L’article qui suit est une réponse à une sollicitation de Samuel Zarka dans le cadre de la revue Droit de cités pour le dernier numéro dont il a assuré la coordination et qui vient d’être publié depuis lundi Ecologie/Ecologisme Samuel m’avait autorisé 20 000 signes. J’en ai fais un peu plus. Vous trouverez l’article en intégralité ci-après dans une version à imprimer et en publication classique.
Je vous signale également dans le même numéro un article de Wilfried Pennetier, que nous connaissons ici sous le pseudo de Franc-Tireur intitulé « revendications syndicales et écologistes, une convergence nécessaire qui n’a rien d’évident ».
J’en profite également pour vous signaler la prochaine édition de la revue sœur « Cité » consacrée à la sortie du capitalisme avec pour intervenants, tenez vous bien : Frédéric Lordon, Jacques Sapir, Henri Guaino, Christian Laval, Jean Luc Gréau, Naomi Klein, Paul Jorion, Marcel Gauchet, Emmanuel Todd et bien d’autres … En vente à partir du 31 mars !
L’émergence d’une nouvelle idéologie dans le débat public, que l’on qualifiera d’écologisme apocalyptique, restera probablement comme l’évènement politique majeur de ce début de siècle. Les interrogations sur la soutenabilité de notre modèle de développement, jusque là circonscrites aux milieux verts et alternatifs, ont pris une toute autre dimension ces dernières années. Le mouvement est venu des Etats-Unis avec la sortie du film de Al Gore « Une vérité qui dérange » en 2006 et très vite, le traditionnel programme « précautionniste » mâtiné de gauchisme libertarien des Verts, a évolué sous l’influence de Nicolas Hulot en discours catastrophiste décrétant la mobilisation générale pour la planète en danger !
Ce nouveau phénomène politique a atteint sa maturité aux élections européennes de 2009 avec l’inattendu succès des listes d’Europe Ecologie. Plus qu’un phénomène électoral pouvant s’expliquer par le charisme de sa tête de liste et la piètre campagne de ses concurrents, on a véritablement assisté à l’intégration du discours écologique le plus radical dans la pensée « politiquement correct », ainsi que l’atteste la diffusion par le service public avant le scrutin du film « Home » de Yann Arthus Bertrand, l’évolution de la ligne éditoriale du Monde, organe officiel de la bien pensance, relayant ouvertement un discours catastrophiste dans ses pages « planète » ou l’ostracisation systématique de toute pensée un tant soi peu dissidente.
La vie politique française avait déjà connu un engouement fugace pour l’écologie au début des années 90. Le phénomène s’expliquait alors très simplement par le contexte politique de l’époque. Le vote écolo servait d’échappatoire à un électorat perdu que n’arrivait plus à séduire ni une gauche convertie au libéralisme, ni une droite en crise d’identité. La période présente quelques similitudes, notamment le contexte de trouble idéologique consécutif à la brutale crise du capitalisme mondialisé. Elle s’en distingue toutefois par la tonalité du discours. L’écologie a quitté le terrain des bons sentiments et des mesures de bon sens, pour se transformer en cassandre hystérique : le réchauffement climatique est une bombe à retardement qui fera subir à la planète des cataclysmes à répétition semant partout la misère et la désolation. L’humanité n’a plus que quelques années pour assurer sa survie. Nous allons tout droit vers une période de pénuries et d’énergie rare. Il est impératif de s’engager sur le chemin de la décroissance ou a minima, de produire, de consommer de se loger et de se déplacer autrement. Nous sommes aux prémisses d’un changement de civilisation, auquel nous devrons nous adapter de gré ou de force : la mutation écologique ou la mort !
On pourrait être tenté de voir dans ce bel unanimisme, la marque d’une prise de conscience collective de la finitude de notre petite planète. On assisterait alors à une révolution spontanée, silencieuse et pacifique ? L’humanité franchirait un cap dans son développement spirituel, une conscience planétaire serait de naître. Une bien belle histoire, à laquelle il est pourtant bien difficile de croire.
Premier indice : la grande peur climatique n’a été précédée d’aucun cataclysme de grande ampleur qui aurait frappé nos régions dans les mois précédents, ni canicule meurtrière, ni inondations catastrophiques, ni tempête dévastatrice, encore moins de pénuries alimentaires liées à de mauvaises récoltes. D’où vient alors cette « prise de conscience » ?
Notons également que les alertes à la finitude des ressources naturelles n’ont été annoncées par aucune explosion des cours en raison de tensions sur l’offre. Certes, deuxième moitié de la décennie a été marquée par une inflation continue du prix des matières premières, même si cela fût essentiellement le fait de phénomènes spéculatifs liés aux dérèglements de la finance. On a tout de même peine à croire que le retour d’un début d’inflation avant le déclenchement de la crise a suffit à déclencher ce mouvement de panique !
C’est encore le lien avec la crise financière mondiale et la récession économique qui s’en est suivi qui étonne le plus. Pourquoi le thème de la décroissance émerge t-il au moment ou l’économie mondiale entre en récession ? Pourquoi le débat politique se focalise t-il sur l’environnement au moment où le capitalisme mondialisé, jusque là censé avoir produit la plus grande période de croissance que le monde n’a jamais connu, entre t-il dans une crise aussi systémique que structurelle, laissant les économistes, les intellectuels et les politiques totalement démunis et désemparés ? N’y a-t-il pas plus urgent lorsque le système bancaire mondial est en situation de faillite virtuelle, que les Etats frisent le surendettement, que le chômage explose et que les usines ferment, de s’inquiéter de la fonte de la banquise, de la survie des ours polaires ou du climat qui règnera sur terre dans un siècle ?
