La crise financière larvée qui se développe en Europe depuis déjà une année n’est pas des plus simples à comprendre. Lors de l’épisode Grec, tout le monde pensait saisir : on avait à faire à un Etat dispendieux qui avait trafiqué ses comptes et auxquels les créanciers ne faisaient plus confiance. Une bête crise des finances publiques. L’épisode Irlandais était déjà plus délicat puisque le Tigre celtique avait des finances publiques en ordre jusqu’au déclenchement de la crise. Ce sont les pertes de ses banques que l’Etat a du recapitaliser en catastrophe qui l’ont conduit au fond du trou. Mais désormais, on parle de menace sur l’Espagne, du Portugal, de l’Italie et même de la Belgique ou de la France.
Alors de quoi s’agit-il ? D’attaques spéculatives des marchés comme le prétendent les antilibéraux ? D’une crise l’Union Européenne faute d’une gouvernance suffisante comme l’avancent les euro-fédéralistes ? D’une crise de surendettement public comme l’affirme les libéraux ? Ou d’une crise de la monnaie unique qui touche là aux limites de son modèle mal conçue, comme on l’affirme dans les milieux souverainistes et euro-critiques ?
Tout cela à la fois et toute autre chose, en réalité infiniment plus grave. Les interprétations rappelées plus haut, ont toutes leurs remèdes : monétisation des dettes, fédéralisme budgétaire européen, plan de rigueur ou sortie de l’Euro. Or, la vérité est qu’il n’y a pas de remède à cette crise. L’Europe ne pourra pas éviter la déflagration politique et économique qui s’annonce.
La spéculation n’est pas coupable
L’explication officielle à la crise de la mal nommée « crise de l’euro », celle à laquelle s’accrochent les gouvernants est qu’il s’agit d’une crise spéculative sur les dettes souveraines, les marchés attaquant successivement les Etats européens afin de maximiser leurs profits.
Le risque de défaut de l’Allemagne dont les finances sont saines et l’économie forte, n’est évidemment pas le même que celle de l’Espagne, gorgée de dettes et dont l’économie est déprimée et sans espoir de rebond véritable. Il est évident que les créanciers qui craignent de perdre leurs investissements vont exiger une prime de risque supérieure lorsqu’ils prêtent aux Etats en difficultés. Qui peut croire réellement que la Grèce ou l’Irlande pourra rembourser l’intégralité de sa dette publique ? Qui a envie que son assurance vie soit investie en obligations grecques ?
La question fondamentale est donc celle de la solvabilité de certains pays, ou plus exactement de certaines économies. Il faut en effet ajouter la dette privée (ménages et entreprises) à la dette publique. Comme on l’a vu en Irlande, un fort taux de défaut sur la dette privée entraîne des pertes conséquentes pour les banques, qui obligent les Etats à les recapitaliser dans l’urgence. L’excès de dette privée se transfère alors vers la dette publique.
Or, comme on le verra par la suite, il existe bel et bien un problème de solvabilité de certaines économies et non seulement des difficultés d’accès temporaires au crédit. Dans ces conditions, il n’est ni anormal, ni étonnant que les marchés financiers augmentent les taux d’intérêts à mesure que ceux-ci perdent confiance dans les capacités de remboursement des Etats. Il ne s’agit donc pas de spéculation mais d’un problème économique tout ce qu’il a de plus réel.
La moitié de l’Europe en situation de faillite potentielle
Pour comprendre les ressorts profonds de la crise financière européenne, il me semble utile de faire appel aux analyses de notre prophète préféré en écroulement des empires. Emmanuel Todd, dans « Après l’Empire » en 2002, annonçait la chute inévitable de l’Empire américain en raison des déséquilibres persistants de ses échanges extérieurs. Les américains avaient renoncé à produire pour privilégier l’importation de capitaux via la vente au reste du monde d’actifs financiers plus ou moins toxiques. La puissance étasunienne était donc fondée en grande partie sur une illusion qui ne devrait pas tarder à se révéler au grand jour, engageant ainsi le déclin irréversible de l’Empire.
Ce modèle interprétatif était le bon. L’erreur portait seulement sur l’identité du malade. Compte tenu du privilège exorbitant du statut de monnaie de réserve de leur monnaie et et de la taille de leur marché, les Etats-Unis ont pu (jusqu’ici ?) limiter la casse. Leurs immenses besoins de financement ont pu être couverts par des ventes de bons du trésor aux pays qui n’ont aucun intérêt à un effondrement du dollar et accessoirement par une création monétaire massive.
