Un système idéologique doit proposer une matrice intellectuelle globale qui permet d’aboutir à des analyses et des propositions sur presque toutes les questions. Après avoir vu hier ce que le principe de protection et l’objectif de durabilité pouvaient donner en matière économique, voyons aujourd’hui ce que ces principes pourraient produire dans le champ sociétal : Quel horizon proposer pour l’homme et la société ?
Le sujet étant vaste, j’ai retenu quatre thèmes : nourritures culturelles et identités politiques, vers une politique du bonheur, sens de la vie et but des sociétés et faire le deuil de l’infini.
Nourritures culturelles et identité politique
La logique de court terme est également à l’œuvre en matière culturelle. Les diffuseurs cherchent les produits les moins chers qui leur assurent immédiatement la meilleure audience et le consommateur va au plus facile. Il en résulte une tendance à l’effondrement qualitatif préoccupant, car les produits culturels ne sont pas des biens comme les autres. Ils tiennent lieu de nourriture pour l’esprit. Et contrairement aux nourritures physiques, les nourritures intellectuelles nous transforment. On peut manger du bœuf chaque jour, on ne deviendra pas une vache pour autant. En revanche, si on consomme sans limite, des produits issus d’une culture particulière, quelle soit étrangère ou communautaire, on assimilera cette culture et ses valeurs, sans même s’en rendre compte et on deviendra ce que l’on ingère. C’est comme ça que les ados des cités, à force d’écouter du rap, de regarder MTV et de jouer au Basket, croient vivre dans un ghetto américain et se racontent « leur France à eux » C’est aussi comme ça que les sociétés européennes ont insensiblement adopté les valeurs, le mode de vie et l’idéologie américaine.
De la même manière qu’il existe une veille sanitaire, il y a nécessité d’une politique de protection culturelle pour éviter la mise sur le marché de produits toxiques. Censure ? Non, cahier des charges ! Tous les diffuseurs de produits culturels doivent se voir imposer des obligations pour respecter un seuil minimal de qualité et un seuil maximal d’indignité, ainsi qu’une obligation de diversité géographique des approvisionnements.
On retrouve aussi dans le champ culturel la dynamique de polarisation qui existe dans tous les systèmes ouverts. Dans la mondialisation, une culture domine toutes les autres : La culture américaine. Hollywood a atteint une telle taille critique qu’elle écrase toutes ses concurrentes en termes de compétitivité. Il y a donc lieu de protéger les producteurs comme les consommateurs de cette entreprise d’uniformisation, de standardisation, voire de colonisation des esprits par les valeurs et le système de pensée de la culture dominante.
D’une manière générale, les peuples ont un droit imprescriptible à demeurer eux-mêmes, à parler leur langue et à se doter du système qui correspond à leur culture et leur mentalité. Les travaux anthropologiques d’Emmanuel Todd ont montré que les différents systèmes familiaux déterminent l’inconscient politique des peuples, la représentation qu’ils se font de Dieu ou de l’Etat, la place de l’homme dans la société et même leurs types de systèmes économiques. Il est donc contre nature d’imposer aux français, de tradition égalitaire et étatiste, le modèle anglo-saxon, hyperindividualiste et inégalitaire, ou le modèle allemand, à base de consensus et de compromis social, pas plus qu’il n’y a lieu d’imposer la démocratie d’alternance aux pays de culture souche ou communautaire fortement intégrés.
Le protectionnisme de civilisation doit permettre à chaque peuple rester enraciné dans son propre terreau culturel. En ce sens, il s’oppose à toute forme d’impérialisme culturel ou idéologique, comme à toute forme de communautarisme ou au cosmopolitisme.
Vers une politique du bonheur
La politique n’entre jamais sans dommage dans la sphère privée des individus, c’est pourquoi il est toujours dangereux de vouloir faire du bonheur personnel un objectif politique. Néanmoins un système idéologique peut a minima se proposer d’éviter de créer les conditions de la souffrance.
Le néolibéralisme flatte l’individu en lui reconnaissant la liberté de satisfaire tous ses désirs. Néanmoins, le système économique de compétition généralisé qu’il a produit entraîne des dégâts psychiques importants : le désespoir des licenciés économiques, le sentiment d’exclusion pour les chômeurs et les précaires, l’angoisse qu’inspire un avenir illisible et inquiétant, la frustration du consommateur face à des envies exacerbées … Même s’il est très difficile de mesurer l’état de souffrance psychique d’un peuple ou même le moral des ménages (indicateur en réalité purement économique) plusieurs indices laissent à penser que la situation n’est pas brillante en France : taux de suicide élevé, montée de la violence, consommation record de psychotropes, explosion de la solitude et du célibat …
Une société protégée devrait de ce point de vue apporter un mieux en faisant tomber le niveau d’insécurité ambiant, mais cela n’est pas suffisant. Il faut investir de nouveaux champs politiques destinés à satisfaire les besoins psychiques fondamentaux et, si cela n’est pas trop ambitieux, de créer les conditions du bonheur.
