On vient d’entendre le discours tant attendu de la candidate socialiste. Je vais tenter de livrer mes impressions à chaud. Je prendrais le temps ensuite, de faire une analyse plus construite au vu des 100 propositions qu’elle a semble t-il publié sur son site.
Son discours m’a semblé comporter trois axes forts et une impasse.
Le premier axe fort du discours programme de Ségolène Royal, c’est la réforme de l’Etat. Elle n’a pas dit grand chose de concret, mais j’ai senti une vraie volonté réformatrice, notamment en matière de décentralisation où elle a dit vouloir « en finir avec l’enchevêtrement des compétences », ce qui impliquera une remise à plat totale de l’organisation administrative du pays.
Son discours en la matière n’est toutefois pas exempt d’ambiguïté. Elle semble vouloir donner plus de pouvoir et d’autonomie aux collectivités locales, et en particulier aux régions. Cela implique un retrait de l’Etat des compétences transférées et un recentrage de celui-ci sur un cœur de métier à redéfinir. Néanmoins le discours qui a suivi a décrit un Etat omnipotent, omniprésent, qui s’immisce jusque dans la vie des familles et l’éducation des enfants, qui veut se substituer aux défaillances des collectivités locales en matière de construction de logements sociaux ou qui entend prescrire des politiques aux régions (rénovation des établissements d’enseignements supérieurs, emplois tremplins …) mais aussi aux collectivités de proximité (école des parents, soutien scolaire, etc. …)
L’équation ne va pas être simple à résoudre. Soit Ségolène Royal a construit, sans s’en rendre compte, le programme des socialistes pour les prochaines municipales et cantonales. Soit elle nous prépare une révolution dans l’organisation, le fonctionnement et les modes d’intervention de l’Etat dont je suis très curieux et impatient de connaître le contenu.
La deuxième partie de son discours visait à rendre compte des débats participatifs. C’est de mon point de vue la partie la plus faible de son discours, celle qui sera la plus caractéristique de sa campagne. Celle qui la fera gagner ou la fera perdre. Le discours qu’elle tenait, ses bonnes intentions, les diverses allocations qu’elle promet, n’était celui d’un chef d’Etat, mais d’une « super-maman » L’Etat n’aura certainement ni les moyens financiers, ni la capacité juridique de mettre toutes ces belles intentions en œuvre. En a t-il même la vocation ?
Néanmoins ce volet sociétal de son discours est intéressant dans la manière dont il s’oppose à celui de Sarkozy. Si celui-ci parle à la « France qui se lève tôt le matin » et à ceux qui en ont assez de payer des impôts pour financer l’assistanat, Ségolène a choisi de s’adresser aux mères de familles, aux classes moyennes et aux banlieues. On a, là, retrouvé la candidate de la primaire socialiste. On aime ou on n’aime pas. Certains jugeront que les questions des femmes battues, des grossesses précoces ou la taille des collèges sont des sujets domestiques qui ne relèvent pas de l’Etat mais plutôt de gestion locale. D’autres y verront une manière moderne de faire de la politique en se rapprochant des préoccupations des vrais gens. Une féminisation du pouvoir qui surfe sur un mouvement sociologique de fond …
Après avoir parlé de famille et d’éducation des enfants, Ségolène s’est enfin mis à tenir un discours à la hauteur de la fonction de chef d’Etat, et là, elle m’a bluffé, et même parfois ému. J’avais déjà beaucoup apprécié son discours sur les questions internationales pendant la primaire socialiste. Elle avait tenu une ligne presque « gaulliste », soucieuse du rayonnement et de l’indépendance nationale notamment par rapport à l’empire américain.
Son discours est resté sur ces rails. Elle a même été plus loin en proposant un réinvestissement de la politique étrangère notamment vis à vis de l’Afrique, du proche orient et de la Russie. Le projet européen qu’elle a esquissé était quasi parfait. J’ai beaucoup apprécié la ligne qu’elle a proposée dans nos relations avec la Chine (un futur géant politique dont il faut à se méfier), et vis à vis de la Russie («La Russie appartient à la sphère de civilisation européenne, l’Europe a besoin de la Russie et la Russie de l’Europe. Je serais la présidente du renforcement des liens entre nos peuples »)
Sans parler de protectionnisme, d’un renforcement du tarif extérieur commun ou de contingentement, elle a néanmoins insisté sur la nécessité pour l’Europe de se protéger et d’inclure dans les accords de l’OMC des normes sociales et environnementales. En quelque sorte passer du libre-échange au juste échange. C’était certainement le plus qu’elle pouvait faire en la matière. Mais je trouve ça très rassurant que l’entendre sortir des inepties qu’elle a pu dire sur le thème de l’adaptation à la mondialisation, qu’il s’agisse du développement par les exportations ou du concept d’économie post industrielle théorisée par son directeur de campagne sous forme de protection des marques.
On a clairement senti l’influence qu’a pu avoir Jean Pierre Chevènement sur le volet européen et international de son programme. Voilà qui est rassurant. Cela lui confère un atout incroyable sur Sarkozy, dont l’atlantisme forcené et la vision rabaissée de la France, paraît très inquiétante en cas de crise internationale. Finalement, Ségolène Royal dont on dénonçait l’incompétence en matière diplomatique, est certainement celle qui présente le plus de garanties de sérieux et de continuité en matière d’expression de la voix de la France sur la scène internationale.