Cependant, pendant que tous les regards étaient dirigés vers les Etats-Unis pour scruter les premiers signes de l’effondrement, on a oublié qu’une situation bien pire encore était en train de se développer en Europe.
Lorsque Todd écrivait Après l’Empire, le déficit de la balance courante des Etats-Unis s’élevait à 4% du PIB. Au point culminant en 2006, il a atteint les 6%. En Europe des Pays ont fait bien pire et continuent de s’enfoncer dans cette mortifère spirale du déficit extérieur. L’Italie et l’Espagne sont à -5 %. Le Portugal et la Grèce sont à -10%. L’Irlande a -4% du PIB et dans tous ces pays structurellement déficitaires, auxquels il convient d’ajouter la France et la Belgique, la tendance est à la dégradation constante de la balance coutante.
L’explication de la crise actuelle ne doit pas être recherchée ailleurs. Un pays qui est structurellement déficitaire dans ses échanges avec l’extérieur est condamné à s’endetter et donc à voir sa dette extérieure augmenter continuellement. Au final, sa solvabilité ne repose plus que sur la bonne volonté des prêteurs à compenser par des prêts l’insuffisance intrinsèque de revenus nécessaires au paiement de ce qu’il achète ou ce qu’il doit au reste du monde. Patrick Artus a dans ces dernières notes très souvent exprimé ce raisonnement sous une forme de théorème : si un pays connaît un déficit structurel de ses échanges extérieurs, il est condamné tôt ou tard à l’insolvabilité d’un de ses agents économiques, soit les ménages, soit les entreprises, soit l’Etat et donc à des crises financières à répétition.
Jacques Sapir, à l'émission "ce soir ou jamais" citait un rapport récent de la BRI estimant le besoin de recapitalisation des banques européennes (et donc le montant des pertes potentielles sur l'excès de dette émis en Europe à mille milliards d'euros : Une vraie crise des supbrimes à l'européenne !
L’épuisement d’un modèle économique
Comment en est-on arrivé à cette situation où nombre d’économies européennes sont désormais en état potentiel d’insolvabilité ? Les facteurs sont nombreux et bien connus, mais rappelons les tout de même brièvement les quatre principaux : le libre échange intégral, le modèle d’économie d’endettement, l’euro, l’illusion européenne auquel on pourrait probablement ajouter le système de la monnaie-dette.
1- Un système totalement ouvert, mondialisation et grand marché européen, produit spontanément un mécanisme de spécialisation qui voit la base productive migrer des pays les moins compétitifs vers ceux qui le sont plus. Cette polarisation a produit un système bipolaire, où certains pays accumulent le capital, les technologies et les excédents commerciaux, quand d’autres se spécialisent sur leur capacité à attirer des capitaux (donc à s’endetter), la consommation, et les emplois à faible productivité. Cette polarisation a été jugée normale, que ce soit en Europe ou dans le monde. Le principe d’équilibre des échanges extérieurs a totalement été perdu de vue, tout comme la durabilité de ces déséquilibres.
2- Les Etats-Unis, première puissance économique mondiale, ont adopté les premiers le modèle de l’économie d’endettement où le crédit était supposé pourvoir stimuler indéfiniment la demande intérieure. Se faisant, ils en ont assuré la promotion dans toute une partie du monde occidental. Au cours de la dernière décennie, l’endettement était extrêmement valorisé. Rappelons-nous que notre président avait pour intention de l’appliquer à la France au cours de sa campagne de 2007 ! Le crédit a tellement été considéré comme un facteur de croissance qu’on en a oublié qu’il représentait aussi un facteur de risque, et même de risque systémique. Le problème est qu’il y a dette et dette. Celle servant à financer des investissements productifs créateurs de richesse ne pose guère de problème. Celle destinée à financer la consommation, nourrir l’inflation de certains actifs ou même des équipements domestiques, elle, conduit à la ruine.
3- La monnaie unique européenne en imposant à des économies très différentes le même taux d’intérêt et le même taux de change a produit ce que l’on a appelé un phénomène d’euro-divergence. Le cœur productif servi par un taux de change sous évalué compte tenu de sa compétitivité réelle a vu celle-ci s’accroître de même que ses excédents. A l’inverse les économies les moins compétitives, plombées par une monnaie pour eux surévaluée, se sont désindustrialisés. En contre partie, bénéficiant de taux d’intérêts beaucoup trop bas au regard de leur inflation endogène, ils ont cru pour s’enrichir en s’endettant à bon compte, ce qui a entraîné des bulles immobilières, de l’inflation et une richesse en grande partie virtuelle. L’enjeu est aujourd’hui de dissiper cette illusion par l’effacement de cette fausse richesse crée par un excès de mauvaise dette.
