Faut-il vraiment qu’on ait une piètre opinion de la candidate socialiste pour avoir vu un mieux dans son discours de lancement de campagne et ses 100 propositions. Après analyse, tout cela reste bien inconsistant. Les commentaires qui ont accompagné le lancement de campagne de Ségolène Royal, sur ce site et ailleurs, convergent tous dans une critique d’absence de lignes directrices. Le Figaro n’a pas trop ce matin de qualifier le programme « d’attrape tout ». Yann et Franc-tireur ont eu tout à fait raison de souligner l’absence de priorités politiques et de déceler dans son discours un caractère clientéliste, qui vise en donner à chacun pour son (?) argent.
Le plus grave pour le PS et la Gauche, c’est que cela ne marche pas. Après avoir écouté attentivement les deux heures de discours de la candidate, et après avoir lu les 100 propositions des cahiers de doléances participatifs, il faut bien reconnaître qu’il n’en reste pas grand-chose.
Je plains les socialistes qui vont devoir faire campagne et porter la bonne parole sur les marchés !
Il y a deux manières de construire un discours, un rapport ou un plan. Soit, on part des idées, des enjeux, des problématiques, de la question posée, et on construit en fonction de ce que l’on doit dire. Pour les sujets politiques, cette méthode aboutit à un plan classique : Commencer par le diagnostic et les enjeux, en déduire quelques grandes orientations avant de décliner en diverses propositions de mesures, le tout construit avec un plan aux phrases percutantes annonçant clairement le sens de ce qui suit.
L’autre méthode consiste à partir de ce que l’on a à dire, et à classer ensuite ces éléments dans un plan. Cette technique, souvent appliquée par les étudiants, est d’un abord qui semble plus accessible, mais infiniment plus casse gueule. Souvent le plan est déséquilibré. On s’aperçoit qu’on n'a finalement pas grand-chose à dire dans le B du grand II, et surtout, on fait sans s’en rendre compte graves impasses, quand on n’est pas carrément sorti du sujet. Le plan est généralement fade et plat, où l’intitulé des partie ne peut faire autre chose que d’annoncer le thème traité.
Malheureusement, c’est la deuxième méthode qui a été utilisé par les socialistes pour faire leur programme. La démarche participative consiste à partir de la matière et non de la structure, en recueillant dans la population toute une série de demandes. C’est la même démarche qui est utilisée dans ces émissions de télévision où l’on donne la parole au public. La petite vieille pose la question du niveau de sa retraite. L’homosexuel interroge le politique sur sa position sur l’homoparentalité. La mère de famille qui a peur du collège en ZEP de son quartier pose la question de la carte scolaire … On ressort de ces émissions avec une bizarre impression de politique au ras des pâquerettes et avec la sensation désagréable qu’on est passé à coté des vrais sujets.
C’est selon cette démarche que les 100 propositions de la candidate socialiste ont été élaborées. Structurée dans des parties aux intitulés creux (la présidente de la sécurité sociale, du travail pour tous, de la république nouvelle), le programme rassemble des propositions hétérogènes. Les mesures concrètes sont juxtaposées à coté de pures intentions (réaffirmer, soutenir, défendre …), de vœux pieux (apprendre aux enfants la civilité) et même de sujet de réflexion (ouvrir des négociations, voter une loi, réformer …), dont la plupart ne relèvent même pas de la compétence de l’Etat.
On cherche en vain l’analyse du parti socialiste des grands, son projet de société et sa vision de l’avenir. On a même peine à identifier de thème structurant, de slogans ou même de mesures emblématiques.
La démarche participative montre ses limites. Je crains pour les socialistes qu’elle ne soit d’ailleurs une erreur fatale qui ne l’empêche carrément de pouvoir faire campagne. Cette méthode participative était une erreur pour trois raisons au minimum.
Ségolène Royal a cru voir dans la démarche participative une réponse à la crise du politique. Les gens, lassés des discours politiques venant d’en haut, professés par la suffisance de la « France qui sait », voulaient de la proximité et qu’on leur donne la parole.
Depuis le début de la campagne j’écris que c’est une erreur absolue. Le rejet de la classe politique au motif qu’ « ils ne s’occupent pas de nos problèmes », ne doit pas être analysé comme volonté rompre avec la démocratie représentative et de ramener le discours au niveau de leurs préoccupations quotidiennes. Il faut savoir voir le désir frustré qui se cache derrière toute déception. Les Français rejettent leur classe politique parce qu’elle s’est avérée depuis deux décennies incapable de proposer une vraie lecture des problèmes, une vision d’avenir et des réponses aux maux dont souffre le pays. L’attente d’une idéologie qui ferait sens est bien plus importante que l’attente de proximité !
