Bernard Henri Levy et André Glucksmann ont signé hier une tribune conjointe dans « Le Monde ». pour appeler à ouvrir la porte de l’OTAN à l’Ukraine et la Géorgie. On aurait pu s’attendre à un soutien en vue de l’adhésion de ces deux pays à l’union européenne. Après tout, pourquoi pas, dès lors qu’ils se sont formellement engagés sur la voie de la démocratie et de l’économie de marché et qu’ils en ont fait la demande.
Il ne s’agit pas pourtant de revendiquer pour eux une adhésion à l’union mais à l’OTAN, une organisation militaire dominée par les Etats-Unis qui a perdu toute identité et toute vocation depuis la fin de la guerre froide. Et pour quels motifs ? Parce qu’ils veulent adhérer à notre modèle politique, qu’ils veulent être intégrés à notre famille politico-militaire, participer à l’organisation de la défense de nos démocraties. Leur fermer la porte de l’OTAN, serait « adresser un signal désastreux aux nouveaux tsars de la Russie nationale-capitaliste » et déstabiliserait la région.
Les décisions de Sarkozy de réintégrer le commandement unifié de l'OTAN et d'envoyer des renforts en Afghanistan s'inscrivent dans la même logique de restauration d'un protectorat américain sur l'Europe. Le retour d'un atlantisme digne de la guerre froide au moment où les Etats-Unis connaissent un déclin accéléré peut sembler paradoxal. Les deux évènements sont naturellement indissociablement liés.
L’argument de la stabilisation du continent est grotesque. L’adhésion à l’OTAN de la Géorgie et de l’Ukraine conduirait aussitôt ces deux pays à l’éclatement, tant ils sont encore culturellement polarisés par le monde russe et comportent des fractions de leur territoires parfaitement russes. L’argument de la lutte contre les ambitions nationales russe est tout aussi stupide. En quoi ces deux pays auraient-il eu à subir du nationalisme russe ? Les quelques bras de fer que la Russie a connu avec ces pays n’étaient liés qu’à des négociations commerciales sur le prix du gaz rendues difficiles en raison de l’incapacité de ces pays à payer leur gaz aux prix du marché. Ce n’est tout de même pas la faute de l’ours russe si ses anciennes républiques n’ont pas les moyens de leur ambition d’indépendance !
Il n’y a dans cette affaire aucune dictature et aucune atteinte au droit de l’homme à dénoncer, mais une nouvelle alliance à affirmer - un occidentalisme sous domination étasunienne - contre un nouvel ennemi : La Russie.
Il est d’ailleurs intéressant de mettre cette affaire en parallèle avec la décision de relancer la guerre contre l’Afghanistan à propos de laquelle Emmanuel Todd déclare aujourd’hui dans Marianne 2 :
« Cette manœuvre a pour objectif de réaffirmer un lien avec l'Amérique. Je n'appellerai pas ça du néo-atlantisme. L'atlantisme était le lien de l'Europe occidentale avec les Etats-Unis à une époque où ils portaient les valeurs démocratiques face au totalitarisme soviétique. Ce n'était pas du goût des gaullistes, mais dans le contexte, cela pouvait se justifier. Aujourd'hui, l'Amérique est le pays du fric, du néo-libéralisme et des inégalités. Et ce qui se profile derrière cette nouvelle association, c'est de l'occidentalisme. C'est un lien fondé sur une nouvelle idéologie, une idéologie qui se construit dans le conflit avec l'islamisme »
On assisterait donc à la résurgence d’une idéologie occidentaliste qui souhaite maintenir le lien de dépendance de l’Europe envers les Etats-Unis et qui pour cela a besoin de nouveaux ennemis communs : le monde musulman et la Russie.
Cette attitude pose plusieurs questions :
Pourquoi voler aujourd’hui au secours de l’empire américain ?
Les vrais européens, ceux qui sont attachés au modèle de civilisation du continent et qui souhaitent son affirmation sur la scène mondiale devraient aujourd’hui se réjouir de voir l’astre américain s’éteindre enfin, victime de ses propre perversion et de ses propre excès, comme s’est écroulé son meilleur ennemi il y a 15 ans : Son économie casino non régulée, sa soif de consommation insatiable et son appétit d’obèse, son système social hyperinégalitaire, de sa foi aveugle de peuple élu qui l’a poussé à croire qu’il pouvait s’endetter sans limite et vivre indéfiniment au crochet du monde, son messianisme qui l’a conduit dans une guerre bourbier épuisante et ruineuse.