Les politiques locales ont de ce point de vue un rôle fondamental à jouer car elles touchent directement à la vie quotidienne. Malheureusement les élus locaux s’en tiennent encore trop aux actions matérielles et quantitatives. La qualité de vie ne se résume pourtant pas aux heures d’ouverture des services municipaux et à l’intensité de l’éclairage public. En la matière, il faut ne pas se limiter à répondre à la demande sociale, mais parfois savoir la précéder, voire la susciter. Dans le programme que j’avais écrit l’an passé pour les élections municipales, j’avais été sur ce plan assez créatif, n’hésitant pas à faire de la ville fraternelle un des axes du programme. Et encore, il y a des idées que je n’ai pas osé inclure de peur de paraître trop utopique ! Notre démocratie locale est un véritable désastre dans lequel les grands partis ont une immense part de responsabilité en n’ayant jamais cru utile de se doter d’une doctrine sur les politiques qui concourent à la qualité de vie quotidienne.
Certaines politiques nationales peuvent également être bénéfiques à la vie quotidienne en prévenant les désagréments et les sources d’irritation les plus banales. Le système économique y prend sa part, notamment lorsqu’il conduit à la disparition de tout contact humain dans les services de proximité, qu’il oblige à faire 15 minutes de queue aux caisses des supermarchés parce qu’il manque des caissières ou qu’il est impossible de se faire conseiller par des vendeurs en sous effectifs dans les grandes surfaces spécialisés. Citons aussi le droit de la consommation qui permet de valoir ses droits contre un pouvoir économique qui a tendance à abuser de sa situation dominante. Evoquons aussi la sécurité publique, car il est insupportable de se sentir exposé à la délinquance comme d’ailleurs de se sentir menacé à la simple vue d’une voiture de police, lorsque l’inflation du droit pénal conjugué à la tolérance zéro, fait de tout citoyen un gardé à vue en puissance !
Le système industriel également doit prendre sa part à cet objectif d’amélioration de la qualité de vie, la recherche du plus grand profit et la concurrence exacerbé sur les coûts conduisant souvent à des modes d’emploi indigents constitués uniquement de pictogrammes incompréhensibles ou à des produits à l’ergonomie si déplorable que leur usage se transforme en une épreuve pour les nerfs.
Sens de la vie et but des sociétés
Depuis toujours les systèmes politiques prétendaient préparer un avenir riche de promesses. Depuis la libération, il s’est agit de reconstruire le pays, puis d’assurer la grandeur et l’indépendance de la Nation, de libérer les mœurs, de moderniser l’économie et enfin de construire l’Europe. Mais depuis 1992, la monnaie unique et le « marché unique », plus rien ! Les politiques ne prennent plus la peine d’essayer de nous faire rêver. Même la mondialisation n’a jamais été présentée comme un horizon désirable. Depuis une quinzaine d’année, la politique gère le quotidien. Elle traite les problèmes à coup de lois au droit gazeux et de discours incantatoires à mesure que l’actualité les met en lumière. Elle se contente de mettre en en scène une compétition de prétendants dans un concours de popularité totalement déconnecté des réalités socio-économiques. La politique se réduit à un spectacle quotidien pour alimenter les gazettes et les JT.
Cette crise du système politique, dommageable en elle-même, est avant tout un problème pour la société. Car, comme tout individu, une société besoin de savoir où elle va, de connaître le sens de son destin, sa raison d’être, son but. Sinon, elle développe le sentiment d’être sortie de l’histoire et de ne plus exister en tant que réalité humaine. Elle se délite et s’atomise, chacun se repliant sur son quant à soi et son bonheur individuel ou sa souffrance. Lorsque l’avenir paraît sombre et que chacun semble livré à lui-même face à l’épreuve qui se profile, l’implosion n’est pas loin. Le théorème du Professeur Laborit ne doit jamais être perdu de vue : Face à un stress, un individu n’a que trois options, le combat, la fuite, ou l’inhibition de l’action qui entraîne souffrance, dépression et finalement la mort. Comment réagira une société atomisée et sans perspective face à un grand stress ? La fuite dans un ailleurs imaginaire étant impossible, il ne lui restera que le déchainement de violences entre individus ou groupes sociaux, ou l’autodestruction par l’entremise d’un fatalisme nihiliste.
