Je sais que j’écris des articles trop longs. Souvent je me dis que je vais faire des articles plus courts, quitte à apporter au sujet d’actualité moins de valeur ajoutée, mais je n’y arrive pas. Mon style, ma marque de fabrique, ce sont des articles de deux pages où j’essaie de "voir plus loin".
Néanmoins, il y a souvent dans l’actualité des sujets sur lesquels j’aimerais réagir, même si je ne suis pas en mesure d’en faire de longs développements. Malheureusement, je n’ai pas toujours le temps d’écrire. C’est pourquoi, j’inaugure cette semaine une nouvelle rubrique, « les brèves de la semaine », pour exprimer en quelques phrases ce qui m’a marqué à la lecture de la presse.
Pour plus de clarté dans vos commentaires (que j’espère nombreux), notamment pour compléter ce panorama de l’actualité. Je coupe l’article en deux. D'abord les brêves politiques. Ensuite les brèves économiques.
Borloo, premier ministrable aux enchères.
Dans mon article très contesté sur l’exercice féminin du pouvoir, j’avais conseillé en conclusion à Sarkozy de s’associer à une personnalité plus ronde pour équilibrer sa conception « hypervirile » du pouvoir. J’avais cité Borloo comme recrue possible. Avec son look de RMIste et son parlé très peuple, il aurait effectivement l’avantage de faire contre-poids à l’image d’amis des puissants du maire de Neuilly.
Borloo a compris que Sarkozy ne pourra pas gagner sans lui, mais il se demande encore s'il a vraiment envie de l'aider. Il a donc décidé de faire monter les enchères et de négocier son ralliement au prix fort. Pour compter le ministre de la cohésion sociale parmi ses soutiens, le candidat sera prié d’oublier son projet présidentiel et d’adhérer à son « programme de gouvernement » Rien de moins !
La condition devrait être proprement inacceptable pour tout candidat un tant soi peu sérieux. En principe, c’est aux ralliés de soutenir le programme du président ! On est loin du « je décide, il exécute » que Chirac avait lancé à l’adresse de Sarko lors d’un 14 juillet. Loin aussi de la conception de Sarkozy du futur rôle de ces ministres.
A priori, cette annonce semble destinée à permettre à Borloo de ne pas soutenir son collègue ministre, pour soutenir Bayrou ou simplement prendre date et se poser en recours. Cependant, si Sarkozy accepte le deal, il nous confirmera qu’il est vraiment prêt à tous les grands écarts pour ce faire élire !
Ségolène Royal cherche toujours sa distance avec le PS
Suivre la stratégie de Ségolène Royal commence à devenir difficile. Elle qui a battu le rappel des éléphants pour compenser son trou d’air, puis les a accusés d’être responsables du manque de dynamique de sa campagne par leur manque de soutien, déclare désormais chez Arlette Chabot qu’elle « reprend toute sa liberté car une présidentielle c’est le lien direct entre le peuple et une personnalité » … Mais dès le lendemain, elle s’affiche avec DSK dans un meeting dans les Ardennes !
En somme, Ségolène fait tout le contraire de ce que je lui conseillais cette semaine. Elle persiste dans une campagne centrée sur sa personne et s’appuie sur l’aile « Bayrouïste » du PS (pardon, social démocrate)
Il y en a un qui que cette stratégie doit arranger, c’est Laurent Fabius. Il est dispensé de se trop s’impliquer et il pourra récupérer après l’élection un PS, relativement préservé de l’échec, sans trop de difficulté sur une stratégie « A gauche toute » …
Un sondage pour ceux qui doutent encore de l'échec du ségolénisme :
la dernière étude du CEVIPOF illustre avec clarté le dramatique échec de la campagne de Ségolène Royal depuis son investiture. Son choix de poursuivre en solo apparaît particulièrement suicidaire lorsqu’on lit la quatrième vague du baromètre CEVIPOF Ministère de l’intérieur. Ce grand sondage (fait sur plus de 5000 personnes) apporte des renseignements intéressants sur ce qui s’est passé jusqu’ici dans cette campagne.
Depuis l’automne, l’image de tous les grands candidats s’est améliorée, sauf de celle de Ségolène Royal qui s’est extrêmement dégradée. Ainsi A la question « il est honnête », Bayrou fait +11, Le Pen + 8, Sarkozy –2 et Royal –5. Sur le critère « Il veut changer les choses » ; Bayrou fait +9, Le Pen +9, Sarkozy +1 et Royal –5. Sur le critère « Il comprend les problèmes des gens comme vous », Bayrou fait +17, Le Pen +6, Sarkozy –1 et Royal –3. A la question « Il vous inquiète » Bayrou fait –14, Le pen +1, Sarkozy +3, et Royal +11 ! Enfin à la question, il a l’étoffe d’un président : Bayrou fait +18, Sarkozy +10, Le Pen + 5 et Royal –7 !
Les spécialistes des sondages disent souvent que plus que les résultats quantitiatifs, ce sont les sondages qualitatifs et les tendances qui sont importantes. En l'espèce, c'est clair ! Ces chiffres devraient au moins faire accepter aux derniers ségolénistes la triste réalité de l'échec du ségolénisme.