L’extinction des Etats-Unis devrait conduire les européens à s’émanciper de leur tutelle. Leur réaction devrait être de relancer la construction européenne par une nouvelle politique économique, de créer une défense autonome et prendre en charge la sécurité de leur zone d’influence, de tendre la main à la Russie pour un vrai partenariat stratégique…
Mais Levy et Glucksmann ne sont pas des européens. Ils sont avant tout des atlantistes, animé un amour inconsidéré de l’empire américain et une détestation absolue de l’idée de nation.
La résurgence de l’atlantisme s’explique d’abords par un effet d’inertie des structures mentales. Pour la génération des baby boomers soixante-huitards, les Etats-Unis représentaient le bien, la Russie le mal, la Chine le tiers monde. Leur univers mental à été façonné par ces schémas et il est trop coûteux pour eux de les remettre en cause.
Le néo-atlantisme s’explique ensuite par l’effondrement de l’idole étatsunienne à laquelle on assiste actuellement. Cette crise doit être épouvantablement difficile à supporter pour tous dévots de la culture américaine, de son idéologie libérale, de son individualisme, de son cosmopolitisme, de son culte du fric ostentatoire, de son manichéisme et du plaisir facile que procure le fait de se sentir faire partie du coté du « bien » …
Inconsciemment, les dévôts de l’empire doivent se demander ce qu’entraînera la chute de la Maison US sur le plan des idées. La chute de l’URSS a entraîné la disparition de la notion d’égalité entre les hommes et d’intervention de l’Etat dans l’économie. La chute des Etats-Unis entraînera t-elle la fin "des droits de l’homme", en particulier celui de pouvoir manipuler l’opinion en professant des vérités uniques ? Le droit de s’enrichir sans limite et sans payer d’impôts ? Le droit de pouvoir unilatéralement déclarer des guerres préventives à n’importe quel ennemi plus faible, pour n’importe quel prétexte ? On comprend que cela puisse paniquer les chiens de garde du système et qu’ils en soit réduit à inventer en catastrophe de nouveaux ennemis pour remettre leur idole au centre de l’alliance des bons et des gentils !
Pourquoi la Russie plus que la Chine ?
L’acharnement anti russe des BHL, Glucksmann et de la presse française dans son ensemble est sidérant. Récemment encore, l’express titrait un numéro sur la « nouvelle menace russe » ! Il n’y avait rien, strictement rien, dans son dossier. Peut importe l’essentiel était d’entretenir la peur et de faire du sensationnel en surfant sur une mode détestable.
Pendant que la Russie relevait la tête, une autre superpuissance autrement plus inquiétante a émergé. Une vraie dictature celle là : Un Etat totalitaire qui contrôle l’internet et interdit toute forme de liberté de la presse, qui embastille les dissidents et pratique le génocide culturel au Tibet, qui réduit son peuple à l’état d’esclavage, qui pollue tellement qu’il rend à la fois urgent et illusoire toute maîtrise des émissions de Co2, dont le développement industriel à marche forcée détruit à petit feu les économies occidentales, qui est devenue l'usine et le banquier du monde avec ses montagnes de réserves de change … Et pourtant, nulle diabolisation de la Chine !
L’indulgence des élites intellectuelles et journalistiques à l’égard de l’empire du milieu est à la mesure de l’irresponsabilité des milieux économiques qui, ces dernières années, ont joué aux apprentis sorcier en misant sur « les formidables potentialités de la Chine » au point de lui livrer le monde sur un plateau. Par naïveté et cupidité, ils ont investi en Chine pour fabriquer aux plus bas coûts et ouvert en grand les frontières des pays développés à ses produits, sans se rendre compte qu’en procédant ainsi ils transféraient le travail et le capital de toute l’économie mondialisée dans des mains peu recommandables. Officiellement, la chine c’est des produits pas chers pour le consommateur, c’est des profits gigantesques pour les multinationales, c’est l’espoir de grands contrats à l’export, c’est une nation qui sort de la pauvreté et qui « tire » la croissance mondiale !