Il est essentiel de redonner aux sociétés la conscience d’elle-même, de leur redonner les clés de leur avenir, qu’elles puissent se réapproprier leur destin, qu’elles puissent se réinventer un avenir désirable.
Un nouveau système idéologique, même accompagné d’un recouvrement plein et entier de la souveraineté et une révolution démocratique n’y suffira pas. Il faudra bâtir de grandes œuvres destinées aux générations futures, matérialisant ainsi notre foi renouvelée en l’avenir et nos propres forces, comme le furent en son temps, les cathédrales, l’arc de triomphe, le Paris Haussmannien ou plus récemment la bombe atomique, le paquebot France, le concorde, le programme électro-nucléaire ou le réseau TGV. Qu’est ce qui tient lieu aujourd’hui d’incarnation de notre puissance créatrice et de notre volonté de se projeter dans le temps long ? Rien ! Le plan de relance gouvernemental uniquement constitué de tous les micro-projets issus des contrats de plan Etat-Région qui dormaient dans les cartons est révélateur d’un épuisement intellectuel et d’une incapacité à penser en grand.
J’ai proposé ici et à la commission Attali de lancer la construction d’une nouvelle capitale pour la France, le laboratoire de la mégapole du futur. On peut avoir d’autres idées. Compte tenu des échéances écologiques, ce ne sont pas les défis à relever qui manquent ! Le gouvernement a dans ses cartons un grand projet digne de cette ambition avec les propositions formulées par les équipes d’architectes pour repenser l’agglomération parisienne. Il y a de quoi faire tant la mégalopole parisienne souffre de congestion et décline, ce qui pénalise toute la nation. Un pays centralisé comme la France ne peut pas aller bien avec une capitale qui se meurt. On testera au moment de la prise de décisions, la capacité de notre pays à investir pour le très long terme. Ce serait en tout état de cause un beau dessein collectif.
Faire le deuil de l’infini
Le grand défi de l’avenir, c’est évidemment l’épuisement prévisible des énergies fossiles, voire l’épuisement des matières premières en général. Face à ce constat, la solution de facilité prônée par les décroissant est la réduction de la consommation comme de la production. Leur raisonnement est fondé sur une équation simpliste : Toute production consomme de l’énergie et de la matière (y compris les services les plus sophistiqués selon Jancovici et Granjean) Or il n’existe pas d’énergie propre. Il faut donc renoncer à la croissance et refaire le chemin de l’histoire en sens inverse.
Ce raisonnement est irrecevable par son caractère anti-économique et excessivement violent à l’égard des populations. N’y revenons pas. En revanche, la question posée mérite une réponse sérieuse qui à ce jour n’existe pas. Reconnaissons que l’Humanité va devoir apprendre à composer avec la finitude des ressources à sa disposition et intégrer l’idée que l’histoire de l’humanité ne s’arrête pas à l’échéance d’une vie humaine.
Avant d’envisager des hypothèses radicales et de jeter la croissance avec le bain du capitalisme mondialisé, il peut être utile de commencer par limiter les gaspillages. De ce point de vue, d’immenses marges de manœuvre existent, à commencer par des économies d’énergies dans l’habitat et les transports ou de déplacements au sein de nos agglomérations devenues beaucoup trop diffuses à force d’étalement urbain non maîtrisé.
La fiscalité est l'outil adéquat pour intégrer au prix des ressources la finitude des stocks, ce que la loi du marché ne sait pas faire. La TIPP est une bénédiction sur le plan de l’efficacité énergétique. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à constater dans quels types de véhicules roulent les américains qui n’en disposent pas. Problème : la TIPP n’est applicable qu’à la consommation domestique, et encore, pas toute. Beaucoup d’activités y échappent comme le transport aérien ou certaines professions comme les pécheurs ou les taxis. Les produits manufacturés fabriqués en Asie y échappent également, ainsi que naturellement les transports pour les acheminer jusqu’en Europe. La taxation doit évidemment être générale. La difficulté sera de l’appliquer à des productions importées car la taxe sera perçue comme une mesure protectionniste et n’aura de ce fait aucun effet sur l’efficacité énergétique des pays exportateurs. La solution ne peut être que radicale : Interdire l’importation de tout bien issus de pays ne disposant pas d’une taxe substantielle majorant substantiellement les prix des hydrocarbures. Cette taxe énergie-Co2 devra également être flottante afin de lisser les variations de prix souvent liés à des purs mouvements spéculatifs. Les agents économiques doivent disposer d’une visibilité sur les évolutions des prix pour pouvoir adapter leurs comportements en conséquence. Tout le monde doit avoir la certitude que les prix des hydrocarbures seront quoiqu’il arrive en constante et régulière augmentation.
