dans le monde, plusieurs projets de villes nouvelles vraiment originaux et ambitieux (illustrations). Le Kazakhstan a entrepris depuis 10 ans de se construire une nouvelle capitale, Astana, dans les steppes du nord. La Russie est en train de construire avec des urbanistes français, un projet de cité écologique à proximité de Ekatarinenburg (Akademia City). La chine a en projet de construire 400 villes nouvelles dont la ville de Dongtan, projet 100 % écolo, constitue le laboratoire. Les pays du golfe développent aussi de nombreux projets encore plus délirants.
Pourquoi la France ne s’associerait pas à ce mouvement pour bâtir en Europe, la première cité écologique ?
A l’heure où on n’arrête pas de parler de l’excellence environnementale et des défis climatiques, il serait peut-être temps de s’y mettre ! Cette ville pourrait être non seulement le fer de lance de la recherche sur les nouvelles technologies durables mais aussi un gigantesque terrain d’expérimentation pour leur mise en œuvre.
Au-delà de tous les arguments économiques, l’intérêt majeur du projet serait d’enterrer une fois pour toutes les théories déclinistes, qui sont probablement le pire poison dont souffre la France d’aujourd’hui. Ces théories appellent au sursaut mais finalement elles diffusent dans tous les esprits, l’idée que notre pays est foutu, que l’avenir s’écrira ailleurs et qu’il n’y a rien à faire à cela. La France a eu son heure de gloire mais désormais elle se conjugue au passé, sa seule vocation raisonnable ne pouvant plus être que de devenir un pays-musée, témoin d’une culture et d’un art de vivre dépassé par la vitesse de l’Histoire.
Ce projet de Cité-Horizon, de nouvelle capitale économique, de ville durable, d’écosystème optimisé de croissance, réinscrira la France dans la marche du monde aux cotés de tous les Pays émergents qui pensent que l’avenir leur appartient. La France ne doit pas seulement se redresser. Elle doit renaître en tant que nation portée par un projet collectif et un message universel. La cité Horizon symbolisera sa renaissance et lui redonnera une place dans le monde qui vient.
Malakine (texte publié sur Horizons le 13 septembre 2007)
Je conçois bien ton idée d'Ecopolis qui s'inscrit directement dans une nouvelle politique de grands travaux mais pourquoi construire alors que l'on peut rénover l'existant (avec en prime une réduction significative du CO2)? On désire construire des villes nouvelles sur des surfaces exploitables agricoles alors que certaines partie de l'hexagone se désertifient!
Bien sûr beaucoup de commentateurs vont faire référence aux villes nouvelles des années 70 car celles-ci n'ont pas tenu leurs promesses de développement et de mixité sociale, quid de la durée de vie et du possible dégradement de ce type de ville?
Rédigé par : René Jacquot | 25 octobre 2008 à 16:42
@ Malakine
Je n'avais pas vu ta note lors de sa première publication. C'est une idée extrêmement intéressante qui entrerait très bien dans le cadre d'un grand plan de relance de l'activité : après tout, on peut faire de la rénovation de l'existant et de la création. La création permettra de rendre l'existant encore mieux en testant de nouvelles idées qui pourront après être appliquées ailleurs.
Juste un bémol sur le fait d'en faire une nouvelle capitale : je crois que la position très forte de Paris est un immense atout pour la France. Nous avons la plus grande capitale de l'Europe continentale et je considère cela comme un avantage important pour notre pays. En ce sens, je ne souhaite pas forcément affaiblir la pays de Paris...
Rédigé par : Laurent, gaulliste libre | 25 octobre 2008 à 20:50
@ René Jacquot
La création de nouveaux pôles urbains n'excluent pas la rénovation. Ce n'est pas parceque je suis favorable à la création d'une nouvelle capitale, que je vas considérer que le projet du grand paris ne doit pas avoir lieu. Il faut naturellement retravailler la banlieue pour y créer des pôles de centralité. Le gros avantage de créer des villes ex nihilo c'est que ça permet l'inventivité. Lorsqu'on rénove on doit composer avec les contraintes de l'existant. Je ne sais pas comment le Baron Haussmann a fait pour restructurer le tissu urbain de Paris sous le second empire, mais c'est quelque chose qu'on ne peut plus faire aujourd'hui. Il y a des villes dont la structure ne permet pas de faire passer des tramway ou même de créer des axes cyclables. Lorsque tu penses un ville à partir d'une page blanche tout est possible.
