Depuis le traité d’Amsterdam, le parlement européen doit investir le président de la commission ainsi que le collège des commissaires. Cette faculté donne à l’Union Européenne l’apparence d’une démocratie parlementaire. L’élection au parlement dégagerait une majorité de gauche ou de droite, de laquelle dépendrait la désignation du président de l’exécutif et donc la politique qui serait conduite au cours du mandat.
Cette belle histoire, c’est celle que tente de nous raconter le parti socialiste depuis le début de la campagne. Il suffirait d’envoyer une majorité de gauche au parlement pour que l’Europe puisse enfin pouvoir conduire des politiques de gauche ! Depuis quelques temps, la grossièreté de l’argument a encore monté d’un cran, puisqu’il faudrait maintenant envoyer un maximum de députés socialites en France pour tirer le PSE vers la gauche (1) et ainsi être vraiment sûr d’avoir une politique de gauche. Car naturellement, il n’y a rien plus à gauche en Europe que le parti socialiste français !
Tout cela est naturellement une vaste plaisanterie. Un rapide examen des processus de décision en vigueur au sein de l’Union Européenne suffit à établir la supercherie. L’alternance est une notion totalement étrangère aux institutions communautaires et, sans alternance, pas de vote utile !
Le pouvoir d’investiture reconnu au parlement européen sur les membres de la commission ne doit pas faire oublier que la proposition sur l’identité du président de la commission relève du conseil européen à la majorité qualifiée, laquelle nécessite actuellement 255 voix quand la France n’en dispose que de 29.
La future commission devra donc être approuvée à la fois par les trois-quart du conseil européen et la majorité du parlement. Dans ces conditions, il est évident que le futur président de la commission sera une personnalité de consensus probablement fade et sans relief à l’instar des derniers titulaires du poste. En aucun cas, il ne sera le chef d’une quelconque « majorité parlementaire ».
Le parlement ne pourra d’ailleurs que s’opposer au nom proposer par le conseil. Probablement José Manuel Barroso, car le président sortant bénéficie du soutien de tous les gouvernements de droite ainsi que ceux des socialistes espagnols, portugais et anglais. Tous les votes contre seront alors strictement équivalents, qu’ils viennent du PS, du Front de Gauche ou du Modem.
A supposer même que les électeurs désignent une majorité clairement à gauche et que le conseil les suive dans ce choix en proposant un dirigeant social-démocrate, rien n’indique que ce changement à la tête de la commission se traduise par une inflexion politique.
Au sein des institutions européennes, l’organe législatif essentiel n’est pas le parlement mais le conseil, qui statue selon les domaines, à la majorité qualifiée ou à l’unanimité pour les domaines les plus « sensibles » tel que l’harmonisation fiscale ou sociale. Aussi, qu’elle que soit la majorité au parlement, un ou plusieurs Etats, suffiront à bloquer n’importe quelle initiative.
Le parlement n’a dans le meilleur des cas (procédure de codécision) qu’un pouvoir d’obstruction ou d’amendement. N’étant ni décideur en dernier ressort (comme l’assemblée nationale) ni à l’initiative des textes, l’éventuelle majorité au parlement ne pourra en aucun cas impulser une nouvelle orientation politique à l’union.
Enfin, ajoutons deux autres arguments pour renforcer encore la virtualité de la démocratie d’alternance à l’Européenne.
- L’orientation de l’essentiel des politiques communes est déterminée dans les traités, lesquels ne peuvent être modifié qu’à l’unanimité des membres. Il ne saurait donc être question, ni pour la majorité parlementaire, ni même pour le conseil de faire sauter les verrous politiques contenus dans les traités. La commission, qui détient le monopole de l’initiative des textes et des décisions reste la gardienne des traités.
- L’hétérogénéité des cultures politiques en Europe empêche d’assimiler une structure transnationale comme le PSE à un parti politique de type national. Une majorité, même massive et franche, d’un de ces partis ne garantira en rien la moindre cohérence programmatique. La mièvrerie du manifesto qui a réduit son expression au plus petit dénominateur commun technocratique en est une belle illustration ! La notion de majorité parlementaire appliquée à l’Europe est elle-même une escroquerie.
Nous sommes très loin du système français de la Vème république, bipolaire et autoritaire, où la majorité qui sort des urnes dispose de quasiment tous les pouvoirs et la minorité d’aucun. Le système politique (ou antipolitique) à l’européenne est au contraire organisé pour garantir la plus grande inertie des politiques publiques. L’Europe se gère au centre, par le consensus, le compromis et la négociation, à l’opposition de notre culture politique nationale d’affrontement et de rupture.
Les élections européennes ne seront évidemment pas un levier de transformation du projet politique européen. Elles n’auront pour objet que de permettre aux citoyens français d’exprimer leur sensibilité sur les questions européennes, de désigner quelques élus capables de s’investir utilement dans les travaux du parlement et, pourquoi le cacher, de préparer les prochaines échéances électorales françaises en envoyant un signe au système politico-médiatique.