Une autre solution semble envisageable : Modifier la structure des prix entre biens manufacturés et services pour réorienter la demande vers des biens ou des services les moins consommateurs de matière et d’énergie. Le système économique issu de la mondialisation aboutit à une situation paradoxale. Les biens manufacturés, souvent produits dans des pays à bas coûts dotés d’une monnaie sous évaluée, sont relativement beaucoup moins chers qu’une prestation de service délivrée localement, qui ne consomme pourtant ni matière, ni énergie. La consommation propre et créatrice d’emplois est infiniment moins taxée que la consommation de biens durables, riches en matière et en énergie et productrice de déchets. Pourquoi alors ne pas tenter de réorienter la demander en basculant progressivement l’essentiel de la fiscalité pesant sur les services résidentiels sur les biens manufacturés par des taxes sur les facteurs de production, à l’importation ou à la consommation ? Les produits manufacturés, devenus beaucoup plus onéreux, redeviendraient un véritable investissement pour les ménages. Ils gagneraient probablement dans l’affaire en qualité et en durabilité.
Ce sera d'ailleurs un des effets directs du protectionnisme économique. Il aura mécaniquement des effets écologiquement bénéfiques en améliorant l'efficacité énergétique et environnementale des production relocalisées sur les zones de consommation et il rétablira une vérité des prix en renchérissant la valeur relative des biens manufacturés les plus polluants et les plus consommateurs de ressources.
Malakine
Le monde est fini, cela est vrai (en fait pas tout a fait, mais on va dire que "notre monde" l'est.)
Imaginons donc un l'univers des savoirs. A mesure que l'on cherche, et que l'on trouve (n'en déplaise à notre cher De Gaulle :p), les savoirs à acquerir se tarissent-ils ???
Non, parce que l'on découvre des champs inexplorés.
Alors bien sûr, on peut s'imaginer qu'il y aura forcément une "fin du savoir", mais comme l'on ne peut pas connaître le véritable temps restant, puisqu'il se modifie en fonction de nos découvertes, donc de variables inconnues, on ne peut que supposer qu'il est infini.
C'est, je pense, la même chose pour l'énergie.
Et c'est ici que je vais, encore une fois, parler de la fusion nucléaire. Si c'est pas un projet au long terme, qui peut faire réver notre génération.
Voila une découverte qui changerait tout, nous faisant sortir du paradigme de l'énergie cher. Imaginez les conséquences.
On ne doit pas penser que le monde est finit, on n'en découvre chaque année de nouvelles immensités. A nous de nous laisser le temps de découvrir celles qui nous permettrons de continuer. C'est là l'intérêt de la croissance soutenable, modèle auquel ton système me fait de plus en plus penser.
Rédigé par : EtienneB | 22 avril 2009 à 04:04
@ Malakine
Je dois dire que j'ai plus accroché sur la dernière partie du texte que sur le début. La première partie est sans doute trop "caricaturalement" anti américaine pour moi. Cela dit la question mérite d'être posée et la notion de perte d'identité ou de repère est fondamentale. Prenons l'exemple de produits chinois à très faible coût : nous perdons tout repère quant à la valeur des biens et des ressources nécessaires pour les produire. Acheter un produit fabriqué en Europe devient inabordable et le prix "juste" (Ségolène! Sors de mon corps!) est le plus faible. Le prix est vécu comme un obstacle à la possession et donc au bonheur.... d'où la nécessité d'une politique du bonheur. Je vous rejoins sur le reste du document.
Rédigé par : Vincent | 22 avril 2009 à 09:04
@ Etienne
Je ne pense pas. Non seulement cette solution énergétique n'est pas encore disponible et rien ne nous dit qu'elle le sera avant qu'on butte sur les limites des hydrocarbures, ce qui induirait une explosion des prix et peut-être aussi des situations de pénuries facteurs de conflits.
Mais l'électricité ne sera pas la réponse à tout. Le pétrole est également utilisé pour les transports et la chimie. Pour les transports, la voiture 100% électrique n'est pas au point, elle posera certainement d'autres problèmes au niveau des batteries (approvisionnement en métaux type lithium), recyclage). La bonne solution serait le couple hydrogène / pile à combustible, mais ces produits sont loin d'être technologiquement mûr et rien ne dit qu'ils le seront un jour. Les PaC font intervenir des métaux précieux extrêmement onéreux (du platine je crois) et sont très peu durables. En outre, le passage à la mobilité électrique ou hydrogène nécessitera une refonte complète de tout le système d'approvisionnement.
