Après des débuts en fanfare qui ont conduit beaucoup de commentateurs, avec un peu d’ironie mais non sans admiration, à qualifier notre nouveau président "d’Empereur", Sarkozy a donné tout l'été une image totalement caricaturale de lui même et pour tout dire assez pitoyable.
L’homme d’Etat déterminé et volontaire, le président moderne et rassembleur, les discours enflammés. Tout cela semble être déjà ensevelit par l’image du narcisse obsédé par les médias, du nouveau riche attiré comme une pie par tout ce qui brille, du grand gosse qui n’en revient pas d’avoir réalisé ses rêves, du politique qui navigue à vue en surfant sur les émotions de l’opinion, et même si j’ose, de l’amoureux cocu qui ne sait plus quoi faire pour épater sa femme.
L’Empereur qui voulait faire revenir la France en Europe et l’Europe dans le monde est devenu un guignol qui tout simplement nous fait honte, un personnage dont on commence à ne plus supporter l’omniprésence médiatique, et plus grave, un élu dont on doute sérieusement qu’il ait un seulement un projet pour le pays.
Sarkozy est redevenu le super-ministre qui gouverne en communiquant, le « caniche de Bush » (1), le « narcisse agité » (2), le « néoconservateur au passeport américain » (3) « l’ami de tous ceux qui croulent sous le fric » (4), tout ce qu’il était avant qu’Henri Guaino prenne sa campagne en main.
Cent jours nous séparent aujourd’hui de l’élection. Cent jours ont suffit à Sarkozy pour mettre en œuvre toutes ses promesses de candidat et pour dissiper tout le capital sympathie qu’il avait accumulé pendant la campagne et après sa prise de fonction. A quelques jours de la rentrée politique, dans un contexte économique particulièrement morose, la France attend déjà son nouveau président au tournant.
Ses vacances sur le Yatch de Bolloré à Malte avaient déjà fait polémique. Mais c’était dans la foulée de l’élection et au lendemain d’une soirée au Fouquet’s. On pouvait encore admettre que le nouvel élu s’offre ce petit plaisir. Au moins, c’était en Europe et ces vacances n’avaient de sens politique, excepté le fait qu’il a des amis très riches – ce que tout le monde savait déjà. Les vacances dans un palace avec huit chambres et onze salles de bain, dans le lieu de villégiature de toutes les oligarchies de la planète, aux Etats-Unis, des vacances à nouveau offertes par un milliardaire, c’est autre chose. Il ne s’agit plus la de morale ou de décence. Ces vacances ont une signification politique très forte.
Sarkozy, au nom de la France, est allé faire allégeance au Dieu argent dans un pèlerinage dans le coeur du capitalisme mondial au moment où celui-ci est en pleine décomposition, quand les délires de sa finance déstabilisent toute l’économie mondiale, au moment où l’image des Etats-Unis est en chute libre dans tous les pays du monde.
Comme si cela ne suffisait pas, le nouvel élu a cru bon aussi de passer une journée en voisin à faire du bateau et à manger des hamburgers avec la famille Bush. Bush, l’initiateur de la guerre illégale d’Irak, un président finissant et discrédité, celui sous le règne duquel les Etats-Unis sont devenus un empire qui s’est donnée comme vocation de dévorer avec un appétit d’obèse les capitaux du monde entier. Mais pourquoi donc ?
Déjà l’an passé à cette période ci, son voyage chez Bush lui avait considérablement nuit. Elle aurait d’ailleurs dû suffire à lui coûter l’élection s’il avait un adversaire crédible en face de lui. Pourquoi remettre ça cette année ? Ce président n’a-t-il décidemment aucun sens politique ? Son âme de nouveau riche subjugué par le mythe américain est-elle plus forte que la conscience des responsabilités de sa charge ?
Avec un peu de tolérance, on peut encore mettre ces vacances indignes sur le compte d’un égo hypertrophié fasciné par le fric, la frime et les célébrités et d’une psychopathologie développée dans l’enfance liée à sa (toute) petite taille et qui le pousse irrésistiblement à vouloir faire partie des « grands ». Tout cela n’aurait rien à voir avec la politique. Mitterrand aimait les arbres et les vieux livres. Chirac, les civilisations anciennes et la bonne bouffe. Sarko aime les riches et les palaces. Voilà tout.
