Le début de campagne de Ségolène Royal est un sans faute. Elle a conquis l’appareil socialiste en s’imposant comme la candidate de l’opinion. Elle a éliminé du jeu Jospin, Lang, Fabius et Strauss-Kahn, mais avant de s’affronter contre Nicolas Sarkozy dans un vrai duel gauche / droite au deuxième tour elle va devoir éliminer Jean Pierre Chevènement dans une nouvelle primaire à gauche.
Dans la logique de la Vème république, la vraie primaire se fait au premier tour de l’élection présidentielle. Il n’a cependant le caractère d’une primaire que lorsque les candidats en lice sont d’importance et de légitimité comparables. Sinon, il sert aux candidats secondaires à se compter pour peser ensuite dans les équilibres de la future majorité.
On n’a ici assisté à des primaires qu’à droite. Lecanuet-Giscard en 1974, Barre–Chirac en 1988, Balladur-Chirac en 1995. La droite est en effet plus disposée à résoudre ce type de compétition au premier tour compte tenu du dogme gaulliste qui veut que l’élection présidentielle est la rencontre entre un homme et le peuple. Il n’y a en fait jamais eu de primaires à Gauche. Elle a en effet tendance à résoudre les rivalités internes au sein du processus d’investiture : Mitterrand – Rocard en 1981, Emmanuelli - Jospin en 1995.
Le premier tour de l’élection aura t-il le caractère d’une primaire ou s’achemine t-on, sauf réédition du 21 avril vers un deuxième tour inéluctable entre Royal et Sarkozy ?
Une primaire de plus en plus improbable à droite
La question est en train de se jouer en ce moment à droite. Sarkozy aimerait bien l’éviter en favorisant une primaire d’investiture au sein de l’UMP, tellement il est sûr de tenir son parti. La ficelle est cependant si grosse que personne ne veut l’affronter sur cet électorat. Tous les candidats potentiels (Bayrou, MAM, Villepin, Dupont-Aignant, Borloo) ont indiqué que s’ils se présentaient, ils le feraient directement hors de l’UMP. Sans parler de Chirac …
La question est donc de savoir si la droite peut faire émerger dans les trois mois à venir un candidat susceptible de contester l’hégémonie que Sarkozy à acquis à droite depuis 2002 ? Pour cela, il faudra au compétiteur la capacité de remplir deux conditions. Avoir une légitimité suffisante pour être de président de la république, et pouvoir se démarquer suffisamment du favori pour le 2ème tour pour incarner un clivage fort.
Le clivage possible à droite contre Sarko apparaît avec évidence. Il s’agirait d’incarner un réformiste raisonnable contre les excès du « narcisse agité », un attachement au modèle républicain contre ses tentations communautaires et sa fascination pour modèle anglo-saxon, et une continuité dans la politique étrangère contre son atlantisme béat.
Depuis le CPE, Villepin est disqualifié pour se poser en candidat anti-précarité. Juppé est depuis son séjour au canada est définitivement converti au modèle anglo-saxon. Chirac n’est plus crédible pour incarner autre chose qu’un conservatisme pépère autour du maintien des grands équilibres. Les autres n’ont pas la stature ou ont trop tardé pour se lancer dans la course. L’effondrement de Sarkozy a déjà commencé, mais personne n’ayant émergé, l’hypothèse d’une vraie primaire à droite se fait de plus en plus improbable à mesure que le temps passe.
Une nouvelle primaire qui se dessine à Gauche
Contrairement à Sarkozy qui s’est imposé comme le candidat naturel de la droite dès 2002, l’ascendant de Ségolène Royal à gauche est récent et reste précaire. Elle a du passer pour une primaire au sein de son parti pour s’imposer, et même si elle est sortie vainqueur, la dynamique de contestation ne s’est pas éteinte pour autant. Ségolène Royal n’a de position hégémonique à gauche, ni sur le plan doctrinal (son travail/famille/Poitou est loin de faire l’unanimité), ni sur le plan historique (c’est sa première candidature), ni sur le plan de son parcours politique (son inexpérience de toute fonctions régalienne).
Le rassemblement de la gauche derrière sa candidature est loin d’être gagné. On voit en ce moment Mélenchon se rapprocher de la gauche extrême. Allègre s’est déclaré en faveur de Jean Pierre Chevènement. Emmanuelli la soutient du bout des lèvres à partir d’un discours politique que l’on entend jamais dans la bouche de sa candidate (protectionnisme européen) …
Une primaire à gauche est donc possible, si elle a en face d’elle un candidat un candidat qui a une légitimité suffisante pour être président de la république et qui peut se démarquer d’elle sur le plan doctrinal pour incarner une ligne différente.