On a beau retourner le problème dans tous les sens. Tant qu'on n'a pas à disposition de solutions énergétiques alternatives, la raison recommande d'être sobre et particulièrement soucieux de l'avenir.
J'ai toujours été beaucoup plus inquiet par rapport à l'épuisement des ressources fossiles que par le réchauffement, qui n'a jamais vraiment réussit à me faire peur ...
@ Vincent
Antiaméricaine ? non ! Anti-impérialiste. Si par miracle, les productions audiovisuelles russes venaient à remplacer les productions US, on verrait l'alcoolisme à la Vodka se développer rapidement en France ! :-) Dans le colimateur, j'ai aussi les chaines thématiques et générationnelles qui conduisent les jeunes à se nourrir exclusivement d'une "culture" jeune, ce qui les coupe du reste de la société et favorise des dérives ...
Il y a un point que je n'ai pas développé en fin d'article, c'est l'idée que tendanciellement, le rééquilibrage de la structure des prix aura un effet négatif sur la croissance. Il devrait faire dégonfler l'appareil productif et gonfler l'économie des services résidentiels, ce qui équivaudra à moins de gains de productivités, donc moins de croissance. C'est à dire, ce qui s'est passé en France depuis 10 ans. Néanmoins, il faudrait apprécier ce mouvement en dynamique en conjuguant cela à une politique de relocalisation des activités productives, ce qui ferait croître la sphère productive. Bref, compliqué ...
Rédigé par : Malakine | 22 avril 2009 à 10:27
@ Malakine
Redoutable exposé, j'aime beaucoup ton approche holiste d'un nouveau système, cette brillante démonstration mérite plusieurs réactions:
1/ La culture du ghetto MTV a depuis longtemps franchi le périphérique et il n'est pas rare de trouver des "petits blancs" des quartiers riches se prendre pour de noirs américains (ex: Pierre Sarkozy)...
Je vais prolonger ton raisonnement, depuis la libération, la plupart des cultures jeunes sont issues du modèle américain que ce soit le be-bop ou le yéyé en passant par le disco ou le folk hippie.
L'avènement de la mondialisation a sonné le triomphe de la culture "jeune" maintenant les 15-35 ans dans "une adulescence" nourrie non seulement au lait US mais aussi (globalisation oblige) au manga japonais (il suffit d'aller une fois à la Japan Expo), au cinéma coréen ou chinois, au raï maghrébin ou au coupé-décalé bling bling africain... Bref un véritable patchwork qui permet au sujet adolescent ou jeune adulte de "bricoler" son identité.
Sur les chaines thématiques, le turbo-capitalisme ne cesse de vouloir de créer des nouvelles niches rompant le fil entre les générations (un exemple flagrant: la dernière pub CanalSat où chaque membre de la famille est identifié à une chaine de télé).
L'image véhiculée par ces médias, c'est souvent celle du self-made man celui qui s'est fait tout seul (50 cent, Eminem) bref celui qui s'est quasiment autoengendré (sans lien avec le passé). Dans l'hypermodernité, le sujet prend la place de Dieu pour être le propre créateur de son existence et entrepreneur de sa vie.
Le fait d'être le propre auteur de sa vie nie toute dimension hiérarchique, tout apprentissage... d'où souvent la crise de l'autorité ce qui entraine les problèmes de sécurité que nous constatons tous les jours.
Le grand fantasme d'aujourd'hui est que l'homme désire plus que tout être cause de soi (Olivier Rey) d'où les injonctions paradoxales qui consistent à se réaliser soi-même.
Ce grand dessein n'aurait pas été possible sans le travail de concert de la science et de la politique: la droite s'étant chargée de la modernisation économique tandis que la gauche s’occupait de la modernisation sociétale.
Quant à la science et la technique, elles ont remis en question des limites qui, dans la pensée classique à partir des Grecs, séparaient les trois modalités de l’être : le possible, le réel et le nécessaire. Désormais, ce qui est possible finit fatalement par être réalisé et le réalisé impose inévitablement sa nécessité.
2/ Sur la finitude des ressources, le néoprotectionnisme que tu proposes permettrait effectivement d'en finir avec le règne du jetable et de renouer avec la belle ouvrage qui faisait la fierté de nos grands-parents...