La démocratie participative a également été conçue comme une échappatoire face à l’impasse idéologique du parti socialiste. Ce parti, n’a jamais fait l’effort de comprendre, ou de tirer les conclusions, de la débâcle de 1993, ni celle de 2002, ni même de 2005 avec l’échec du référendum. Il n’a jamais compris pourquoi il avait perdu les classes populaires et pourquoi les Français ont finit par rejeter l’Europe, qu’il lui avait vendu comme seul horizon depuis 1984. Il s’est mis à faire parler les français tout simplement parce qu’il n’avait rien à dire dans cette campagne
Depuis 10 ans le seul discours audible que les Français ont entendu, c’est celui de la Droite, l’adaptation récessive à la modernité. « Nous n’avons plus les moyens de financer les retraites. Il faut réduire l’assurance maladie. On ne peut plus se permettre de conserver la sécurité offerte par le CDI … »
Depuis 10 ans, la Gauche ne fait que promettre toujours plus de dépenses publiques pour corriger tous les dysfonctionnements du système. Aujourd’hui, les Français ont compris que la dette étranglait l’Etat et que cela ne pouvait plus fonctionner. Cette contradiction était éclatante dans le discours de Ségolène Royal. Elle a commencé par rappeler l’état préoccupant des finances publiques, pour ensuite répondre à tous les problèmes par une augmentation de moyens, par la création de métiers ou d’emploi nouveaux et par la création d’allocations. Elle a elle-même totalement délégitimé tout son discours dès son préambule.
Enfin, la démocratie participative, renforce la crise d’identité « post-moderne » de la société française. Le pays s’est éclaté en individus, corporations, et groupes de pression, au détriment de tout horizon collectif. Depuis 15 ans, La politique a constitué à répondre ponctuellement aux diverses revendications catégorielles à mesure qu’elles se manifestaient. Il en a résulté une vision de l’Etat, qui a réponse à tout, qui doit répondre à tous les problèmes, qui est assis sur un tas d’or et qu’il n’y a qu’à « débloquer » des crédits pour apaiser toutes les crises et les tensions.
Cette privatisation de la politique a été un facteur important d’explosion de la dette publique, chacun estimant détenir une créance à l’égard de l’Etat, mais bien au-delà, il me semble qu’elle a plongé la société française dans une profonde crise d’identité.
La France est une Nation éminemment politique. Son « vivre ensemble » tient beaucoup plus au projet politique qui lui est proposé, qu’à une unité culturelle ou ethnique. Aussi, lorsque les gouvernants commencent à s’adresser séparément à différents segments de la société pour répondre à leurs intérêts individuels, la nation ne peut qu’exploser.
Encore une fois, il faut voir le désir frustré derrière la colère ou l’angoisse. Cela peut se discuter, mais je suis persuadé que cette pratique corporatiste ne correspond pas au tempérament national, et qu’au fond d’elle, la France désire, plus que tout, qu’on lui reparle en tant que Nation, qu’on lui trace un projet collectif, et qu’on redonne du sens au « vivre ensemble » par la définition d’un modèle de société pour aujourd’hui et pour demain.
Si vous parlez aux français, ils vont forcément vous dire « Et moi, et moi et moi … Pourtant, rien ne dit qu’ils n’attendent pas autre chose. La politique, ce n’est pas que de délivrer des subsides. C’est aussi donner du sens et construire une mystique. Un citoyen, ne se résume pas à un consommateur et à un contribuable. Ce discours d’ensemble qui manque cruellement à gauche, jamais on ne l’entendra formulé tel du prêt à penser dans un débat participatif.
La méthode participative est de ce point de vue l’antithèse de l’expression d’un projet collectif. Elle n’est que l’agrégat de revendications individuelles. Il y en a pour tout le monde, pour les jeunes, les vieux, les Pme, les femmes battues, les mères d’élèves, les profs, les smicards, les locataires, les élus locaux … Le programme de Ségolène a juste oublié de parler aux citoyens.
