La France officielle est, depuis le non au référendum, partagée entre la honte et l’embarras. La classe politique n’a voulu voir dans le rejet du TCE qu’un mouvement de mauvaise humeur électorale comme les français en sont coutumier, rejoignant en cela les autres pays d’Europe qui feignent de croire que le projet de constitution est toujours l’horizon de l’Union.
Les gouvernants qui sortiront des urnes devront pourtant un jour ou l’autre exprimer sur la scène européenne la voix du peuple français, la signification de son non et une proposition d’alternative.
Le sujet est si grave, que si notre démocratie fonctionnait correctement, l’avenir de l’Europe devrait être au cœur du débat présidentiel pour débattre des suites à donner à notre Non. Si tel n’est pas le cas, c’est d’abord en raison du piètre niveau de cette campagne qui à force de rivaliser de proximité s’est détournée des sujets de dimension historique. C’est aussi en raison de la complexité intrinsèque du sujet, du statut incertain du texte rejeté et de l’ambivalence du non.
On a beaucoup analysé le phénomène électoral, mais on n’a pas encore vraiment réfléchi aux conséquences politiques et juridiques qu’il devait entraîner sur l’avenir des institutions et du projet européen et sur les moyens de sortir de l’impasse dans laquelle il a mis l’Europe.
Ce travail est rendu encore un peu plus complexe par notre système politique qui a renvoyé les tenants du non aux extrêmes. Le référendum n’a malheureusement pas fait bougé les lignes politiques, ni à droite ni à gauche, ce génère un légitime sentiment de blues chez les nonistes. La précampagne n’a pas conduit à l’émergence d’un "grand" candidat qui aurait pu inscrire sa campagne dans la continuité de la campagne référendaire, ce qui oblige aujourd’hui les anciens tenants du oui à se faire l’expression du camp d’un non qu’ils n’ont ni jamais voulu, ni jamais vraiment compris.
Il est temps d’ouvrir la réflexion sur les suites politiques et juridiques à donner au non.
La signification du non
En préambule, je dois dire, au risque d’en surprendre certains, que j’ai voté oui au traité instituant une constitution pour l’Europe, suivant en cela les consignes d’Emmanuel Todd. A l’époque, je considérais que les tenants du non avaient politiquement raison mais juridiquement tort. Les principales critiques portaient en effet sur des dispositions existantes qui continueraient de s’appliquer malgré un rejet du TCE. Une approche juridique du texte consistait à n’y voir que ses éléments innovants, c'est-à-dire, les questions institutionnelles, notamment la création d’un ministre des affaires étrangères, une présidence du conseil beaucoup plus stable et de nouvelles règles de production du droit dérivé.
J’étais encore sous le coup de la révolution ukrainienne où l’Europe s’était laissée supplantée par l’OTAN et avait été incapable d’exprimer une position claire sur la vocation européenne de l’Ukraine. Il me semblait que l’embryon d’Europe politique que le TCE proposait, devait l’emporter sur toute autre considération et qu’elle était de nature à réduire l’influence des Etats-Unis sur la scène internationale.
Néanmoins, la large victoire du non m’a plutôt réjouis. Ma position personnelle de l’époque illustre toutes les ambiguïtés du non. Il apparaît donc nécessaire d’en dégager le sens afin de savoir ce qu’il est possible de reconstruire sur ses bases.
Le non s’est-il exprimé contre le pouvoir en place ?
La première interprétation est celui d’un vote exprimé par des considérations nationales, un non à Chirac et à Raffarin. Une fois la confiance retrouvée avec une nouvelle équipe gouvernementale, il serait alors possible de refaire voter les Français sur un nouveau texte.
Cette interprétation ne tient pas. En 1992 le pouvoir socialiste était déjà très contesté, néanmoins la France avait voté oui. En outre, l’importance et la qualité du débat qui avait eu lieu suffisent à établir que le vote s’est bien formé sur la question européenne.
Le non a t-il rejeté l’idée même de supranationalité ?
On peut également interpréter le non comme un non au principe même d’une constitution. C’est la position de Jean Pierre Chevènement quand il dit veut voir dans le terme de constitution, un embryon de création d’un Etat supranational et qu’il affirme que l’Europe, n’étant pas un peuple, doit être régie par des traités et non une constitution. Selon cette interprétation du non, il conviendrait d’abandonner tout idée de nouveau texte fondateur de nature constitutionnelle.