De son coté, la Russie concentre toute les critiques et toutes les angoisses, alors même que les supposées menaces qu’elle représente ne sont rien à coté de celle que la Chine fait peser sur le monde. Pourquoi ? D’abords parce que cela ne mange pas de pain. Provoquer la Russie, ça fait plaisir et c’est sans risque. Quoiqu’il arrive le gaz et pétrole russes continueront de s’écouler vers l’ouest…
Ensuite parce que la Russie d’aujourd’hui représente sur le plan idéologique quelque chose qu’exècrent nos intellectuels droits de l’hommistes. Plus encore que le nationalisme, la Russie exprime sur la scène internationale un parfait « souverainisme » qui reconnaît un droit imprescriptible des nations à choisir par elle-même le modèle politique et social qui leur convient. Elle incarne un Etat fort et respecté, un système économique où l’intérêt des grandes firmes est au service de l’intérêt national, où le patriotisme et l’intérêt collectif signifient encore quelque chose. La Russie est une nation vivante, dotée d’anticorps, qui préfère célébrer ses racines et son âme ancestrale plutôt que de rechercher des modèles à l’étranger.
On comprend que la survivance d’un tel modèle en Europe soit insupportable à des intellectuels qui se sont toujours caractérisés par la haine de leur propre pays, de leur propre peuple et dont la culture personnelle est tellement associée à un groupe minoritaire qu’elle préfère vivre au sein d’un empire cosmopolite et communautarisé que dans une communauté nationale avec une identité forte.
Continent cherche homme d'Etat
Le retour des Etats-Unis dans les affaires européennes a quelque chose de détestable, mais il faut bien dire que, pour une fois, la grande puissance décadente n'y est pour rien.
On n'en serait pas là aujourd'hui si l'Europe avait su prendre une position claire sur la vocation de l'Ukraine et de la Géorgie après leur "révolutions démocratiques", si le partenariat russo-européen avait avancé sur les bases posées à l'époque de Chirac, Schröder et Berlusconi et si l'élargissement à l'Est de 2004 s'était accompagné d'un vrai projet de civilisation politique, économique, scientifique, militaire et culturel qui aurait eu vocation à unifier l'ensemble du continent.
Le retour au bon vieux logiciel de la guerre froide est une formidable régression qui ne peut s'expliquer que par l'incapacité des chefs d'Etat européens à faire face à la nouvelle donne de ce début de siècle. L'Europe ne sait ni s'adapter à la crise américaine, ni se positionner face à la menace du géant chinois, ni se doter d'un projet fédérateur pour valoriser sa puissance économique et son rayonnement politique. Elle ne sait que mettre son destin entre les mains du grand frère américain, même quand celui-ci est ruiné et menace de nous entraîner dans sa chute.
On attends toujours qu'en Europe émerge un grand homme d'Etat qui saura unifier le continent et rétablir la puissance européenne pour réguler un monde qui en a bien besoin. On sait maintenant que cet homme ne sera pas Nicolas Sarkozy. Ses discours de début de mandat annonçait pourtant cette ambition pour la France et son nouvel élu. Malheureusement, l'homme n'était pas à la hauteur du personnage que son parolier avait construit pendant la campagne.
Et si cet homme d'Etat était Russe ?
Excellente analyse mon Malakine, mais que veux tu le long manteau de Président est décidemment beaucoup trop grand pour Nickelestous: http://lemondequivient.typepad.fr/mon_weblog/2008/03/le-vulgaire-est.html
par contre qualifier d'intellectuels les deux escrocs prétentieux cités ici me semble beaucoup trop révérencieux.
Rédigé par : rickyny | 04 avril 2008 à 01:44
"Ensuite parce que la Russie d’aujourd’hui représente sur le plan idéologique quelque chose qu’exècrent nos intellectuels droits de l’hommistes. Plus encore que le nationalisme, la Russie exprime sur la scène internationale un parfait « souverainisme » qui reconnaît un droit imprescriptible des nations à choisir par elle-même le modèle politique et social qui leur convient."
dans le genre souverainiste, les USA se posent aussi pas mal, non ? mais là nos deux compères n'ont pas l'air gênés !
bon retour en tout cas !
Rédigé par : edgar | 04 avril 2008 à 09:19
@Malakine,
Ravi de ton retour.
Je me demandais si tu allais parler de la dernière opération de com. de celui qui se voudrait président de l'univers, à savoir l'avion qui attend à Bogota l'arrivée d'I.B.
Plus lié à ton billet, j'ai été très deçu que l'Allemagne et la France refusent l'entrée des deux pays que tu cites dans l'Otan.