La rapidité de la mutation de cette sensibilité politique, autrefois contestataire et marginale, en véritable dogme de la pensée officielle dans un contexte économique et politique particulièrement troublé, invite à l’analyse. La question n’est pas tant de savoir si les enjeux auxquelles cette nouvelle idéologie prétend répondre sont réels ou fantasmés mais de déterminer quels ont été les ressorts de la formation de ce nouveau dogme et ce que l’essor de cette nouvelle idéologie peut signifier sur le plan intellectuel ou des rapports de forces politiques.
I – L’écologisme, expression de la crise du néolibéralisme mondialisé
L’angoisse climatique est loin d’être la première du genre. Depuis une vingtaine d’années, les grandes peurs collectives se succèdent régulièrement à la une des médias et des préoccupations des gouvernants : couche d’ozone, vache folle, bug de l’an 2000, OGM, grippe aviaire ou grippe A, islamisation, en attendant probablement les nanotechnologies … Les pays européens n’ont jamais été aussi riches et bien portant et en même temps ils n’ont jamais été aussi tétanisés par l’angoisse.
Cette angoisse diffuse est fondamentalement liée à un sentiment de dépossession ressenti par les peuples depuis le virage néolibéral qui s’est engagé dans les années 80 : la construction européenne et les dilutions de souveraineté qu’elle a entraînée, la financiarisation de l’économie qui reconnaît un pouvoir de plus en plus totalitaire à des marchés financiers irrationnels et incontrôlables, la mondialisation libre échangiste qui a maximisé les contraintes extérieures. L’agenda néolibéral a conduit à une perte du sentiment de maîtrise politique du destin collectif. Le citoyen a progressivement pris conscience (sans toutefois jamais vraiment l’accepter), qu’il n’a plus guère de pouvoir sur le cours des choses. L’inflation, la valeur de la monnaie, le chômage la croissance ou les crises, sont appréhendés comme autant de phénomènes météorologiques qui vont et qui viennent sans que personne n’en soit responsable. Ainsi que nous l’expliquent à longueur de temps les idéologues néolibéraux, l’économie est aujourd’hui déterminée par des espèces de lois naturelles, tel que la loi du marché, le jeu de la concurrence, la confiance des marchés ou de manière plus abstraite encore, la conjoncture.
En effaçant progressivement le pouvoir politique, le libéralisme a renoué avec son axiome originel de « la main invisible » où le bien commun s’exprime spontanément par la rencontre des intérêts égoïstes des acteurs économiques. L’économie libérale échappe par définition à toute maîtrise collective. On peut penser ce que l’on veut de l’efficacité économique du libéralisme économique, mais on ne peut nier que son fondement est parfaitement anxiogène, en particulier pour les peuples qui ne parviennent pas en voir derrière la main invisible du marché, la volonté bienveillante de Dieu tout puissant.
La condition pour que le libéralisme suscite l’adhésion des masses est qu’il produise des richesses. En période de croissance, nul ne s’interroge guère sur la viabilité du système. On s’attache à corriger les déséquilibres, à répartir la richesse produite ou on s’intéresse à d’autres sujets, de vie quotidienne ou sociétaux. En revanche, lorsque l’économie ralentit, que les niveaux de vie stagnent ou régressent, que la crise systémique surgit et que l’avenir devient illisible et sombre, l’angoisse se libère à la recherche de n’importe quel exutoire pour se focaliser.
A cette cause psychologique s’ajoute la crise de l’Empire américain, véritable centre de notre civilisation occidentale et fabrique de notre imaginaire collectif. Le messianisme et leur religiosité des Etasuniens les immunise, mieux que les Français, contre le caractère anxiogène de la main invisible. La nation élue de Dieu destinée à apporter le Bien sur terre ne saurait douter ni de sa supériorité, ni de son modèle. Et pourtant elle doute ! Son économie d’endettement, sa dérive impériale et belliqueuse et sa dépendance de plus en plus visible à l’égard de la Chine, commence à susciter chez ses élites le même sentiment de perte de maîtrise de son destin. Cette angoisse s’exprime clairement dans les productions hollywoodiennes qui donnent régulièrement à voir au reste de l’Humanité la fin du monde à grand renforts d’effet spéciaux, que ce soit par des invasions d’extra-terrestres, les mutations génétiques, des épidémies ou des crises sanitaires, des catastrophes climatiques ou plus récemment un accident géologique. C’est ainsi que l’angoisse légitime et fondée ressentie par un empire finissant s’exporte au-delà de ses frontières via son impérium culturel.
Cette angoisse de fin du monde doit se focaliser sur un objet identifié pour être supportable par les populations et gérables par les gouvernants. Le problème (et la force) du libéralisme est qu’il échappe à toute incarnation. Le système ne tient pas par une autorité que l’on pourrait renverser, mais par des principes impersonnels qui restent incontestés et sans alternative (primauté du capital sur le travail, jeu de la concurrence, recherche de l’enrichissement individuel et collectif, gouvernance de l’économie par la conjonction d’intérêts égoïstes, impérium américain …) Nicolas Sarkozy a bien essayé de diriger la colère des peuples pendant la crise financière sur les banquiers, les spéculateurs ou les traders auxquels il reprochait d’avoir perdu le sens de l’éthique capitaliste. Mais il fallait un exutoire à la hauteur de l’angoisse suscitée par cet effondrement de l’économie mondiale aussi inattendu que mystérieux. L’angoisse étant globale et systémique, elle ne pouvait que s’incarner sur un objet global et systémique. Ce fût le « réchauffement climatique ».
Le climat fonctionne comme une allégorie de cette économie que personne ne contrôle plus et qui se manifeste sous la forme de phénomènes de type météorologiques, avec dans le rôle des responsables, les hommes et leur désir insatiable de consommation et d’enrichissement, et dans le rôle des menaces systémiques, les cataclysmes naturels symbolisant la crainte d’un effondrement global de l’économie à la mode post soviétique. Il en effet beaucoup plus facile de se représenter la fin du monde par des phénomènes naturels extrêmes que d’imaginer une faillite des Etats, le démantèlement des protections collectives ou l’évaporation de tous les avoirs monétaires après une défaillance globale du système financier.
