J’ai dit dans mon message d’ouverture que je m’efforcerais de parler du fond des débats de la campagne, mais aujourd’hui, je vais m’amuser à me livrer au petit jeu des pronostics. De toute manière, les débats de fond sont rares. Je ne vais quand même pas disserter tous les soirs sur des propositions aussi débiles que les télés au conseil des ministres ou les jurys citoyens !
A chaque élection, on a eu des surprises. Le favori des sondages s’est souvent écroulé dans les derniers mois de campagne. En 2002, Chevènement, un temps, affublé du titre de « troisième homme » a finalement fait guère plus de 5%. Jospin,, tout le monde s’en souvient, n’a pas atteint le deuxième tour. En 1995, on se rappelle que Balladur s’est fait doubler par Chirac au plus fort de la campagne, mais peut-être a t-on oublié que Delors, l’autre autre grand favori des médias, n’a pas non plus soutenu la distance.
Finalement toute bulle médiatique est condamnée à éclater. Ce phénomène semble d’ailleurs encore plus vrai aujourd’hui. J’ai l’impression que les médias en ont tellement assez d’être sans cesse accusés de faire le jeu de tel ou tel, qu’au moindre retournement de tendance, ils s’acharnent sur leur favori d’hier dans l’espoir de prouver leur indépendance. Le problème, ce n’est pas qu’ils soient partisans, c’est qu’ils sont manipulables car soumis aux effets de mode. C’est différent …
Sarkosy comme Royal ne tiendront pas la distance. Ils seront carbonisés avant même le premier tour. Ce sont deux bulles médiatiques. Ils exploseront en vol car ils ne sont tout simplement pas à la hauteur.
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Finalement, les deux se ressemblent beaucoup. Ils sont tous deux obsédés par la rupture entre le peuple et la classe politique. Leur stratégie est la même : Coller le plus possible à l’opinion et se faire le porte-parole du petit peuple. Leur méthode est la même. Observer les sondages à la loupe et surfer sur toutes les vagues d’opinion. Cette stratégie les a d’ailleurs conduit à un discours d’ordre, parce qu’effectivement la France attend une politique et un discours plus autoritaire. A mon avis, ils sont passés à coté de l’essentiel. La France attend surtout d’être gouvernée par quelqu’un qui a des réponses aux sujets qui angoissent, qui sait où en est l’issue et qui sait comment y aller. Je suis persuadé que ce critère sera déterminant dans l’élection du futur président. Pour l’un comme l’autre, c’est raté.
Impossible pour Sarko d’incarner un chemin, en changeant de doctrine à chaque discours. Tantôt le modèle anglo-saxon comme seule issue à la faillite du modèle français, tantôt la réactivation des grands principes républicains. Cela sera encore plus dur pour Ségolène d’incarner une solution quand elle se veut essentiellement l’incarnation de la sagesse et de l’expertise populaire. Les Français savent très bien, qu’ils ne savent pas eux-mêmes quelles sont les solutions aux problèmes des banlieues, de la dette ou des délocalisations. En période de crise, c’est extrêmement flippant un président qui se définit comme le porte-parole de son peuple !
A gauche, le pronostic est assez facile à faire. Ségolène ne passera pas la primaire. Tous ceux qui se sont ralliés à elle, l’ont fait par opportunisme ou utilitarisme, au vu des sondages, pensant que c’était la seule qui pouvait l’emporter contre Sarko. Or, si le premier tour s’avère décevant par rapport aux sondages– et forcément il le sera puisque ces sondages sont faits sur des sympathisants – il n’y aura, dans l’instant, plus aucun « effet Ségolène » Contrainte à un deuxième tour, l’argument de l’efficacité électorale se retournera contre elle. Le « Ségoléniste » de base recherchera une figure moins risquée et plus solide - Fabius ou DSK – et les partisans du battu se reporteront en bloc sur le challenger. Les soutiens de DSK et de Fabius auront ceci en commun qu’ils se positionnent sur un contenu politique et non une image ou un espoir de succès. Il y a fort à parier que leurs électorats seront fongibles. Conduite à un deuxième tour, Ségolène sera battue, par l’un ou l’autre.
Mais lequel des deux arrivera devant l’autre au premier tour ? Fabius flatte la fibre gauchiste des vieux militants nostalgiques des grandes luttes des années 70, de l’union de la gauche et d, et ce point de vue, ça pourrait s’avérer payant. D’un autre coté, DSK est très rassurant avec son coté prof d’économie … Personnellement, je pencherais pour Fabius. DSK incarnerait une belle synthèse et serait certainement un meilleur candidat face à Sarkosy, mais Fabius sera un meilleur candidat de premier tour dans la primaire dans la mesure où il porte une ligne plus spécifique, plus ancrée dans l’histoire du parti et plus en phase avec le cœur sociologique des adhérents.
A droite, la question de savoir comment Sarkosy va exploser en vol est plus complexe. Tout dépendra du moment où les sondages vont fléchir. Si ça se passe en mars, il sera trop tard pour une alternative à droite. Alors Sarkosy se plantera au premier tour et la prévision d’Emmanuel Todd se vérifiera, à savoir que Le Pen se retrouvera une nouvelle fois au deuxième tour face, cette fois, à un socialiste. Laurent Fabius sera alors élu président, simplement parce qu’il sera arrivé deuxième au premier tour de la primaire socialiste.