Je ne connais pas la Géorgie mais j'ai eu l'occasion, quelques mois après la révolution orange (tiens, même couleur que le Modem), de faire un séjour en Ukraine et j'ai été frappé par l'impression de liberté que l'on percevait dans ce pays, tout particulièrement à Kiev. J'ai suivi ensuite les péripéties politiques mais les conversations en russe , langue que je pratique un peu, avec les jeunes étudiants et cadres m'ont laissé un excellent souvenir. Ils auraient préféré dialoguer en ukrainien, un peu différent, mais là, j'étais incompétent.
Pour en revenir à la décision prise, sans doute est-ce pour ne pas mécontenter Poutine et les russes.
Cela ne m'étonne pas de NS mais d'A.Merkel, cela me surprend d'autant plus que la situation géographique de l'Ukraine en fait un point stratégique.
Hors sujet: Fillon a prétendu que Jospin n'avait pas demandé de vote à l'Assemblée avant l'envoi de troupes à Kaboul mais il me semble que c'est Chirac qui s'était opposé à cette démarche.
Rédigé par : Philippe | 04 avril 2008 à 09:34
Bon retour Malakine.
Excellent article, très instructif et réfléchi.
On pourrait rajouter cette propension déjà dénoncé par E Todd des USA à se choisir des adversaires potentiels faibles, incapables qu'ils sont de lutter contre des adversaires forts, quoique parler de faiblesses pour la ta Rodina (c'est comme ça que l'on dit?) n'est peut être pas si indiqué et risque de te couroucer.
A cette trame géostratégique et économique que le président français est en train de faire adopter à la France en opposition à son Histoire et ses valeurs, il convient de rajouter les orientations stratégiques et tactiques que les chefs militaires dans les bureaux des états majors sont en train de nous contracter.
La boucle apparait bouclée, attention les voyants sont de plus en plus tous au rouge.
Ci joint quelques considérations extraites d'un texte de Claude Nicollet(j'ai communiqué le texte original à malakine, il décidera peut être d'y consacrer un article entier)pour étayer mes propos.
Ca va être long et un lien aurait peut être été mieux venu, mais il me semble utile que chacun puisse accèder à l'essentiel.
« Vers une grande stratégie pour un monde incertain ». C’est sous ce titre que cinq anciens responsables militaires occidentaux ont rédigé un rapport de 150 pages. Les recommandations et perspectives qu’il contient devraient être examinées au prochain sommet de l’OTAN en avril prochain à Bucarest.
Ce document doit être considéré avec beaucoup de sérieux et d’attention. Tout d’abord parce qu’il est rédigé par Le général américain John SHAlIKASVILI ancien commandant en chef de l’OTAN en Europe, le maréchal britannique Lord Peter INGE, le général allemand Klaus NAUMANN ancien président du comité militaire de l’OTAN, le général néerlandais Henk van den BREEMEN, l’amiral français Jacques LANXADE ancien chef d’état major de l’armée française.
Autrement dit des militaires confirmés, il révèle de la vision et de la perception du monde de ces hommes. Ils font un certain nombre de constats qui servent d’appui à leur raisonnement
- Le changement climatique conditionnera des bouleversements sociaux gigantesques notamment liés aux transferts de populations.
- Développement du terrorisme international, du crime organisé et de la prolifération des armes de destruction massive.
- Affaiblissement des Etats nations et des organisations internationales comme l’ONU, l’OTAN et l’Union Européenne.
- La monté des fanatismes religieux.
Afin de pouvoir faire face à ces nouvelles menaces « asymétriques », ils proposent un « sursaut stratégique » qui envisage l’utilisation préventive de l’arme nucléaire « en premier », même s’il est dit qu’elle doit être un « instrument ultime ». Une pareille annonce, à un tel niveau est un évènement majeur. Pourquoi ? Parce qu’il veut affirmer la fin de la doctrine classique de la dissuasion nucléaire même si la France y reste officiellement attachée (avec la notion d’ultime avertissement) ainsi que la Russie qui vient de la réaffirmer par une déclaration du chef d’état major général des forces armées russes, le général Iouri BALOUÏEVSKI.
L’arme nucléaire de fait n’est plus une arme à part. Elle est simplement la dernière dans une gamme d’armement qui va de la baïonnette à la bombe atomique. Elle quitte son statut d’arme essentiellement politique.