Et ce compétiteur, il existe en la personne de Jean-Pierre Chevènement !!
L’expérience de JPC sur les fonctions régaliennes n’est plus à démontrer. A coté Ségolène Royal fait figure de novice. C’est sûrement l’un des hommes d’Etat de la Vème qui a occupé le plus de ministère différent (industrie, éducation, défense, intérieur).
Il incarne en outre bien mieux qu’elle la rupture avec le système politique en place. La carrière politique de JPC a en effet été marquée par une rupture avec le PS avec la création du MDC en 1992 et trois démissions tonitruantes sur des sujets majeurs (l’alignement sur les politiques libérales européennes en 1983, la guerre du golfe et l’alignement de la politique étrangère sur celle des Etats-Unis en 1991, et la défense de l’unité de la République au sujet du dossier corse en 1999). En comparaison, le renouveau incarné par Ségolène Royal, sur autre chose que des questions de forme, reste à démontrer.
Enfin sur la doctrine, le clivage est clair. L’un a voté non au TCE, l’autre a voté oui. L’un centre sa campagne sur les questions économiques et internationales quand l’autre la construit autour de sujet de société. L’un incarne une présidence active qui trace un chemin quand l’autre dessine une présidence monarchique et une gouvernance empathique. L’un incarne une conception exigeante de la politique quand l’autre est l’incarnation de la démocratie d’opinion.
En 2002, JPC n’a pas pu imposer de dynamique de primaire. Jospin était trop légitime et il a commis l’erreur stratégique de se positionner non pas comme une l’alternative à gauche, mais comme une alternative au couple Jospin/ chirac. En 2007, la situation est différente. Son parcours politique et la cohérence de sa doctrine peut aisément concurrencer la légitimité partisane de Ségolène Royal. Le clivage idéologique est trop marqué d’autant qu’il s’enracine dans le débat référendaire de 2005 qui a vu la victoire de sa sensibilité.
Tous les éléments sont donc réunit pour qu’on assiste à une vraie primaire à Gauche. Dès que tout le monde aura compris que la candidature Chevènement n’est pas le leurre que l’on imaginait au début, le débat reprendra de plus belle sur la gauche de l’échiquier politique, au point de focaliser toute l'attention.
Chevènement apparaîtra vite comme une alternative sérieuse à la reine des sondages et comme le meilleur candidat face à la révolution néo-conservatrice proposée par le candidat Sarkozy.
Analyse intéressante. A suivre.
Juste un truc, pour Juppé ou Villepin: ne jamais dire jamais en politique (cf Mitterrand)
Tu entres dans mes sites recommandés.
Rédigé par : les Réactionnels de Gauche | 27 novembre 2006 à 22:18
Bonjour,
D'accord avec vous pour trouver que la candidature annoncée de JPC ajoutée à la candidature de Ségolène Royal investie par les militants du PS peut nous conduire à une forme de primaire à gauche. Par contre la primaire à droite est elle peu probable.
Donc, dans ces conditions, je trouve la situation bien moins réjouissante que vous ne la décrivez car il ne faut pas leurrer l'opinion JM Le PEN réunira finalement ses 500 signatures et conservera tout son pouvoir de nuisance.
De plus, l'espace politique qui sépare JPC de SR étant bien moindre qu'avec n'importe quel autre représentant du PS, ce qu'apporte la candidature de Chevénement au débat est de bien peu d'intérêt par rapport au risque qu'il fait planer.
L'intérêt de l'analyse que vous faites devrait conduire ce candidat à retirer sa candidature, au plus tard quand Le Pen aura confirmé la sienne. Un retrait sans condition dès maintenant serait plus élégant et plus subtil, obligeant la candidate du PS à certaines concessions... sans qu'il les quémande - ce n'est pas son genre, n'est-ce pas ?
Cordialement ...
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 28 novembre 2006 à 15:23
JPC pourra retirer sa candidature quand SR se mettra à dire des choses sensées ayant un vrai contenu politique. Ce n'est pas encore le cas, et je dirais même que c'est de pire en pire
Rédigé par : Malakine | 28 novembre 2006 à 22:43