La différence entre traité institutionnel et constitution ne n’est qu’une question de pure sémantique pour les non juristes. Même si la clé du problème réside dans cette nuance (j’y reviens plus loin), il serait, à mon sens abusif de considérer que le non du 29 mai 2005 s’est cristallisé sur la notion de souveraineté ou de supranationalité.
Le non a t-il manifesté un refus de voir constitutionnaliser l’orientation libérale de l’Europe ?
Certains, comme Laurent Fabius, considéraient pendant la campagne qu’il ne fallait pas « graver dans le marbre de la constitution », les traités actuels, sous peine de condamner l’Europe à 30 ans de libéralisme. Selon cette interprétation, il serait donc possible de faire voter séparément un traité portant uniquement sur volet institutionnel. C’est la théorie du « traité simplifié ». C’est très certainement ce que le futur(e) président(e) cherchera à faire.
Cette position m’est toujours apparue inepte.
Dans l’ordre juridique interne, la constitution est placée à un niveau supérieur dans la hiérarchie des normes. Les lois (et en principe les traités ) doivent s’y conformer. La solennité de la constitution se traduit notamment par des règles de modifications plus contraignantes. La constitution exige une réunion du congrès et un vote aux deux tiers quand la loi est approuvée à la majorité simple de l’assemblée nationale.
Le TCE ne prévoyait rien de tel. Il n’instaurait aucune hiérarchie par rapport aux traités anciens. Il ne faisait que de reprendre l’ensemble des traités dans un texte unique, de la même manière qu’un code rassemble toutes les lois et règlements portant sur une même matière. L’appellation de constitution était donc en fait totalement usurpée. Le texte était « constitutionnel » par son objet, pas par sa nature. La reprise dans le TCE de dispositions contenues dans les anciens traités n’en aurait nullement renforcé la force juridique.
Le non a t-il rejeté un traité illisible et trop complexe ?
Les Français aurait rejeté un projet qu’ils ne le comprenaient pas, ce qui a entraîné chez eux un sentiment de dépossession face à un projet de nature technocratique. Le Non serait alors une conséquence d’un conflit de culture juridique. Pour nous, une constitution est un texte simple, court, et clair dans son objet comme dans les valeurs sur lesquelles il repose.
Selon cette interprétation, il serait possible de soumettre au peuple français un autre texte réécrit dans une langue plus accessible et plus synthétique, que ce soit dans son volet institutionnel, dans la définition des compétences de l’Union ou la description des politiques communes.
Cette interprétation n’est pas totalement dénuée de fondements. La réponse auquel elle conduit simplifie à l’excès le point d’achoppement. Poser la question de la forme revient en fait à poser la question, beaucoup plus délicate, de l’objet de cette constitution et de sa nature juridique.
Le non a t-il rejeté l’orientation du projet européen ?
C’est l’interprétation que je retiens. Le débat référendaire, en se focalisant sur les dispositions hérités de l’acte unique de Maastricht ou d’Amsterdam, la fameuse partie III, qui étaient en vigueur avant le TCE et qui subsistent malgré son refus, a, à mon sens, traduit un rejet de vingt ans de construction européenne. Les Français ont tourné le dos à une Europe en laquelle ils avaient placé beaucoup d’espoir avant de la soutenir par devoir. Ils ont cru à une France en grand, et se sont aperçu qu’elle n’était que l’avant garde de la mondialisation, avec pour seul projet, le développement de la concurrence et du marché. Il l’ont donc rejeté comme un enfant illégitime, dans un mouvement d’humeur procédant à la fois de l’amour déçu et d’un acte de rébellion contre le nouvel ordre économique mondial.
Il faut oser voir la réalité en face. Construire un débouché politique au non, sans trahir l’expression du peuple français, ne sera pas chose facile. Le 29 mai 2005, les Français ont allumé une bombe à retardement qui n’a pas encore explosé.
C’est pourquoi aucune réponse proposée par les candidats sérieux n’est aujourd’hui à la hauteur de la difficulté du problème, mais avant d’analyser les positions des différents candidats, il est nécessaire de faire un deuxième détour par une petite réflexion sur la nature de l’Europe et de ce doit être inclus dans une texte de nature constitutionnelle.
Les trois conceptions possible de l’Europe.
La conception des pères fondateurs, très bien décrite par Jean Pierre Chevènement dans « La faute de M Monnet », est arrivé au bout de sa logique. Elle visait à faire tomber les frontières et faire émerger un espace unifié sur le plan économique, avant peut-être de construire une unité politique. Elle a été rattrapée par la mondialisation et en a perdu toute identité et toute capacité d’action. La nouvelle Europe doit être pensée pour pouvoir agir à l’intérieur de ses frontières et dans la mondialisation .