La grande peur climatique n’est d’ailleurs pas sans rappeler les angoisses ancestrales du châtiment divin par la résurgence d’une forme de pensée religieuse archaïque. Dans la mystique libérale, la main invisible est l’expression d’un Dieu omnipotent et bienveillant, représentation encore renforcée dans l’univers mental Etasusien où la Nation est sous la protection directe du Tout puissant. Si le marché dysfonctionne au point de plonger le monde dans une dépression abyssale ou si la Nation élue est en défaut de paiement, c’est que Dieu est en colère contre les hommes. Et si Dieu est en colère c’est que les hommes ont péché. Ainsi, au lieu d’assister à une contestation des principes mêmes de l’hypercapitalisme mondialisé, l’humanité développée à trouvé plus simple de s’en prendre à elle-même pour faire pénitence de ses péchés. Elle était coupable d’être trop riche, d’avoir voulu trop consommer, d’être trop nombreuse ou trop polluante.
II L’écologisme, l’idiot utile du néolibéralisme
On a donc assisté au cours des années 2007-2009 à une étonnante culpabilisation des victimes de la crise. Cette réaction est d’autant plus remarquable qu’elle a essentiellement prospérée au sein de la famille politique la mieux placée pour proposer une contestation du système.
Il était impossible pour les militants du protectionnisme (dont je fus) de faire passer l’idée d’une relance de la demande globale, par remontée des salaires rendue possible par le desserrement des contraintes concurrentielles et actionnariales. A chaque fois, la même objection venait de la gauche, de la plus radicale à la plus conformiste. Relancer la demande, c’est relancer la consommation et la production, c’est plus de pollution et d’émissions, c’est hâter la fin du monde. Et pour finir, toujours cette maxime en forme de nouvel axiome « On ne peut pas avoir une croissance infinie dans un univers fini » On n’a même lu des intellectuels distingués se réjouir de la crise comme d’une bénédiction pour la planète !
Soyons honnête toutefois, si la contestation de l’idée même de croissance a émergé en pleine récession, le système de production idéologique avait bien préparé le terrain : l’ancien vice-président étasunien Al Gore avec son film alarmiste, le comité Nobel décernant le prix Nobel de la paix au GIEC, le chiffrage ahurissant du coût du changement climatique de l’économiste Stern dans un rapport commandé par le gouvernement britannique ou place accordée par le journal le Monde aux théories réchauffistes n’y ont pas été pour rien. Le catastrophisme écologique est bel et bien venu du cœur du système de domination économique via les canaux traditionnels de diffusion de l’idéologie dominante.
Sans pour autant succomber à la tentation de la théorie du complot (inutile car on est d’autant mieux sujet à l’angoisse systémique que l’on se situe au centre du capitalisme mondialisé) on peut néanmoins constater que l’écologie apocalyptique, non seulement ne menacera en rien les structures du système, mais qu’elle aura pour effet de les conforter.
La vague écologique accentuera encore un peu plus la dépolitisation du jeu démocratique. En principe, la politique sert à arbitrer pacifiquement les conflits d’intérêts entre groupes sociaux. Or, en l’espèce il n’y aucun ennemi, aucun privilège à abattre, aucune rente à contester. Sauver la planète est une idéologie pour enfant de huit ans qui n’inquiète personne, ni dans son principe ni dans ses modalités d’application possibles.
La fuite du débat politique sur des objectifs consensuels et non contestables est toujours éminemment suspecte. Tant que les activistes se battront pour « sauver la planète » en s’inquiétant des phénomènes météorologiques, ils ne contesteront pas l’ordre économique mondial en imaginant des alternatives concrètes ! L’engouement écologique actuel rappelle d’ailleurs étrangement la conversion de la gauche française aux thématiques sociétales (droits des minorités, antiracisme) dans les années 80 au moment où elle opérait sa conversion aux dogmes néolibéraux sous couvert de construction européenne.
Le capitalisme mondialisé a d’autant moins à craindre de cette nouvelle idéologie que les mesures auxquelles elle peut aboutir constituent pour lui la seule promesse qu’il est encore en mesure de faire pour faire croire à une sortie de crise : la croissance verte !
La perspective est pourtant éminemment discutable. A supposer même que les technologies de substitution soient d’ores et déjà disponibles, il n’y aura aucune demande solvable pour susciter un nouveau marché tant que l’explosion tant annoncée du prix des énergies fossiles n’aura pas eu lieu. Dans l’attente du supposé « pick oil », l’économie verte sera condamnée à vivre sous perfusion d’aides publiques. Peu importe, l’essentiel est d’entretenir l’espoir … C’est pourquoi, la « mutation écologique » doit être perçue par tous comme une impérieuse nécessité et un vecteur de croissance. La technique de la recette magique a très bien fonctionné pendant la première vague de délocalisation avec la fameuse stratégie de Lisbonne, censée permettre à l’Europe de résister à la concurrence des pays à bas coûts par la recherche et l’innovation. Tout le monde y a cru ! Il n’y a pas de raison que le mirage de la croissance verte ne suffise pas, cette fois encore, à maintenir l’ordre dans les esprits.
Plus grave, l’écologisme aura pour effet de consolider deux des piliers idéologiques du capitalisme mondialisé : l’effacement des souverainetés politiques et le mondialisme comme échelle indépassable d’organisation du monde moderne.
