Signalons l'initiative d'un collectif d'économistes de lancer une pétition internationale pour demander la révision de quelques articles des traités européens interdisant toute régulation de la circulation du capital. Parmi les signataires de la pétition, quelques économistes que nous avons déjà eu l'occasion d'apprécier en écoutant les émissions de Pascale Fourrier "Des sous et des hommes", notamment Jacques Sapir, Frédéric Lordon et Michel Husson.
Les deux petites propositions d'amendements des traités qui viennent en conclusions du texte apparaitront bien modestes à ceux qui sont déjà familiarisés avec les thèses des auteurs les plus connus. L'initiative mérite tout de même d'être saluée et encouragée. Espérons que les signataires poursuivront ensemble le travail et développeront ensemble de nouvelles propositions.
N'oublions pas que l'année prochaine se déroulera des élections européennes qui pourraient bien s'avérer très importantes pour la recomposition de l'échiquer politique. Il serait vraiment souhaitable que la voix de tous ceux qui souhaitent une autre Europe puisse se faire entendre par des propositions concrètes autour d'un projet alternatif à l'adaptation libérale à la mondialisation. Personnellement, j'en ai un peu marre du discours noniste qui s'avère incapable d'aller au delà de la critique des abandons de souveraineté, de l'euro fort et du "déni de démocratie" qui aurait été constitué par la ratification parlementaire du nouveau traité institutionnel. Pour avancer, il faut désormais faire porter la critique sur le contenu des politiques communes et faire émerger une force politique portant un contre-projet. C'est ce à quoi s'emploie cette pétition.
C'est pourquoi Horizons s'associe sans aucune réserve à cette démarche. Je vous recommande la lecture du site du collectif "Spéculations et crises : ça suffit" et naturellement de signer la pétition.
La finance déréglementée détruit les sociétés. Silencieusement, au quotidien, quand les actionnaires pressurent les entreprises, c’est-à-dire les salariés, pour en extraire davantage de rentabilité, au Nord comme au Sud. A grand spectacle et avec fracas dans les crises aiguës où se révèlent brutalement les invraisemblables excès de la cupidité spéculative et leur contrecoup sur l’activité et l’emploi. Chômage, précarisation, accroissement des inégalités : les salariés et les plus pauvres sont voués à faire les frais soit de la spéculation, soit des nuisances du krach qui s’ensuit.
Depuis deux décennies, le cours de la finance mondiale n’est qu’une longue suite de crises : 1987, krach boursier ; 1990, crise immobilière aux Etats-Unis, en Europe et au Japon ; 1994, krach obligataire américain ; 1997 et 1998, crise financière internationale ; 2000-2002, krach internet ; 2007-2008 enfin, crise immobilière et peut-être crise financière globale.
Pourquoi une telle répétition ? Parce que toutes les entraves à la circulation des capitaux et à l’« innovation » financière ont été abolies. Quant aux banques centrales qui ont laissé enfler la bulle, elles n’ont plus d’autre choix que de se précipiter au secours des banques et des fonds spéculatifs en mal de liquidités.
Nous n’attendrons pas la prochaine crise sans rien faire et ne supporterons pas plus longtemps les extravagantes inégalités que la finance de marché fait prospérer. Parce que l’instabilité est intrinsèque à la déréglementation financière, comment les dérisoires appels à la « transparence » et à la « moralisation » pourraient-ils y changer quoi que ce soit - et empêcher que les mêmes causes, de nouveau, produisent les mêmes effets ? Y mettre un terme suppose d’intervenir au cœur du « jeu », c’est-à-dire d’en transformer radicalement les structures. Or, au sein de l’Union européenne, toute transformation se heurte à l’invraisemblable protection que les traités ont cru bon d’accorder au capital financier.
C’est pourquoi nous, citoyens européens, demandons :
l’abrogation de l’article 56 du Traité de Lisbonne, qui, interdisant toute restriction à ses mouvements, offre au capital financier les conditions de son emprise écrasante sur la société. Et nous demandons également
la restriction de la « liberté d’établissement » (art. 48) qui laisse l’opportunité au capital de se rendre là où les conditions lui sont le plus favorables, et permettrait ici aux institutions financières de trouver asile à la City de Londres ou ailleurs.Si par « liberté » il faut entendre celle des puissances dominantes, aujourd’hui incarnées dans la finance, d’asservir le reste de la société, disons immédiatement que nous n’en voulons pas. Nous préférons celle des peuples à vivre hors de la servitude de la rentabilité financière.
Je suis surpris de ne voir aucun commentaire sur ce sujet.
