La nécro est un art difficile, surtout lorsque le disparu auquel on est sensé rendre hommage ne s'est illustré par rien de très extraordinaire, ni par ce qu'il a fait, ni par ce qu'il était, ni par les idées qu'il a défendues. L'exercice de style se complique encore plus, lorsqu'en privé, on dit du défunt qu'il était infect, arrogant, prétentieux, outrageusement méprisant à l'égard de tous ses proches et que ce qui le caractérisait était surtout son amour des ors de la république.
Hier, Raymond Forni est décédé à l'âge de 66 ans et, dans la journée, beaucoup ont du prendre la plume (dont l'auteur de ses lignes) pour rendre hommage à ce « grand serviteur de la République ». Manifestement, je n'ai pas été le seul à avoir souffert pour trouver dans le parcours du défunt quelques éléments positifs à mettre en avant. Finalement, tout le monde a écrit la même chose, y compris dans la presse locale. Tous ont salué la carrière exceptionnelle de quelqu'un qui n'était pas prédestiné à un tel parcours et nul n'a été capable d'asseoir son hommage par le moindre fait tangible.
Naturellement personne n'a osé esquisser la moindre critique. On ne lira donc pas que Raymond Forni était donné mourant depuis plusieurs années, qu'il était un homme colérique, violent et même haineux à l'égard de ses adversaires ou de ses amis politiques, qu'il a entretenu dans le Territoire de Belfort une atmosphère délétère depuis 2002 en se livrant à une guerre impitoyable au parti et à la personne de Jean Pierre Chevènement, qu'il était un cumulard de première, qu'il s'était notamment fâché avec le PS local pour ne pas l'avoir investi dans « sa » circonscription aux dernières législatives au nom de la parité, au point d'appeler publiquement à ne pas voter pour la candidate régulièrement investie, qu'il avait abandonné, voire trahi, son territoire d'origine en misant tout sur la « capitale régionale » depuis qu'il avait accédé à la fonction de président de la région Franche Comté en 2004, où d'ailleurs, comme la plupart de ses collègues élus en même temps que lui, il n'a strictement rien fait, que malgré ses origines modestes que tout le monde s'est cru obligé de rappeler, il avait adopté toutes les codes de la haute bourgeoisie au point de le faire ressembler à un parfait « Le quesnoy » de la vie est un long fleuve tranquille ...
Dire la vérité, en toute honnêteté et en toute indépendance, est quelque chose qui ne se fait pas au moment d'un décès dans notre vieux pays de tradition catholique, où la mort suffit à laver n'importe qui de toutes les tâches de son histoire, jusqu'à le transformer en Saint.
Raymond Forni n'était finalement qu'une parfaite incarnation de cette classe politique, dont la seule réalisation marquante au termes de 40 ans de vie politique se limite à ... son CV.
@Malakine, pour quelqu'un qui vit à l'autre extrémité de la France et qui ne connaissait de R.Forni que ce qu'en disaient les médias et les récentes déclarations de ses partisans et adversaires, tu nous le montre sous un aspect bien nouveau.
Pourquoi n'a-t-on entendu aucun commentaire de ce type lors des décès récents de politiques? Seule l'hagiographie était bien venue! Je pense à Barre louant Papon...mais il y en a d'autres.
Il est vrai qu'après la mort de F.Mitterrand, on a dit tout et son contraire, mais il était président!
Hors sujet: que pourrait-on écrire sur Sarko s'il avait une crise cardiaque fatale?
Rédigé par : Philippe | 06 janvier 2008 à 10:36
Je te trouve très dur avec Raymond : par la publicité faite autour de son décès, l'homme aura prouvé que si sa vie n'a, réellement, servi à rien du tout, sa mort aura au moins servi à donner du grain à moudre à tout le monde pendant "le" samedi où l'ensemble de la presse française a reçu pour consigne de ne pas parler des dernières vacances de Nicolas Sarkozy avec sa p... euuuh, sa promise !
Rédigé par : Poliblog | 06 janvier 2008 à 12:06
C'est féroce mais je ne le connaissais pas assez pour juger !
Rédigé par : Toréador | 06 janvier 2008 à 18:16
Ce billet me met mal à l'aise. Certes, face aux nécros trop souvent convenues vous osez un commentaire décoiffant.
Sans vouloir vous facher, ne serait-il pas plus sage de méditer la parole de Confucius : "Ne te crois point si important que les autres te paraissent insignifiants" même si je trouve à travers le lien ci-dessous, en partie, la source de votre animosité ?
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p20040129/articles/a231912-.html
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 06 janvier 2008 à 21:52
@ Toré et à PMF
Certes, tout le monde le connaît pas le personnage et ce qui peut m'avoir pousser à écrire cela, mais le message de ce billet se résume dans sa dernière phrase.
On peut en 40 ans de vie politique n'avoir construit rien d'autre qu'un CV. J'avais prévu d'écrire autre chose aujourd'hui mais quand j'ai vu ce matin dans la presse toutes ces nécros qui ressemblaient tellement à ce que j'avais moi même écrit hier, que j'ai voulu faire partager ce grand moment de cynisme.
Rédigé par : Malakine | 06 janvier 2008 à 23:53