Ce texte contient surtout un véritable projet d’organisation politique et de vision du monde qui s’articule parfaitement avec l’idéologie dominante et les projets actuellement à l’œuvre pour nous imposer ce modèle et son fonctionnement politique.
En réalité de quoi s’agit-il ?
De faire de l’Occident une espèce de nouvelle Sparte. En perspective de la création, de l’organisation et de la défense d’un « Empire Occidental » porteur des valeurs de civilisation, de moral, de progrès et de rationalité. Cette définition englobera le Japon, l’Australie, le Canada et Israël. Une partie de l’Amérique du Sud peut éventuellement y prétendre. En revanche la Russie qui se redresse et veut réaffirmer son poids sur la scène mondiale redeviendra un adversaire mais dans un schéma de rivalité plus classique. Le reste du monde n’est qu’un océan informe de violence, de barbarie et de fanatisme. Univers dans lequel l’Islam (parce que c’est bien de cela dont il s’agit) en tant que tel ne peut que se développer et s’ériger en leader anti occidental. Or comme il est fort peu probable (si tant est que nous le désirions) que nous réussissions à faire baisser les tensions internationales, il ne faut plus hésiter à envisager une solution extrême : la disparition pure et simple de ce que l’on considère comme étant un problème par le feu nucléaire. Un tel raisonnement s’appuie sur des réalités idéologiques et sur des pratiques. La guerre devient un « mode de gestion » et un horizon normal, comme un autre de la politique étrangère des « démocraties ».
Ni l’Iran, ni la Syrie ne sont assez fous pour risquer de disparaître dans un « holocauste nucléaire » comme l’a dit Nicolas SARKOZY. Les auteurs du rapport insistent sur le fait qu’aujourd’hui « face aux défis du monde globalisé, aucun pays, aucune organisation, ne peut espérer l’emporter seul ». Mais l’emporter sur quoi, sur qui et au nom de quoi ? Il ne faut pas être grand clair pour constater qu’il s’agit en fait d’élargir la base de la puissance politique et militaire des Etats Unis d’Amérique et de servir de supplétifs à ce projet en espérant être un peu dans la lumière de l’exercice du pouvoir de l’Empire mondial. De lui donner plus de moyens, plus de profondeur géographique et stratégique face à des enjeux en perpétuel mouvement. Il faut aussi plus prosaïquement partager le poids financier de ce que cela représente. Car les États Unis d’Amérique mesurent également chaque jour leur incapacité militaire et politique à régenter seuls le monde. Leurs analyses et postulats de bases dans le domaine international étant faux, leurs perceptions du monde étant basé sur des projections idéologiques totalement déconnectées de la réalité, leur outil militaire s’avère incapable de répondre à la situation sur le terrain puisqu’il n’est pas formaté pour des missions de nature politique. Pour être caricatural, il n’y a pas adéquation entre l’offre et la demande, le résultat ne peut donc être que catastrophique.
Mais c’est aussi la poursuite de la dé légitimation et de la destruction de l’ONU. Ce qui entre en parfaite contraction avec le regret de constater de l’affaiblissement des États Nations. Derrière cela c’est la remise en cause du fonctionnement de cette instance considérée comme étant de plus en plus inutile, inopérante, inefficace et politiquement gênante, notamment son Assemblée Générale. N’oublions pas que deux membres permanents du Conseil de Sécurité (les États Unis et la Grande Bretagne, par ailleurs détenteurs de l’arme nucléaire) se sont engagés illégalement dans la guerre en Irak. En fait c’est la notion même de droit international qui est remise en cause. Ce fonctionnement exaspère de plus en plus certaines puissances occidentales qui aimeraient bien pouvoir s’en affranchir (ce qu’elles font de plus en plus : Abou Graïb, Guantanamo, tortures, vols secrets de la CIA, prisons secrètes israéliennes...°) Bien sûr ces pratiques sont malheureusement fréquentes dans de nombreuses dictatures et il ne faut pas s’en accommoder. Mais ce qui fait la différence dans le cas présent, c’est que les pays porteurs de ce mouvement se disent tous des démocraties exemplaires et que c’est justement au nom de ces valeurs démocratiques qu’il faut utiliser l’arme nucléaire de façon préventive et remettre en cause certaines règles essentielles de la démocratie.
Voilà la boucle est bouclée, j'ai toujours pensé que contrairement à l'URSS les USA n'accepteraient jamais de disparaître seuls.
"Après eux le déluge"!!
Saludos del Atlantico sur.
