Au vu des réactions que je viens de parcourir chez les collègues blogueurs, il semble que la consternation et le défaitisme l’emporte. Certes la gauche sort extrêmement affaiblie de ce premier tour. Certes, Sarkozy fait un score énorme. Mais non, je persiste à dire que rien n’est joué.
Il serait très tentant pour moi d’achever au bazooka l’ambulance Ségolène sur laquelle j’ai pris plaisir à tirer depuis le mois de novembre dernier. Il serait également tentant de déclarer avec un peu d’avance Sarkozy large vainqueur et dédramatiser la perspective de son élection. Pourtant, je ne crois pas du tout que cette élection soit jouée. Comme je l’ai écrit hier, les camps ressortent du premier tour à égalité et il n’y a rien à en retenir d’autre que les français ont qualifié ceux qu’on leur demandait de qualifier pour effacer la culpabilité de leurs mouvements d’humeur du 21 avril 2002 et du 29 mai 2005.
Les résultats respectifs du bloc de gauche et du bloc de droite s’expliquent simplement par la qualité respective de leur campagne de premier tour. La campagne du deuxième tour se fera sur de tout autres bases, a priori beaucoup plus favorables à la candidate socialiste, à la condition toutefois qu’elle parvienne enfin à se hisser au niveau d’une candidate à la présidence de la République.
L’analyse du vote montre que le second tour reste très ouvert.
Sarkozy a fait le plein de voix à droite.
On aurait tort à mon sens de voir dans les résultats du premier tour, un monstrueux virage à droite de l’opinion. Le score très élevé de Sarkozy s’explique avant tout par la qualité de sa campagne de premier tour, qui fût un modèle du genre.
L’image libérale du président de l’UMP n’était plus à faire. Cet électorat lui était acquis. Il a eu l’intelligence de ne pas faire campagne sur le thème de la compétitivité ou de l’adaptation de la France à la mondialisation, mais plutôt de consacrer son énergie à rassembler sa droite avec un discours d’ordre, d’autorité, sécuritaire, anti-assistanat, patriotique et ferme sur l’immigration.
Il a dans le même temps opéré une triangulation très habile et assez réussie. Il a voulu au travers de son alliance avec Henri Guaino s’ouvrir à la France du non et à la droite souverainiste. Sarkozy a même posé les jalons d’une ouverture à gauche en se faisant le défenseur du travail contre tous les dumpings sociaux et environnementaux de la mondialisation et même en proposant de moraliser le capitalisme financier
La qualité de cette campagne lui a permis de rassembler son camp, y compris en réintégrant la droite radicalisée qui s’était réfugiée dans le vote FN. Il a fait le plein dans son électorat naturel, celui des villes et des régions prospères, chez les retraités (44% chez les 65 ans et plus) dans l’électorat traditionnel de la droite (85%). A contrario, ses scores restent assez faibles dans les milieux populaires (17 % des ouvriers, 25% des employés, 3 % des chômeurs).
On peut donc croire qu’il a fait le plein de ses voix au premier tour et qu’il ne dispose que d’un potentiel limité pour élargir son électorat au second tour.
L’électorat de Bayrou penche plutôt à gauche.
La sociologie de l’électorat de Bayrou s’apparente à celui de la gauche. Il est majoritairement jeune (23 % chez les 25 34 ans), se trouve surtout dans les professions intellectuelles (28%) et intermédiaires (22%), mais également dans les milieux populaires (21% des employés, 27 % des chômeurs). L’indécision de cet électorat se confirme. 60 % ont hésité pour un autre candidat, un peu plus sur la gauche (33%) que sur la droite 27%) Il a recueilli 15 % des voix de ceux qui s’affichent proches du PS, 19% des verts, contre seulement 6% de ceux qui se sentent proches de l’UMP.
Ségolène Royal peut donc raisonnablement espérer récupérer entre la moitié et les deux tiers de l’électorat de Bayrou, ce qui devrait suffire pour gagner.
L’électorat de Le Pen semble en revanche perdu pour la gauche.
L’électorat qui est resté chez Le Pen est essentiellement populaire et protestataire. Il se trouve surtout dans les régions en déclin industriel du nord et de l’est de la France. Il a rassemblé 26 % des voix des ouvriers, 22 % des chômeurs. Ses motivations de vote s’appuient essentiellement sur des thèmes sécuritaires et anti-immigration, et d’une manière générale le rejet de la classe politique.