mon cher malakine j'aime bien votre sens de l'analyse votre érudition votre esprit critique.vous travaillez dans la fonction publique,moi aussi,mais nous devons pas être dans la même hiérarchie;je ne suis qu'un simple agent de maîtrise issue du monde ouvrier je ne possède pas votre maîtrise de l'écriture et je le regrette;néanmoins je crois que vous vous écoutez parler ou plutôt écrire plus exactement. vous nous "noyez" sous de fines analyses intellectuelles et des démonstrations fumeuses pour nous démontrer ce que pensent les français "moyens".mais en fait vous les connaissez peu;ou bien ce ne sont pas les mêmes que je côtoie,dommage.la nation ,la grandeur de l'état,l'image de la France,le projet collectif,la rupture avec les politiques,la vision européenne,n'intéressent que ceux qui on les moyens financiers et intellectuels qui leurs permettent la sérénité de l'esprit.les autres cherchent comment payer la caution du loyer de leur enfant étudiant,savoir si celui-ci trouvera un travail et si il aura une vie heureuse,se terminant avec l'aide d'une retraite decente.ils se demandent aussi comment ils vont finir leur fin de mois et si le suivant ils travailleront encore.non, je ne suis pas gauchiste ni révolutionnaire;un simple socialiste modéré sans beaucoup d'illusions sur nos politiciens mais qui est quand même content q'un candidat(e) ait un peu tenu compte des vrais préoccupations de certains citoyens.vivre c'est déjà pas si mal;sans la pression d'un monde de plus en plus dur et de plus en plus inégalitaire et peut-être est-ce la , dans la vie de tous les jours le seul domaine ou l'homme politique actuel a encore quelques prerogatives.amicalement jbb
Rédigé par : jb boyer | 13 février 2007 à 02:09
@jbb
Je vous remercie de votre commentaire. Les critiques m'intéressent plus que les compliments, surtout lorsqu'elles sont assez pertinentes, comme en l'espèce ;-)
Vous avez raison d'intervenir, même si vous estimez ne pas maîtriser l'écrit. Vous voyez, il n'est nul besoin de faire de longues phrases pour exprimer une idée claire.
Je note que vous, vous appréciez le caractère hyper concret des propositions de Ségolène Royal. Vous n'êtes sûrement pas le seul et ça m'intéresserait de recueillir d'autres interventions en ce sens.
Ce que je reproche à SR, c'est de ne pas emballer ses propositions dans un discours d'ensemble sur l'état de la société et d'exprimer une vision d'avenir. Cela n'empêcherait d'ailleurs pas d'aller loin dans la précisions des mesures proposées. Regardez à la gauche de la gauche. Buffet et Besancenot attaquent leur discours sur une analyse globale (l'arbitrage dans la répartition des richesse entre capital et travail). Cela ne les empêche pas d'être concret, au contraire, mais cela donne à leur discours un coté redoutablement efficace.
SR est la seule candidate qui veut faire l'impasse sur un discours d'ensemble. Rendez vous compte, à deux mois du premier tour, elle n'a toujours pas de slogan susceptible de résumer sa pensée, ni de mesures phare pour l'illustrer !
C'est un reproche que je lui fais, parce qu'en tant que citoyen, je ne m'y retrouve pas, mais c'est aussi une analyse qui explique à mon sens que sa campagne n'arrive pas à trouver sa dynamique.
Pour revenir à votre commentaire, je veux aussi ajouter qu'il n'y a pas de hiérarchie ici. Internet est un univers égalitaire. Ce n'est pas parce que j'intellectualise que je veux faire de l'élitisme. Je n'appartient pas au monde des élites, ni socialement, ni culturellement, ni même intellectuellement.
Rédigé par : malakine | 13 février 2007 à 08:11
@Jbb
personne ici ne fait d'élitisme, les gens qui suivent Malakine vous dirons tous qu'il est parfaitement démocrate, comme moi d'ailleurs. Les dires des "petite gens" sont en souvent plus intéressants et pragmatiques que ceux des Enarques. Je me souvient d'un des premiers film de Michael Moore (THE BIG ONE), ou l'on entendait un simple ouvrier expliquer, sans le savoir la théorie Keynésienne et la problématique du libre-échange, il disait " ... mais si les usines délocalisent les gens d'ici ne pourront plus acheter des maisons ou des voitures . Les métiers du commerce, les banques et les autres finiront aussi par faire faillites..". Bref, il disait simplement un raisonnement de bon sens que nos super cerveaux néolibéraux et leurs sous-fifres journalistiques semblent incapables de faire.
Pour finir sur SR, elle est à mon avis en train, une fois de plus, de mentir à la population françaie. Vous dites "les autres cherchent comment payer la caution du loyer de leur enfant étudiant,savoir si celui-ci trouvera un travail et si il aura une vie heureuse" mais si les propositions qu'elle fait sont irréalisable dans le cadre européen et mondialiste ne donnent elle pas de faux espoir à la population? La fin justifie les moyens comme le disait Maquiavel, mais les moyens proposaient mènent-ils à la fin désirée? Elle a évité de parler de l'europe et du libre-échange, ou tout du moins de faire des propositions concretes sur ces sujets, or tout le reste de ses propositons ne sont pas faisable sans remettre en cause ces contraintes. C'est celà qui porte Malakine et de nombreuses personnes à douter de ces propositions. Pour tout vous dire je soutiens Nicolas Dupont Aignan, il parle moins des problèmes de tout les jours, mais lui met en premier lieux la refonte de l'europe et la mis en place du protectionnisme comme préalable à une véritable politique économique national. Si vous voulez que vos enfants aient un emploi et un avenir ne tombez pas dans le piège que nos élites refont régulièrement depuis trente ans, à savoir, faire des propositions qu'ils n'appliquerons pas une fois au pouvoir en s'exclamant "ON Y PEUT RIEN C'EST LA FAUTE A L'EUROPE ET A LA MONDIALISATION". C'est d'ailleurs sur cette question là que le "petit peuple" a débattu lors du référendum avec tant d'intelligence et de courage. Ce qu'il nous faut , aujourd'hui, c'est un débat national de même qualité pour ces élections capitales.