Rédigé par : perla austral | 04 avril 2008 à 11:10
@Malakine
Grand retour cher Malakine,
je suis content que tu parle de cette histoire d'américanolatrie sur le retour car certaine des réactions que j'ai pu lire sur le site de Marianne en réaction au texte de Todd me font froid dans le dos. Certain français sont à ce point raciste vis à vis des maghrébins qu'ils en viennent à soutenir (avec difficulté sur le plan de l'argumentation) les délires des néoconservateurs américains. Si tu n'as pas lu les diverses réactions et commentaires je t'invites à le faire c'est édifiant (voir un certain Spetch par exemple). Sans le vouloir ces imbéciles ont d'ailleurs formidablement soutenue la thèse de Todd sur la dérive extrême droitère d'une certaine catégorie de la population occidentale, d'ailleurs aujourd'hui il me semble que l'UMP est devenu la nouvelle extrême droite Marine Lepen est une gauchiste à coté de certain membre de l'UMP.
Pour ce qui est de l'OTAN il me semble évident que cette organisation n'a plus aucune raison d'exister, la seule justification est effectivement le soutient de l'empire US. Par contre Perla austral est méchant de comparer cette organisation à Sparte, ces dernier avait un sens de l'honneur et une étique guerrère largement supérieur à nos bureaucrate obèse si je puis me permettre, les spartiates combattaient d'homme à homme et ne balançaient pas des bombe à l'uranium appauvri sur des paysan en déclarant qu'ils étaient la plus grande armée du monde.
Toute cette accélération de l'américanisme est lié à la crise économique beaucoup plus grave que certain ne l'imagine. Les élites européennes fondamentalement anti-nationiste ne possèdent pas la capacité d'agir autrement qu'en suiviste des USA. Contrairement à toi je ne souhaite pas d'un homme providentielle européen , il n'a d'ailleurs aucune chance d'apparaitre faute de croyance national au niveau de l'Europe. Non je souhaite tu t'en doute que l'UE éclate et que le désir impériale de puissance qui était le vrai fond du mythe européen disparaisse. En redevenant petit les puissances européennes ne pourront plus utiliser la force pour réaliser leur fantasme et ce sont nos citoyens qui seront gagnant à terme. Au fond je suis toujours d'accords avec Rousseau une nation ne devrait jamais être trop grande pour être vraiment démocratique et pacifique, le monde idéale ainsi serait formé d'un grand nombre de petits états de la taille de la Suisse ou des Pays-bas dont la seule préoccupation des élites serait de bien faire vivre leur population et non de jouer les Césars à l'autre bout de la planète.
Rédigé par : yann | 04 avril 2008 à 11:42
@ Rickyny
En principe, la moindre critique à l'égard de BHL ou de ses idées expose au reproche d'antisémitisme. Là, comme ils étaient deux, j'ai voulu faire gaffe. :-)
@ Edgar
La différence entre Russie et USA sur le souverainisme, c'est que la Russie, n'a jamais prétendu imposer un régime ou une idéologie par les armes à un peuple tiers.
@ Phlippe
Ma première copine russe était ukrainienne (je l'avais d'ailleurs interviewé une fois à propos de la situation politique dans son pays sur Horizons) Donc, j'ai également beaucoup de sympathie pour l'Ukraine et j'ai également été très ému par la révolution orange. Néanmoins, ma connaissance de ces pays m'a amené à la conclusion que Russie et Ukraine était indissociables. Oui à une alliance étroite avec l'europe continentale, mais pas en séparant l'Ukraine de la Russie.
Il n'y a aucune raison de considérer la Russie comme un énnemi stratégique pour l'Europe.
@ Perla Austra
Je n'arrive pas à saisir ce qui pourrait réunir tous ces pays dit occidentaux dans une alliance de ce type. Personnellement je me sentirais toujours plus proche d'un russe que d'un américain ou qu'un australien.
Quant à l'utilisation préventive de l'arme nucléaire... Je ne sais pas. En tout cas, l'intérêt d'une puissance autonome, russo-européenne, souverainiste et antiimpérialiste est absolument nécessaire pour éviter une telle dérive de "l'occidentalisme"
@ Yann
Voilà notre seul et unique point de divergence depuis toujours. Toi tu crois à la pertinence des nations souveraines. Moi je crois à la nécessité de faire partie d'un "Empire" fort et structurer pour peser sur la marche du monde et promouvoir un certain modèle de civilisation contre la résurgence de toutes la barbarie.