Cet électorat semble trop radicalisé pour se reporter sur Royal. Parmi les électeurs de Le Pen, 40 % ont hésité vers un vote Sarkozy, 13 % vers un vote pour un candidat antilibéral, 12 % pour Bayrou, mais aucun en revanche pour Royal ! On peut donc penser qu’une moitié se reportera sur Sarkozy, l’autre s’abstenant.
Le jeu apparaît donc serré. Tout dépendra de la capacité de ségolène Royal à ramener vers elle, les électeurs que sa campagne pathétique du premier tour a jeté dans les bras de Bayrou.
A condition que Ségolène Royal sache muter en candidate de second tour
Ségolène Royal part avec l’handicap évident de ne pas avoir livré de campagne de premier tour. Elle a cru pouvoir s’en dispenser, comme Jospin en son temps ; cherchant surtout à préparer le rassemblement du second en mettant en avant sa personnalité. Il n'est pas polémique de dire qu'elle n'a pas su – ni même cherché – à créer une dynamique dans son propre électorat naturel. Elle n'a d’ailleurs réussi à le mobiliser qu’a force d’appels au vote utile. La part d’hésitant dans son électorat de dimanche était ainsi 12 points supérieurs à Sarkozy : 23 % ont été tenté de voter Bayrou et 26 % pour d’autres partis de gauche.
L’erreur stratégique de Ségolène Royal majeure a été de faire campagne lors du premier tour sur le même registre et les mêmes thèmes que lors de la primaire socialiste. Comme je l’ai déjà dit, son succès lors de la primaire reposait sur sa capacité de faire échapper le PS à ses contradictions internes. Au premier tour de l’élection présidentielle, l’enjeu était différent. Il fallait consolider son camp et poser les jalons d’une ouverture pour le second tour.
Or, au mépris de toutes les règles de la vie politique, elle a persisté sur le registre de la campagne interne en insistant sur sa singularité, sa nouveauté, sa féminité. Elle a fait continer à débiter ses niaiseries féministes, un insupportable préchi précha moraliste fait de cercles vertueux, de donnant-donnant et de « tout se tient » auxquels personne n’a rien compris. Elle a professée une vision du monde hallucinée où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », qui, naturellement, n’avait aucune chance d’entraîner la moindre adhésion dans l’électorat de gauche.
Au terme de cette campagne nullissime son score apparaît même comme exceptionnellement haut ! Le premier tour est avant tout l’échec du Ségolisme, cette sous idéologie conservatrice, féministe et anti-politique. La forte mobilisation de la gauche de la gauche sur son nom montre en revanche qu’il demeure un fort potentiel de vote strictement politique.
Aujourd’hui, Ségolène Royal ne peut plus être la candidate du Ségolisme de la primaire, celui qui voulait à la fois se distinguer du discours du non de gauche et celui de l’adaptation sociale-démocrate. Elle est devenue la candidate de l’ensemble de la gauche, et même au-delà, la candidate de l’ensemble des français qui ne veulent pas du projet de Nicolas sarkozy. Si elle ne le comprend pas rapidement, elle doit changer de métier !
Lors du premier tour, elle n’est pas parvenue à se hisser au rang de candidate de l’ensemble du parti socialiste. Cela n’a pas été rédhibitoire car il n’a servi qu’à qualifier les deux finalistes pour livrer le combat droite contre gauche que, soit-disant, la France attendait avec impatience depuis 10 ans.
Lors du second il lui faut proposer une alternative au projet politique de Nicolas Sarkozy et enfin se hisser au niveau d'une candidate à la présidence de la république. Dans son malheur, elle a la chance d’avoir face à elle un candidat avec un projet fort, clair et cohérent et doté d’une personnalité aussi fascinante qu’anxiogène. Les moyens de s’opposer à lui ne manquent pas ! Il lui suffit de s’en démarquer et d’adopter une ligne politique, qu’elle soit social-libérale ou social-souverainiste, peut importe du moment qu’elle soit claire et lisible (pas comme son discours de dimanche soir).
Sarkozy propose un chemin bien tracé. A défaut d’un autre, les Français l’emprunteront, car ils veulent plus que tous être gouvernés. Mais si on leur propose une alternative, ils l’emprunteront volontiers.
Non, rien n'est joué.