Personne ne parle de Le Pen. C’est une terrible erreur. Moins il est dans le débat, mieux il peut incarner, le moment venu, le candidat hors système pour qui on vote pour renverser la table. De toute façon, les facteurs qui ont fait sa réussite sont toujours là. Malgré les efforts sécuritaires de Sarko, la démagogie participative de Ségolène ou l’activisme de Villepin, le peuple est toujours autant coupé de la classe politique. Sans parler des racines du mal. Il faut vraiment examiner la vie politique à la loupe, voire au microscope, pour constater quelques prémices d’améliorations. A mon avis, Le Pen fera cette fois plus de 20 %, et je prédis même, un deuxième tour beaucoup plus serré qu’en 2002.
Une surprise de dernière minute n’est toutefois pas à exclure, d’autant que si mes pronostics s’avèrent exacts, entre Fabius et Sarko, il y aura un boulevard au centre. Entre un candidat qui nous propose le modèle américain et un autre qui nous ramène aux années 70/80, n’importe quel candidat crédible qui se contenterait de nous parler de République l’emporterait facilement. Non, je ne parle pas de Bayrou ou de Dupont-Aignan, même si j’ai beaucoup de sympathie pour les deux. Le clan Chiraquien paraît bien démuni. Villepin semble avoir renoncé à l’idée, avec douleur certes, mais on ne le sent plus en course. L’hypothèse Alliot-Marie est une farce. Juppé part de trop loin et n’a jamais été populaire. Chirac garde ses chances, même si son âge et son maigre bilan ne l’aideront pas …
Alors qui pour venir torpiller Sarko et assurer une représentation de la Droite au deuxième tour ? Je n’en vois qu’un : Jean Louis Borloo ! Il est brillantissime. Il incarne un vrai renouveau dans la manière d’aborder les problèmes et dans son style. Il a trouvé un bon positionnement - la droite sociale. Il sait parler au peuple. Il a pris le contrôle d’un petit parti qui légitimerait facilement une candidature. Il est un ministre important, le seul qui peut se prévaloir d’un excellent bilan. Alors pourquoi pas ? D’autant que sa candidature pourrait entraîner des désistements en sa faveur, et quelques ralliements de poids (Tapie, Rocard, Kouchner …) Naturellement, rien n’indique que Borloo aura un espace pour se lancer et même qu’il en ressente le désir. A mon avis, il ambitionne d’ailleurs plutôt de devenir Premier Ministre, mais si l’occasion de présente, il peut avoir ses chances …
Ces quelques hypothèses ont toutefois le mérite de montrer que le jeu politique est aujourd’hui si déstructuré et à ce point soumis aux aléas de la conjoncture médiatique, que tout peut se produire dans les six prochains mois, et qu’on n’est pas à l’abri d’un nouveau président élu avec une petite base électorale insignifiante …
Evidemment beaucoup d'hypothèses pour en arriver là!
La candidature Ségolène qui paraissait assurée il y a 15 jours semble l'être un peu moins aujourd'hui.
Mais imaginer les partisans de DSK voter Fabius me parait sous estimer les blessures terribles que le vote de la constitution ont laissé au sein du PS
On peut cependant imaginer que même officiellement candidate Ségolène finisse par apparaitre comme une simple construction médiatique
Il me semble que si N Sarkozy joue le même jeu qu'elle du point de vue médiatique (essayer de conquérir à la fois son camp et celui des déçus de la droite et de la gauche) il est plus solide que Ségolène. Il est vrai que son programme est assez creux (voir l'analyse d'econoclaste à ce sujet)
Si l'effondrement a lieu en mars, Bayrou parait le mieux placé (même si je pense qu'il n'a pas plus de projet que les précédents!)
Et puis il y a bien une limite pour les signatures non (même si un Borloo les réunirait sans doute rapidement)
Rédigé par : verel | 04 novembre 2006 à 18:09
Si DSK au Zénith a obtenu un succès c'est que son fief, le 95 est à deux pas de Pantin.
Laurent Fabius c'est fait huer par le club des fans de Ségolène avant qu'il ne s'exprime! Ségolène elle a été huée sur ses idées quand elle a réitéré ses propos sur les jurys populaires tant par les partisans de DSK que de Fabius.
Si Ségolène ne passe pas au premier tour, il y a fort à parier que ce sera Laurent Fabius, mieux implanté dans les régions que DSK qui a des chances de se trouver en challenger pour le second tour.
Rédigé par : constantin | 05 novembre 2006 à 18:53
Bonsoir. A mon tour de laisser un commentaire sur ton blog (tu sais, je suis ce spécialiste de la Russie qui n'aime pas Poutine)
Je ne suis pas tout à fait les mêmes raisonnements que toi, mais j'arrive au même pronostic : il me semble chaque jour plus probable que Sarko d'un côté, Ségo de l'autre, ne tiendront pas la distance pour arriver au second tour.
Je ne sais pas ce qui va se passer, mais en tout cas, c'est vraiment ouvert...
Rédigé par : Fred/Lanquarem | 08 novembre 2006 à 00:54
Pari perdu. Je suis désolé pour vous à double titre.
Parfois il vaut mieux parier pour le contraire de ses attentes comme cela il y a toujours une compensation soit financiere (pari gagné) soit plus précieux et rare une victoire de la raison.
Rédigé par : Paul de Montréal | 11 septembre 2007 à 15:03