4- Dans les effets pervers de l’Euro, il en fût un autre qui avec le recul apparaît relever de l’hallucination collective. Les traités européens ont exclu explicitement tout mécanisme de solidarité financière entre les pays membres. Pourtant les investisseurs internationaux ont prêtés pendant dix ans aux mêmes conditions à tout le monde, à l’Espagne comme à l’Allemagne, croyant bêtement « acheter des euros » sans même s’assurer de la solvabilité réelle des emprunteurs. Il a fallu attendre la mi 2009 pour voir les conditions de financement se différencier entre les pays de l’Eurozone. Sans cette illusion d’une zone euro homogène et indifférenciée, les pays qui se sont adonné aux joies de l’économie d’endettement (Espagne, Irlande, Royaume Unie et Belgique) auraient vu leurs taux d’intérêts augmenter beaucoup plus vite, ce qui aurait freiné la progression de l’endettement.
5- Le dernier point est probablement discutable et délicat à exprimer tant le sujet est complexe, mais il doit être mentionné, au moins pour mémoire car il s’agit peut-être du facteur déterminant. Il s’agit du système de la monnaie-dette. Autrefois l’augmentation de la masse monétaire qui accompagne généralement l’augmentation de la richesse nationale se faisait par création monétaire via des avances de trésorerie consentie par la banque centrale à l’Etat à taux nul. On injectait ainsi gratuitement une certaine quantité de monnaie pour accompagner la croissance. Depuis 1973, l’accroissement de la masse monétaire se fait par le crédit à intérêts. Ainsi la monnaie qui est créée au moment du prêt est détruite au moment du remboursement, ce qui oblige à recourir de nouveau à l’emprunt pour accroître la masse monétaire afin d’accompagner la croissance. La dette ne peut par définition que croître, de même que le paiement des intérêts.
Quels sont les pays menacés ?
On cite généralement dans les pays menacés, la Grèce, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal. Compte tenu du « théorème d’Artus » qui mesure l’insolvabilité potentielle d’un pays au déficit de sa balance courante, ces pays sont incontestablement dans une situation de faillite potentielle.
La situation de l’Espagne est incontestablement la plus grave de toutes. Ici, le problème ne porte pas sur la dette publique qui reste raisonnable. Les finances publiques étaient même remarquablement en ordre avant le déclenchement de la crise en 2008 avec un excédent budgétaire et une dette de 40% du PIB. Le risque porte sur la dette privée qui a atteint des sommets avec un taux de défaut des entreprises, principalement des promoteurs immobiliers, qui monte en flèche se situant déjà au delà des 10%. On peut donc s’attendre prochainement à une crise bancaire « à l’irlandaise » ce qui conduira à une nécessité d’une recapitalisation qui devrait faire plonger les finances publiques. L’Espagne est une bombe financière à retardement au cœur de l’Europe.
L’Italie et la France sont dans une situation assez proche, avec un fort endettement public et un faible risque bancaire sur la dette privée, mais une balance courante qui se dégrade continuellement depuis l’introduction de l’Euro pour devenir aujourd’hui nettement déficitaire, de l’ordre de 1% du PIB pour la France et de 5% pour l’Italie.
La Belgique apparaît dans une situation également fragile compte tenu de la dégradation accélérée de sa balance courante qui est passé d’un excédent de 30% du PIB en 2000 à une situation de quasi équilibre aujourd’hui. La crise politique persistante et sans issue de ce pays n’arrange évidemment rien. La perspective d’éclatement du pays pourrait rapidement faire perdre confiance aux investisseurs, tant l’insolvabilité de la Wallonie apparaîtra évidente en cas de partage de la dette publique très élevée du pays.
Comment se déclenche une situation d’insolvabilité ?
Plusieurs cas de figure doivent être distingués en fonction de l’origine de l’excès d’endettement. Pour la Grèce, la crise est venue de la révélation de comptes publics truqués qui ont laissé à penser que les finances publiques n’étaient pas maîtrisées. Ce cas est trop atypique (16% de déficit public et 140% de dette en 2009, le tout sans crise financière) pour qu’on s’y attarde.