Quand il s’agit de parler politique (intérieure, extérieure ou même géopolitique), chacun donne son opinion, critique, propose ses solutions comme si tout cela avait de l’importance, comme si ces sujets étaient fondamentaux et que les hommes qui les incarnent (Sarkozy, Bush , Poutine et consorts) avaient un quelconque pouvoir sur les événements.
Ils en ont un peut-être pour certains, mais certainement pas celui que leur aurait conféré les urnes dans le cadre d’une quelconque élection. Le pouvoir qu’ils détiennent éventuellement vient du fait qu’ils sont d’une manière ou d’une autre acoquinés à ces "puissances dominantes, aujourd’hui incarnées dans la finance" mises en cause par la pétition.
Plus que les crises à répétition, c’est cela qui devrait être dénoncé avec force, le fait que ce n’est pas le pouvoir politique qui dirige le monde mais le pouvoir financier.
Ce n’est hélas pas très nouveau. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter ce que disait un ancien présidents des Etats-Unis, Thomas Jefferson : "Je crois que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés qu’une armée debout. Celui qui contrôle l’argent de la nation contrôle la nation " ou un célèbre industriel américain, Henry Ford : " Si les gens de cette nation comprenaient notre système bancaire et monétaire, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin"
Alors aujourd’hui je reste convaincu que ce qui est important n’est pas de savoir qui de l’Amérique, de la Chine ou de la Russie va l’emporter mais de savoir :
1) qui au sein de ces nations manipule les ficelles derrière les pantins que nous voyons s’agiter devant nos yeux
2) comment faire pour leur enlever leurs jouets et redonner le pouvoir au peuple (comme cela est supposé être dans les démocraties).
Rédigé par : RST | 07 avril 2008 à 21:20
Réguler la finance est ce possible ? L'ingénierie financière inventant toujours des nouveaux montages pas toujours inutiles d'ailleurs.
Ne vaudrait il pas mieux mettre des pare feux, à savoir une zone ou les risques peuvent être pris par ceux qui sont solvables, une sorte d'arène casino où ils peuvent s'étriper à loisir, tandis que ceux qui ont de faibles revenus et patrimoines ne seraient pas autorisés à jouer dans l'arène.
C'est un peu la séparation entre les zinzins et les petits porteurs qui sous couvert de démocratie a eu tendance à disparaitre. Il est clair que les zinzins ont la plupart du temps tiré leur épingle du jeu au contraire des petits porteurs qui n'ont pas le temps ou/et atouts équivalents et qui lorsque plumés se retrouvent sans recours. La finance c'est plutôt pour les gros à expérience donc laissons les se battre entre eux et assumer seuls leurs défaites. Le système tel qu'il a évolué fait porter sur les petits appâtés le poids de l'échec.
A l'image des 33% de revenu maximum en échéances mensuelles de remboursement de crédit imposé par les banques en France pour pouvoir acheter un logement, il faudrait généraliser ce type de sécurité et de partition.
Rédigé par : olaf | 07 avril 2008 à 21:20
@ RST
Comme tu le dis, il n'y a personne qui tire les ficelles de la finance. Le pouvoir appartient à un mécanisme impersonnel qui recherche le maximum de profit en un minimum de temps avec un minimum de risque. Comme tu le dis, ce qui est flippant, c'est que plus rien ne contrôle ces forces et surtout qu'on n'a aucune certitude sur le fait qu'elles conduisent le monde vers un avenir radieux et non pas droit dans le mur.
Les libéraux croient en la sagesse de la main invisible (mais je crois qu'il faut croire en un dieu personnel pour cela) Les républicains, eux, croient à la puissance du politique et non à cet ordre naturel des choses contre lesquel il faudrait s'incliner.
En ce qui concerne les commentaires, c'est normal. Ca faisait tellement longtemps que je n'avais pas écris qu'il va falloir du temps pour que tout le monde revienne et que les débats réapparaissent.
@ Olaf
Je ne suis pas du tout un spécialiste des questions financières. J'ai lu le dernier bouquin de Paul Jorion et j'avoue que je n'ai pas tout compris (même que ça m'a bien fait chier). RST, lui, est spécialiste. Il a même été assisté à la conférence de la fondation ResPublica sur le sujet ... :-)
Par contre, j'ai été très séduit par les thèses de Frédéric Lordon que j'avais écouté sur le site des sous et des hommes. Avec son "slam" il voulait contenir le rendement du capital. De toute manière, il y a forcément des solution. La finance s'est dérégulée par des décisions politiques. Elle pourra être de nouveau domestiquée par de nouvelles décisions politiques.
Rédigé par : Malakine | 08 avril 2008 à 16:26
@ Malakine
C’est à moi que tu réponds ? Tu es bien le "vrai" Malakine ? ;)
Soit tu ne m’as pas bien lu, soit je me suis mal exprimé car je ne comprends pas ton commentaire. Alors je vais essayer d’être clair (et concis).
