Les élections législatives sont sans grand intérêt sur le plan national tant la victoire de l’UMP s’annonce large. On suivra avec attention le score et la géographie des votes du nouveau Mouvement Démocrate de François Bayrou pour savoir s’il pourra à brève échéance offrir une concurrence sérieuse au PS dans l’opposition au Sarkozysme. On sera également attentif aux résultats du FN, dont les sondages annoncent la brutale marginalisation. Pour le reste, il n’y a guère de surprise à attendre de ces législatives.
Les évènements se dérouleront essentiellement au plan local. Certaines personnalités d’envergure nationale risquent en effet de perdre leur siège, soit parce qu’ils seront victimes de la vague bleue, soit en raison de leur équation personnelle et du contexte local. Car, juste après ces législatives se dérouleront les municipales. Dans certains secteurs, elles tiendront lieu de tour de chauffe pour les listes en présence.
J’ai envie aujourd’hui de présenter les enjeux des deux circonscriptions du Territoire de Belfort, parce que c’est une région que je connais bien pour y avoir vécu une dizaine d’années et y avoir encore de solides attaches familiales et affectives, mais surtout parce que les scrutins des deux circonscriptions auront une portée nationale pour au moins deux raisons. Elles pourraient se traduire dans une circonscription par l’émergence du Mouvement Démocrate, et dans l’autre par la fin de carrière politique de Jean Pierre Chevènement, organisée par un PS avide de revanche.
Portrait politique du territoire de Belfort
Le Territoire de Belfort est un département traditionnellement à gauche en raison notamment de sa culture très industrielle. J’aime à dire que Belfort est un concentré de France. Son glorieux passé militaire lui a conféré une identité forte absolument indissociable de l’identité nationale. Belfort a été faite par l’armée et pour défendre la patrie. Son économie s’est développée par la grande industrie après 1870, quand les industries alsaciennes s’y sont délocalisées pour demeurer, en France.
Belfort est aussi un concentré de France par sa culture politique de type nucléaire égalitaire, qui s’est exacerbée au contact de territoires proches beaucoup plus marqués par les valeurs de familles souches et une plus grande influence de la religion. Il n’y a pas plus républicain, plus patriote, plus laïc, plus assimilateur, plus universaliste, qu’un Belfortain. On y a la passion de l’égalité, mais on est attaché à l’ordre, la discipline et le travail. Tous les ingrédients d’une culture gaullo-bonapartiste …
Ce n’est donc pas un hasard si Belfort a produit Jean Pierre Chevènement. Sa culture politique est en parfaite résonnance avec celle du Territoire. Il y a été élu député pour la première fois en 1973 et il est Maire de Belfort depuis 1983. La vie politique locale comporte quelques particularités qui donneront du relief au scrutin législatif. La droite comme la gauche y ont connu des schismes violents qui ont produit de puissantes rivalités aujourd’hui irréconciliables.
La guerre des gauches
En 1992, quand Jean Pierre Chevènement a quitté le PS pour créer le Mouvement des Citoyens, il a entraîné dans son sillage la quasi-totalité des élus locaux, au point que dans les années 90, on appelait son mouvement avec ironie le « mouvement du coin ». Le PS l’a mal vécu, forcément. Depuis quelques années, il n’a de cesse que de prendre sa revanche. Le premier acte de l’affrontement a eu lieu lors des législatives de 2002, avec la candidature du premier fédéral PS contre JPC dans sa circonscription. La primaire avait tourné à l’avantage du che, mais le score honorable de son concurrent (18.7% contre 21.5%) avait contribué, pour la première fois, à sa défaite contre un illustre inconnu portant l’étiquette démocratie libérale.
La renaissance du PS s’est essentiellement cristallisée en 2004, lors des élections cantonales et régionales. Il a suffit d’une primaire dans un canton où le sortant (MRC) ne se représentait pas pour faire basculer l’équilibre au sein de la majorité départementale et donner la majorité au PS. Contre toute attente, et en dépit des accords politiques passés, le PS a revendiqué la présidence au soir du second tour, destituant son président, Christian Proust, malgré un excellent bilan que personne ne contestait. Un véritable Putsch ! Dans le même temps, les régionales où les deux partis présentaient des listes, ont confirmé la renaissance locale du PS. La liste emmenée par Raymond Forni a fait 31 % sur le département quand celle soutenue par JPC ne faisait moins de 8 ! Depuis quelques années, on sent donc nettement la maison Chevènement en sérieuse perte de vitesse au plan local, ce qui excite naturellement tous les appétits.
