L’actualité médiatique fournit son lot hebdomadaire de petites phrases. Le jury a retenu celles qui apparaissaient refléter le mieux ce qui s’est passé cette année sur le plan politique. Six petites phrases ont été retenues. Les nominés sont :
Eric Besson pour "Forza Nicolas", Jean Pierre Chevènement pour « Je ne prends pas le gouvernement assez au sérieux pour demander la démission de Rama Yadé », Christine Lagarde pour« Si l’essence est trop chère, faites du vélo » , Ségolène Royal« Prenez vous par la main ! Aimez-vous les uns les autres !!», Rama Yadé pour « La France n’est pas un paillasson, sur laquelle un dirigeant peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits » et bien sur, Nicolas Sarkozy pour « Viens le répéter ici, si t’es un homme »
Il vous appartiendra de les départager en votant dans le sondage de la colonne de droite pendant une petite semaine avant qu’un dernier sondage ne le remplace. Pour éviter tout reproche de favoristisme, les phrases seront cette fois-ci classées par ordre alphabétique.
Eric Besson « Forza Nicolas » :
Après son ralliement, Eric Besson a fait meeting commun avec Nicolas Sarkozy entre les deux tours et à conclu son intervention par ce très étonnant « Forza Nicolas », qui semblait faire référence à Silvio Berlusconi et son parti « Forza Italia » Même si l’intéressé s’est par la suite défendu de cette référence, considérant que la métaphore était sportive, cette petite phrase apparaît avec le recul comme annonciatrice de la vraie rupture du Sarkozysme, le style « bling-Bling », les vacances de milliardaire, la pipolisation de la vie politique et l’omniprésence du président « super star » dans des médias qu’il contrôle par l’intermédiaire de ses amis.
Eric Besson incarne aussi l’ouverture dans ce qu’elle a de plus détestable. L’ouverture peut-être utile si elle consiste à associer à l’exercice du pouvoir des personnalités d’Horizons différents pour qu’ils viennent apporter leur propre sensibilité. L’ouverture à la Eric Besson ne représente rien, si ce n’est l’idée que la politique c’est de moins en moins des idées et des projets et de plus en plus des jeux d’égos et des carrières à construire.
Jean Pierre Chevènement : « Je ne prends pas le gouvernement assez au sérieux pour demander la démission de Rama Yadé »
Cette phrase, prononcée récemment, par Jean Pierre Chevènement est révélatrice de l’évolution du rôle du gouvernement sous Sarkozy. Comme je l’avais annoncé dès sa nomination, ce gouvernement est conçu presque exclusivement pour communiquer et occuper le terrain médiatique, quitte à ce que se soit pour se critiquer les uns les autres.
Venant de celui qui disait « un ministre ça ferme sa gueule ou sa démissionne, cette phrase est symptomatique de l’affaiblissement de la fonction de ministre. Sous Sarko, les ministres ne sont plus les inspirateurs de la politique du gouvernement. Ils ne sont même pas les portes paroles de la politique gouvernementale. Ils sont devenus des candidats permanents à la grande starac qu’est devenue la vie politique française, avec pour seule juge, l’audimat des émissions auxquelles ils sont invités ou le buzz accompagne leur sortie et leurs déclarations.
Christine Lagarde : « Si l’essence est trop chère, faites du vélo »
Celle que les éditorialistes ont surnommé « Christine Lagaffe » s’est illustrée à l’automne par cette phrase surprenante. Venant de Borloo ou de n’importe quel autre écolo, elle serait passé sans problème, surtout au lendemain du Grenelle. Venant du ministre des finances dans le contexte d’une rentrée marquée par le thème du pouvoir d’achat, cette phrase traduit surtout l’impuissance du gouvernement à régler le problème numéro 1 des Français, alors même que le président s’était autoproclamé « candidat du pouvoir d’achat ». Difficile de mieux illustrer l’impuissance des gouvernants.
Cette phrase traduit aussi la régression dans laquelle le troisième millénaire nous fait entrer. Il y a vingt ans, les chinois roulaient en vélo et les européens roulaient en voiture. Maintenant c’est l’inverse.
Ségolène Royal « Prenez vous par la main ! Aimez-vous les uns les autres »
La campagne de Ségolène Royal a été riche en « ségolénades », bourdes, propos vides de sens ou prise de position proprement débiles. Elle a commencé par la bravitude lors de son voyage en Chine et s’est achevée lors du débat d’entre deux tours avec sa fausse colère sur la scolarisation des enfants handicapés et sa proposition de raccompagner les femmes flics à leur domicile. Il serait trop long de rappeler toutes les Ségolénades de la campagne. Ses six mois de campagne n’ont été qu’une longue suite d’anneries et de phrases creuses : Pas une proposition intelligible, pas un slogan évocateur, pas la moindre analyse des maux de la France. Rien qu’un sourire éclatant et une victimisation mise en scène.