Le deuxième scénario correspond à la situation de l’Irlande et prochainement de l’Espagne où l’excès de dette privée se transfère brutalement sur la dette publique suite à une crise bancaire elle-même consécutive d’un fort taux de défaut sur la dette privée. Ce schéma correspond aux pays qui se sont un peu imprudemment cédés à l’illusion de l’économie d’endettement.
Le cas de la France, de l’Italie est beaucoup plus délicat dans la mesure où le problème est circonscrit aux finances publiques. On est ici dans un schéma de crise d’insolvabilité larvée, qui ne peut se manifester brutalement comme dans le cas d’une crise bancaire. Un Etat peut toujours emprunter pour refinancer sa dette et couvrir son déficit courant. En tout cas, tant qu’il trouve des prêteurs pour couvrir ses besoins de financement. Le déclencheur de la crise d’insolvabilité sera ici la perte de confiance des prêteurs, ce qui se traduira par une envolée des taux d’intérêts, engageant ainsi une spirale mortifère : prélèvements accrus sur le budget de l’Etat, plan de rigueur drastique, récession, perte de recettes fiscales, défiance des investisseurs …
En tout état de cause, même si un tel phénomène n’arrivait jamais, le paiement des intérêts sur la dette accumulée finit toujours par atteindre où celui-ci deviendra insupportable pour l’équilibre des finances publiques. L’augmentation croissante de ce poste de dépense ne peut se faire que par une réduction des autres postes de dépenses, ce qui amène à une paupérisation de l’Etat et un recul des prestations de redistribution, jusqu’à la révolte sociale ou électorale. Avec un prélèvement de 50 Milliards soit 2% du PIB pour le paiement des intérêts, la France a peut-être déjà d’ores et déjà atteint ses limites. La stabilisation de son endettement public exigera de lourds sacrifices qu’elle n’est peut-être pas prête à faire. Si elle n’y arrive pas, elle sera objectivement dans une situation d’insolvabilité que les marchés financiers ne tarderont pas à sanctionner.
***
La situation est donc extrêmement critique. L’insolvabilité avérée ou en marche de la moitié de l’Europe expose le continent à d’extrêmes secousses. La zone euro, l’union européenne elle-même et les économies du grand marché n’ont guère de chance de les supporter en l''état actuel des choses. Les dettes non recouvrables accumulées vont devoir être purgées tôt ou tard, soit au prix d’une profonde récession et d’un effondrement du niveau de vie jamais vue en période de paix, soit au prix d’un écroulement du système bancaire, et probablement des deux en même temps.
Le diagnostic ainsi posé, nous disposons d’une grille de lecture pour apprécier les diverses solutions qui ont court actuellement dans le débat public. Nous verrons la prochaine fois qu’il n’existe actuellement dans le débat aucune bonne solution pour les pays structurellement déficitaires. Pas même la sortie de l’Euro.
X. Malakine
Très bonne démonstration de l'hétérogénéité des problèmes liée aux différents modèles économiques en place dans les pays de l'Euroland, héritage de l'histoire. Ils se voient imposer un cadre monétaire unique donc par conception inadapté à chacun. L'euro tel qu'il fût conçu se voulait moteur de l'auto-convergence des économies sous l'autorité de la main invisible. Il conduit au phénomène inverse. Est-il encore possible de bifurquer vers la monnaie commune qui elle intégrerait ces divergences et autoriserait le retour à la création monétaire des banques centrales sous le contrôle de chaque Etat mais harmonisée au niveau européen?
Rédigé par : François Ennat | 22 décembre 2010 à 08:53
Merci pour ce billet bien construit.
Les Etats Unis sont dans la même situation. Etats, Municipalités, Budget Fédéral.. peut être même pire que l'Europe.
Vous avez raison, il n'y a plus de bonne solution, le temps est passé, maintenant il ne reste que des mauvaises solutions. Essayons de choisir la plus JUSTE de ces mauvaises solutions.
Quand vous dites "L’Europe ne pourra pas éviter la déflagration politique et économique qui s’annonce." j'ajoute et SOCIALE.
Merci encore pour un super billet.
