Le quotidien « La tribune » titrait Vendredi sur les graves menaces qui pèsent sur l’emploi dans la filière automobile. L’article commence par cette phrase choc : « Après 8 000 à 10 000 suppressions de postes en France en 2006, les fournisseurs risquent d’en éliminer 20 000 l’an prochain ». Ces derniers mois ont en effet été marqué par une hécatombe des emplois industriels : 191 à Cernay suite à la Fermeture de Dalphimétal à Cernay dans le Haut-Rhin, 330 suppressions d’emplois dans le Nord chez Delphi, 314 à Charleville Mézière chez Visteon, 300 dans les Ardennes suite à la liquidation de Thomé-Génot, 290 dans l’Essonne chez Faurecia …
Les causes de cette hécatombe sont claires : Stagnation du pouvoir d’achat en Europe occidentale et surtout délocalisations industrielles vers les pays à bas coûts.
La crise de la filière automobile est particulièrement inquiétante. Elle aura des conséquences dramatiques sur les régions industrielles, mais au-delà, elle illustre la spirale récessive et mortifère dans laquelle nous plonge la mondialisation libre-échangiste.
Les suppressions d’emplois s’expliquent en premier lieu par les mauvaises ventes de l’industrie automobile en Europe occidentale. Le rythme de renouvellement du parc automobile diminue. Le parc roulant vieillit de 3 mois par an. Comment ne pas y voir une conséquence de la stagnation du pouvoir d’achat ? Qui aujourd’hui a les moyens de s’acheter une voiture neuve ?
Le phénomène de suppression d’emploi est actuellement centré sur les fournisseurs. C’est signe que la cause est autre. Elle se nomme délocalisation. Le phénomène a été très largement sous estimé par ce qu’il n’a été volontairement perçu que sous l’angle direct, le plus visible, le cas où l’usine déménage en chine ou en roumanie. Or, comme l’a très justement souligné Jean Pierre Chevènement dans son discours inaugural de campagne, le phénomène de délocalisation se manifeste aussi
- Par l’ouverture de nouvelles usines dans les pays à bas coût, ce qui réduit l’investissement chez nous et rend progressivement obsolète l’appareil productif
- Par la délocalisation des achats des grands groupes là où le produit est, au monde, le moins cher,
- Par des plans de restructurations des grands groupes qui suppriment de préférence les emplois là où les salaires sont les plus élevés.
La délocalisation dans tous ces aspects est actuellement à l’œuvre dans la filière automobile.
L’article de la tribune indique en effet que les équipementiers doivent suivre les constructeurs dans les pays d’Europe centrale pour s’installer aux portes des usines d’assemblage, ces nouvelles usines fournissant de nouvelles capacités de productions plus modernes, et … de nouveaux standards de prix. L’article nous indique également que PSA leur a expliqué récemment – certainement avec une grande fierté, pour faire moderne et plaire aux milieux d’affaires – qu’il allait prochainement accroître sensiblement ses achats en Chine !
Enfin, dernier facteur mis en avant par l’article. L’euro Fort qui rend plus compétitives les productions extra-européennes …
Comme je l’ai déjà écrit, la filière automobile fait vivre nombre de régions industrielles, des régions où il ne sera pas facile, voire impossible de recréer des emplois, ni dans les services, ni même dans l’industrie. On n’est pas ici en présence de bêtes industries de main d’œuvre à faible valeur ajoutée qu’on peut accepter de voir partir comme des témoins d’un modèle économique révolu. La filière automobile et avec la filière aéronautique, ce qu’il y a de plus technologique et de plus exigeant en terme de qualité ! Le Nord et la Lorraine ont reconvertis leurs industries lourdes par de l’industrie mécanique et en particulier l’automobile. Il est clair qu’après l’automobile, il n’y aura plus rien.
Qu’elle est belle cette Mondialisation ! On ouvre les frontières en grand. C’est bien. Ca fait moderne. C’est bien connu, les frontières, c’est le repli sur soi frileux, c’est archaïque, ça génère des guerres … Et puis vous comprenez, les pays pauvres ont aussi le droit de se développer, et nous, on peut acheter pour moins cher. On y gagne … Après on nous explique qu’il faut être « compétitif ». Alors on licencie, on comprime les salaires, on réduit les charges sociales qui pèsent sur le travail … L’industrie fout le camp ? Ce n’est pas la faute à la mondialisation mais aux 35heures. Pas grave de toute manière. C’est ringard l’industrie. L’avenir c’est les services, l’innovation et l’important c’est que nos grands champions nationaux fassent des profits …
Ah oui, intéressant !! Des profits qui n’alimentent plus les ressources des Etats parce qu’ils sont fait à l’étranger, et qui sont redistribués pour l’essentiel à des retraités américains via leurs fonds de pension …
En attendant cette prétendue et illusoire mutation économique vers l’âge post-industriel, on a un pouvoir d’achat qui stagne, la précarité qui monte, le chômage qui s’installe, des régions toutes entières qui se trouvent dans l’impasse. Le commerce extérieur qui s’enfonce dans le déficit, un Etat étranglé par le poids de la dette qui peine de plus en plus à financer les prestations sociales et ses services publics les plus élémentaires …
Mais où ce processus s’arrêtera t-il ? Ou nous conduit-il ? A une société sans emplois de production où les entreprises seront des entités « hors sol » destinés exclusivement à faire du profit pour leurs actionnaires, où la production sera en chine, les bureaux d’études en Inde, les sièges sociaux dans des paradis fiscaux et où l’actionnariat sera principalement américain ? A une société où seul le capital détenu par quelques uns produira de la richesse ? Où les seuls emplois qui subsisteront seront des emplois de service voire de domesticité pour cette étroite classe de privilégiés ? Mais d’ailleurs, pourquoi les privilégiés du système resteraient-il en Europe occidentale ? Ils auront certainement intérêt à devenir eux aussi nomades et à s’installer là où les conditions fiscales seront les plus avantageuses pour eux ! Il n’y a pas à dire. La Mondialisation nous propose un horizon radieux !
Qui s’inquiète de ce processus mortifère ? Il est frappant de constater qu’on trouve une description des ressorts de la mondialisation beaucoup plus lucide dans les journaux de droite et dans les milieux patronaux. Evidemment sans aucun état d’âme. C’est juste la description crue d’une évolution présentée comme « inéluctable ».
Villepin promets des aides ? Mais avec quelles ressources, à part de la dette, peut-on espérer financer des filières de production qui ont pour vocation de produire de la richesse ? Ce n’est pas un trou d’air. C’est un problème structurel. C’est le début de la fin.
Jean Pierre Chevènement, lui, l’a compris. Il a mis la réorientation de la mondialisation et de l’Europe au cœur de son programme. C’est pourquoi je le soutiens.
Quand à « la Dame en blanc », elle déclarait ce week-end que sa première loi porterait sur les violences conjugales. Cela n’a rien à voir ? Effectivement cela n’a rien à voir !
Et le poids des cartables, hein? Ce n'est pas important, ça?
100% d'accord pour dire qu'il faut protéger ce qui reste de notre industrie, dans le cadre de l'UE si c'est possible, sinon en dehors de ce cadre.
Tout le reste n'est que baliverne et subsidiaire.
Rédigé par : les Réactionnels de Gauche | 02 décembre 2006 à 18:35