La campagne présidentielle de 2007 aurait du rapprocher les deux clans dans la mesure où JPC a fait preuve d’une loyauté sans égal chez les hiérarques socialistes à l’égard de leur candidate. Il n’en fût rien. Dès le soir du second tour le PS local indiquait qu’il présenterait quelqu’un contre Jean Pierre Chevènement, en dépit de l’accord PS-MRC qui réservait à ce dernier la 2ème circonscription. Suite aux pressions de François Hollande, le candidat déclaré a renoncé à ses projets de traitrise devant la menace d'une exclusion, mais un autre l’a aussitôt remplacé, et pas n’importe qui, Alain Dreyfus Schmidt, le fils de l’actuel sénateur du département, avocat comme son père. Il y aura donc une primaire sauvage mais néanmoins planifiée de longue date dans la 2ème circonscription.
La guerre des droites :
La droite n’est pas plus unie que la gauche. Le conflit qui se déroulera l’autre circonscription dans met en scène deux quadras, deux ambitions, mais aussi deux cultures politiques. Jusqu’en 2003, ils semblaient s’être répartis les rôles. A Christophe Grudler la Mairie de Belfort et les affaires locales. A Damien Meslot, la députation, le contrôle de l’appareil et, à terme, peut-être la présidence du conseil général.
Comme beaucoup de politiques, Meslot n’aime pas partager le pouvoir et se méfie de ses alliés encore plus que de ses ennemis. Sur un prétexte futile, il entrepris donc d’exclure donc Grudler de l’UMP. Celui-ci, privé de parti, conserva néanmoins la confiance des élus d’opposition à la Ville et a poursuivit son action en s’appuyant sur une association de citoyens qui compte aujourd’hui près de 500 membres.
Christophe Grudler, c’est le François Bayrou local : Ouvert, cultivé, pragmatique, enraciné, tenace, courageux, extrêmement sympathique, beaucoup plus intéressé par les affaires locales que par les jeux d’appareils et les polémiques politiciennes. C’est donc tout naturellement qu’il rejoint le mouvement démocrate au moment de sa création et qu’il décide d’aller défier son ancien rival sur sa circonscription.
Les enjeux des législatives
Les élections législatives dans le territoire de Belfort concentreront donc tous les enjeux de l’élection nationale.
Le Front National résistera t-il ?
A l’instar des régions industrielles du nord et de l’est de la France, le FN a toujours fait de bons scores dans le Territoire de Belfort : 18.75 % en 1995, 22.5 % en 2002. S’agissant d’un électorat plutôt populaire, le FN s’y est également mieux maintenu qu’au plan national en 2007 avec un score de 14.7 % L’inconnue concernant le FN est de savoir si la perte de l’électorat bourgeois que l’on a pu constater au premier tour de la présidentielle annonce sa disparition progressive mais inexorable de la scène politique ou au contraire son évolution en parti populaire de protestation. Le score du FN indiquera donc si cet électorat populaire peut à terme revenir dans le giron de la gauche, ou si va définitivement s’enkyster dans un vote de rejet.
Le vote Sarkozy fût-il un vote de droite ou un vote pour le « meilleur candidat » ?
Le Territoire de Belfort a voté à 55 % pour Sarkozy, alors qu’il avait donné la majorité à Jospin en 1995. Mon interprétation est qu’il ne s’agit pas d’un basculement à droite de l’électorat, mais plutôt un vote comme on a pu le constater dans toutes les régions de culture nucléaire égalitaire où l’équation personnelle des candidats a prévalu sur l’orientation politique. L’un était prêt à exercer la fonction. L’autre non. Cela a suffit.
Dans cette hypothèse, les candidats UMP devrait faire au deuxième tour un score moindre que celui de Sarkozy pour retrouver leur score de 2002 (53%), voire moins. Je n’exclue pas que l’UMP perde d'ailleurs l'une de des deux circonscriptions.
Le Mouvement Démocrate pourra t-il s’imposer ?
Les sondages donnent actuellement le Modem à 10 %. Les commentateurs en profitent déjà pour annoncer la disparition du centre que la présidentielle avait fait émerger. Ces annonces me paraissent quelque peu hâtives. Aucun argument sérieux ne semble pouvoir justifier l’effondrement de Bayrou. Tant que le PS ne se sera pas libéré de son délire ségoliste et n’aura pas fait émerger un présidentiable crédible (y a en t-il seulement un dans ses rangs ?), le seul challengeur à Nicolas Sarkozy et son meilleur opposant pendant le prochain quinquennat sera François Bayrou. J’aurais même tendance à dire que l’opposition au Sarkozysme sera démocrate ou ne sera pas !