Rédigé par : lg | 22 décembre 2010 à 09:12
Il y a une solution que je vois très peu dans la presse, et ce n'est pas étonnant. Bien entendu, si la France ou l'Espagne sort de l'€ c'est dur car on se retrouve dans l'obligation de rembourser la dette avec une monnaie dévaluée. Ne pas rembourser une partie est une solution vers laquelle on s'achemine de toute façon et ce n'est pas un drame (c'est arrivé cent fois dans l'histoire financière et les pays touchés n'ont pas disparu), mais forcément à court terme cela créé de la défiance et renchérit le financement des déficits.
L'autre solution donc c'est de garder l'€ (avec les autres pays souffrant de l'€ Deutsch Mark) mais d'en sortir l'Allemagne. On récupère le Franc tout en gardant nominalement l'€ et on fait de la dévaluation compétitive / Allemagne. Solution toujours ignorée chez ceux qui nous terrorisent sur les conséquences d'une "autre " politique. A cet égard, les Dupont-Aignan et consorts, pour lesquels j'ai de la sympathie, n'aident pas à la définition d'alternatives avec leurs discours jusqu'au boutistes.
@lg Vous avez raison, il n'y a de toute façon pas de "bonne" solution, dans tous les cas ça fera mal. Mais le maintien de la situation actuelle est la pire des solutions.
Faut-il brûler les baby-boomers ?
Rédigé par : guzy | 22 décembre 2010 à 11:27
Je précise que ce billet sera suivi de deux ou trois autres à venir très rapidement où je passerais en revue les solutions envisageables. Dans un premier temps, les solutions "autorisées" et dans un second les solutions plus hétérodoxe, dont l'éclatement de l'Euro.
Ensuite, j'essaierais si je peux et si j'ai le temps de me livrer à un exercice prédictif. Et en janvier je déroulerais dans une nouvelle série un modèle alternatif à base de protectionnisme "innovant".
Donc, si vous pouviez respecter dans vos commentaires ce plan et réserver la discussion sur la sortie de l'Euro pour le billet où j'en parlerais je vous en serais reconnaissant.
Ca viendra vite. Tout est presque déjà écrit.
Rédigé par : Malakine | 22 décembre 2010 à 11:34
Durant la crise de 2008, les banques en manque de liquidité n'ont pas pu se refinancer à long terme et se sont rabattues sur des prêts court terme. Dans les 2 prochaines années, elles devront trouver 3000 milliards de dollars (plus de 1500 milliards de dollars pour les seules banques européennes).
Il faut ajouter à cela les actifs douteux des banques qu'il faudra bien apurer à un moment ou à un autre. Rien que pour l'Espagne, comme tu le fais justement remarquer, c'est 180 milliards d'Euros (reconnus, c'est donc un minima).
http://www.lesechos.fr/journal20101215/lec1_l_enquete/020990583345-banques-espagnoles-le-syndrome-irlandais.htm
Et n'oublions pas que toutes les banques possèdent dans leurs comptes pour des montants colossaux des produits dérivés, dont une bonne part de CDS (13000 milliards de dollars, rien qu'aux US en 2008 http://www.occ.treas.gov/topics/capital-markets/financial-markets/trading/derivatives/dq210.pdf ) , c'est à dire des assurances contre le défaut de remboursement de prêts. Mais que valent ces produits si les assureurs font faillite ? (cf Ambac en novembre, qui garantissait 700 milliards de CDS). Rien qu'aux US, il y a plus de 12000 (douze mille) saisies immobilières chaque jour.
La situation est donc effectivement très grave. Mais, tout du moins pour la France, elle n'est pas désespérée.
Hors service de la dette, le déficit français oscille autour de 50 milliards d'Euros. Les niches fiscales, c'est entre 50 et 70 milliards, la fraude autour de 40 milliards, une entreprise du cac 40 sur 4 (dont Total !) ne paie pas d'impôt sur les sociétés, on ne taxe pas encore les transactions financières ... tout cela pour dire que nous avons les moyens pour avoir un budget de fonctionnement de l'état équilibré si nous le voulons.
Le service de la dette est devenu le premier poste de dépenses du budget de l'état. Et il croît à très grande vitesse. Vouloir freiner sa croissance uniquement par des plans d'austérité est une idiotie. Parce qu'il n'y a aucune raison de faire porter tout le poids de l'effort uniquement sur le travail et les services publics et épargner les épargnants. Et parce que cela ne marche pas. Il suffit pour s'en convaincre de voir les dégradations de la note des dettes souveraines de l'Irlande, du Portugal et de la Grèce par les 3 agences de notations qui expliquent que ces dégradations sont les conséquences de la mise en place des plans d'austérité.