La crise de l’endettement organisera immanquablement une bascule du centre de gravité du monde vers l’Asie au détriment de l’occident. Si les Etats-Unis sauverons probablement l’essentiel grâce au privilège du dollar et à la taille de leur marché, l’Europe a plus de soucis à se faire. Elle a déjà disparue politiquement de la scène du monde, en ayant apporté la preuve de son incapacité définitive à la moindre décision unilatérale. Elle pourrait bien sombrer économiquement si les marchés financiers décidaient de jeter leur avidité prédatrice sur les Etats européens, comme ils ont commencé à le faire avec la Grèce, en remontant les taux d’intérêts sur les obligations d’Etat, prenant prétexte d’un risque de défaut de paiement pour maximiser le tribut qu’ils doivent payer aux maîtres de la finance mondiale dérégulée.
De vrais patriotes, européens ou nationaux, devraient en appeler à une réaction forte de la part de la puissance publique pour reprendre le mécanisme de la création monétaire aux banques, pour réguler les échanges commerciaux ou ramener la finance à la raison, comme le proposent des économistes comme Jacques Sapir ou Frédéric Lordon. L’écologisme s’avère être fort opportunément pour les oligarchies financières, l’antidote idéal face à toute réaction souveraine de ce type. Chez les écologistes, l’occident ne saurait être victime. Il est par essence coupable d’être repus de trop richesse et s’adonner aux plaisirs faciles de la surconsommation, quand ce n’est pas de pillage des ressources des pays pauvres. Les vraies victimes de la crise ne sont pas à chercher dans les catégories populaires des pays développés ou des systèmes sociaux en voie de démantèlement, mais dans les pays les plus pauvres à travers la nouvelle figure de l’opprimé universel que sont les « réfugiés climatiques » !
L’écologisme va renforcer la mondialisation. Culturellement, cette famille de pensée éprouve la même haine viscérale pour les idées de nation ou de souveraineté que les libéraux les plus fanatiques. A problème global, réponse globale. Les écologistes vont donc logiquement placer leurs espoirs dans une gouvernance mondiale.
L’échelle mondiale a pourtant déjà largement apporté la preuve, lors des G20 successifs comme à Copenhague de son incapacité absolue à modifier, même la marge, les déterminants du système. La mondialisation s’est développée sur un effacement systématique et méthodique du politique. Elle ne peut en aucun cas être régulée par l’apparition d’un pouvoir politique mondial qui serait le fruit d’un accord entre des puissances aux intérêts contradictoires, d’ailleurs toutes aussi désarmées et soumis au pouvoir financier et à l’idéologie mondiale qu’il a produit.
Les écologistes se replieront alors sur le local en application de leur précepte sacré « Penser global, agir local » Ils mobiliseront l’opinion mondiale lors des grandes conférences mondiale destinée à sauver le monde, puis se donneront bonne conscience en agissant concrètement sur le terrain, soit par leur comportements individuels d’écocitoyens ou de consom’acteurs, soit en tant qu’élus locaux pour financer des panneaux solaires ou de la géothermie, des transport en commun, l’isolation des logements, ou en sanctuarisant des réserves naturelles de biodiversité.
La politique, la vraie, celle qui s’exprime dans un espace de souveraineté pour définir des règles destinées à soumettre les rapports de classes, la répartition des richesses ou l’organisation de l’économie à une certaine conception de l’intérêt général, cette politique aura alors totalement disparue et, avec elle, la seule vraie menace pour le capitalisme mondialisé. Les lois de l’économie libérale règneront en maître sur le monde. La dictature du capital s’établira d’une manière définitive et absolue. La prédation se poursuivra jusqu’à ce que mort s’en suive. Mais promis, on s’occupera de la planète, du climat et des générations futures. Au moins pour s’en inquiéter et rivaliser de discours alarmistes lors des grandes conférences mondiales.
Malakine
Télécharger la version à imprimer Ecologisme, alternative ou supplément d'âme du néolibéralisme
@malakine
Je trouve que ton texte est un peu trop généralisant. Je crois qu'il faut quand même modérer les propos les verts, Hulot et Dany le brun (oui mélanger le rouge et le vert çà devient marron) ne représente pas toute l'écologie. Disons qu'ils ont fait un holdup sur le question. En France en terme d'écologiste qui pèse on a le choix entre les décroissants réactionnaires par beaucoup d'aspects, je l'ai moi même expliqué dans un texte récent, et les écolopeople qui se servent de l'écologie pour briller sur les plateaux télé. Ce sont plutôt ces derniers que ton texte attaque très justement, ils ne sont absolument pas cohérents entre leurs objectifs affichés et les moyens qu'ils se donnent pour les accomplir.
Remarque c'est une maladie contagieuse car on pourrait dire de même de la politique de Sarkozy.
Sinon il est clair que les capitalistes essaient de récupérer l'écologie comme nouvelle doctrine de soutien à leur domination sociale. Comme le libéralisme économique n'est plus vendable il leur faut un truc marketing de substitution. Un nouveau storytelling justifiant l'effondrement des salaires et l'explosion des inégalités.
Rédigé par : yann | 16 mars 2010 à 22:15
@ Yann
Mon texte traite moins des écologistes en tant que tel ou de l'écologie en général que de cet incroyable séquence de 2009 où on a vu l'écologie apocalyptique être intégrée au politiquement correct. C'est cela que j'essaie d'analyser.
Rédigé par : Malakine | 16 mars 2010 à 23:48
Un ancien habitué de votre blog content de vous relire
D'accord avec vous sur à peu près tout, juste 2 remarques ces sujets que je connais directement travaillant dans le photovoltaïque
L’industrie verte subie elle aussi la concurrence des pays à bas coups de main d'œuvre et à basses normes environnementales, il suffit de voir l’augmentation de la production de panneaux solaires chinois bien moins cher que leurs équivalents allemand ou japonais...