Néanmoins la relocalisation de ces activités productives devra aller de pair avec une autre politique de l'Education nationale qui n'a eu de cesse de mépriser les filières techniques et manuelles. En effet ce nouveau souffle industriel entrainera d'office l'émergence d'un nouveau prolétariat, qui, je l'espère sera moins aliéné que le précédent.
Sur la structure des prix, ce sont dans les vieux pots que l'on fait la meilleure, je crois que tu renoues avec un vieux principe de St Thomas D'Aquin, le "juste prix", non pas sur le seul critère de la concurrence comme le pensent les libéraux mais sur des critères éthiques, écologiques et humanistes.
Rédigé par : René Jacquot | 22 avril 2009 à 12:16
La stabilité est à mon avis impossible tant que l’économie continuera de courir après deux objectifs contradictoires : produire des biens pour tous et donner du travail à tous. Ce qui exige beaucoup de travail, donc qui favorise le 2nd objectif, coûte cher, de sorte que ce n’est pas destiné à tous mais à une minorité. Et ce qui exige peu de travail favorise le 1er objectif, mais défavorise le 2nd, car on n’y parvient qu’en augmentant la productivité. Il est clair que, depuis les Trente Glorieuses, le 1er objectif domine la structuration de l’économie, tout simplement parce que c’est le plus facile à atteindre.
« Produire des biens pour tous » par les économies d’échelles et les gains de productivité que permet l’industrialisation revient à distribuer du pouvoir d’achat, mais sous une forme choisie par les capitalistes. C’est rentable et rationnel car ce pouvoir d’achat trouve sur le marché exactement ce que les capitalistes produisent. Mais ça laisse de côté toute l’économie informelle et une masse de chômeurs. Et ce n’est pas du tout démocratique, car ce système exige, pour être efficace, que l’on privilégie le capital puisque le pouvoir d’achat vient de lui, comme le crédit vient des banques.
Ce pouvoir d’achat devrait être distribué directement à tous, en monnaie sonnante et trébuchante. Ce serait une révolution culturelle : chacun gagnerait de quoi vivre sans travailler ! Pour les capitalistes, qui tiennent à conserver la haute main sur la société, ce serait bien sûr une aberration, mais cette solution fonctionnerait aussi bien car l’argent ainsi distribué circulerait de la même façon que celui mis en circulation par le travail (ou le crédit). Cependant, une telle utilisation de l’argent, défendue par ailleurs, (Cf. sur ContreInfo : « Des mérites comparés du crédit et de la redistribution, par Steve Waldman »), exigerait en préalable de reconsidérer la nature profonde de ce qu’on appelle l’argent ou la monnaie : ce ne serait plus l’équivalent d’une quantité de matière, (ce qu’il est encore aujourd’hui, en dépit de sa dématérialisation), mais un « droit quantitatif ». Cet argent-là ne représenterait plus le fruit du travail, donc une production matérielle, mais un POTENTIEL de travail et de richesse. Reste à voir, pour se convaincre de son intérêt, que TOUTE VALEUR EST EN FAIT UN POTENTIEL, NON UNE REALITE EFFECTIVE, car les choses n’ont de valeur qu’à condition de pouvoir la conserver. (La perspective de prendre/perdre de la valeur leur donne/ôte déjà leur valeur.) Le drame humain fondamental, qui a conduit à ce capitalisme de débiles profonds, est que l’on confond les choses et leurs valeurs. L’équivalence n’existe qu’à l’instant t, et n’a aucun sens à long ou moyen terme : il est aussi arbitraire que le rapport entre signifiant et signifié découvert par Saussure.
Rédigé par : dmermin | 22 avril 2009 à 12:34
On n’attribue de valeur potentielle à l’argent que si on le destine à l’investissement, la différence entre capital investi et revenu constituant le profit. Mais si l’on distribue un salaire universel et gratuit, (comme l’école), chacun peut devenir la source d’un profit : pour lui-même s’il travaille, (son profit est la différence entre son salaire universel et ce qu’il gagne autrement), ou pour les autres si ledit salaire est dépensé, d'une façon ou d'une autre.
Rédigé par : dmermin | 22 avril 2009 à 13:52
@ rené jacquot
Bel exposé qui illustre ce que je dis quand je parle des nourritures culturelles et que je dis qu'on devient ce qu'on ingère.
Je ne vais pas si loin en parlant des "juste prix" Je n'ai pas voulu mettre d'éthique la dedans. Seulement dire qu'aujourd'hui, la mondialisation minore les prix des produits manufacturés et renchérit artificiellement le prix des services.