Ces vacances de nabab, Sarko aurait pu les passer discrètement pour se faire oublier quelques temps et ainsi renforcer l’effet de son retour fin Août. Impossible ! Sarko est un drogué des news. Il ne peut pas vivre loin de la lumière des caméras de télé et des micros. Il doit alimenter chaque jour les médias pour que chaque jour on parle de lui. On a donc été informé de ses vacances dans le moindre détail, y compris ce qu’il écoutait comme sur son Ipod pendant ses Jogging. Benabar ? Mr Roux ? Cali ? Beurk Trop frenchy tout ça. Il écoutait du "Elvis". Of course …
Forcément, il y en a que cette omniprésence médiatique lasse et d'autres qui perdent carrément leurs nerfs.
Le sondage que j’ai déposé en rentrant de vacances au sujet de ses vacances n’a aucune valeur scientifique, d’autant plus que les réponses multiples étaient possibles, mais les résultats sont édifiants. Sur 100 votes vous avez été 28 % à trouver son omniprésence exaspérante, 24 % scandaleux qu’il se soit fait invité par des milliardaires et 23 % à trouver honteux qu’il est rencontré Bush et passé ses vacances aux Etats-Unis.
Ces vacances laisseront sûrement des traces dans l’opinion.
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Quittons à présent la politique spectacle, même s’il est le terrain de prédilection de notre président, pour revenir aux choses sérieuses : La situation économique de la France et le programme présidentiel qui autrefois promettait la « rupture ».
La situation économique de la France n’est pas brillante. Cet été les mauvaises nouvelles se sont accumulées : + 0.3% de croissance au second trimestre, nouveau record du déficit commercial, stagnation des emplois salariés, recul de la production industrielle. On est loin, très loin du « choc de confiance » espéré par le nouvel hôte de l’Elysée …
Face à cette situation, la réponse du gouvernement a été de soutenir la consommation par des mesures d’allégements fiscaux. Le problème c’est que la consommation est le dernier indicateur qui tient encore le coup avec +0.6% au second trimestre. Ce dont souffre l’économie nationale n’est pas un problème de demande, c’est un problème de base productive. Tous les économistes s’accordent pour dire qu’il faut améliorer la compétitivité, l’investissement, l’innovation, développer les PME, l’exportation … Il faut mener une politique « d’offre » plus qu’une politique de soutien à la demande.
Malheureusement il n’y a rien, ou pas grand-chose, dans les cartons du gouvernement pour travailler sur la compétitivité. L’autonomie de l’enseignement supérieur ne produira guère d’effets ou sur le très long terme. La TVA sociale pourrait abaisser les coûts de production mais la majorité UMP, déjà très échaudée sur le sujet, ne semble pas prête à accepter cette réforme politiquement très risquée. La réflexion engagée sur les délais de paiement qui étranglent les PME est plutôt une bonne chose. Encore faudrait-il savoir sur quoi elle pourra aboutir concrètement.
Le gouvernement en est réduit à demander un rapport à une commission (5) et en attendant d'avoir une idée lumineuse, il se contente d'un discours incantatoire fixant des « objectifs de croissance ambitieux » et remet au gout du jour les vieilles recettes : le crédit d’impôt recherche et la fusion des organismes de soutien aux PME, l’Oseo (qui résulte déjà d’une fusion de l’ANVAR et de la BDPME) et de l’agence pour l’innovation industrielle. Du bricolage …
Le programme économique de Sarkozy apparaît n’avoir été constitué que d’une séries de cadeaux fiscaux destiné à séduire des clientèles ou à étayer quelques discours de campagne. Il a d’ailleurs quasiment déjà été mis en œuvre en totalité pendant ces 100 jours. Des mesures annoncées pendant la campagne, il ne doit guère rester que le contrat unique, une mesure parfaitement idéologique destinée à « fluidifier » le marché du travail et dont on voit mal comment il pourrait améliorer la compétitivité du Pays.
Au final, « la rupture » promise par le candidat Sarkozy n’a été évidente que dans le style de présidence et sur la politique étrangère. Pour le reste on demande à voir et on est curieux de savoir ce qui va se passer à la rentrée. Que va-t-il faire désormais ? Reprendre ses habits de super ministre de l’intérieur et attendre des faits divers bien émouvants pour réagir à chaud en promettant plus de sévérité et en témoignant la solidarité de la Nation auprès des victimes ? Ou va-t-il s’attaquer comme il promettait de le faire pendant sa campagne à tous les renoncements qui ont fait le déclin du pays ces vingt dernières années ?