Pour cela, il y a trois organisations possibles.
L’Europe fédérale :
La conception fédérale de l’Europe justifie des délégations de souveraineté dans les compétences que les Etats membres n’ont plus la capacité d’exercer utilement. Elle suppose l’existence d’un intérêt général européen et à la capacité de développer des politiques en ce sens au niveau communautaire. Selon cette conception de l’Europe, son traité institutionnel devrait se contenter de définir, ses compétences, son mode de gouvernance et les moyens d’un contrôle démocratique effectif.
Cependant, l’Europe s’est toujours avérée incapable d’organiser un vrai contrôle démocratique de son action, il est à craindre qu’elle ne saura jamais le faire. L’Europe est une aire de civilisation, pas une nation. Elle est dépourvue d’espace public qui pourrait permettre l’émergence d’un débat public européen. Faute de réelle démocratie, l’Europe a été conduite par une élite, enfermée dans une idéologie de la compétition mondiale et de la norme, qui s’est progressivement coupé des peuples.
Les faits ont sanctionné cette conception fédérale de l’Europe sensée dégager par son fonctionnement un «’intérêt général européen ». L’Europe est devenue non seulement impuissante, mais le plus souvent contre-productive. Depuis le 29 mai 2005, il est désormais impossible de poursuivre dans cette voie. Accepter toutes choses égales par ailleurs, une réforme des institutions qui rendrait l’Europe plus efficace, risquerait d’engendrer une fuite en avant. Ce serait donner un chèque en blanc a des institutions qui ont échoué..
L’Europe mandataire
L’Europe mandaire se distingue de l’Europe supra nationale en ce que les transfert de souveraineté sont assortis d’un cadre politique quand à leur exercice futur. C’est ainsi que la politique monétaire a été assortie d’un objectif de rigueur budgétaire et de lutte contre l’inflation, ou que la politique commerciale s’est vue assigner un objectif de libéralisation des échanges, à l’intérieure de l’Union et entre l’union et les pays tiers.
Cette Europe là, a également été rejetée le 29 Mai, non pas dans son principe même, mais dans les orientations qui ont été gravée dans les traités. Les Français se sont rendus compte qu’il n’étaient pas, ou qu’ils n’étaient plus d’accord, avec ce qu’ils avaient accepté dans le passé, avec ou ce que leurs gouvernants leur avaient fait accepter à force d’idéologie européïste et de pressions moralisatrices.
L’Europe intergouvernementale :
Cette conception s’oppose au principe même de toute délégation permanente de compétences à une institution supranationale Celles-ci ne sont acceptées que dans le cadre de traités multilatéraux, entre Etats, instituant des délégations conditionnées par une exigence de réciprocité, limitées dans le temps et toujours révocables.
C’est la conception que privilégient la plupart des tenants du non, et qui fait horreur aux « vrais européens » qui l’analysent comme un recul, voire une négation de l’idée européenne. Pour les souverainistes, elle est l’aternative à privilégier.
Analysons désormais les réponses proposées par les principaux candidats au défi du non français.
Les réponses des candidats.
Sarkozy et le traité simplifié
Sarkozy a parfaitement compris, le problème. Dans un de ses magnifiques discours écrit par Henri Guaino. Le 21 février à Strasbourg, le candidat UMP a bien rendu l’orientation récente de l’Europe responsable du non :
C’est la crise de l’Europe qui est responsable du rejet de la Constitution.
Cette crise n’est pas néerlandaise ou française. Elle est européenne.
Cette crise n’est pas conjoncturelle. Elle vient de loin.
Cette crise n’est pas institutionnelle. Elle est politique, elle est morale, elle est culturelle.
Cette crise est une crise de la civilisation européenne.
Après avoir été si longtemps le moyen de résoudre la crise de la conscience européenne confrontée aux crimes inouïs qu’elle avait laissés commettre, la construction européenne en est devenu le facteur aggravant.(…)D’où vient ce sentiment sinon d’un abandon des principes fondamentaux de la construction européenne. Dans l’esprit des pères fondateurs il s’agissait de produire ensemble, d’inventer ensemble, de travailler ensemble, de vivre ensemble. Qu’en reste-t-il dans une Europe qui ne voudrait parler de rien d’autre que de la concurrence, du libre-échange et de la force de sa monnaie ? (…) Les Français ont dit non à la Constitution européenne parce qu’ils avaient le sentiment que l’Europe ne les protégeait plus et qu’elle faisait d’eux non des acteurs mais des victimes de la mondialisation.