Pour cette raison aussi l'argument de l'industrie verte non délocalisable est un leurre. Seule la pose des panneaux sur les toits est non délocalisable, simplement ce n’est pas avec ça qu’on développe une industrie...
On en revient à l'argument de Greau sur le préjugé racismes des ultralibéraux qui croient que l'homme blanc est seul capable de développer de nouveau produit et concept… et non ! le chinois aussi est capable d’autant plus que bien souvent il a été formé en occident le fondateur de Suntech Power le premier producteur chinois de panneaux solaires ayant par exemple travaillé de nombreuses années dans un laboratoire australien…
deux extraits de la lettre du solaire de février pour compléter votre discours
"Dans LLS de Septembre 2009 p.5, nous écrivions « A fin 2008,… 4 900 MWc de modules étaient en stock, soit plus d’un an d’installations ! Si une surproduction de 3 600 MWc s’y ajoute en 2009, alors il va y avoir des morts ! » Or, il se trouve qu’en 2009 la demande
mondiale est restée stable à 5 600 MW, alors que la production de modules proche de 9 000 MW augmentait de 14% dans une conjoncture atone. Résultat, le stock mondial de modules est passé à plus de 8 000 MW et il faudra au moins trois ans pour l’éponger."
Donc on est déjà en surproduction, avec la crise l’Europe et notamment l’Espagne achète moins…
"Mais une chose était de camoufler de la subvention d’exploitation par des aides à la Recherche sur des sujets plus ou moins bidon dans une conjoncture où la concurrence était douce (Allemande et Japonaise), une autre est maintenant de se battre avec des entreprises
utilisant des technologies développées chez nous, mais dont les coûts de revient sont moitié moindre des nôtres. Photowatt en sait quelque chose ! L’entreprise chinoise Magi Solar, qui n’a pas encore un an, fabrique déjà des cellules avec 17.5% de rendement pour des coûts de 0,29$/W (à comparer au coût de QCells de 0,44$/W)."
Ma deuxième remarque est juste un commentaire : malgré vos arguments qui se tiennent complètement et auxquels je souscris, ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi et polluer la planète comme si de rien n’était, il reste vrai que le monde est fini et que nous somme coincé sur notre planète sans pouvoir en changer.
Dans un monde idéal l’Etat aurait réellement le pouvoir sur les lobbies et serait capable de faire le choix pertinent fonction des connaissances actuelles sur les OGM, le nucléaire, le réchauffement climatique… aujourd’hui avec les poids de Monsanto, Exon, Areva et consort je me permets de douter. Ce n’est pas parceque certain écolos sont ultraliberaux qu’il ne faut pas faire attention a la planète surtout en ce moment ou le règne du fric et de la concurrence amène à sacrifier l’écologie sur l’autel de la compétitivité et du moins disant environnemental!!!
Rédigé par : red2 | 16 mars 2010 à 23:56
@ Red2
Merci des infos sur le photovoltaïque. Edifiant !
En revanche, la conclusion me rend en revanche perplexe car on est là au coeur de la fabrique du politiquement correct le plus manipulatoire. De la même manière qu'on a dit "la Nation c'est Auchwitz" "être antiaméricain c'est être antisémtite" ou "le protectionnisme c'est la guerre" on dit maintenant "c'est l'écologie ou la fin du monde" Ce genre de propos est fait pour étouffer toute pensée dissidente et même toute pensée tout court. On est dans le registre du catéchisme.
Et comme je le fais remarquer l'écologisme apocalyptique est venu des canaux de diffusion de l'idéologie dominante. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est une théorie anticapitaliste !
Vous avez remarquez (tu as ...) que personne n'a parlé cette année, contrairement à toi, du "moins disant environnemental" impliqué par le libre échange. Bizarre hein ?
Rédigé par : Malakine | 17 mars 2010 à 00:04
@ Malakine
Je suis d'accord sur tout, et en particulier sur l'aspect religieux de l'écologisme. Car cette nouvelle idéologie n'a rien de rationnel. On peut sans doute la voir comme un nouvel opium du peuple - c'est ce que tu sembles suggérer, j'espère que je ne sur-interprète pas… L'alliance au minimum objective entre le malthusianisme néo-libéral et le malthusianisme écologiste me paraît tellement évidente… et tellement efficace.
@ Red2
Je m'associe aux remerciements de Malakine comme à ses réserves. Surtout quand je lis : "Il reste vrai que le monde est fini et que nous sommes coincés sur notre planète sans pouvoir en changer". Vous me pardonnerez, mais c'est LA phrase-type écolo, entre toutes, qui me fait bondir le plus haut, et c'est celle-là qui me fait penser que l'écologisme est une idéologie profondément irrationnelle, voire obscurantiste, et à tout le moins anti-prométhéenne. Cette planète qui nous a donné la vie peut aussi nous la reprendre sans crier gare. J'ai bien conscience qu'on ne pourra pas envisager de changer de planète avant quelques générations, mais de là à dire que notre monde est fini, i. e. qu'il doit se limiter à la Terre, in sæcula sæcolorum, amen, il y a quand même un pas ! De toute façon il ne s'agit pas de déménager, mais d'assurer notre avenir à (très) long terme en trouvant un exutoire à cette fameuse croissance que personnellement j'estime être constitutive de l'humanité. Or je suis tout à fait persuadé que cela passe forcément par le développement des technologies spatiales - précisément ce à quoi le néo-libéralisme nous a contraint à renoncer sous prétexte de non-rentabilité. C'est justement le seul exutoire qui permettrait de concilier la croissance et une gestion rationnelle de la Terre.