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100 jours après son élection, l’état de grâce est fini. L’effet de surprise généré par le nouveau style présidentiel s’est dissipé. La séduction n’opère plus. Elle commence même à se retourner en agacement.
J’ai été de ceux qui ont été séduit par le discours de Sarkozy parce qu’il annonçait un retour de la volonté en politique. J’attends toujours, mais désormais j’attends sans plus aucune bienveillance pour la forme et ni plus aucune indulgence sur le fond.
Malakine
(1) Fabius
(2) E. Todd
(3). E Besson
(4) E.Todd
(5) Présidée par Jacques Attali
@ Ozenfant & Malakine
Hello Gilbert, merci de ton salut, je lis toujours Horizons avec beaucoup d'intérêt, mais moins souvent et surtout sans forcément quelque chose d'intéressant à dire
J'ai dit un paquet de fois ce que je pensais du lider minimo pendant la campagne, je ne vois rien jusqu'à aujourd'hui qui contredise l'analyse que je faisais de Sarko, la seule surprise ayant été sa pseudo-ouverture, mais qui n'est comme tout ce qu'il fait que de la communication.
La réalité est celle prévue : de la droite sans complexe, ultralibérale, et la casse sociale va continuer sans aucune opposition... Je partage la rage de Malakine contre le nabot narcissique (bel article une nouvelle fois !), mais elle n'est pas récente !
Bref un brin désabusé, et moins accro au net que pendant les présidentielles ! La vie réelle c'est bien aussi, et les bouquins itou (l'été est la période où j'ai le plus le temps de lire).
Mais je vous lis tous toujours avec plaisir, de même que Pascal sur Poliblog, Evariste sur Respublica et Toreador dans son arène !
Bien cordialement et longue vie à Horizons ! (même si je préférais l'ancienne mise en page)
Aiolive
Rédigé par : aiolive | 28 août 2007 à 20:47
"Sarkozy est un danger public" Michel Rocard dans l'Express en février 2007 :
http://www.lexpress.fr/info/france/elysee_2007/elys07_entretiens/dossier.asp?ida=455788
Or que voit-on aujourd'hui 29 aout 2007 : Rocard rejoint la liste des "débauchés" pour travailler sur un rapport concernant l'E.N !!!
Rocard serait-il lui aussi une girouette ? On dirait bien !
Rédigé par : toto | 29 août 2007 à 14:47
Source :
"L'ouverture politique à gauche se poursuit avec Michel Rocard"
http://fr.news.yahoo.com/rtrs/20070829/tts-france-politique-ouverture-rocard-ca02f96_2.html
Rédigé par : toto | 29 août 2007 à 14:49
@toto
C'est étrange mais Rocard ne m'étonne pas de rejoindre Sarko, après tout la deuxième gauche n'était rien d'autre qu'une bande de libéraux rose bonbon donnant dans la charité chrétienne.
Rédigé par : yann | 29 août 2007 à 15:23
@ yann
Vous avez raison pour la 2è gauche. Il n'empêche qu'au vu des discours qu'ils tenaient lors de la campagne, discours proprement anti-sarko ("Sarkozy est un danger public"), son acceptation de la proposition sarkozienne de participer un rapport sur l'E.N le décrédibilise quelque peu.
Jusqu'où va se poursuivre cette ouverture ? Jusqu'à Hollande puis José Bové ?
Les dommages collatéraux pour 2012 vont être terribles. NS fait en quelque sorte le vide autours de lui en prévision de 2012.
Rédigé par : toto | 29 août 2007 à 15:30
@toto
En 2012 Sarko sera tellement impopulaire que n'importe qui pourra gagner face à lui. Peut-être que Sarko est l'incendie politique qui permettra à de nouvelle pousse d'apparaitre en détruisant les anciennes sclérosé. Pour moi Sarko est l'arrivé à l'aboutissement de trente ans de dégénérenscence politique, il n'est pas la france d'aprés mais celle qui par son absurdité provoquera l'effondrement du système dans son ensemble, un peu comme Bush aux USA à accéléré de deux décénnies le déclin de l'empire.