Je pourrais multiplier les extraits de ce discours qui frise la perfection. Parfait, sur l’analyse du sens du non. Parfait dans les orientations qu’il décrit pour la refonte du projet européen,
La conséquence de ce qui s’est passé c’est qu’avant de refonder politiquement l’Europe nous devons la refonder économiquement et socialement. Dans la situation actuelle, l’ambition de tous les Européens qui veulent l’accomplissement du rêve européen devrait être de redéfinir les principes et les règles de l’union économique et monétaire en les inscrivant dans cette dimension humaniste et sociale qui fait aujourd’hui tant défaut à l’Europe. La priorité doit désormais être donné à la croissance, à l'emploi, à la stratégie industrielle et disons le tout net, à la protection de nos intérêts. (…)Si je suis élu, je proposerai à nos partenaires d’assigner comme missions à la zone euro la moralisation du capitalisme financier et la promotion d’une économie de production contre une économie de spéculation et de rente
Mais, comme souvent chez Sarkozy, le discours et parfait jusqu’à ce qu’il en arrive à ses propositions concrètes. Pour Sarkozy, la refonte institutionnelle est un préalable à la refondation de son projet.
Pour que cette refondation s’accomplisse, encore faut-il sortir du blocage politique actuel. Car l’Europe est bloquée. Elle est bloquée institutionnellement parce qu’il y a trop de pays pour que l’unanimité puisse fonctionner et parce que les intérêts sont de plus en plus divergents. Elle est bloquée parce que dans beaucoup de pays les peuples ne suivent plus et parce qu’aucun Etat n’a désormais de force d’entraînement suffisante.
Débloquer l’Europe institutionnellement, telle est à mes yeux la priorité absolue si nous ne voulons pas que très vite l’Union ne se transforme en une simple zone de libre-échange où viendront s’affronter les spéculateurs et les prédateurs du monde entier.Débloquer l’Europe institutionnellement, ce sera le sens de ma première initiative européenne si je suis élu. Dans ce but je proposerai à nos partenaires de nous mettre d’accord sur un traité simplifié qui reprendra les dispositions du projet de traité constitutionnel nécessaires pour que l’Europe puisse se remettre en marche qui n’ont pas suscité de désaccord majeur durant la campagne référendaire.
Ce traité simplifié, de nature institutionnelle, sera soumis pour ratification au Parlement. Il permettra de faire en sorte que nous puissions de nouveau parler ensemble, décider ensemble, construire ensemble
Je ne hurlerais pas comme Nicolas Dupont Aignan au déni de démocratie, car Sarkozy a manifestement fait l’effort d’entendre et de comprendre le message du 29 mai. La position de Sarkozy est stratégique. Elle consiste à faire de la réintégration de la France dans le concert des nations européennes un préalable à toute discussion sur la refondation de son projet.
La position est cependant très discutable sur le plan politique et juridique. Il ne me semble pas possible de revoir les institutions, sans revisiter dans le même temps les traités sur les politiques communes. On peut accepter l’idée que l’élection de Sarkozy permettra d’effacer le rejet populaire de 2005 sur l’orientation européenne, le peuple lui confiant à l’occasion de son élection un mandat pour réorienter l’Europe dans le sens qu’il propose. Admettons. La question du vote d’un nouveau texte par référendum ou par le parlement n’est pas le vrai sujet de débat.
En revanche, les nouvelles institutions, même très efficaces et très démocratiques, ne permettront pas revenir sur les dispositions contestées des anciens traités. La refondation du projet européen exigera soit de gommer tout mandat prescrivant le sens des politiques communes, pour s’en remettre au jeu politique dans le cadre de règles de majorité qualifiée et de contrôle démocratique, soit de les corriger dans le sens voulu. Dans un cas, comme dans l’autre, cela exige de toucher aux traités anciens, la fameuse partie III.
Le projet Sarkozy sans le dire explicitement, tend à mettre en place une organisation de nature réellement fédérale, une vraie constitution qui ravalerait les anciens traités au rang de simples lois. Les institutions pourraient ainsi à la majorité qualifié revenir sur des dispositions ayant valeur de traités et qui nécessitent aujourd’hui l’unanimité des Etats. Sauf erreur de ma part, le projet de constitution européenne ne permettait pas cela. La position se Sarkozy est donc marquée par une certaine escroquerie intellectuelle. Elle a néanmoins le mérite de la cohérence de tracer un chemin.