Nicolas Dupont Aignan, seul recalé.
Je m’y attendais un peu. Nicolas Dupont Aignan n’est pas parvenu à réunir ses signatures. C’est naturellement une déception pour tous les républicains qui auraient aimé entendre pendant la campagne un discours de rappel aux valeurs républicaines et pour une autre Europe.
Cependant, je pense que c’est une bonne nouvelle pour lui. Cette élection va être centrée sur la qualification des compétiteurs pour le second tour. Cette année, il n’y aura pas d’espace pour ceux qui veulent faire entendre une petite musique différente ou qui veulent se compter. Le risque aurait été trop grand pour lui de se carboniser avec un score dérisoire. L’enjeu pour lui et son mouvement, c’est 2009 et les européennes.
Je suis très curieux et impatient de savoir à qui il va se rallier, (ce qui au passage pourrait me donner une indication quant à mon vote de premier tour qui lui était en principe acquis). Je ne crois pas à un retour dans le giron UMP, ni à une alliance avec Villiers ou Le Pen. En revanche, je verrais bien une alliance avec Bayrou malgré leur opposition sur l’Europe. Après tout, Chevènement a bien rallié Royal et Guaino écrit pour Sarkozy. Dans cette campagne, tous les candidats cherchent à faire la synthèse entre le oui et le non. Pour l’instant, il n’y a que Bayrou qui ne s’y soit pas essayé. NDA pourra certainement l’y conduire. Réponse le 31 mars lors d'un grand meeting qu'il va tenir à la Maison de la Chimie …
Ségolène Royal hésiterait à adopter le protectionnisme européen.
J’ai lu dans Marianne cette semaine que « Ségolène Royal hésite à défendre l’idée du protectionnisme européen, promue par Emmanuel Todd. Même si la concrétisation de cette barrière douanière lui paraît improbable en raison de l’opposition de l’Allemagne, elle estime que cette proposition est une réponse aux angoisses sociales. François Hollande y est hostile, craignant de diviser le PS »
On comprend mieux pourquoi le PS ne dit rien depuis aussi longtemps et qu’il est incapable de renouveler son logiciel redistributif et « service publiciste » : Son premier secrétaire considère qu’il ne doit dire que ce qui fait consensus ! Et dire, qu’il critique Bayrou pour son immobilisme …
Il faut dire que l’idée ne doit pas être très populaire parmi les militants PS. Je me suis rendu compte en étudiant le dernier baromètre du CEVIPOF que le protectionnisme est une idée extrêmement clivante. Elle est très forte dans les classes populaires (45 –50%) mais très faible dans les classes intermédiaires et en particuliers chez les enseignants (19%) pour qui l’ouverture des frontières doit rester un marqueur de modernité. Ceci dit, les enseignants n’ayant, par définition, aucune connaissance du monde de l’entreprise et des questions économiques, leur avis en la matière fonctionne comme une boussole sud ! En tout cas, puisque Mme Royal a décidé de conduire sa campagne en se libérant du PS, il est tant de le prouver.
Identité nationale et immigration
Impossible enfin d'évoquer la semaine politique sans parler de la polémique suscitée par Nicolas Sarkozy avec sa proposition de créer un ministère de l'identité nationale et de l'immigration. Je vais certainement en choquer beaucoup, mais je n'ai pas été plus choqué plus que cela par la proposition. certes, la création d'un ministère est une mesure gadget qui n'est destinée qu'à créer de la polémique et à faire un clin d'oeil au Front National. Certes, l'intitulé n'est pas forcément des plus heureux. Il aurait été préférable d'évoquer un ministère de l'immigration, de l'assimilation et de la lutte contre les discriminations. Certes, l'identité nationale est l'affaire du président de la république et ne peut pas être déléguée à un ministère. Mais sur le fond, qu'il y a t-il de si choquant ?
J'ai surtout été choqué par les réactions. Pourquoi considérer qu'elle signifie nécessairement que l'immigration est une menace pour l'identité nationale ? Pourquoi ne pas tout simplement y voir une affirmation d'évidence, selon laquelle l'assimilation des populations immigrées ne peut se faire sans l'affirmation sans complexe de l'identité nationale et des valeurs républicaines ?
Personellement j'ai été beaucoup plus choqué par les propos de ségolène Royal lors de son meeting de Toulon le 17 janvier qui invitait à écouter ce que dit Diam's dans son brûlot anti france "ma France à moi" où elle évoque une france "qui vit à l'heure américaine" "qui sèche les cours pour ne rien faire" sans parler de l'éructation finale où elle crache sa haine en appelant à prendre les armes ! Ou lorsque la candidate déclare, dans un monumental accès de démagogie, aux jeunes des banlieues qu'ils ne sont pas un problème mais une partie de la solution !