Bonjour Malakine,
Toujours sur le front, à ce que je lis ! ;)
Bien sûr que rien n'est joué, sauf si rien ne change évidemment, et qu'elle accepte les termes du débat posé avec autorité et suffisance par Nicolas Sarkozy dimanche soir, qui s'est ensuite balladé vitre ouverte et triomphant façon Chirac 1995. Attention le destin n'aime pas trop être provoqué.
Mais…
- Si d'aventure Ségolène royal décidait de créer l'évènement en posant, Elle, et Elle seule, les termes de la refondation politique du PS d'une manière spectaculaire et fracassante dans un formidable quitte ou double ;
- Si elle se posait en véritable patronne et non pas seulement en candidate élue du parti socialiste, car elle est désormais la candidate élue par les français pour la véritable élection présidentielle ;
- Si elle proposait enfin, Elle et Elle seule, de s'appuyer sur le programme de Bayrou plus respectueux de la dépense publique que son pacte présidentiel en renvoyant le reste sine die pour le soumettre d'autorité à discussion ultérieure, après les législatives ;
- Si elle jetait enfin, après en avoir discuté avec Bayrou, les bases d'un accord électoral sincère avec le nouveau parti du centre qui sera certainement créé dans les prochains jours ;
alors là, l'UMP serait à la rammasse sur le plan médiatique et condamné à commenter l'évènement, le choc ainsi créé. Tout deviendrait alors possible et pas tout à fait comme Sarkozy l'entend.
La symbolique : la convocation de Jacques Delors pour faire de la figuration intelligente ne suffira pas.
En toute hypothèse je pense que le score sera plus serré que celui envisagé dimanche soir.
J'observe aussi qu'il n'y a plus aucune réserve de votants parmi les rares abstentionnistes.
Je mettrais un bémol concernant le FN. Je crois que Le Pen est ulcéré et qu'il va probablement vouloir discrètement la peau de Sarkozy, comme Chirac avait, en son temps, savonné gravement la planche à Giscard. Car le FN ne pourra pas prospérer avec Sarkozy à l'Élysée et il n'aura pas la proportionnelle partielle. Sarko va devoir adoucir son discours et rassembler et ce grand écart révèlera son côté tartuffe et son cynisme achevé qui pour moi sont une évidence.
Alors oui c'est une autre élection qui commence. La vraie, la seule.
Donc en l'état actuel de ma réflexion posée à l'extrême centre, ce sera Ségolène si elle reprend vraiment la main (mais je n'y crois pas en fait) ou ce sera le vote blanc.
En attendant Bayrou 2012.
Je redoute des provocations le premier mai (par ou autour du front anti-sarko) et la réaction du "parti de la trouille" qui propulserait alors le score de Sarkozy à des sommets. Sans doute le plan B des hommes de l'ombre… qui sait ? ;)
Rédigé par : Marcus | 24 avril 2007 à 19:59
@Marcus
"En attendant Bayrou 2012."
Désolez mais 2012 c'est deja pris par Dupont Aignan!!!!!!!!!! Je suis sure que les centristes vont faire un flop aux législatives, sans vouloir vous désespérer.
Rédigé par : yann | 24 avril 2007 à 20:07
Possible. Mais vu la réserve prudente de l'UDF et le ralliement de nombreux parlementaires, je crois que l'UMP va se calmer et préserver l'avenir.
Dupont Aignant ?
C'est bien cet ex-parlementaire UMP qui vient de créer son écomusée du Gaullisme ?
On le retrouvera bien conseiller général en Vendée auprès du fou du puîts. :-)
Rédigé par : Marcus | 24 avril 2007 à 20:32
Ben alors, je suis pas un camarade blogueur moi ?! Car suis de ton avis : rien n'est joué !
Rédigé par : Toréador | 24 avril 2007 à 20:35
@Marcus
Au cas ou vous ne l'auriez pas remarqué c'est sur le thème de la nation et de la république que les deux du second tour ont été qualifiés. Certes ils ne sont pas sincère, mais celà signifie que c'est plutôt les européiste et les centristes qui sont définitivement hors course. Les français ne sont finalement pas tombé dans le panneau centriste des gens qui veulent tout changer en faisant des prières en direction de bruxelle.