Les villes nouvelles sont justement un moyen de juguler la décroissance démographique de certains territoires. Je vis dans une région en forte récession démographique (l'est industriel) Compte tenu de l'image et du passé de ces territoires, il est illusoire de penser à une relance. On ne peut que gérer le déclin. En revanche, si on construisait une ville nouvelle avec une identité et une attractivité forte entre Metz et Nancy, Montbéliard et Belfort, Besançon et Dijon, Thionville et le Luxembourg (pour parler des territoires que je connais) alors on pourra redynamiser toute la région aux alentours. Le déclin se nourrit de lui même. On ne peut le juguler qu'en induisant des pôles de dynamismes exogène.
@ Laurent
Je ne suis pas d'accord pour Paris. C'est une région profondément malade et comme la france dépend beaucoup de Paris pour son développement, le mal parisien pénalise tout le pays. La France n'a pas vraiment de moteur auxiliaire. Paris est une capitale historique, culturelle, administrative, politique, touristique... Tout ce que tu veux. Mais ce n'est pas une capitale économique.
En plus, il me semble qu'il y a un problème particulier au sein des élites parisiennes, liés à une certaines consanguinuité ou je ne sais pas. Cela ferait le plus grand bien au pays d'avoir une émulation entre deux trois ou quatre élites locales. Dans pays très concentré, lorsque le centre rayonne, tout va bien. Mais lorsque ce centre tombe malade, c'est la cata.
ce que Pierre le Grand a fait en Russie au 18ème siècle (créer une nouvelle capitale) je pense que la France du 21ème devrait en être capable. Il ne me semble pas que la Russie moderne souffre aujourd'hui d'avoir deux capitales.
Rédigé par : Malakine | 26 octobre 2008 à 01:57
Je vois les choses différemment, la plupart des villes nouvelles faites dans les années 70 n'ont rien d'enthousiasmant. Rochefort la ville arsenal de Louis XIV n'est pas bien plus importante maintenant que lors de sa création, Valbonne la ville des moines pareil, ces dernières ont ceci dit une architecture agréable à la différence de St Quentin en Yvelines. Brasilia qu'en dire à part une créativité architecturale. Versailles est aussi un exemple de ville nouvelle de la noblesse devant être mise sous surveillance, le panopticon de Hume permettant la surveillance et le contrôle.
Le prince Charles essaye aussi de promouvoir des villes nouvelles selon un courant architectural conduit par Léo Krier que je connais bien puisqu'il fait partie de ma famille par liens indirects. Me promenant avec lui en Provence où il habite dans un village, il m'avait expliqué que ces villages très chaleureux à vivre avaient été construits par leurs habitants qui n'avaient fait appel à aucun architecte ou urbaniste et pourtant le résultat heureux est là.
Je suis frappé en y repensant qu'il était en train de me dire sans s'en rendre compte, contre disant ainsi ses entreprises de chantier sponsorisés par le prince de Galles, que les meilleurs résultats urbains ne sont que peu planifiés ou si ils le sont c'est par ceux qui vont y habiter et construire pratiquement de leurs mains et donc de leur tête leur habitat. Sorte de localisation cognitive de l'habitat. A savoir un dialogue local aboutissant à un village, à un quartier puis plus tard à une ville.
Il me semble que les villes qui ont produit quelque chose se sont fait es sur cette base qui a été un terreau propice à leur expansion.
Je travaille dans l'industrie et j'ai vu aussi à quel point les nouveaux bâtiments étaient conçus par des architectes et des DG en quête de "performance" et de scoop sans se soucier un seul instant de ce qu'en avaient à dire ceux qui y travailleraient et vivraient. Le résultat était un vrai ratage, cette façon d'imposer en prenant les usagers en question, qui sont en fait des acteurs, pour des cobayes est débectante, prétentieuse et fondamentalement aveuglément stupide.