Rédigé par : yann | 29 août 2007 à 16:57
yann
Très franchement qui voyez-vous de sérieux pouvant prétendre à la succession de Sarko sinon Sarko himself ? Vous aurez compris que je ne partage pas votre optimisme (mais j'espère avoir tort).
A gauche les éléphants sont grillés, DSK en particulier s'il obtient le poste au FMI aura été mis très habilement sur la touche par notre hyper-président.
A droite ? C'est le silence radio et aucune tête ne dépasse. Moi ce que je crains c'est que si la politique de Sarko se révèle un fiasco (ce que je pense) c'est que la majorité de français ayant mis tous leurs espoirs (à tort ou à raison) entre les mains de cet énergumène se retourne vers un parti plus extrémiste.
Il faut être réaliste, le PS est moribond, les Français n'en veulent plus (voir 2002 et 2007) , quant au modem il est inaudible, le nouveau-centre inféodé à l'UMP.
Non, Sarko a un boulevard devant lui !
Rédigé par : toto | 29 août 2007 à 17:17
Il y a toujours Nicolas Dupont Aignan qui pourrait grignoter Sarko de l'intérieure en mettant en avant l'écart grandissant entre les discours et les actes. Et puis il ne tient qu'a nous citoyens de mettre en avant des petits candidats, des nouveaux parti et peut-être à terme mettre fin au n'importe quoi de nos élites.
Rédigé par : yann | 29 août 2007 à 19:28
Yann,
NDA me parait une bonne mise même si son parti est petit.
Rédigé par : olaf | 29 août 2007 à 19:47
>"NDA me parait une bonne mise même si son parti est petit"
Désolé de faire le rabat-joie mais le (petit) parti de NDA n'est rien face à l'UMP. La réalité est que toute la gauche est désorientée : le PS ets moribond vidée de sa substance par l'ouverture sarkozienne, Besancenot essaye de créer un nouveau parti sur feu la LCR, le PC est mort, les verts idem, le MRC c'est pas mieux.
Le centre s'est fait en grande partie phagocyter par l'UMP, l'extrême-droite vidée ne partie par l'UMP. Quant aux souverainistes excusez-moi mais leur audience n'est pas sensationnelle !
Rédigé par : toto | 29 août 2007 à 19:59
Et pour finir sur une note d'optimisme, nous participont tous à la création d'un nouveau véhicule d'idée et de pensée qu'est internet. Plus le temps passe et plus ce médiat prend de l'importance à terme je suis sure qu'il dépassera la télé en terme de poid dans la transmission de l'information et comme vous le savez l'information est le nerd de la guerre. En controlant la quasi totalité des médiats classique (à quelques exception près comme Marianne, le Monde diplo, ou les petits comme le planB..) les libéraux ont fini par imposer une vision du monde et de l'économie qui semble ne pas être dépassable pour nos élites. Usons donc des mêmes méthodes répétons, transmettons, informons et vue le fiasco des politiques libérales les gens finiront bien par nous écouter et les politiques avec. Avec son blog Malakine apporte sa pierre à l'édifice du changement, il faut continuer la persévérence pourra peut-être nous permettre de changer les choses.
Rédigé par : yann | 29 août 2007 à 20:07
mouais. Le pratique après un post comme celui-là c'est que je pourrais me contenter de répondre, je vous l'avais bien dit mais c'est un peu court.
Je ne crois pas que NS pratique uniquement la relance de la demande, il joue au contraire aussi la carte offre en détaxant les heures sup, du moins le croit-il.
Et c'est peut être ce qui est le plus horripilant avec notre cher pdt, son obscurantisme itellectuel qui le fait se tenir à ses promesses même si l'inanité de celles-ci se montre criante.
Rédigé par : frednetick | 29 août 2007 à 21:46
En juin zyrianes m'avait demandé d'écrire un texte d'orientation pour un nouveau parti politique sur des orientations nouvelles. J'avais décliné l'invitation mais depuis l'idée me trotte dans la tête.
J'aimerais bien écrire un manifeste, ouvrir un autre site, pourquoi pas sous la forme d'un parti en formation. Si ce que dit yann est juste - qu'internet peut devenir un vecteur de pensée aussi efficace que la télé, on sait jamais, ça pourrait prendre.
... mais je ne vois pas ça avant les municipales. Donc on aura le temps d'en reparler.
Rédigé par : Malakine | 29 août 2007 à 23:44