François Bayrou et son « traité simple et lisible »
Bayrou ne tombe pas dans le même écueil. Il ne distingue pas aussi nettement la question des institutions et du projet. Le projet européen, François Bayrou ne le remet pas en cause. L’explication qu’il donné au non lors de son discours du 12 février à Strasbourg était tout simplement « l’illisibilité » du traité.
« Je m'empresse de dire que l'inspiration du texte de la Constitution européenne était juste. Elle était : puisqu'on doit prendre de grandes décisions en Europe, il faut que les citoyens les acceptent par l'organisation d'une démocratie européenne ou d'une démocratie organisée pour l'Europe. Cette inspiration était juste, mais on a donné un texte qui était proprement, simplement et complètement illisible. »
La relance de l’Europe pour François Bayrou passe par d’une part par un nouveau traité « simple et lisible » qui sera soumis à référendum en même temps que les élections européennes de 2009, et le lancement de nouvelles politiques communes en matière d’économie et de diplomatie, de défense, de climat et de biodiversité, d’énergie, d’immigration et de co-développement, de recherche.
François Bayrou a donc choisi d’éviter la difficulté et de faire l’impasse sur le rejet dont a fait l’objet l’orientation de la construction européenne le 29 mai 2005. Là, on peut parler de déni de démocratie ! Sa stratégie n’est pas de refonder le sens de la construction européenne. Elle est de la relancer.
Sa position sur le nouveau traité semble assez peu crédible. Il sera bien difficile de dire à nos partenaires que la France n’a pas rejeté le fond du TCE mais sa forme du TCE, et qu’il faudra reprendre à zéro les deux à trois ans de travail qui ont permis l’élaboration du texte. Et sur quelle bases ?
François Bayrou développe par ailleurs une autre idée, plus intéressante, que j’aimerais développer ultérieurement, de distinction d’une Europe large – l’Europe juridique – et d’une Europe plus intégrée avec moins de pays – l’Europe politique.
Ségolène Royal et ses vœux pieux
Comme toujours, il est difficile de trouver chez la candidate socialistes des analyses réfléchies et des propositions claires qui vont au delà de l’incantation. Je n’ai pas trouvé chez elle, de grand discours sur ce sujet essentiel. Peut-être viendra t-il, si elle trouve enfin une plume pour lui écrire des textes.
Son pacte présidentiel, dans sa proposition. « Négocier un traité institutionnel soumis à référendum pour que l’Europe fonctionne de manière plus démocratique et plus efficace. » , soit exactement ce qu’on aurait pu dire il y a 10 ans avant le non.
Le 24 février dernier, dans un discours à Rouen elle a tout de même parlé un peu d’Europe, pour développer quelques critiques sur le contenu des politiques européenne. Elle n’y évoque ni les causes du non, ni la manière d’y répondre. Seulement quelques intéressantes généralités.
L’Europe reste la grande ambition du 21e siècle, mais je sais que vous ne voulez pas n’importe quelle Europe. Vous l’avez dit. Je ne veux pas d’une Europe qui ne serait qu’une zone de libre échange adossée à l’OTAN. Je ne veux pas d’une Europe de tous contre tous, où le dumping fiscal et social remplace la solidarité, et dans laquelle la concurrence sert de projet de société. L'Europe que nous voulons doit élever le niveau de tous les pays et de chaque individu, et non pas les abaisser. C’est pourquoi l'Europe doit se fixer comme objectif une croissance dynamique et créatrice d’emplois et qui réduit les inégalités. Nous relancerons les politiques communes sur les enjeux majeurs que nous affrontons, en Europe comme en France. La croissance résultera de l’investissement dans la recherche, dans l’innovation, dans l’environnement, dans les transports.
Il est toutefois bien difficile de trouver dans ses discours ou interventions des éléments concrets sur la question institutionnelles et des suites à donner au non Français. Son site ne fait état que de cette déclaration formulée le 11 octobre 2006 lors d’une conférence de presse « L’Europe par la preuve ».