Les espèces vivantes se construisent par strates d'essais historiques à contrario des OGM parachutés sans l'histoire de validation pérenne, les villes réussies croissent de même par tâtonnements de couches géodésiques. Il n'y a pas de mystère, on ne changera pas l'humain comme ça à coup de plans ambitieux, car il est issu d'une histoire culturelle, comportementale, mais aussi biologique multimillénaire et ça ça ne bouge pas à coup d'ambitions réformatrices, ceux qui s'y sont essayés ont tous tragiquement raté le coche.
Cette volonté de mégavilles issues exnihilo de terre me fait penser à cette lubie de l'homme nouveau ou de la plante ogm nouvelle pour lesquels la dialectique du temps et de ses contraintes serait exclue.
D'autre part les tropismes des hommes au pouvoir politique ou économique se mêleront tellement bien d'une telle entreprise qu'ils en corrompront immanquablement les meilleures et principales intentions.
Rédigé par : olaf | 27 octobre 2008 à 23:09
@Malakine,
je découvre ton billet et les commentaires au retour d'un déplacement professionnel en Allemagne, en Bavière, pour préciser.
Le commentaire d'Olaf m'amène à faire une remarque: il évoque Rochefort, une ville que je connais bien. Il est vrai qu'elle ne se développe pas vraiment mais le cadre est tel (La Corderie Royale, le Chantier de l'Hermione qui attire nombre de visiteurs) que ses habitants sont très heureux d'y vivre.
Je n'en dirais pas autant de La Roche sur Yon, ville nouvelle en son temps, à savoir à l'époque napoléonienne, et qui, malgré les efforts des municipalités successives, n'a pas vraiment d'identité ni de caractère.
De retour de Bavière donc, je reste circonspect devant tes visions. Lors de ton premier texte sur le sujet, j'avais à peu près adhéré mais ce n'est plus le cas.
Le Land bavarois, contrairement à ce que tu suggères comme urbanisme, a choisi de garder le cachet très particulier de chacune des agglomérations. Même Munich, où je me suis rendu, de déroge pas à cette règle.
Certes, les bavarois sont conservateurs, même si la droite a perdu la majorité lors des dernières élections. Il n'en reste pas moins que la qualité de vie y est réelle...et les turcs qui s'y installent actuellement ne diront pas le contraire.
La Bavière est une province et mon avis est celui d'un provincial.
Il me semble que c'est en Hesse qu'Olaf travaille. Dommage, on aurait pu se rencontrer si ces deux lands n'étaient pas si éloignés.
Mon prochain déplacement m'enverra dans l'Italie du Nord...bien différente!
Rédigé par : Philippe | 28 octobre 2008 à 09:58
Tout a fait d'accord avec Olaf,
créer une ville française en dehors du tissu urbain actuel sera une aberration car l'évolution humaine sur notre territoire a déjà sélectionné tous les emplacements valides. De plus une ville, comme tous projet humain, ne se crée pas d'un bloc, ex nihilo, et par planification préalable. Non, une ville doit être le résultat d'un processus évolutif ou les acteurs humains de la cité apportent des éléments qui sont sélectionnés, et d'autres qui sont éliminés. C'est ainsi qu'une ville devient robuste et pérenne. C'est un leurre que de croire a la possibilité d'une grande planification car ce n'est pas de la sorte que la vie, l'humain, la société humaine, procède.
Rédigé par : textpadder | 28 octobre 2008 à 11:40
@ OLAF le revenant !! :-)
Remarque et point de vue très intéressante. Oserais je te faire remarquer que cette thèse est d'essence libérale. Puisque tu crois plus au libre jeu du marché, des forces économiques et à l'addition d'une sommes de décisions individuelles non coordonnées pour produire de l'intérêt général, plus qu'à la volonté de l'homme.