Il n'y a certainement pas de solution miracle, et il n'y aura pas de solution sans douleur, mais une combinaison de solutions qu'il convient de mettre rapidement en place pour fixer le cap et s'y tenir.
La sortie de l'Euro en est une, et elle est majeure. Pour pouvoir monétiser une partie de la dette. 100 milliards, c'est environ 5% de la masse monétaire M3.Pour pouvoir dévaluer et relancer les exportations. Pour pouvoir également emprunter à notre banque centrale à des taux d'intérêts raisonnables.
Rendre les produits d'importation plus cher et appliquer une politique fiscale aux entreprises incitant fortement à relocaliser en France.
Mettre en place un pôle bancaire public fort, permettant l'accès au crédit aux PME qui sont les moteurs de la création d'emplois.
Mais aussi,et on n'y coupera pas, revoir nos dépenses et nous concentrer que sur celles réellement utiles et dans nos moyens. Pas dogmatiquement, comme cette idée stupide de ne pas remplacer un fonctionnaire sur 2 partant à la retraite, mais en effectuant un vrai travail de fond, à soumettre à référendum si besoin.
Rédigé par : philippe ségard | 22 décembre 2010 à 12:45
Merci Xavier pour cet excellent article, merci à Philippe Ségard d'avoir écrit ce que je pense.
Je voudrais préciser que de très nombreux pays dans le monde vivent bien sans être dans un cadre de monnaie de réserve, mais que si nous le voulons, ensemble en Europe, nous pourrions faire cet euro commun "monnaie de réserve", remplaçante de la monnaie unique si mal née, comme le proposent Sapir et NDA (entre autres).
Mais même si ce n'était pas le cas une dévaluation aura pour conséquence une dégradation initiale mais une amélioration ensuite (comme l'explique wikipedia à propos de la "courbe en J" " Ce phénomène se rencontre après une dévaluation de la monnaie (dans un système de changes fixes, ou partiellement flexibles) ou après une dépréciation (dans un système de changes flexibles). Lorsque la monnaie perd de sa valeur par rapport aux autres, le prix des importations augmente et le prix des exportations diminue. Ainsi, dans un premier temps, les exports et imports étant prix-inélastiques à court terme, la balance courante (exportation moins importation) se dégrade puis, les consommateurs ayant eu le temps de réagir face aux changements de prix, l'exportation augmente, l'importation diminue, et la balance courante se redresse et dépasse son point de départ.")
La situation de la France est loin d'être tragique: celle des grecs non plus! A ce que je sache ils vivaient bien, bien avant l'euro; ils continueront après...
Rédigé par : A-J Holbecq | 22 décembre 2010 à 13:42
@ Xavier
Oups, désolé pour le non respect du plan, je n'avais pas vu ton dernier commentaire ...
J'en profite pour ajouter le lien vers le rapport de la BRI cité par J. Sapir.
Le rapport de la BRI cité par J. Sapir est en téléchargement ici :
http://www.bis.org/publ/arpdf/ar2010_fr.pdf
Rédigé par : philippe ségard | 22 décembre 2010 à 13:50
Excellent premier billet, qui donne envie de lire la suite.
J'ajouterai des réformes de structures nécessaires pour garantir un fonctionnement normal pérenne des institutions, et essentiellement une profonde réforme des Médias, qui doivent impérativement, comme les moyens de paiement monopoles des banques, sortir du domaine privé pour devenir des biens communs (je paraphrase F. Lordon).
Car le coeur du problème est là : le raisonnement que tu tiens (et sur lequel je reviendrai) nécessite un temps qui échappe aux formats des médias actuels. Il faut réellement poser un raisonnement, ce qui n'est plus possible dans ces affreuses émissions "talk-show".
Or, cette structuration impérative du message est aussi responsable de l'omniprésence d'une pensée unique (certes aux abois) que la duplicité ou la débilité (intellectuelle j'entends) des principaux abonnés aux médias en la matière.
à suivre donc, avec intérêt.
CM
Rédigé par : Verdun | 22 décembre 2010 à 14:03
> Phillipe
Merci de ces précisions et du lien vers le rapport de la BRI. Je vais donner sa à ma copine énarque. Ca lui fera de la lecture pour le train :-) Mais je suis surpris de la date. Tu es sûr que c'est le rapport dont parlais Sapir ?