« Le traité est caduc. Une réforme institutionnelle permettant à l’Europe de fonctionner à 27 est nécessaire. Chacun sait bien, toutefois, que ni les Français ni les Néerlandais ne revoteront sur le traité constitutionnel (…). L’idéal serait : réussir l’Europe par la preuve, (puis lancer) un débat sur les objectifs de l’Europe sous présidence allemande (…). La présidence française lancerait une convention chargée de rédiger le texte de la réforme institutionnelle qui serait présenté aux peuples, le même jour, suivant la procédure que chaque pays aura choisie. »
La pensée de Ségolène Royal se limite donc à ceci « Le texte a été rejeté. Il en fait un autre ». Sur quelle base rédiger le texte institutionnel ? Comment articuler la réforme institutionnelle et les corrections qu’elle propose sur les politiques communes (harmonisation fiscale, rôle de la BCE, principes de la politique commerciale) ? Va t-on faire voter un texte strictement institutionnel comme Sarkozy le propose ou une nouvelle constitution globale comme Bayrou le propose ? Cela Ségolène Royal ne le sait pas. Ses débats participatifs ne lui en ont probablement pas parlé …
En conclusion : Comment sortir de l’impasse institutionnelle ?
Quand je me suis lancé dans ce texte, je n’avais pas les idées très claires sur le sujet. J’espère que ces analyses vous ont permis d’y voir un peu plus clair.
En ce qui me concerne, j’en tire deux conclusions :
Il n’est ni souhaitable ni politiquement ni juridiquement de séparer le volet institutionnel des politiques communes. Pour rester fidèle à la voix exprimée le 29 mai 2005, le vote du nouveau traité doit être l’occasion de revoir la définition de l’orientation de certaines politiques communes, notamment en matière commerciale et monétaire. La France doit conditionner toute nouvelle avancée institutionnelle à l’ouverture d’une discussion sur le projet européen.
Afin d’éviter une nouvelle fois le piège d’un texte trop dense et trop confus, il serait bon , cette fois, de lui donner une valeur supérieure aux anciens traités. La constitution deviendrait ainsi le seul texte avec un rang de traité (modifiable à l’unanimité des Etats), les anciens traités étant ainsi ramenés au rang de lois européennes modifiables selon les dispositions prévues par la constitution.
La constitution déterminerait les champs de compétence de l’union ainsi que leur modalités d’exercice (gouvernance et contrôle démocratique) mais aussi de quelques principes directeurs sur le contenu des politiques à conduire afin de donner des garanties aux peuples avant de transférer ou confirmer leur délégations de compétences.
En vertu de cette nouvelle hiérarchie de normes, cette nouvelle constitution rendrait caducs les dispositions des traités anciens désormais contraires aux principes directeurs de la constitution. Elle permettrait en outre au conseil de modifier les dispositions compatibles des anciens traités à la majorité simple. Elle rendrait nécessaire une modification de la constitution pour toute nouvelle délégation de compétence ou pour toute révision de l’orientations définies pour leurs exercice.
j'ai voté NON au référendum de 2005, et ce pour plusieurs raisons :
1) ce texte était illisble, incompréhensible, aussi bien sur la forme que sur le fond (à moins d'être sorti de l'Ena, et encore…)
2) le texte nous vantait le libre-échange économique comme étant la panacée universelle pour créer des emplois et sauver nos industries et nos services, ce qui est faux !
3) le citoyen que je suis attendait des avancées politiques majeures (création d'une armée européenne par exemple) et non un traité nous parlant d'économie
4) j'ai toujours cru (peut-être suis-je naïf) que la fonction première d'un état était de protéger le plus faible des griffes des plus forts. Je n'avais pas l'impression que l'Europe qui transparaissait à travers le traité proposé nous entraînait sur ce chemin de la solidarité inter-états.
Les Français se sont exprimés, et n'en déplaise aux partisans du OUI, ils ne sont ni des veaux, ni des gogos à qui on pourrait faire avaler multitudes de couleuvres.
J'ai l'impression que les Français ne veulent pas moins d'Europe, bien au contraire. Ils veulent une Europe solidaire et innovante : solidaire entre les états, entre les salariés, entre les cotoyens ; innovante dans ses institutions, dans ses pratiques démocratiques, dans ses choix de société.
Rédigé par : olivier | 04 mars 2007 à 21:41
Pour ma part, je suis hostile à définir le contenu des politiques (fusse sous forme de lignes directrices) dans un texte de valeur juridique supérieure : celui doit s'en tenir à la répartition des pouvoirs. L'énoncé de grands principes dans un préambule constituent déjà un maximum.
C'est là qu'a péché Giscard : en faisant miroiter des "avancées" institutionnelles de caractère constitutionnel à condition qu'on accepte de voter une deuxième fois des règles que pour leur part les Français, déjà réticents, s'étaient retenus de rejeter en 1992 uniquement pour ne pas freiner la construction européenne (scrupule dont ils ont été récompensés par l'absence de toute initiative en direction de l'Europe sociale promise par Delors).