Cela traduit une conception de la nation que personnellement je trouve bien plus "ignoble" et extrêmement dangereuse. Comme le dit Finkelkraut cette semaine dans son entretien avec Max Gallo : "Ce que dit la rappeuse c'est "Ma france à moi, c'est moi". Cette conception hyperindividualiste est la négation de l'idée même de nation et de communauté de destin. Comment peut-on intégrer les jeunes, les immigrés, les habitants des cités, si leur seul discours qu'on leur tient, c'est "Vous êtes français, tel que vous êtes, sans avoir d'efforts à faire, quelque soit votre culture, vos valeurs, votre niveau d'éducation ou votre maîtrise de la langue, et à ce titre vous avez des droits à faire valoir. La France doit vous accepter comme tel !"
Il faut à l'évidence se garder de toute xénophobie et être tolérant à l'égard des différences. Mais il ne faut pas non plus faire de l'anti-le pen par principe et en devenir xenophile ! La cohésion sociale passe par la cohésion nationale et l'affirmation d'une identité nationale et de valeurs communes. En France, l'identité nationale, ce sont les valeurs républicaines. Il n'y a rien d'ignoble à vouloir les rappeler. Il est en revanche irresponsable de les nier pour brosser dans le sens du poil l'électorat des "nouveaux inscrits".
petite remarque sur les enseignants et le protectionnisme européen
vous notez que cette idée est très peu appréciée chez les enseignants. Je suis prêt à parier que cela doit être également vrai pour l'ensemble des fonctionnaires.
Vous dites que cela serait à cause de leur méconnaissance "du monde de l’entreprise et des questions économiques".
A mon avis, ce n'est pas du tout la raison et même au contraire: ils ont très bien compris que le libre échange leur profite à court moyen terme, par le biais des prix de plus en plus bas des produits importés de Chine ou d'ailleurs, des vacances en Thaïlande ou ailleurs. Et tant que l'état pourra les payer, relativement protégés du chômage, ils seront gagnants nets.
C'est à moyen long terme que leur situation devrait se détériorer globalement, mais pas tellement pour eux, pour les nouveaux entrants (il y a de plus en plus de CDD, d'intérimaires, de sous-traitance au sein de l'administration).
Leur choix est donc logique je les comprend parfaitement.
Vous notez que 19% y serait favorable, ce qui doit correspondre à une minorité d'altruistes, sensibles à la solidarité nationale (le pourcentage "réel" doit être plus faible, car de passer à la pratique serait plus dur)
Cordialement
Rédigé par : marc-sevres | 21 mars 2007 à 14:32
"Identité Nationale et Immigration".
Vous avez raison sur le côté piége de la formule, piége pour provoquer les réactions à gauche et récupérer ou conforter des voix qui se seraient portées sur le candidat du FN.
Mais quand dans le même temps Sarkozy fait révoquer un recteur qui s'est opposé à la création d'un lycée communautaire au nom des valeurs républicaines et qui, crime de lèse-majesté, s'est plaint d'avoir subi des "pressions" où est le piège ?
- Est-ce CHIRAC qui donne ainsi raison à SARKOZY pour souligner les tendances répressives du bon Nicolas ?
- Est-ce SARKOZY qui lance ainsi un message aux communautés pour rappeler sa conception personnelle de la République ?
Je ne m'y retrouve pas ! Et de loin je préfère celles et ceux qui ont des valeurs claires.
Remarque : pourquoi faire parler "Diam's" pour contrer Ségolène et pas "Doc Gynéco" quand il s'agit de Sarkozy ?
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 21 mars 2007 à 15:00
@ marc
Vous avez 100 % raison. Si on est pas soi même confronté au monde industriel et à la concurrence internationale, on reste forcément soumis à la pensée dominante qui nous dit que l'ouverture des frontière c'est "bien" et que si la france souffre c'est qu'elle n'est pas assez "compétitive". Moi,même, si je n'avais pas lu Emmanuel Todd à partir de 2003 et si je n'avais pas bossé pendant 4 ans dans le développement économique dans une région à tradition industrielle, je serais très probablement contre le protectionnisme.
@PMF
Cette histoire de recteur qui démissionne avec fracas est effectivement intéressante. Ca sent un peu le reglement de compte, mais je suis tout à fait d'accord pour dire que Sarko garde au fond de lui une conception anglo saxonne de la Nation. La création d'un lycée privé musulman, c'est quelque chose qui doit lui paraître tout à fait naturel.
Je n'ai pas spécialement voulu attaqué Ségolène, mais surtout souligné la conception de la Nation que Diam's décrit dans ma france à moi. Cette chanson m'a mis les larmes aux yeux de tristesse quand je l'ai entendu pour la première fois. Cette haine, ce différentialisme, ces influences islamiques et américaines qu'elle traduit ... Je n'ai effectivement pas apprécié du tout d'entendre que SR y faisait référénce pour nous inciter à l'écoute. Oui, il faut écouter la conception de la nation qu'ont les jeunes de banlieues ... mais pour la combattre. Doc Gyneco, je ne connais pas, et je ne crois pas que Sarko est repris à son compte certaines paroles de ses chansons ...
Rédigé par : Malakine | 22 mars 2007 à 08:16