C'est un débat fondamental, et j'ai l'impression que les nouveaux apôtres de la "planète" n'en saisissent pas l'importance. Ce qu'ils prônent, c'est un renversement radical de l'histoire humaine, ou du moins une fin de l'histoire (c'est là qu'on retrouve la trop fameuse "fin de l'histoire"). Ça se présente en effet comme un petit catéchisme pour enfant de 8 ans, mais cela dissimule à mon avis la plus monstrueuse contre-révolution de l'histoire. Un retour en force du paganisme - non pas du paganisme antique, mais du paganisme primitif. C'est un enjeu colossal.
Rédigé par : Joe Liqueur | 18 mars 2010 à 03:12
Il y a un argument protectionniste pour les industries vertes : même avec des panneaux solaires achetés en Chine, l'électricité produite en France par ce moyen c'est toujours autant de devises économisées en n'achetant pas du pétrole... En tout cas à terme...
Rédigé par : edgar | 18 mars 2010 à 20:35
Merci de vos réponses,
Oui le petit monde du photovoltaïque est assez étrange comme mélange de marché subventionné et complètement mondialisé… Juste 2 exemples rapide et j’arrête parcequ’on pourrait y passer la nuit !
En 2008 l’Espagne avait les prix de rachat du kWh photovoltaïque les plus favorables du monde (à 47 centimes par kWh), et au lieu de développer l’industrie espagnole, comme le marché est complètement mondialisé et le rendement de l’investissement assuré, l’Espagne 45 million d’habitant a absorbé plus de la moitié de la production mondiale de panneaux solaire de l’année… plus de 3 GW de panneaux d’installation ! Un chiffre qu'ils auraient dus atteindre tranquillement en un peu moins d'une dizaine d'années pour laisser le temps a l'industrie de suivre, Complètement délirant et ca va couter cher aux espagnols plus d’un milliard d’euros par ans sur 20 ans si je me souviens bien de chiffres…
Et en plus aujourd’hui les tarifs ont trop baissé et Isofoton le 1er producteur espagnol de panneaux solaires serait proche de la faillite…
Ca serait tellement plus simple si c’était un minimum régulé et pas laissé dans les mains de spéculateurs se fichant pas mal d’écologie ou de production électrique, je comprends toujours pas pourquoi ce n’est pas l’état et EDF qui installe les centrales la ou il y en a besoin, enfin ce n’est pas trop dans l’air du temps surement…
Et on pourrait parler de la bulle américaine aussi, l’époque ou arrivé chez un banquier avec un projet photovoltaïque vous pouviez lever des millions et des millions de dollars sans même de projet solide vu que de toute façon le banquier comprenais pas la technique mais comme c’etait a la mode il sortait le chéquier… et puis tout va si vite que tout le monde veux trouver son Q cells ou son first-solar des boites qui en 10 ans sont devenues les premier producteurs mondiaux, avec des chiffres d'affaires dépassant largement le milliard de dollars...
En gros on a failli vivre la même chose que pendant la crise de l’internet des années 2000 bon, avec la crise des surprimes ça c’est un peu calmé mais ça existe toujours et il pourrait y avoir de belles faillites ces prochaines année… Parmi les boites américaines Nanosolar, solindra ou Miasolé qui ont chacune levées plusieurs centaines de millions de dollars combien en restera il dans ne serait ce que dans 5 ans…
Par contre je ne suis pas complètement d’accord avec vous deux sur votre vison de l’écologie…
Je suis pour le progrès technique et contre le retour à la bougie mais aussi je suis pour un principe de précaution raisonnable et j’ai parfois l’impression que les lobbies nous font parfois oublier la raison pour faire toujours plus de profit quitte a jouer avec le feu.
L’homme devrait toujours essayer de rester modeste face a son savoir très limité face a l’immensité du monde. (Mais pas sur que ce soit dans sa nature…)
Apres c’est vrai que la principale cause de dégradation de l‘environnent est aujourd’hui l’ultralibéralisme et lutter contre le moins disant environnemental causé par la concurrence mondialisée devrait être la priorité de tout écologistes aujourd’hui et je suis d’accord avec vous que les écologistes que j’appelle « fleur bleu » préférant parler d’épiphénomène plutôt que du fond du pb sont extrêmement crispant …
Rédigé par : red2 | 18 mars 2010 à 23:08
@ Edgar
Mais c'est une évidence ! Je crois que le protectionnisme pour les industries naissantes n'est même pas contesté dans son principe, même par les libéraux.
@ Red 2
Je suis passé à coté de cet argument dans le texte. Le capitalisme mondialisé pousse d'autant plus l'idée de la "croissance verte" qu'il y voit la possibilité de recréer des bulles. C'est évident.
Sur le fond, ce n'est pas un protectionniste comme moi qui va s'opposer au "précautionnisme" écologique. Je m'oppose simplement au discours catastrophiste des Hulot, Kempf et Jancovici, surtout lorsqu'il est récupéré par le politiquement correct. Je trouve ça plus que suspect.
Rédigé par : Malakine | 18 mars 2010 à 23:56
@Red2
Vos propos sur les panneaux solaire me fait penser au dernier texte de Paul Graig Roberts, il illustre le déclin industriel US avec le triste destin de Detroit.
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3008
Il faut voir que les autorités vont raser une grande part de la ville. Et Roberts à la fin cite l'exemple d'une entreprise américain de production de panneau solaire "Evergreen Solar " qui va délocaliser sa production et qu'il est absurde de croire qu'il y a un remplacement, les nouvelles industrie remplaçant les anciennes. Non il conclu sur la tiers-mondisation des USA et rien d'autre.
Rédigé par : yann | 19 mars 2010 à 00:08
‘Soir ! (d’Aubry ‘s Waechetera)
En aval de ta question, soit la fonction « d’idiotie utile » au service du néolibéralisme de l’écologisme politique, il n’y a pas grand-chose à ajouter. Mais il me semble qu’en amont, sur les origines du phénomène, il manque la dimension purement sociologique à ton analyse.