L’apogée de cette campagne désastreuse et pathétique fût sans conteste ce meeting à Charlety dans la dernière semaine où elle a totalement renoncé à tout discours politique pour prendre les habits d’un télévangéliste américaine, appelant ses ouailles à se prendre la main et à s’aimer les uns et les autres ; un final hallucinant, la candidate toute de blanc vétue, communiant avec la foule, dans un état de quasi lévitation, les bras en croix et le sourire extatique …
Par son épouvantable nullité, Ségolène Royal a volé aux Français l’élection présidentielle de 2007. N’importe quel candidat signe et sérieux l’aurait emporté face à Sarkozy. Il suffisait de l’attaquer pour ce qu’il était, pour ce qu’il avait fait, pour ce qu’il proposait. Il fallait simplement lui offrir un peu d’opposition et proposer une alternative crédible. Malheureusement, face au narcisse agité, à l’ami des milliardaires, au dévot de l’empire américain, nous n’avons eu droit qu’à une abrutie maîtrisant à peine le français qui a conduit une campagne confuse et improvisée à base de féminisme outrancier, de préchi précha moraliste et de bondieuseries à deux balles.
La campagne présidentielle de 2007 restera probablement comme l’une des plus nulles de l’histoire de la république, au terme de laquelle la France a élit un fou à la présidence de la république. De cela, il faut remercier le parti socialiste qui s’est avéré incapable de présenter un présidentiable et Ségolène Royal qui ne s’est présenté que pour régler des comptes privés et pour se sentir aimée des foules.
Sarkozy voulait l’Elysée. Bayrou voulait accéder au second tour. Royal voulait simplement être candidate.
Rama Yadé : « La France n’est pas un paillasson, sur laquelle un dirigeant peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits »
Prononcée à la veille de la visite de Khadafi, cette phrase à l’apparence assassine de Rama Yade à donné le ton à une semaine de polémique. Elle fournit une nouvelle illustration du rôle des ministres où l’action consiste à occuper le terrain médiatique, mais elle illustre surtout la rhétorique droits-de-l’hommiste de la nouvelle politique étrangère de la France, qui peine à se traduire dans les faits et qui semble ne pas avoir résisté longtemps face à la tentation commerciale et à la réalité des rapports de forces.
Cette contradiction entre le discours et la pratique est en outre une formidable illustration de la logique de la communication moderne qui consiste à laisser entendre par des phrases chocs l’inverse de ce que l’on fait en réalité. Sarkozy prétend libérer le travail tout en détaxant les revenus du capital. Il loue les racines chrétiennes tout en autorisant le travail du dimanche ou en alignant le mariage sur le Pacs. Et il nomme deux éminents droits-de-l’hommistes au ministère des affaires étrangères pour mener une politique étrangère qui ne cherche que la signature de contrats par les géants du CAC 40 …
Nicolas Sarkozy « Viens le répéter ici, si t’es un homme »
Jamais le nouveau style du nouveau pouvoir ne s’est mieux illustré que lors de la visite du Gilvinec pour rencontrer des marins pécheurs en colère. Le souci de la proximité avec le peuple s’est d’abord traduit par un discours « ouvriériste » pendant la campagne, puis par des visites permanentes sur le terrain ou des rencontres avec les acteurs de faits divers. Au fil des mois, la pente populiste du président, a finit par s’incarner dans un langage de charretier et un style d’une incroyable vulgarité, très loin de l’altitude élyséenne à laquelle ses prédécesseurs nous avaient habitué.
Cette phrase est également révélatrice de deux autres aspects de la présidence. L’emportement du président répond à des propos d’un marin qui dénonçait l’auto-augmentation substantielle qu’il venait de s’accorder. On a appris par la suite qu’au très confortable salaire de président, il fallait ajouter celui de ministre de l’intérieur qu’il a continué à se verser. C’est sûr, quand on fréquente la haute société et qu’on sort avec un ex mannequin, il faut assurer …
Enfin, entendre Sarko, qui ne fait même pas 1m65, lancer un défi physique à un marin pécheur est quelque chose à se torde de rire. Cela pourrait être drôle si cela ne recouvrait pas quelque chose de profond. Sarko est un petit qui a toujours complexé à cause de sa taille. Ce complexe a été le ressort de toute son ambition politique. Désormais président, il n’en fini pas de régler des comptes avec son image.
Salut Malakine,
j'ai voté pour la phrase de Sarko qui résume a elle toute seule la médiocrité du personnage. Mais je crois surtout parce que j'espère profondément qu'un de ces jours un gros méchant costaud va lui donner la raclé qu'il mérite (ce n'est pas bien de frapper les plus petits que soit mais il y a des exceptions).
Rédigé par : yann | 28 décembre 2007 à 07:27
@Malakine
J'aime beaucoup les analyses que tu as faites sur chacune des phrases notamment celles d'E.Besson et S.Royal (même si pour cette dernière il manque un peu d'objectivité)
Après avoir (un peu) hésité entre Sarko et Lagarde, j'ai finalement voté Lagarde.
Quelqu'un a fait le rapprochement entre ce qu'elle a dit et ce qu'a dit Marie Antoinette (?), un truc du genre "si ils n'ont pas de pain, qu'on leur donne des brioches".