Or avec plus de 12 de recul, les Français avaient pu constater en 2005 'avancement "sélectif" de la construction européenne.
Sur l'empêchement de construire l'Europe sociale avec le TCE, voir les articles 209 (émouvant et magnifique exposé des motifs), 210 et 211 (la réalité = empêchement de droit ou de fait de toute loi tendant à l'harmonisation en matière de rémunération, retraite, droit de grève, représentation des salariés, assurance chomage, etc.).
L'absence de volonté des gouvernements de centre gauche, pourtant en position de force exceptionnelle, de rendre la construction européenne plus neutre à un moment où son besoin se faisait sentir de plus en plus, a pesé lourd dans leur discrédit. C'est normal : à l'heure du bilan, on évalue les actes et les absences d'actes.
Je ne crois pas qu'il sera si difficile de renégocier un traité institutionnel. Le TCE a été mal voté : en Espagne, la part des OUI par rapport aux inscrits a été encore plus faible qu'en France ; les Luxembourgeois, autres grands bénéficiaires de l'UE, ont ratifié à une faible majorité ; les Britanniques, les Polonais, les Tchèques, les Danois, les Suédois ont été interdits de se prononcer.
Mais après tout, faut-il réellement un nouveau traité ? Ceux qui ont accepté l'entrée en 2004 des Dix nouveaux états membres devaient penser que non, puisqu'ils n'avaient mis en place au préalable ni nouvelles règles institutionnelles ni nouveaux moyens budgétaires, démontrant leur confiance dans les institutions du Traité de Nice!
Rédigé par : Playtime | 07 mars 2007 à 00:14
Si il y a un article succeptible de faire réagir c'est bien celui la.
Je n'ai pas le temps de développer le fond de ma pensée, mais je voudrais mettre en parallèle cet article et les dernières déclarations de Chirac.
Il est de bon ton en cette fin de mandat, de règne, d'être indulgent avec le président, je ne le serais pas.
Chirac a été s'excuser devant les défenseurs de la constitution, il a regretté le vote des français, et s'est excusé de ne pas avoir fait triompher le OUI.
Je ne sais pas si les observateurs se rendent compte de l'énormité de la chose.
le président de tous les français réfute le choix clairement exprimé du peuple, le dénonce, le condamne, s'en excuse....
C'est du pur délire, pour moi cela relève du crime de haute trahison.
C'est une honte, une tache indélébile de plus sur la carrière de cet homme politique, qui ne laissera ds l'histoire aucun aspect positif.
Même la position sur la seconde guerre d'Irak est le résultat d'un positionement opportuniste, reprenez les déclarations des hts responsables français avant la guerre, ils ont soufflé le froid et la chaud alternativement et se sont fixés là ou le peuple se trouvait fort heuresement par opportunisme.
Chirac s'excusant du vote des français à bruxzelles cela vaut Sarkosy s'excusant de l'arrogance française à Washington.
De plus qd on se réclamme du Gaullisme on démissione qd on se prend un tel désavoeu de la part du peuple, ou au minimum on en tient compte ds l'action politique qui suit, mais non rien, Chirac c'est cela, il se fout de la France et de son peuple depuis tjs ce qui l'interresse c'est le pouvoir et ses pts délices, délices qui lui auront bien profité tout le monde le sait.
Concernant l'avenir de la construction européenne, je n'ai pas le temps de développer ma vision, mais ce qui est sur et certain c'est que le peuple européen au jour d'aujourd'hui est une chimère.
Pas de peuple: pas de constitution!
les choses peuvent certes avancer mais c'est trop tot, on ne met pas la charrue avant les boeux.
Concernant les candidats à la présidentielle, le constat est simple.
Bayrou et Sarkosy nous refilent le TCE tel quel ou édulcoré, avec le vote du parlement, on reconnaitra bien là les grds démocrates.
Royal, se prononce pour un traité institutionnel (pas constitutionnel, et ne vous en déplaise, c'est la clef fondamentale) soumis à référendum.
Ce qui est terrible avec la campagne présidentielle et la monté de Bayrou c'est ce décallage entre le peuple, le vrai, pas les bobos planqués et oui ouistes qui c'est normal se retrouvent derrière Bayrou, et les vrais enjeux.
Tous ils nous saoulent de belles paroles, et ségolène n'a pas l'exclusivité, nous risquons de nous réveiller, et surtout les abusés (je pèse ce mot) qui auront voter Bayrou avec une gueule de bois mémorable.