Ce qui me frappe avant tout chez la majorité des écolos, c’est qu’ils se pensent comme une avant-garde, un fer de lance éclairant le monde sur sa destinée. Et cela me rappelle trop la manière de fonctionner des anciens groupes se réclamant du marxisme révolutionnaire pour que je ne m’interroge pas sur le phénomène.
En l’occurrence, ce qui est important ici n’est pas le transfert idéologique bien connu, lors de l’écroulement du bloc communiste, d’une pensée messianique révolutionnaire en déroute vers une autre porteuse de tous les espoirs parce qu’idéologiquement neuve.
Non, l’important est de savoir QUI exactement a opéré ce transfert, et la réponse me parait évidente ; essentiellement les classes moyennes intellectuelles –généralement d’un haut niveau de qualification sanctionné par un diplôme universitaire- et leur descendance.
Je crois profondément que l’écologisme militant est un signe culturel permettant à ces catégories sociales de se représenter en tant que classe, distincte des autres et intellectuellement hégémonique par rapport aux autres (Emmanuel Todd avait pourtant lui-même décrit ce phénomène dans « l’Illusion économique »).
.
A ce titre, le rapprochement des partis se réclamant de l’écologie politique et de ceux issus de l’ancienne sociale démocratie, généralement expurgés sous la forme du « socialisme » de marché, est somme toute logique et nécessaire. Il n’est pas impossible non plus que le poupon écolo révolutionnaire ne finisse par phagocyter le géniteur, comme le parti socialiste post soixante-huitard a fini par essorer sur tous les plans le socialisme ouvrier qui lui préexistait.
Je pourrais ainsi répondre de manière provocante à la question, fort naïve à mes yeux, que posait E. Todd dans son « Après la démocratie », à savoir qu’il était encore difficile de déterminer quels allaient être les effets sur la société de près de trente pour cent de la population pourvus d’un diplôme universitaire ? A court terme, la réponse, là encore, est pour moi évidente, cela donne quarante pour cent de l’électorat de gauche capable de déterminer son vote par rapport aux élucubrations émotionnelles d’un Arthus Bertrand (en dessous, ce sont les bagarres de la Gare du Nord qui sont déterminantes. Guère mieux certes, mais pas pire non plus). Et je mets cette propension sur le même rayon que d’autres faits troublants, par exemple l’engouement de ces clases sociales pour le « développement personnel », soit sous des formes anecdotiques ou folkloriques, mais plus encore par des mouvements inquiétants comme la Scientologie, dont l’élitisme intellectuel est lui aussi bien connu.
En ces conditions, le sort de ces mêmes classes et de leurs expressions politiques me parait scellé. Ici, Malakine, je vais complètement m’opposer à ton optimisme naturel (comme j’ai l’habitude de le faire). Je crois effectivement que la décroissance est inscrite dans le devenir des sociétés occidentales à un horizon très proche. Mais elle ne sera pas un phénomène culturel dicté par je ne sais quelle réminiscence politique ou religieuse ancienne, je ne sais quel refoulé judéo chrétien bon à brader au bazar des antiquités (à ce niveau les ravages de l’individualisme narcissique propre au néolibéralisme ne seront pas amendables).
Je l’ai dit sur d’autres blogs, la décroissance sera une nécessité face au triple séisme de l’implosion financière mondiale, de la déplétion énergétique, et des problèmes alimentaires qui en découleront. Et que l’on ne vienne pas me chanter que la souplesse incomparable de l’énergie fossile liquide et gazeuse à bon marché pourra être compensée rigoureusement par l’hydrogène, le vent, l’eau, le soleil ou toute autre solution miraculeusement transfigurée par « La Technique ». Songez aussi à l’inconsciente vulnérabilité de nos sociétés qui ont livré leur approvisionnement vital à la folie démesurée des grandes chaînes de distribution, donc à la merci de l’avenir incertain voire chaotique des cours du pétrole.
Ironie de l’histoire, cette nécessité sera une chance pour les peuples de reprendre leur destinée en main contre les lubies futuristes désormais surannées de leurs élites. Je me sens très proche sur ce point des analyses de Patrick Reymond sur son blog (La Chute).
La décroissance ne se fera pas sous les hospices des anciennes élites intellectuelles « éclairées », mais par la force et le génie de la survie et de l’improvisation du peuple d’en bas (ce retour de balancier a déjà probablement commencé). Les exigences du savoir nécessaire à la survie ne seront plus les mêmes non plus, et feront à nouveau la part belle à l’ingénierie mécanique et aux métiers de l’agriculture.
Ainsi sera posée une question que Todd n’a jamais réellement envisagée parce qu’il est un homme de son siècle, grandi dans le paradigme du PROGRES, celui du coup d’arrêt obligé, voire du reflux, imposé au vaste mouvement d’expansion intellectuelle héritée de l’alphabétisation de masse impulsée par la réforme protestante et l’imprimerie il y a cinq siècles.
Nos sociétés ne sont-elles pas condamnées à revenir sur cette expansion pour redevenir révolutionnaires et s’adapter à la violence de nouvelles conditions d’adaptation et de survie, sous peine de mourir. Le seuil d’alphabétisation que Todd avait déterminé pour qu’une révolution intervienne dans un pays donné, n’est-il pas lui-même un cap dont il ne faut pas TROP s’écarter, sous peine de sombrer dans un monde mortifère dont les signes (le vieillissement notamment), ne manquent pas.
Cette rétractation ne sera pas un retour à l’identique du passé, lequel n’a pas d’exemple dans l’histoire de l’humanité, surtout sur le plan des mœurs (puisque j’ai déjà débattu de cette éventualité avec Joe Liqueur chez Laurent, m’opposant franchement à lui sur ce point). Il est peu probable que l’impasse de l’individualisme narcissique ne conduise à retourner aux formes familiales holistes que nous avons connues les siècles précédents, principalement parce que la montée en puissance des femmes dans toutes les sociétés a atteint un point de non retour, et cela quel que soit le profil de nos organisations économiques futures.