Je trouve que tout est résumé par cette mise en perspective.
De là à dire que la révolution est proche, il y a un fossé.... que je franchis allègrement.
Ah ça ira , ça ira, ça ira, les aristocrates on les....
Rédigé par : RST | 28 décembre 2007 à 10:49
C'est la phrase de Ségolène disant que c'était bien que les produits étrangers rentrent moins chers chez nous qui, pour un chef d'entreprise, à été la plus cocasse !
D'autant que le lendemain, elle se rendait chez les futurs chômeurs de Charles Jourdan !!!!!!!!!!!!!!!
Rédigé par : Ozenfant | 28 décembre 2007 à 12:08
Sans hésiter j'ai voté pour la phrase de Jean-Pierre Chevènement. Je ne la connaisais pas mais elle souligne à merveille à quel point on a changé de méthode de gouvernement.
Si vous vouliez évoquer l'esprit et les avatars de la campagne électorale de Ségolène Royal il y a une phrase qui, selon moi, convenait mieux c'est celle de A. Montebourg : "Ségolène Royal n'a qu'un seul défaut, c'est son compagnon".
Vous n'auriez pas été obligé de vous lancer dans un commentaire aussi outrancièrement à charge contre la candidate.
Par contre, remercier le PS d'avoir contribué à élire un fou, c'est ce que j'ai cru lire, c'est nier le libre arbitre des Français capables. Citez-donc le nom du candidat de gauche qui eut mieux résisté.
On dirait que l'on se dédouane, aujourd'hui, comme on peut, de ses choix d'hier ! ^^
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 29 décembre 2007 à 00:00
@ RST
Moi aussi j'ai voté pour la phrase de lagarde. Elle me semble le mieux résumer cette année, de l'impuissance face au problème du pouvoir d'achat, à l'émergence des questions écologique et derrière tout cela, le transfert de richesse qui est en train de s'opérer entre les pays développés et les émergents. On pourrait aussi ajouter effectivement la déconnection du gouvernement avec le peuple.
@ Ozenfant
Cette phrase de gogolène m'a échappé. C'est dommage. Mais ça ne me surprends pas. Déjà, pendant la campagne, elle s'était illustrée avec des positions débiles sur les délocalisations, notamment lorsqu'elle avait déclaré que la réponse aux délocalisations c'était les exportations, ou qu'elle voulait interdire "la délocalisation des marques" sans que personne n'ait compris ce qu'elle avait voulu dire. Même son directeur de campagne avait eu les pires difficulés à faire l'exégèse de sa pensée. De toute façon, les socialistes ont un problème avec le libre échange. C'est pas nouveau et ce n'est pas en train de s'arranger.
@ PMF
Effectivement, j'aurais pu ajouter la phrase de Montebourg, mais cela aurait signifié que le problème de la candidate socialiste venait de son rapport avec le parti. Ce que je ne crois pas. Son problème, c'est qu'elle n'était pas au niveau, pas prête, trop conne et qu'elle a conduit une campagne débile d'un bout à l'autre.
Ce débat, nous l'avons eu ensemble ici plein de fois pendant la campagne. Ma position n'a pas changé. J'ai toujours dit le plus grand mal de Ségolène.
Quel autre candidat ? Je pense notamment à celui qui s'était proposé de la remplacer : Michel Rocard. Il aurait pu incarner un autre type de présidence face à "Sarko tout puissant", une présidence plus arbitrale, la position du sage, de l'intellectuel engagé. En plus, lui avait l'arsenal intellectuel pour faire campagne et contrer le discours de Sarko.
Ce problème du morphotype du candidat, les socialistes l'auront encore en 2012. Le présidentialisme n'est pas adapté à sa culture politique. Tant qu'ils chercheront à présenter un guide, une icône, ou un premier ministre à la suédoise, ils perdront l'élection. A mon avis, ils doivent présenter un "vieux sage" (Védrine, Badinter, Rocard, Chevènement ...) pendant que le premier secrétaire, en tant que futur premier ministre et détenteur de la réalité du pouvoir exécutif, s'occupera des joutes électorales. Le problème majeur pour le PS, c'est qu'ils ont un premier secrétaire, pas un président.
Rédigé par : Malakine | 29 décembre 2007 à 11:54
Bonjour Malakine & les autres !
J'ai failli voter pour celle de Chevénement, qui résume presque toutes les autres, et j'ai finalement voté pour Lagarde et son coté Marie-Antoinette proprement hallucinant, et si révélateur de l'indécence actuelle (Ozenfant, toujours d'accord avec toi...).
Le choix est excellent et vos commentaires dressent "superbe" panorama de la situtation, tout n'est plus que communication - et j'avoue que jubile à vous lire parlant de Ségolène.
Bont bout d'an à tous
Rédigé par : aiolive | 31 décembre 2007 à 13:32
Bon, c'est pour quand la proclamation des résultats ?
Rédigé par : RST | 02 janvier 2008 à 22:40