> André-Jacques
Je répondrais dans les articles suivant. Défendre la compétitivité de son industrie et en recréer une après une longue période de désindustrialisation, ce n'est pas tout à fait la même chose. J'ai fini par me laisser convaincre par les arguments d'Artus qui affirme depuis des années que la désindustrialisation est une phénomène définitif. La dévaluation sans un protectionnisme national et radical pour au moins une partie de la production n'aura que pour effet d'appauvrir les populations.
> Verdun
Un vrai problème que tu poses là. Je ne vous remercierais jamais assez de me permettre de m'exonérer des contraintes de format qui existent aussi sur le net et à m'autoriser à faire long. Même si parfois il y en a qui commentent mes papiers tout en disant qu'ils ne l'ont pas lu jusqu'au bout ou en diagonale :-/
Difficile d'échapper à cette tyrannie de la simplification extrême du propos.
Rédigé par : Malakine | 22 décembre 2010 à 14:51
Comme beaucoup, nous sommes d'accord sur les constats. Il me semble qu'aujourd'hui les divergences existent davantage sur les solutions à mettre en œuvre pour se sortir de cette situation.
Comme l'a dit Philippe Ségard, la situation est grave mais pas désespérée. Je crois que les Français sont prêts à faire des efforts mais encore faut-il que ceux-ci soient le plus juste possible et surtout qu'ils soient efficaces !
Rédigé par : Tomgu | 22 décembre 2010 à 16:27
@Xavier
C'est bien le dernier rapport de la BRI.
La partie qui nous intéresse se situe page 85.
Rédigé par : philippe ségard | 22 décembre 2010 à 17:05
Je partage tout à fait cette analyse et j’attends tes développements avec intérêt.
Je pense comme beaucoup ici que malheureusement il n’y a pas de bonne solution et que nous allons payer très cher la très dangereuse illusion de l’accroissement sans fin de la consommation financée par l’accroissement sans fin de la dette. Mais ce qui est fait est fait. L’important maintenant, c’est de convaincre tous les citoyens que c’est dans les crises historiques que le Peuple est capable de donner le meilleur de lui-même à condition que les problèmes soient clairement exposés, les difficultés honnêtement décrites et surtout l’assurance que les efforts demandés et les bénéfices éventuels à venir seront partagés par tous sans exclusive d’aucune sorte…la moins pire des solutions, en quelque sorte…
Rédigé par : baloo31 | 22 décembre 2010 à 19:10
@Baloo31
" l’accroissement sans fin de la dette " a pour seule origine les intérêts payés (au moins jusqu'en 2007), et heureusement payés pour le moment par les plus riches, eux mêmes acheteurs des nouvelles obligations émises pour rembourser celles arrivant à échéance.
http://tinyurl.com/3a5fl3q
Rédigé par : A-J Holbecq | 23 décembre 2010 à 09:08
@Malakine,
Tout d'abord, excellent papier.
Ceci dit, j'ai un petit point de désaccord sur la façon dont tu exonères la spéculation financière dans ton papier. Le problème de fond est tout de même que la sphère financière se défausse du risque sur les autres agents éco, et par ces pratiques spéculatives, s'approprie une part de richesse relativement plus importante que les autres acteurs. Cette dynamique fait que le prix des actifs s'accroit bien plus rapidement que l'économie réelle (I.E. la production de bien et de services) qui sert de base à la valorisation de ces mêmes actifs financiers... Les profit financiers dégagés ne sont pas réinvestis dans l'économie productive, mais dans la spéculation... il est alors impossible, à mon avis, d'avoir une dynamique plus en moins vertueuse de l'économie dans de telles conditions....
Ensuite, je ne suis pas très doué en éco internationale mais, de prime abord si le "théorème" d'Artus paraît "juste", il faudrait voir ce que représentent les Matières premières et surtout les ré-importations de produits fabriqués à l'étranger par les groupes français globalisés. Je dis çà parce qu'il faudrait voir si ce déficit est le reflet des "faiblesses" économiques françaises (tel un manque de compétitivité) ou bien une conséquence de la globalisation (on importe des produits que l'on pourrait tout à fait produire dans l'hexagone).
Il me semble de plus que nos points fort à l'export sont les produits du luxe et les infrastructures (nucléaire civil, TGV, airbus....). Dans ce dernier cas les rythmes de vente sont beaucoup plus lents et longs que pour des produits de conso courants... peut être ceci devrait être inclus dans la réflexion us égard à son impact sur le niveau du déficit extérieur.