J’ai l’intuition pour ma part qu’après le patriarcat autoritaire, puis l’individualisme hédoniste mortifère, les sociétés humaines tendront vers une sorte d’holisme matriarcal que l’humanité a peut-être déjà connu dans des âges reculés.
Bon, l’essentiel est de participer, je ferai mieux la prochaine fois…
Rédigé par : Gracchus Baveux | 21 mars 2010 à 01:33
@ Gracchus (Très bon le jeu de mot)
Si je résume ton propos (et il faut) tu dis dans un premier point que l'engouement pour l'écologie apocalyptique sert à flatter le narcissisme intellectuel des classes moyennes supérieures éduquées. Et dans le second, que nous entrons bel et bien dans une ère que tu qualifie de décroissance.
Je suis parfaitement d'accord sur le premier. J'ai déjà développée cette idée dans "Halte à l'écolomania" (à la fin du papier) qui avait été développée ici par Yann dans les jours précédents.
Sur le second, je ne vois pas où son nos désaccords. J'ai souvent développée l'idée que l'idéal de progrès était épuisé et que cela suscitait la montée de l'angoisse et la sensation de fin du monde.
Néanmoins, ce discours ne me semble pas du tout "opérant". Avant de subir le choc écologique ou même de chercher à s'y préparer, on va devoir affronter la guerre planétaire entre les peuples et le pouvoir financier mondialisé. Cette menace là est autrement plus réelle et plus urgente.
Quant aux reflux de l'individualisme narcissique, alors là, je t'avoue ma plus grande perplexité. Comme je l'ai souvent dit chez Laurent ces derniers mois, je ne vois toujours pas le moindre début de signe de reflux de l'individualisme, du consumérisme ou de toute les valeurs sur lesquelles notre société libérale a prospéré.
Mais on reparlera de tout ça ! Fais moi confiance...
Poka !
Rédigé par : Malakine | 21 mars 2010 à 09:36
@Daniel le romain
Je suis d'accords sur l'origine du succès de l'écologie chez les classes éduquées. Quoique j'en fait moi même partie ce n'est pas pour autant que je suis écologiste, et membre des verts, il ne faut donc pas généraliser.
Par contre l'idée de décroissance est à mon sens fausse ou plutôt exagérée. C'est un
abus de pessimisme technique et scientifique comme je l'ai longuement développé ici:
http://lebondosage.over-blog.fr/article-progres-technique-et-decroissance-46493230.html
Vous ne pouvez pas prouver que la technique n'est pas apte à résoudre certains problèmes. Ce qui touche à sa fin ce n'est pas le progrès c'est la société des carburants fossiles ce n'est pas la même chose. Les hommes créeront de nouveau mode de propulsion certaines techniques existent déjà comme les biocarburants à base de micro-algues, ont fait pousser le pétrole au lieu de l'extraire du sol:
http://lebondosage.over-blog.fr/article-ecologie-trop-de-pessimisme-41609438.html
Il ne faut pas désespéré du génie humain. Le vrai problème c'est la déification de la technique plus que la technique elle même il y a d'ailleurs à ce sujet un texte intéressant sur marianne2 qui vient de paraitre sur le sujet:
http://www.marianne2.fr/philippepetit/Et-si-c-etait-l-homme-qui-deshumanisait-la-machine_a21.html
De plus je pense que la science et la technique sont dominer par la marchandise et le capitalisme. C'est le capitalisme néolibérale qui a modifier l'usage des science en enfermant celle-ci dans une mécanique purement utilitariste. C'est en reprenant le contrôle de l'économie que les politiques pourront à nouveau réorienter le génie humain vers l'intérêt général.
Rédigé par : yann | 21 mars 2010 à 13:59
@ Malakine
"Le climat fonctionne comme une allégorie de cette économie que personne ne contrôle plus et qui se manifeste sous la forme de phénomènes de type météorologiques, avec dans le rôle des responsables, les hommes et leur désir insatiable de consommation et d’enrichissement, et dans le rôle des menaces systémiques, les cataclysmes naturels symbolisant la crainte d’un effondrement global de l’économie à la mode post soviétique. Il en effet beaucoup plus facile de se représenter la fin du monde par des phénomènes naturels extrêmes que d’imaginer une faillite des Etats, le démantèlement des protections collectives ou l’évaporation de tous les avoirs monétaires après une défaillance globale du système financier."
Je trouve ce paragraphe limite génial. Le rapprochement des deux craintes, l'une symbolisant l'autre, et, pourquoi pas, empêchant de percevoir que l'économisme est une idéologie. Ce qui commence à me faire douter du caractère relativement éphémère de la vague écologiste, c'est que le recours au symbolique est toujours un refuge, même (surtout?) s'il a une dimension apocalyptique.
Rédigé par : Archibald | 22 mars 2010 à 01:37
@ Archibald
Merci du compliment. Moi aussi je trouve cette idée géniale, et je m'étonne de ne pas avoir lu le parrallèle ailleurs avant :-)
Heureux de te relire ici !
Rédigé par : lMalakine | 22 mars 2010 à 10:50
Merci Malakine. Ca me fait moi aussi vraiment plaisir de te lire, et de discuter avec vous tous.
Juste une question, au passage: ai-je été trop loin sur Zemmour, ou ai-je tout simplement oublié de poster?
Rédigé par : Archibald | 22 mars 2010 à 12:01
Non, pardon, c'est moi. J'ai oublié de valider deux commentaires.
Rédigé par : lMalakine | 22 mars 2010 à 12:05