Les scores médiocres annoncés pour le modem sont peut être liés à la faible implantation des candidats qu’il présentera. Tel ne sera pas le cas, dans au moins une des deux circonscriptions du territoire de Belfort. Christophe Grudler bénéficie en effet d’une notoriété et d’une implantation au moins aussi importante que sa concurrente socialiste. De plus, sa rupture notoire et sans ambigüité avec l’UMP, comme son statut d’opposant au conseil municipal de Belfort et au Conseil général font de lui l’archétype du candidat centriste, ni de droite, ni de gauche. Son score fournira une indication précieuse sur la capacité pour un homme répondant à ce profil de percer.
Le PS acceptera t-il de se désister pour le Modem ?
Aux présidentielles Bayrou avait talonné Ségolène Royal dans bien des départements, principalement dans les régions de tradition démocrate chrétiennes. Il semble que cet électorat issu de la droite classique ait rejoint Sarkozy entre les deux tours et lui restera fidèle. L’électorat Modem sera donc, a priori, un électorat peu politisé aspirant au renouveau ou un électorat en rupture avec la gauche ségolisée. Rares seront donc les circonscriptions où le candidat modem devancera le candidat PS à l’issue du premier tour.
Il me semble qu’on risque d’assister à une modification profonde de la carte électorale du modem par rapport à celle de Bayrou. Celui-ci avait fait ses meilleurs scores dans les régions démocrate-chrétiennes (de famille souche). Le Modem pourrait en revanche percer dans l’autre France, celle qui croit en l’individu, où Ségolène Royal avait fait ses plus mauvais scores. Le vote Modem pourrait bien dans ces régions être un vote refuge pour l’électorat de gauche que l’absence de leadership au PS désespère. Le territoire de Belfort est de ceux là. C'est pourquoi je parie sur un gros score de Christophe Grudler dans la 1ère.
Il sera donc intéressant de voir l’attitude du PS s’il se retrouve, comme c’est possible, derrière le candidat soutenu par le modem dans la 1ère circonscription. Il serait cocasse de retrouver le PS dans le rôle du FN, en se maintenant dans une triangulaire qui offrirait mécaniquement la circonscription à un sarkozyste.
L’infâme traitrise du PS marquera t-elle la fin de la carrière politique de Jean Pierre Chevènement ?
On aimerait tant voir Jean Pierre Chevènement revenir à l’assemblée nationale pour s’opposer de manière intelligente au nouveau pouvoir et contribuer au sein du groupe socialiste à refonder idéologiquement la gauche. JPC n’a plus la force et l’âge d’être une tête d’affiche, mais la profondeur de sa réflexion et la qualité de sa plume sont encore sans équivalent au sein du PS. Ce n’est pourtant pas gagné. Il devra non seulement regagner sa circonscription contre le député sortant UMP, mais aussi repousser les assauts du PS. Car, ne nous trompons pas, Alain Dreyfus-Schmidt n’est pas un candidat dissident mais bien le candidat du parti socialiste, soutenu par l’ensemble de l’appareil socialiste du TdB, hormis les grands élus, mais ils ont fait signé leurs lieutenants. Personne n’est dupe.
En 2002 on pouvait comprendre que l’électorat de gauche lui ait tenu rigueur de sa campagne contre le système « Chirospin » On peut aussi comprendre que l’électeur belfortain ressente un besoin de renouvellement après un règne de près d’un quart de siècle. On ne comprendrait mal en revanche qu’il satisfasse la soif de revanche d’un parti sans chef, sans programme et sans convictions, et qu’il offre ainsi une piteuse et indigne sortie, à un homme d’Etat dont la République a encore besoin et qui a tant apporté au Territoire depuis 30 ans !
Dans le territoire de Belfort en 2004, le PS a déjà prouvé son absence totale de morale en tuant politiquement un de ses alliés sans ressentir aucunement le besoin de justifier ce crime par la moindre opposition de principe. Le patriotisme de parti pour seule ligne de conduite et la conquête de postes pour seule ambition. Telle est la nouvelle devise du PS !
En 2007, lors de ces législatives, il commet une nouvelle tentative d’assassinat politique, à l’encontre cette fois de Jean Pierre Chevènement. Mais contrairement à 2004 où les putschistes avaient profité de la popularité et du bilan du président sortant pour se faire élire, l’attaque se déroule cette fois au grand jour et ne pourra réussir sans l’assentiment des citoyens.
Article fouillé mais en même temps pour les gens qui ne sont pas de Belfort, cela reste très "lointain" tout cela !
Rédigé par : Toréador | 02 juin 2007 à 10:59
Article extrêmement intéressant au plan local, au plan de l'attitude du PS, au plan de l'avenir du MoDem et au plan personnel pour le "ché".
Il ne faut quand même pas oublier que ces mini évènements vont se dérouler comme depuis 5 ans dans une assemblée nationale virtuelle, puisque incapable de jouer son rôle de censeur.... la centaine de députés de l'opposition n'étant là qu'en tant que chiens aboyant après le carrosse qui passe -au mieux- et plus généralement en tant potiches décoratives !