Je suis personnellement arrivé à la conclusion que rien n’a plus d’importance aujourd’hui que les questions liées à la finance et à son fonctionnement. On peut discourir éternellement de politique, ce qui gouverne le monde aujourd’hui c’est la finance et ceux qui en maîtrisent les rouages dont notamment les banques. Le "politique" a perdu tout contrôle (en supposant qu’il en ai eu un, un jour).
Je ne m’étendrai pas sur les effets qu’elle peut avoir sur notre vie de tous les jours, sur les choix forcés de nos dirigeants, sur les cours du blé au Mali, ….
Nous sommes totalement dépossédés de nos libertés et je crois que nous ne nous en rendons même pas compte (serions nous réellement dans la Matrix ?)
Il suffit pour se faire peur, de réfléchir un peu au processus de création de la monnaie. Cela donne le vertige ! C’est pour ça que j’ai cité notamment Henry Ford : " Si les gens de cette nation comprenaient notre système bancaire et monétaire, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin"
Tu mentionnes P.Jorion. Je t’avais dit que j’avais été déçu par sa conférence sur les subprimes. Par contre j’avais retenu son concept de "constitution économique" qu’il serait trop long de développer ici. Je pense néanmoins que cette constitution est indispensable pour domestiquer la finance et redonner le pouvoir au peuple, au politique, à la démocratie.
Un autre monde est possible.
Rédigé par : RST | 08 avril 2008 à 19:51
Ben oui, c'est à toi que je réponds, et je connais parfaitement ta sensibilité à ces questions.
Je ne vois pas où nous sommes en opposition. Sauf peut-être sur un point. Quand tu dis que le monde est au main des banquiers, moi j'y vois plutôt des lois "de marché" des forces anonymes et impersonnelles. C'est d'ailleurs le coup de génie du capitalisme. Il a fait disparaître la lutte des classe en rendant le capital insaisissable. Auparavant, celui qui avait le pouvoir, c'était le patron, le propriétaire de l'entreprise. On pouvait mettre un nom et un visage sur des décisions et un enrichissement, faire pression sur lui, en appeler à son sens des responsabilités sociales ect ... Aujourd'hui le capital est devenu plus sournois, il se cache derrière des notions mathématiques et financières, des abstractions comme "les marchés financiers" ou "les actionnaires". Avec la finance moderne, le capital a à la fois échappé aux Etats (avec la liberté de circulation) et au conflit avec le monde du travail (en se diffusant partout sous forme de produit d'épargne).
Rédigé par : Malakine | 08 avril 2008 à 23:34
Je me sens un peu visé par cette lassitude des nonistes scrogneugneu.
D'une part, je la comprends fort bien : de tempérament je ne suis pas du genre à regarder passer les trains. Il demeure que dans celui de l'Europe je n'ai pas envie de monter.
Si je suis bien tes derniers billets, peu importe le niveau de souveraineté auquel on se place, si c'est au niveau européen, pourquoi pas, ainsi soit-il.
Or la souveraineté est une condition de la démocratie, mais elle n'est pas suffisante. On peut estimer se passer de la démocratie, et j'ai l'impression que c'est ce que tu fais quand tu loues le pouvoir russe (que je comprends fort bien, et approuve dans ses réactions face aux USA - Kosovo etc..., mais pas complètement dans sa politique intérieure).
On peut de toute façon débattre des heures là dessus, c'est finalement assez théorique.
En revanche, une hirondelle ne fait pas le printemps. Certes, l'Allemagne s'est sans doute imposée à la France sur l'entrée dans l'OTAN de l'Ukraine et de la Géorgie, contre les USA.
Les USA n'ont cependant pas dit leur dernier mot et un retrait d'Irak associé à un faible niveau du dollar leur permettrait de revenir rapidement dans la course.
Et si l'Allemagne veut bien que d'autres ne rentrent pas dans l'OTAN, il n'est pas sûr du tout qu'elle ait envie d'en sortir. Elle n'a pas de force de dissuasion, elle, et n'a pas envie de se placer sous protectorat franco-anglais...
Ces raisons, parmi d'autres, me convainquent que l'Europe ne sera pas une puissance souveraine.
Le risque que tu cours donc, avec ta position, est de n'avoir in fine ni démocratie ni souveraineté. Il est vrai que nous n'aurons peut-être pas de réponse sur ce point avant de longues années...
Bon retour encore, en tout cas, on te sent en pleine forme.