L’impasse enfin. Je n’ai rien entendu de très clair sur la question de l’emploi, du pouvoir d’achat, de la croissance ou de la compétitivité de l’économie française. Son histoire de cercle vertueux ne m’a pas semblé très claire. Elle a également été très légère sur les questions fiscales, en se contentant de promettre plus d’imposition pour le capital. Enfin, sur la dette, même si elle a commencé son discours avec gravité sur l’état des finances publiques, la suite n’a fait qu’accumuler les projets de nouvelles dépenses, sans qu’on ait très bien vu sur quelles économies ou quelles nouvelles ressources elles pouvaient être financées. La droite ne va pas la rater !
Il lui sera difficile de poursuivre le reste de sa campagne sans discours fort, ni même de slogan creux, sur les questions économiques et sociales. Sarkozy n’est pas tellement plus brillant en la matière, mais il peut encore s’accrocher à son « travailler plus pour gagner plus » et « le travail créé le travail » Au début, elle semblait tenir un discours aux accents blairistes, voulant réconcilier les Français avec l’entreprise. A moins qu’il s’agissait d’un discours de présidente de Région convaincue de l’utilité des aides aux PME.
Son discours m’a semblé de qualité moyenne, honorable, intéressant. Bien mieux que ce à quoi je m’attendais. Loin toutefois de me transporter d’enthousiasme. Son discours sur le domaine réservé de la fonction présidentielle était parfait. J’ai en revanche toujours un peu de mal avec son coté « super maman » et ses impasses sur les questions économiques. Reste à savoir quels seront les critères sur lesquels on se prononcera au mois d’avril et mai prochain.
La bonne nouvelle c’est que les socialistes ont enfin un débat de discours présidentiel. La campagne va enfin pouvoir commencer !
On était nombreux à l'attendre.
Effectivement, on est loin du nirvana, mais il y a des pts positifs.
Je suis en accord pratiquement en tous points avec malakine, je ne le dirais pas comme ça, mais moi aussi j'ai du mal avec le coté super maman.
Les ambiguités doivent maintenant être levées et il reste un peu plus de 6 semaines pour affiner tout cela.
Il reste encore bcp à faire.
Rédigé par : chavinier | 11 février 2007 à 20:20
Franchement elle n'a fait qu'aligner des proposition visant à plaire aux diverses parties de son clan. Un peu d'europe régulée et de gaulisme pour Chevenement et l'aile gauche du PS. Un petit coup d'afrique autonome en matière agricole pour plaire à la population d'origine africaine et aux internationnalistes du PS. Un petit coup d'adaptation et de compétitivité, ainsi que de rigueur budgétaire pour les sociaux libéraux. Elle a fait un beau paquet, mélangeant tout et son contraire sans jamais entrer dans les détails. Je ne suis absolument pas convaincu par sa prestation, trop d'incohérences et d'imprécisions, elle s'est surtout avéré incapable de donner un ordre de priorité mélangeant des sujets essentiels avec d'autre plus ou moins secondaire. A force de vouloir plaire à tout le monde son programme fini à ne plus ressembler à grand chose. Un homme politoique digne de ce nom doit d'abord s'occuper de l'europe, du libre-échange et de l'eurocar aucune réforme efficace n'est possible sans celà, or ce sujet a à peine été abordé par Miss Royale, surement pour faire oublier ses convictions profondes au peuple de gauche.
Rédigé par : Yann | 11 février 2007 à 22:52
je suis plutôt agréablement surpris par les propositions, même si je suis trés modérément satisfait.
Il ya certaines propostions intéressantes, mais il est vrai que l'on reste dans le flou en ce qui concerne leurs modalités d'applications (financement compris).
MAis ou je rejoins Malkine et les commentateurs, c'est que ce "pacte présidentiel" ne constitue encore qu'une série de mesures déstinées à plaire à certaines catégories, mêmes si ce sont clairement les classes populaires et moyennes inférieures qui sont visées.
Ce qui pose problème c'est l'abscence de hierarchie dans les propositions et donc l'abscence de priorités politiques ou en d'autres termes de ligne politique directrice.
Certes, les propositions sur l'Europe et les relations internationales (vraissemblablement rédigées par JPC) sont pertinentes, mais elles sont mise au même plan que la gratuité de l'avortement pour les moins de 25 ans...Ainsi les propositions sur L'europe sont "noyés" au milieu au milieu du "pacte présidentiel" alors qu'on s'attendrait à ce qu'elles en fassent l'ouverture tant elles conditionnent la réalisation des autres projets en matière de pouvoir d'achat ou d'emploi...
En résumé : çà aurait pu être pire, mais c'est loin d'être enthousiasmant...
Salutations
Rédigé par : Le franc tireur | 12 février 2007 à 09:45
Globalement d'accord sur l'analyse, j'ai trouvé le discours bien structuré (France,Europe,international)avec de réels progrès dans l'intonation. Hier beaucoup critiquaient le manque de programme,il en manque un peu mais les grandes lignes (surtout sur l'europe)sont bien tracées. Quant à l'aspect "super maman " il a fait couler quelques larmes à beaucoup d'électrices femmes, ce n'est pas bien sur dans le pacte mais celà fait des voix. Le coté mère de la Patrie (Marianne) va surement peser dans les votes.
Cordialement
Rédigé par : Mario | 12 février 2007 à 10:54
Bonne analyse des faits de la part d'Horizons (d'autant plus à chaud) et entièrement d'accord avec les commentaires de Yann.
N'ayant pas écouté le discours, mon opinion se fonde sur les échos des médias. Opinion peut-être faussée, mais ce discours à défaut de sentimentalisme manque de propositions concrètes. A vouloir plaire à tout le monde …
Je déteste d'ailleurs ce ton "maternaliste" tout juste bon à infantiliser l'auditoire.
Enfin, voilà, les socialistes ont un programme…
Rédigé par : Golanne | 12 février 2007 à 20:03