Budget annuel pour les potiches ?
Les journalistes politiques ne veulent t'ils tout simplement pas se priver d’un large sujet de discussion qui leur assure leur pitance ? Nous avons là, devant nos yeux, le type même de pantalonnade, qui sera décrite dans les livres d’histoire de nos enfants comme une période de «SIMULACRE DE DÉMOCRATIE AVEC LA COLLUSION DE LA PRESSE».
Une presse française veule et sans déontologie qui à -pratiquement seule en Europe- oublié le sens du vocable "Démocratie Parlementaire".
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 02 juin 2007 à 11:15
Il y a quand même des couacs des deux cotés
Si le PS a voulu favoriser le "Che" on aurait pu s'attendre de sa part à ce qu'il demande à Bruni Kern d'être son suppléant.
Il faut aussi comprendre que les militants PS locaux qui se voient "parachutés" par la rue de Solférino JP Chevènement montrent une certaine resistance.
C'est le pretexte pris par le candidat socialiste qui a perdu l'appui de son parti.
Cela n'enlève en rien la politique d'ouverture du PS mais souligne une maladresse du "candidat Chevènement" qui n'a pas cherché à faire une ouverture vers les militants.
Si on analyse les résultats du second tour des présidentielles, il sera difficile même avec la notoriété locale de chevènement de rattrapper le score importnt de la droite de Sarkozy.
Une union de la gauche aurait été indispensable.
Fasse qu'au second tour la gauche puisse gagner cette bataille.
Rédigé par : Constantin | 02 juin 2007 à 14:24
Il y a quand même des couacs des deux cotés
Si le PS a voulu favoriser le "Che" on aurait pu s'attendre de sa part à ce qu'il demande à Bruni Kern d'être son suppléant.
Il faut aussi comprendre que les militants PS locaux qui se voient "parachutés" par la rue de Solférino JP Chevènement montrent une certaine resistance.
C'est le pretexte pris par le candidat socialiste qui a perdu l'appui de son parti.
Cela n'enlève en rien la politique d'ouverture du PS mais souligne une maladresse du "candidat Chevènement" qui n'a pas cherché à faire une ouverture vers les militants.
Si on analyse les résultats du second tour des présidentielles, il sera difficile même avec la notoriété locale de chevènement de rattrapper le score importnt de la droite de Sarkozy.
Une union de la gauche aurait été indispensable.
Fasse qu'au second tour la gauche puisse gagner cette bataille.
Rédigé par : Constantin | 02 juin 2007 à 14:24
Intéressant. Mais Chevènement a aussi contribué à crédibiliser Ségolène. S'il perd tant pis pour lui. Il n'avait qu'à s'allier à Fabius ! Difficile de louer son intellect à lui et d'oublier qu'il l'a mis à son service, à elle. Ce n'est pas un crime, mais au minimum un mouvement étonnant.
Rédigé par : edgar | 02 juin 2007 à 22:15
Edgar,
Fabius, en voilà une nouvelle idée neuve qu'elle est bonne !
J'admire énormèment ct'homme là qu'est arrivé à coupler la politique économique d'avant les trente glorieuses avec l'assistanat le plus farnientogène... heureusement pour lui en lançant ses dès au sujet de l'Europe, ils sont retombés sur "NON" !
Le PS, à bien besoin d'idées modernes, comme celle là, pourquoi pas MAUROY ? Super Mauroy, je l'est entendu sur I>télé ya une paire de jours, bon il a un peu de mal à causer... Il n'est pas aussi comique que Fabius, mais bien repeint...
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 03 juin 2007 à 10:26
Habitant Belfort et fréquentant un certain nombre des personnes que vous citez, je trouve que vous n'êtes pas très objectif sur Christophe Grudler ! Je m'étonne encore que le MoDem l'ait soutenu alors même que l'une des personnes de sa garde rapprochée n'hésite pas à dire qu'il y a trop de "bougnoules" dans le centre-ville de Belfort, comparé à Beaune qui est la ville représentant le modèle de développement pour Belfort selon Grudler. Comme centriste, il se pose là ! Je pense que cet homme est dangereux. Son score aux législatives est une très bonne chose pour les idées de tolérance et d'ouverture qu'il ne semble pas défendre...
Rédigé par : Michelangelo | 12 juin 2007 à 12:56
Decidement...même mort , certains le voit tjs en vie !
Rédigé par : DREYFUS-SCHMIDT | 26 juin 2007 à 10:17
D'aucun... ou...le voient! (lapsus)
Rédigé par : DREYFUS-SCHMIDT | 26 juin 2007 à 10:21