Rédigé par : edgar | 09 avril 2008 à 23:45
Edgar,
j'entends tes arguments. je les connais. Yann les développe ici régulièrement. Je reconnais que l'Europe n'a pas d'homogénéïté suffisante, ni pour faire vivre la démocratie, ni pour s'affirmer sur la scène mondiale. Cela est vrai, je ne le nie pas. Mais je réponds trois choses :
1- On peut désormais en dire autant de la France. Les Français qui croient encore en leur pays sont trop peu nombreux pour espérer recouvrer notre pleine et entière souveraineté. Les Français sont devenus aujourd'hui "xénophiles". Ils n'ont plus envie d'être souverains et d'exister sur la scène mondiale par eux même. On peut le déplorer, mais c'est comme ça !
2- L'europe ne se constituera en tant que communauté de peuple (je n'ose dire en tant que Nation) que lorsqu'elle se sera désigné, sinon des ennemis au moins des contre modèles. De ce point de vue l'affirmation face aux Etats-Unis et l'idée que ce pays porte un projet de société qui n'est pas le nôtre est indispensable. Idem pour le monde mulsulman (mais ça c'est plus facile) et pour la Chine (ce qui est plus difficile compte tenu du fond tiers mondiste et le sentiment de supériorité de l'occident) Lorsque les européens auront compris que leur modèle économique et social est menacé par la mondialisation et que pour le sauvegarder, ils doivent se protéger et s'affirmer en tant qu'aire de civilisation, tout deviendra possible.
3- Au delà des questions de sciences politiques, il y a aussi le contenu des politiques qui sont menées en Europe. Actuellement, elles sont inspirées par un logiciel libéral libre échangiste qui date d'il y a 20 ans. Quoi qu'on pense du périmètre Europe, de la possibilité d'y faire vivre une démocratie ect ... il me semble absolument nécessaire que des gens compétents réfléchissent aux inflexions qu'il serait raisonnablement possible d'opérer dans le logiciel communautaire et dans la manière d'entreprendre le changement. C'est pourquoi l'initiative du collectif stop la finance me semble si intéressante ...
Tous les pays d'Europe ont les mêmes difficultés économiques. Aucun n'a de situation florissante. On devrait pouvoir quand même arriver à s'accorder sur des politiques communes qui font dans le sens de l'intérêt du continent. Ce qui se joue (peut-être) en ce moment sur le rapprochement avec la Russie (contre le souhaits des USA) pourrait demain se jouer sur la question de protections comerciales, la concurrence fiscale entre les états membres, d'une politique de relance concernée de la demande interne, de réindustrialisation, d'investissement dans la mutation écologique, de programmes de grands travaux dans la régulation de la libération des capitaux.
J'espérais que Sarkozy, sous l'influence de Guaino, entreprendrait ce travail. Mais comme la dit très justement Todd à Riposte. Il est incapable de porter le message qui l'a fait élire pendant la campagne. C'est pourquoi je dis que l'Europe attend un homme d'Etat. Non pas pour unifier le continent, mais déjà, pour porter un discours de redéfinition du projet européen, économique, social, stratégique, "civilisationnel".
Rédigé par : Malakine | 10 avril 2008 à 10:23
Malakine, disons qu'on verra bien si c'est la France ou l'Europe qui attrapent le premier leur homme d'état !
Pour le logiciel, je diffère sur un point : je ne crois pas que l'on puisse superposer économie et politique en un système unique. Je suis fermement convaincu qu'il y a d'abord les questions politiques, ensuite vient l'économie, pas l'un et l'autre en même temps. Sans l'idée démocratique, c'est à dire au fond l'idée assumée que le pouvoir comporte une part d'arbitraire qui le rend différent de la société, donc susceptible de différer d'elle mais aussi d'être jugé ; tout s'effondre. On peut alors très vite passer à une volonté d'identifier le pouvoir à la société, en écrasant tout résistance.
Malgré cela, je ne distingue pas entre l'Europe, la Chine et la Russie comme entre le jour et la nuit. Nous sommes dans le gris clair, les chinois, les russes sont dans du foncé, mais il n'y a pas de démocratie pure.
Sur la probabilité, enfin, que Poutine soit l'homme de l'Europe, je n'y crois pas, notamment sur l'idée qu'il pourrait défendre un modèle économique et social européen. Mais j'ai peut être tort.
Disons que pour aller dans un sens qui serait commun à ce en quoi nous croyons, il faudrait renforcer le Conseil de l'Europe, qui inclut la Turquie et la Russie et n'a pas de prétentions hégémoniques sur les états, et réduire le rôle de l'Union européenne. On pourrait alors élever les compétences du Conseil de l'Europe au fur et à mesure que l'on arriverait à rendre son fonctionnement démocratique.
Rédigé par : edgar | 10 avril 2008 à 21:18