J’achète l’express chaque semaine, mais aujourd’hui, lorsque j’ai vu la couverture « héritage, tout change. Comment en profiter », j’ai reposé le magazine en guise de boycott. J’ai aussitôt pris mon clavier pour écrire au courrier des lecteurs. Christophe barbier m’a d’ailleurs très gentiment répondu pour me dire d’acheter quand même le magazine… Voici ce que j’ai écrit.
Selon le discours officiel, l’héritage consiste à « transmettre à ses enfants, le fruit de toute une vie de travail ». Mensonges ! La présentation est à la fois trompeuse et fausse. (.../...)
Trompeuse car si la transmission se fait au profit des enfants, l’enfant en question est aujourd’hui un jeune retraité compte tenu du niveau actuel de l’espérance de vie. L’héritage organise concrètement un transfert de richesse vers la génération du baby-boom, cette génération prédatrice qui part en retraite en pleine forme en nous laissant une ardoise de 1 000 Milliards d’euros et en n’ayant contribué qu’à hauteur du quart ou du tiers des retraites qu’elle entend percevoir.
Le mensonge consiste à assimiler l’héritage en fruit du travail, alors s’agit, en fait, pour essentiellement, de revenus du capital. Que le patrimoine à transmettre soit constitué de valeurs mobilières ou immobilières, il a en effet nécessairement été considérablement apprécié au fil du temps par un effet mécanique.
En clair, la génération du baby boom non seulement compte sur ses enfants pour lui payer une trentaine d’année d’inactivité, mais comme si ce n’était pas suffisant, voudrait, en plus, désormais pouvoir toucher l'héritage de ses parents sans payer aucun impôts ! Mais quand va t-on enfin stopper ce vol organisé ?
François de Closet, dans son dernier livre « Toujours plus », cite une statistique édifiante : Entre 1977 et 2002, le patrimoine des français a augmenté 117 % (soit 3300 Milliards d’Euros) quand la richesse nationale augmentait de 63 % et le patrimoine des administrations publiques diminuait de moitié sous l’influence des dettes. Il y a bien eu enrichissement de cette génération sur le dos de la Nation et des générations suivantes. Il serait donc tout à fait anormal que cet enrichissement indu soit encore accentué par une forte opportune réforme des droits de succession au moment où elle va commencer à hériter. Bien au contraire, le capital accumulé par les générations âgées devrait être mobilisé pour rembourser progressivement cette dette qui nous étrangle. Ce capital a en effet été constitué en partie avec les économies faites ne payant pas les impôts et les cotisations qui auraient été nécessaires au financement des prestations dont ces générations ont et vont encore bénéficier. .
En outre, cette transmission de capital n'est d'aucune utilité sociale. A soixante ans, on est sensé avoir fait sa vie et s'être constitué son propre patrimoine. Quel est le sens économique de ce transfert de richesse d’inactifs vers d’autres inactifs, quand parallèlement les actifs voient leur pouvoir d’achat essoré par toutes sortes de cotisations ? Ne serait-il pas plus rationnel et juste de socialiser la ressource provenant de la liquidation du patrimoine légué par les défunts pour financer les retraites et autres dépenses liées au vieillissement (retraite, dépenses de santé, dépendance ...). ? On se lamente souvent de ne pas avoir mis en place de fonds de pension, mais ils sont là, nos fonds de pension ! Considérons donc ce capital comme une épargne collective et mobilisons le pour financer nos dettes !
Houla, c'est un débat compliqué, l'héritage.
D'abord, quelques points où je ne crois pas être d'accord avec toi (il faut bien débattre !) :
Quand tu dis que les français qui ont du patrimoine se sont enrichis sur le dos des français... Qu'entends-tu par là ? Il semblerait au contraire que l'effet richesse associé à une appéciation du patrimoine soit l'un des meilleurs moteurs de la consommation, et donc de la participation à l'activité économique.
De plus, quand tu dis que ce patrimoine n'est pas acquis par le travail, c'est loin d'être vrai. L'essentiel du patrimoine des français est constitué de biens immobiliers acquis de leur vivant, et donc remboursés avec leurs salaires.
La moyenne des héritages en france est entre 100 000 et 200 000 Euros, c'est assez peu, surtout quand on pense qu'une bonne partie de ces sommes proviennent de la valeur particulièrement élevée de l'immobilier ces temps-ci (et il suffirait de peu pour que cela change, faisant ainsi fondre le fameux "patrimoine des français"). Si les prix de l'immobilier revenaient à leur niveau d'il y a 5 ans (et ça finira bien par arriver), tout serait largement différent.
Utiliser l'argent des gens pour rembourser la dette, je ne crois pas que ce soit une bonne idée, car c'est tout simplement légaliser le rackett de l'Etat sur les citoyens.
Enfin, d'après ce que j'en ai compris, les mesures actuelles ne sont pas destinées en priorité aux baby boomers qui veulent récupérer une plus grande partie de l'argent de leurs vieux parents, mais aux baby-boomers qui veulent pouvoir transmettre plus facilement de leur vivant à leurs enfants en difficulté. De plus, les réformes récentes favorisent la transmission directe aux petits-enfants, ce qui est plutôt une bonne idée.
Le malheur, c'est que ce patrimoine des familles représente probablement pour beaucoup d'enfants de baby boomers le seul espoir d'avoir quelque chose à eux une fois vieux, dans 20 ou 30 ans, lorsqu'il ne sera plus possible de payer des retraites décentes.
En somme, aider à la transmission du patrimoine n'est pas très glorieux, mais c'est tout ce qui reste pour laisser un certain espoir à la prochaine génération lorsqu'on n'a pas le courage de réformer les retraites.
Le grand malheur, et je pense que c'est là que nous serons d'accord au fond, c'est qu'en abordant la question de cette manière, une fois de plus on aide ceux qui ont quelque chose et on laisse dans le fossé ceux qui n'ont rien...
Evidemment, réformer les retraites, on voit bien que c'est un truc à faire tomber tous les gouvernement de la terre. Parceque les baby-boomers qui tiennent les grands syndicats de service public, eux, ils savent bien défendre leurs intérêts financiers personnels au détriment du pays.
Rédigé par : Fred/lanquarem | 08 novembre 2006 à 09:11