Rédigé par : Yann | 13 février 2007 à 09:24
Personnellement, cela ne me dérange pas qu'elle parle aux gens. Le probleme est plutôt qu'à vouloir tout englobé (patrons de PME, chomeurs, profs..etc), son programme devient difficilement réalisable. On ne peut pas tout promettre sans une vision d'ensemble...
- Penser résoudre le chomage sans parler d'Europe, de protections, de régles économiques?quid?
- Parler d'aider la recherche, les PME sans baisser les cotisations sociales et faire des dépenses publiques supplémentaires?quid
Et il y en a un paquet de contradictions comme çà...
Rédigé par : Chevillette | 13 février 2007 à 12:24
Bonsoir,
Vous qualifiez d'inconsistant les 100 propositions du "pacte présidentiel", comme JBB, je ne suis pas d'accord.
Que cette formulation donne un aspect hétérogêne au programme que les militants vont désormais porter pendant la campagne, peut-être, mais ils auront des réponses concrêtes à formuler face aux préoccupations des électeurs qu'ils rencontreront.
N'est-ce pas plutôt le "projet socialiste" qui devait porter la vision d'avenir que vous évoquez?
A cette étape de la campagne, il est normal de décliner un programme. Qu'aurait-on entendu si dimanche la candidate nous avait gratifié d'un discours généraliste, avait répété des slogans - au passage comment pouvez-vous lui reprocher l'absence de slogans quand le principal reproche qui lui fut fait dans la pré-campagne fut de ne manier que des formules...
La méthode retenue a permi à Ségolène ROYAL de bénéficier d'un temps de pause (très relatif) dans une campagne qui dure depuis des mois.
Avez-vous remarqué que "la candidate inexpérimentée" ne s'est pas encore effondrée et que dimanche, en dépit d'une pression certaine, elle n'a pas fléchie, pas trébuché, même si elle a surjoué par moment son texte ?
L'important n'est certes pas ce que les politiques nous promettent aujourd'hui, mais ce qu'ils feront une fois élus. Néanmoins nous sommes bien obligés d'entendre ce qu'ils proposent et face au grand comédien qu'est Nicolas Sarkozy il est heureux que se confirme à gauche l'émergence d'un leader capable de gagner en Mai.
Enfin, ce n'est que mon point de vue. Il serait heureux qu'il soit assez largement partagé pour éviter pire.
Cordialement, PMF
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 14 février 2007 à 01:07
D'abord merci pour vos réactions faisant suite à mes propos;
propos sûrement maladroits car mal interprétés,loin de moi l'idée de penser que je m'adresse à des personnes qui ne serais pas democrates.je précise aussi que je ne suis pas un inconditionnel de SR,d'autres personnalités me plaisent davantage.
Ceci dit, je vous trouvent quelque peu injustes vis avis de son discours; elle ne disserte peut être pas pendant soixante minutes sur l'état de la société comme NS, mais les mesures qu'elle propose prouve qu'elle en connait certaines de ces faiblesses. je ne suis pas dupe sur les promesses électorales de qui que ce soit,mais entendre des propositions enfin positives quand tous les autres ne parlent que de dettes,déficits,surendettement, sacrifice sur les quelques avantages sociaux de certains ,donne un peu d'espoir et de réconfort dans cette période ou peu de gens croit encore a l'avenir.
L'espoir d'un monde meilleur ,d'une société plus juste,d'une vie plus facile pour nos enfants n'est peut-être pas rationnel et peu aussi paraître désuet a l’heure ou l’on ne fait que compter ,mais il fait avancer l'humain et sans lui je crois,notre société serais invivable!
Rédigé par : jb boyer | 14 février 2007 à 01:12
Certes, nous peuple de France trimballons dernière nous quelques casseroles encore fumantes (21 avril 2002 ...), mais il faut espoir garder : au moment du vote, à ce moment précis, une Ségo vaudra toujours mieux qu'un Sarko !
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Rédigé par : coton tige | 17 février 2007 à 23:58