Rédigé par : chavinier | 10 mars 2007 à 09:45
Je suis tout à fait d'accord avec toi sur les dernières déclarations de Chirac. Il se serait grandit s'il avait proposé à Bruxelles une interprétation positive du non français. C'était pourtant facile, d'autant qu'il est coutûmier des propos violemment anti-libéraux.
En ce qui concerne, le débat institution / constitution, c'est effectivement la noeud du problème, et il faut qu'on en débatte. Ici, ou plus tard ...
Je te suis tout à fait dans ton propos "pas de peuple, pas de constitution". Cependant, la question c'est comment on pourra nettoyer les anciens traités de leurs dispositions libérales et libre échangistes sans avoir besoin de l'unanimité. Je ne vois pas d'autre solution qu'un texte ayant une valeur supérieure aux traités(pour ne pas parler de constitution) et qui permettrait de modifier ces dispositions à la majorité qualifiée.
Fabius avait 100 % faux quant il disait qu'il ne fallait pas graver dans le marbre l'orientation libérale de l'Europe car c'est déjà le cas. La question c'est comment on en sort ? La question me semble toujours sans réponse. Malheureusement, aucun des tenants du non n'a su jusqu'ici faire de propositions en ce sens.
Rédigé par : Malakine | 10 mars 2007 à 16:13
Pour répondre à malakine.
Comment donner une suite positive au non?
A mon avis, le noeud du problème, c'est que la construction européenne prétend mettre ensemble, couler ds un même moule, des peuples, des Etats qui ont des histoires, des valeurs, des modèles sociaux, économiques si différents que ceux ci peuvent se réveller antagonistes.
La pologne fait de ses racines catholiques un de ses fondements et c'est bien compréhensible au vu de la terrible histoire de ce pays coincé entre deux monstres hostiles qui voulait sa peau (Prusse, Russie, Malakine ne m'en voudra j'espère pas de parler de monstre à propos de la Russie, qui lui est semble t'il chère), cela est incompatible avec une vision laique républicaine à la française? Non!
Le royaume uni a tjs été d'essence économique libérale; l'Allemagne a elle développé un modèle sociale spécifique.
La France a fait de l'Etat un acteur économique et social essentiel, pour des raisons bien compréhensibles les anciens satellites de l'est se méffient de l'Etat.
On pourrait multiplier les exemples à l'infini.
Je me sens Français d'ascendance argentine avant de me sentir européen.
L'écrasante majorité des europées partage un même sentiment national.
Aux USA on se sent états uniens avant de se sentir californien ou montanien ou névadien.
On ne peut que déboucher sur un échec et un rejet à mettre ensemble, de façon forcée en plus, des peuples différents et pas prèts pour cela.
Alors la solution c'est la géométrie variable, concept que JP Chevènement a, je le pense, assez bien défini et présenté ds ses ouvrages, pour l'Europe, voter NON, Défis républicains et la faute de monsieur Monnet.
En clair des intégrations plus ou moins fortes, développées et à des vitesses variables avec possibilité de revenir en arrière.
Les traités actuels sont ds le mur, il faut donc les renégocier, point barre, nul besoin de faire cela tous ensembles.
Regardons la forme que prend la construction d'une intégration latino américaine comme le Mercosur depuis que le Vénézuéla l'a rejoint, il y a là je pense matière à réflexion.
Comme je l'utilise souvent j'ai une image pour décrire la stupidité de la construction européenne actuelle: on a mis sur un même circuit des formules 1, des sports protos, des voitures de rallyes, des vélo, des brouettes et on prétend faire courir tout ça ensemble... le carambolage est inévitable!
Rédigé par : chavinier | 11 mars 2007 à 10:59
Mais pour renégocier les traités, il faut soit se mettre d'accord pour les annuler, soit adopter ensemble un texte cadre qui redéfinierait le projet européen et permettrait ensuite de modifier les anciens traités à la majorité qualifié.
Sarkozy n'a pas tord quand il dit que l'unanimité empêche de revenir sur les dispositions existantes.
Sur l'identité européenne, oui, tu as raison. Tes arguments sont recevables. Il y a des différences de cultures nationales qui ne peuvent pas être gommées. Néanmoins il y a quelque chose qui nous rassemble.
Quand je regarde un film américain, quand je discute avec une russe, quand je vois ce qui se passe dans le monde arabe ou que je vois les modifications que l'émergence de la chine entraîne sur le monde, je me sens européen et j'ai envie que ce continent se structure pour affirmer ses valeurs communes.
L'avis de Yann manque sur cette question ...
Rédigé par : malakine | 11 mars 2007 à 12:51