Ceci dit pour revenir sur le théorème d'Artus, on pourrait le considérer comme à courte vue et "mercantiliste" (où la quantité de monnaie/or détenue par un état est la considérée comme la vraie richesse économique). En tant qu'économiste je penche plutôt du côté des pos-keynésiens qui considèrent (dans les très grandes lignes) que l'économie ne peut fonctionner que grâce aux déséquilibres : pour qu'un agent (ou un État) réalise un profit il faut qu'un autre s'endette (ou soit à "découvert", ce qui revient au même). Mais normalement ce jeu de déséquilibre doit créer une dynamique qui doit permettre d'enclencher des productions nouvelles ou supplémentaires et générer d'avantage d'investissement et de consommation. En d'autres termes, et plus clairement, les déficits de certains États sont la condition de la croissance des autres (le cas de la France et de l'Allemagne en étant une illustration).
Tout çà renvoie donc surtout à la question de l'organisation adoptée par la globalisation actuelle...Il est clair que cette division internationale entre pays structurellement déficitaires et excédentaires n'est pas tenable. Le risque de faillite des premiers menace tout simplement la croissance des seconds ! D'ailleurs il me ...semble qu'au dernier G20, le secrétaire US au trésor Henry Paulson (je crois...) a proposé de limiter (via une décision du G20 qui aurait force de loi internationale ???) les déficits comme les excédents commerciaux à un certain % du PIB... J'imagine la tête des délégations Chinoises et Allemandes....C'est en tout cas - dans l'affichage - une volonté significative de la part des Etats Unis de remettre en cause - partiellement - l'actuelle globalisation.... même si une telle mesure n'a aucune chance d'être adoptée...
Rédigé par : Franc-tireur | 23 décembre 2010 à 11:32
En ce qui concerne le pb du format médiatique dominat, je n'ai rien inventé, je te renvoies à l'intervention de Frédéric Lordon à l'Acrimed, les vidéos sont là :
http://www.dailymotion.com/video/x8e1mf_frederic-lordon-jeudi-dacrimed-12_news
http://www.dailymotion.com/video/x8e40j_frederic-lordon-jeudi-d-acrimed-2-2_news
et en plus c'est drôle !
Sur le fond du billet, je trouve que tu poses un peu vite en postulat de base définitif la désindustrialisation de la France, qui n'est pas à mon humble avis aussi avancée que tu ne le penses.
Ensuite, bien que n'étant pas économiste, je me permets de signaler que les déficits commerciaux sont aussi la conséquence des concurrences de règles fiscales : les Sociétés françaises faisant partie d'un groupe exportent leurs bénéfices pour ne pas payer d'impôts en France, en surévaluant leurs achats (importation) et en sous-évaluant leurs ventes (exportation)aux filiales étrangères du même groupe.
or, ces comportements mircoéconomiques ont un impact macroéconomique que l'on commence à peine à apercevoir. D'où les demandes de plus pressantes de réformer les règles fiscales pour empêcher ce type de comportement (pour l'instant tout à fait légal), qui explique que les entreprises du CAC40 paient moins d'IS en France qu'en Irlande (8 %).
Ceci ne remet pas en cause la pertinence et l'originalité de ton raisonnement, dont nous attendons tous la suite avec impatience, c'est juste un bémol à apporter.
CM
Rédigé par : Verdun | 23 décembre 2010 à 12:40
> Philippe
Je crains d'avoir fait une confusion entre besoin de refinancement du secteur bancaire, qui s'établit à 3000 milliards et non 1000 comme je le disais dans le texte, et chiffrages des pertes potentielles pour les banques. Je corrige le texte en ce sens.
Rédigé par : Malakine | 24 décembre 2010 à 11:50
Malakine
Votre article est intéressant, mais je pense que vous vous trompez sur le fait que la situation de la zone euro serait pire que celle de l'anglosphère.
C'est justement le but de la propagande médiatique anglo-saxonne, largement relayée en Europe continentale, de faire croire cela :
http://verslarevolution.hautetfort.com/archive/2010/12/26/selon-pierre-jovanovic-l-anglosphere-a-declare-la-guerre-a-l.html
Rédigé par : Boreas | 27 décembre 2010 à 14:42
@Verdun
On peut imposer - au taux français - les sociétés multinationales sur un pourcentage de leur bénéfice correspondant à leur part de chiffre d'affaire réalisé en France.
Rédigé par : A-J Holbecq | 28 décembre 2010 à 09:42