Peut-être y at-il des projets construits par la créativité humaine qui ont échoué. Mais d'autres ont réussis. La retructuration de Paris sous le second Empire par Haussmann était purement volontariste et en rien spontannée. Saint Petersburg créé ex nihilo sur des marais est devenue la deuxième capitale de la Russie et l'une des plus belle ville d'Europe.
A contrario lorsqu'on regarde ce que le développement spontané de l'urbanisme a produit ces dernières décennies, cela suffit à condamner ce modèle de développement : l'étalement urbain infini à la mode américaine avec ses lotissements sans âmes, ses banlieues construites à la va vite dans les années 70.
J'ai grandit dans l'est parisien. Et quand je vois comment la seine et marne s'est développée de Marne la vallée à Disney, ça fait peur ! C'est pas de la ville ça. C'est juste de l'habitat réparti sauvagement sur d'anciennes terres agricoles.
@ Philippe
En somme tu dis que la qualité urbaine et l'identité architecturale est importante pour la qualité de vie. Je suis parfaitement d'accord avec ça.
Mais que penses tu de la manière dont se sont développées les villes françaises. Tu trouves vraiment du cachet aux faubourgs et aux banlieues de nos villes ?
Allez juste une ! Pour essayer, un grand concours de créativité, un grand projet, une belle utopie, une occasion de rêver et de se projeter dans l'avenir ... Vous trouvez pas que ça manque en ce moment ??
Rédigé par : Malakine | 28 octobre 2008 à 11:53
@Malakine,
Juste un mot: je parlais des villes moyennes que je connais, comme des villes de Bavière...
J'ai eu l'occasion de me rendre à Nantes il y a deux semaines, il me semble que les banlieues y sont "vivables" mais je n'ai pas tout vu.
J.M.Ayrault en a fait une chouette de ville, au top dans toutes les enquêtes et tous les domaines. Et l"île de Nantes" est réhabilitée de façon remarquable...
Rédigé par : Philippe | 28 octobre 2008 à 12:28
Malakine,
Pas revenant, je ne suis pas encore un fantôme, ni revenu en France puisque je viens d'emménager avec mes quelques meubles en Allemagne après quelques pérégrinations en meublés sans web, d’où mon absence.
Mon commentaire évoquait plutôt une négociation collective issue du point de vue de l'usager qu'un libéralisme tel que pratiqué actuellement. Je ne parlais pas des forces du marché mais de celles des idées. Les décisions peuvent être collectives et coordonnées, la planification vient après l’accord, c’est l’intendance. Tu parles de la volonté de l’homme au singulier, n’est ce pas un lapsus renvoyant à la décision d’un homme providentiel introuvable. La créativité peut être individuelle mais aussi souvent collective. La coordination n’est qu’un aspect de sa mise en œuvre. Le problème vient quand on pense que la coordination doit devancer la création.
Peut être que mon vécu allemand me le fait mieux saisir maintenant. Ici l’échange d’idées est le préalable, ensuite il y a une décantation puis la planification vient, seulement après.
Le problème n’est pas la coordination, le problème c’est comment établir l’objectif, le cahier des charges qui définit l’objectif( Ziel ) préférable pour les utilisateurs finaux.
Les exemples de zones périurbaines mêlant Mac Do, Buffalo grill, Ikea, But … correspondent à des règlementations les autorisant et décidées par la somme d’une minorité d’élus assez souvent incultes et d’autant plus que pressés par la manne électorale.
Ces règlementations, laxistes pour les ZAC à un point insupportable, se révèlent totalement rigides pour les zones d’habitations où le foisonnement bariolé du commerce fait place à des lotissements tous plus fades les uns que les autres, façon quartiers staliniens dans lesquels la moindre entorse au style régional tel que définit par les architectes chargés de cette besogne tue toute fantaisie acceptable et nécessaire pour évoluer.
L’intérêt général est donc évidemment fonction des intérêts particuliers, même si ce n’est pas une somme trivialement arithmétique mais une opération plus complexe.
Rédigé par : olaf | 29 octobre 2008 à 23:44