Je ne parle pas d'un homme providentiel. Simplement d'un homme d'Etat qui saurait fédérer toutes les nations du continent autour d'un projet de civilisation et un modèle socio-économique.
Rédigé par : Malakine | 04 avril 2008 à 14:45
Malakine,
J'ai sans doute rien compris de l'histoire puisque de nombreuses fois il m'est apparu que la russie et l'urss ont imposé par les armes leurs volontés : afghanistan, pays du comecon après la course armée sur berlin lors de la 2éme guerre mondiale. Diverses influences plus ou moins armées sur cuba ou sur l'afrique. Ou alors il faut considérer que l'urss n'est pas la russie, ce qui est assez acrobatique comme différenciation. Là je ne comprends pas cette mythification de la Russie qui aurait cessé de l'être parce que communiste, comme si l'Allemagne nazie n'était pas l'Allemagne. En psychanalyse on appellerait ça une oblitération, un refoulement, un point aveugle...
Rédigé par : olaf | 04 avril 2008 à 20:40
@Malakine,
J'habite une région où les russes sont de plus en plus nombreux, les russes femmes surtout. je savais que des mariages se concluaient avec des français de cette façon mais je n'en avais jamais côtoyé.
J'ai eu l'occasion d'être invité(je parle chouïa la langue) à la célébration de la Pâque Russe à laquelle est venu aussi un Pope de l'Eglise orthodoxe de Paris.
Il y avait une centaine de participants et le Pope s'est trouvé à ma table.
Si je t'en parle, c'est que j'ai été profondément surpris: ce Pope ne tarissait pas d'éloges sur Poutine. Je sais comme tout le monde que Poutine est un ancien du KGB et qu'à ce titre, il avait dû approuver les persécutions des églises sous le régime de l'URSS.
D'où mon étonnement.
On dit que l'Eglise orthodoxe est toute puissante en Russie. Est-ce vrai?
L'attitude du pope à l'égard de Poutine est-elle sincère où est-ce par intérêt?
J'ai eu l'occasion aussi de visiter les pays baltes et je m'y sens plus à l'aise qu'en Russie. Surtout, je pense que dans ce pays, il y a Moscou et St Pétersbourg d'une part et le reste du pays d'autre part. Il est vrai que ce n'est pas en deux fois une quinzaine que l'on peut se faire une idée précise, j'en suis resté à une impression.
J'ajoute que je suis fan de la littérature russe du 19 ème et un peu du 20 ème. Ce romantisme est parfois envoûtant.
Rédigé par : Philippe | 04 avril 2008 à 21:32
Malakine,
Bon retour dans notre blog ! (lol)
Bien sur que nous partageons ton opinion sur ce sujet et d'ailleurs l'électron libre parle d'une facette du même sujet: "L’économie Américaine est sur la mauvaise voie, disent 81% des Américains".
Je "suis" la carrière de BHL et de Gluksman depuis bien longtemps, mais tu m'as appris qu'ils étaient des "intellectuels", je croyais que BHL l'entartré était un acteur comique et Gluksman un comique troupier.
Si j'ai bien lu entre les lignes, tu nous dis qu'il nous faudrait un "POUTINE" en France ?
Rédigé par : Ozenfant | 05 avril 2008 à 17:32
Puisque vous vous demandez pourquoi Glucksmann et consorts attaquent plus la Russie que la Chine, il suffit -mais vous le savez- de plonger dans leur passé maoïste...
Rédigé par : Criticus | 05 avril 2008 à 21:49
@Malakine,
Emmanuel Todd est un des intervenants à "Ripostes" ce soir.
Rédigé par : Philippe | 06 avril 2008 à 10:43
@ Philippe
Merci pour l'info
@ Malakine (le vrai)
Content de ton retour.
Je reprends la bonne vieille tradition de ton blog qui est le hors sujet en vous renvoyant sur une pétition qui appelle à réagir contre la dérèglementation de la finance mondiale : http://www.stop-finance.org/Speculation-et-crises-ca-suffit#sp1
Qui a dit que le système actuel n'était pas qu'un casino géant. La crise des subprimes fait des heureux : http://fr.news.yahoo.com/afp/20080406/tbs-usa-economie-immobilier-finance-prev-f41e315.html
Rédigé par : RST | 06 avril 2008 à 11:34