Mais qu’on ne nous raconte pas de blagues ! Le 7 juin, il n’y aura ni vote utile, ni vote efficace, ni alternance.
Malakine
(1) Notons que le même argument pourrait être utilisé à l'identique à l'UMP arguant qu'il est le parti de droite européen le moins libéral et qu'il a besoin de faire le poids face à ses "amis". La gauche devrait donc voter utile pour ramener la droite européenne à des positions plus centristes.
Taux d’abstention aux élections européennes : entre 61 % et 65 % selon un sondage Ipsos.
A deux semaines du scrutin, l'institut Ipsos évoque une abstention supérieure à 60 %.
Au niveau des intentions de vote, le PS n'est plus crédité que de 20 %, son score le plus bas depuis le début de la campagne.
Plus la date du scrutin approche, et moins les électeurs semblent avoir envie de se déplacer jusqu'aux urnes.
C'est en tout cas ce que révèle un sondage Ipsos pour SFR/LePoint/20minutes rendu public mardi, qui prévoit un taux de participation situé entre 35 % et 39 % pour le 7 juin, soit deux points de moins en seulement une semaine.
http://www.lefigaro.fr/elections-europeennes-2009/2009/05/26/01024-20090526ARTFIG00538-vers-une-abstention-record-aux-europeennes-.php
Rédigé par : BA | 26 mai 2009 à 23:49
Excellente démonstration à laquelle BA, bien qu' apparemment hors sujet (comme d'hab), apporte son corollaire : l'abstention massive consécutive d'un scrutin aux finalités obscures...
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 27 mai 2009 à 07:31
De toute façon à quoi bon voter quand un référendum peut être annuller par l'opération du saint esprit que la presse appuie systématiquement les derniers ouiouiste comme l'a montré si bien Calvi dans Mots Croisés.. on est dans un néo catéchisme si étrange dans un pays laic !
Rédigé par : Magnin | 27 mai 2009 à 11:23
@ Malakine.
Bonjour,
Tout en partageant l'essentiel de l'analyse pour la simple et bonne raison, outre ce que vous dites est juste, une partie ddu groupe ALDE (libréaux et centriste) va rejoindre le PSE... il y a aura donc un effet nul, je ne partage pas l'opinion de la dernière phrase.
Je pense que tout vote est utile, pour ma part sera celui du "Front de gauche pour changer l'Europe". De plus, un vote n'est qu'une partie de la politique : la construction d'une europe démocratique se fera dans les luttes, dans les liens qui se créer entre les syndicats d'une boite de taille européenne, dans les actions de solidarités quand les salariés de l'est se font voler quand ils viennent travailler à l'ouest... Bref, en Europe comme dans notre République : un vote désigne un mandataire pour gérer les affaires mais que le pouvoir reste au peuple souverain. Le reste n'est que combat idéologique, combat essentiel à mon sens.
Bonne journée.
Matéo 34
Rédigé par : Matéo 34 | 27 mai 2009 à 12:30
@ BA, Magnin et PMF
A quoi bon voter ? Je le dis en conclusion de l'article ! Exprimer un point de vue sur l'Europe et envoyer un message à finalité interne ! Ca suffit pas ?
@ Matéo
Tout à fait d'accord. Une campagne électorale c'est l'occasion d'un débat public. La campagne commence enfin à prendre. Il s'y dit des choses intéressante et on a le devoir d'y participer, au débat comme au scrutin.
Le front de gauche ? Oui certainement. Le seul problème c'est que je ne comprends toujours pas quel est le projet et la méthode pour changer l'Europe. J'avoue que ça me gêne un peu. Néanmoins Mélenchon et Généreux méritent incontestablement d'aller à Strasbourg.
Rédigé par : Malakine | 27 mai 2009 à 14:49
Non exprimer un point de vue quand le vote compte pour du beurre ne sert à rien !
Rédigé par : Magnin | 27 mai 2009 à 22:48
@ Magnin
Tu as la psychologie parfaite pour vivre sous un régime de dictature.
Rédigé par : Malakine | 28 mai 2009 à 09:52
@Malakine
Tu reprend les arguments qu'avait les autorités de l' URSS pour détruire les opposants... si après la très relative victoire de Maastricht et le derniere scandale dudernier referendum les hommes politiques n'ont pas compris le désammour des classes populaires françaises pour l'Europe de Giscard et Delors, rien ne peut changer sinon qu'ils ne se fassent sortir du jeu à coup de pied aux fesses...ce dont je ne crois pas !
Rédigé par : Magnin | 28 mai 2009 à 21:00
@Malakine
Les résultats sont tombés en Allemagne. On s'oriente vers un gouvernement CDU-FDP donc barre à droite.Les libéraux avec près de 15% dans la coalition auront un poids important dans la nouvelle politique.
L'Allemagne s'éloigne de la France ?
Rédigé par : Abdel | 27 septembre 2009 à 22:03