@ Crapaud rouge
Ce que écrit me rappelle vaguement un texte que j'ai lu à propos des questions monétaires ... mais j'avais rien compris et je ne comprends pas davantage ta théorie. Je crains que ce ne soit trop abstrait pour mon petit cerveau ... surtout après le sport :(
Rédigé par : Malakine | 22 avril 2009 à 14:51
Pour Alain Duhamel, protectionnisme rime avec racisme !
Alain Duhamel a encore fait très fort dans sa chronique mardi 21 avril sur RTL.
Evoquant l’incident de Durban, qui a vu l’ambassadeur de France quitter la séance pour protester contre un discours du président iranien, l’indéboulonnable journaliste a réussi par un tour de passe-passe assez incroyable à mettre sur le même plan la "tentation" du protectionnisme, avec celle du racisme et de la xénophobie (ses propos sont exactement les suivants : « On sait qu’on est dans une grave crise, et que dans des crises de ce genre, il y a toujours des tentations de protectionnisme, de nationalisme, de racisme, de xénophobie »).
http://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/pour-alain-duhamel-protectionnisme-54914
Rédigé par : BA | 22 avril 2009 à 16:54
@Malakine : Ce que tu as lu était sûrement plus sérieux que mes commentaires, inspirés de lectures aléatoires et non digérées. Mais qu’importe, mon humble avis est que ton livre ne pourra pas faire l’impasse sur une analyse de « la valeur ». C’est quelque chose de mystérieux que je vois à la charnière de l’économie et de la culture, car c’est la seconde qui affecte (ou dénie) « de la valeur » aux choses, avant que la première ne leur attribue un prix.
Un jour, j’ai lu dans Libé que « les gains des 25 plus gros managers des fonds d’investissements américains ont dépassé l’année dernière ceux des 40.000 profs de New York en trois ans ! » Un manager pesait donc à lui seul plus de 4800 profs du pays réputé le plus riche du monde ! (40.000 x 3 / 25) Autant dire que « la culture », dans nos contrées, ne vaut pas un clou. Elle est aussi « morte » que le dieu dont parlait Nietzsche.
Le protectionnisme de civilisation ne sera possible que si l’on parvient culturellement à renverser la vapeur, cad augmenter la valeur du travail quand il permet de transmettre et produire la culture, quand il contribue à aider les autres, (vieux, malades, enfants, pauvres,…), mais la diminuer quand il ne débouche que sur des biens matérialistes plus ou moins superflus. Quand les profs, les médecins, les infirmières, les instits et les créateurs seront bien mieux payés que les ouvriers, les techniciens, les ingénieurs et leurs managers, l’on s’appauvrira peut-être sur le plan matérialiste, mais l’on s’enrichira sur le plan culturel. Reste à savoir comment ça pourrait fonctionner…
Rédigé par : dmermin | 22 avril 2009 à 17:54
Malakine,
Je viens de voter "abstention" dans le sondage que tu asmis en ligne... mais j'voue que si une organisation ou un mouvement politique état capable de proposer le progamme (et le constat) que tu nous déclines... je changerai certainement d'avis... on peut rêver :)
Rédigé par : franc-tireur | 22 avril 2009 à 22:04
@Malakine :
Je suis totalement d'accord sur la sobriété ;) mais pour moi, elle n'est qu'une phase de transition. Il faut se dire que nous donnerons peut-être ainsi à nos enfants la possibilité de retrouver un progrès sans doute aussi important que les précedentes révolutions industrielles.
Le rêve est là, le progrès est là, mais il est au long terme. Te serais tu convertis au court termisme ? :p
Rédigé par : EtienneB | 23 avril 2009 à 06:45
Salut Malakine,
Dans ton 1er paragraphe de 'Nourritures culturelles", tu amalgames effondrement qualitatif et assimilation culturelle, comme si c'était la même chose. Ce n'est pas la même chose. Tu peux être réservé sur les présupposés culturels d'un film et reconnaître sa qualité. Et il n'y a pas plus de qualité en France qu'ailleurs (je pense aux films, mais plus globalement valeurs culturelles et qualité sont 2 choses distinctes).
Dans un commentaire, tu précises que ce n'est pas de l'anti-américanisme mais de l'anti-impérialisme. Soit, mais penses à préciser dans ton bouquin, parce que tout le monde entend le 1er.
(surtout si tu finis en écrivant : "C’est aussi comme ça que les sociétés européennes ont insensiblement adopté les valeurs, le mode de vie et l’idéologie américaine."...)