Et votre critique sur NDA montre à quelle point vous ne le connaissez pas, il fut le seul député de l'UMP à voter contre le CPE qu'il jugeait injuste. Il s'est présenter contre Sarko à de nombreuses reprise, il s'est battu alors qu'il était isolé, c'est un vrai gaulliste contrairement à Sarko. Quand a De villier il est plus proche de la droite catholique que des gaullistes sociaux. Le Gaullisme n'est pas mort il n'est juste pas représenté. Mais la thématique Gaulliste a toujours autant d'impact dans l'opinion, et peut-être même plus qu'autrefois. Je suis sure qu'un vrai parti Gaulliste et républicaine à plus d'avenir en france que le centrisme mou et technocratique de Bayrou.
Rédigé par : yann | 24 avril 2007 à 20:47
Non yann, je te rassure, c'était juste une boutade.
Je considère NDA comme quelqu'un de sincère et de courageux.
Mais le courage se paye car à l'UMP, les traitres ne sont félicités et mis en valeur que s'ils sont du camp adverse.
D'ailleurs, je trouve que l'UMP n'avait pas vraiment besoin de M. Besson. ça manque vraiment d'élégance. Ceci étant, c'est toujours fascinant les "traîtres" en politique. Pardon, je voulais dire les "hommes de conviction"… Question de point de vue.
>"C'est sur le thème de la nation et de la république que les deux du second tour ont été qualifiés ?" Sans doute ! L'avenir dira s'ils n'ont pas pris le risque de filer un bien mauvais coton. 30 % de Français se déclarent ouvertement racistes dans le pays. Nous verrons bien où tout cela nous mènera.
>"Le centre mou" ? faut voir, c'était avant l'UMP.
La campagne de Bayrou m'a enthousiasmé. Où en sera la France dans 5 ans, avec ou sans le centre ?
Mais clairement Bayrou m'a séduit. La composition sociologique de l'électorat détaillée par Malakine est intéressante. Je crois que je vais adhérer à ce nouveau parti si sa ligne se situe dans le prolongement de cette campagne. Bien sûr je suis lucide sur ces 18,53 %, Il n'y a pas que des centristes la dedans, il y a ceux qui ont préféré voter par calcul tactique au vu des sondages de second tour.
Je signale un article intéressant
La France regarde en avant mais l'avenir ne s'annonce pas rose
Par Tony Judt - The New York Times, le 22 avril 2007
Traduction sur questions critiques :
http://questionscritiques.free.fr/edito/Tony_Judt/France_Chirac_Sarkozy_Europe_220407.htm
Rédigé par : Marcus | 24 avril 2007 à 23:35
Quarante-six pour cent des électeurs de François Bayrou voteraient pour Ségolène Royal, tandis que 25% se prononceraient pour Sarkozy. Vingt-neuf pour cent s‘abstiendrait. Soixante-deux pour cent de l'électorat de Jean-Marie Le Pen voteraient pour Nicolas et 16% pour Ségolène. Chez Besancenot , ils sont 78% à avoir l'intention de voter pour Ségolène Royal et 7% pour Nicolas Sarkozy.
J'ai voté pour François Bayrou parce que ses propositions économiques étaient plus simples plus cohérentes et moins onéreuses que celles de ses rivaux,. J'ai voté pour François Bayrou parce que c’était l’assurance d’éviter notre « spin Doctor » à nous.... pas du tout par ce que je me sens "centriste".
Aurais-je encore, à l'occasion des législatives, le souvenir de Bayrou ? Je n'en sais rien....
Si en deux mois Sarkozy montre qu'il va mettre en place la TVA sociale et la baisse des charges salariale, il se peut même que je vote UMP... un comble !
Si en deux mois, le PS montre une vraie volonté d'aggiornamento et se laisse influencer par les thèses de Chevènement, je pourrais rentrer au bercail.
Il se peut aussi que Bayrou fonde un parti Démocrate entre les Deux partis radicaux et pourquoi pas avec eux, ce qui montrerais alors une vraie volonté d'ouverture, et dans ce cas là, la carte serait jouable... mais je n'y crois pas trop.
Pour dans cinq ans.... Nicolas Dupont Aignan, bien sûr... s'il existe encore !
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 25 avril 2007 à 08:54
Si Sarko passe nous pourrons toujours aller habiter sur une autre planète:
http://info.rsr.ch/fr/rsr.html?siteSect=2010&sid=7750753&cKey=1177482843000
Voila une info incroyable mais vrai, il n'y a finalement pas que de mauvaises nouvelles.
Rédigé par : yann | 25 avril 2007 à 10:55