Autrement, je trouve cet article beaucoup moins convaincant que les précédents. Sans doute dû au format 'article' et à l'impossibilité de tout dire ici ? Toujours est-il que tu surfes à toute vitesse sur 36000 idées qui demandent toutes à être approfondies pour commencer à avoir un début de légitimité.
Quand je lis : "la recherche du plus grand profit et la concurrence exacerbé sur les coûts conduisant souvent à des modes d’emploi indigents constitués uniquement de pictogrammes incompréhensibles ou à des produits à l’ergonomie si déplorable que leur usage se transforme en une épreuve pour les nerfs.", je me dis, je te dis : Attention Malakine de ne pas tomber dans un catalogue à la Prévert qui ne pourra convaincre personne.
Amicalement,
Rédigé par : Boréale | 23 avril 2009 à 23:23
boréale,
malakine n'a pas tord de soulever le problème de la compréhension de tout un chacun se confrontant aux pictogrammes illisibles. Bien au contraire, l'illisibilité est un problème croissant y compris dans les modes d'emplois ou les lois, ça n'est pas anodin, comme un catalogue à la Prévert, c'est un enjeu qu'il y ait une base commune de compréhension. Si tout est si codé que rien est compréhensible, alors c'est le début du binz.
Rédigé par : olaf | 24 avril 2009 à 00:06
@Malakine
Et bien j'ai raté le débat sur tes derniers textes désolé.
Sur l'aspect culturelle je dois dire qu'il faut faire trés attention à ce qu'il faut ou non protéger, l'idée de favoriser une production culturelle nationale est tout à fait juste, et il est nécessaire que les peuples du monde entier puissent eux même produire de la culture populaire apte à transmettre les valeur et les idées qui font le vivre ensemble d'une civilisation. Cependant attention aux dérives, car il serait également dommage de se priver des chefs d'œuvre de la culture mondiale. Ne nous fermons pas non plus aux idées et aux créations étrangères. Mais je suppose que ce qui est surtout l'objet de ta critique ce sont les productions commerciales Hollywoodiennes, cependant force est de remarquer que la plupart des productions françaises ne brillent guère par leur qualités. Que pensez franchement des productions de TF1 ou de M6, des derniers succès du cinéma français, on a pas besoins du cinéma ou de la télévision américain pour tomber au raz des pâquerettes nous y arrivons très bien tout seule. Ce qui est critiquable c'est surtout l'incroyable domination de la sphère marchande sur la création et c'est aux USA en Europe comme en Asie. L'esprit marchand a complètement envahi la création artistique sous toute ses formes et c'est plutot là qu'est le problème, faire uniquement de la production française si c'est pour voir des merdes avec Jean Dujardin ou Gad Elmaleh trés peu pour moi.
Sinon sur l'épuisement des ressources et de l'énergie soyons humble la recherche fondamentale si elle était financer à bonne hauteur pourrait aussi fournir des surprises, il ne faut pas désespéré de la science et de la technique. Il faut surtout réorienter la recherche et de l'investissement vers la résolution des problèmes les plus urgents et pour se faire mobiliser les forces créatrices vers des but qui ne sont plus forcement marchand.
@René Jacquot
A moi qui aimes beaucoup l'animation japonaise je me dois de répondre à vos critiques sur JapanExpo. Il est vrais que le Japon connait une vague importante d'intérêts porté par la jeune génération française mais ce n'est pas pour autant qu'il faille rejeter tout en bloque. Il se trouve que le Japon n'a aucunement cherché à conquérir des parts de marché à l'étranger ,dans le domaine culturelle. C'est l'originalité des œuvres et leur capacités à étonner qui a créé un engouement pour ces exportations, contrairement aux USA après la seconde guerre mondiale, il n'y a pas eu de calcul volontaire visant à dominer mentalement les autres peuples. De plus bon nombre de code visible dans la production japonaise sont incompréhensible pour les français peu habitué à ces productions. Et personnellement je préfère envoyé un jeune enfant voir le dernier film de Hayao Miyazaki que les sombres merdes des studio Dreamworks, c'est en général bien plus poétique et intelligent quoiqu'on en disent. Alors il est vrai que toute la production japonaise n'est pas forcement de cette qualité ,mais il y a de vrais créations intelligentes dans le tas et il serait dommage de passé à coté sous prétexte de Japoniaiserie. Je constates également que les meilleurs productions nipponne ne parvienne pas forcement en France les boites de distribution préférant les œuvres commerciales, mais c'est plus la faute des télé et des boites françaises que de celle des japonais.
Rédigé par : yann | 24 avril 2009 à 22:32