La campagne présidentielle, jusqu’ici, a donné lieu a très peu de débats sur les grands enjeux de demain, comme si les médias et les candidats s’étaient donné le mot pour faire l’impasse sur les questions qui dérangent. Une seule exception, le changement climatique. La question est sur le devant de la scène depuis l’ouverture de la pré campagne, poussée en avant par une multitude de candidatures écolos, le pacte écologique de Nicolas Hulot, un hiver étonnamment doux et dernièrement, le rapport du GIEC et l’appel de Jacques Chirac pour une ONU de l’Environnement.
Malheureusement la manière dont le sujet a été traité, est réellement navrante. Au-delà du constat sur l’importance de l’enjeu et la prise de conscience sur l’urgence qu’il y a à agir, sur quoi les discussions ont-elles aboutit, à part ce ridicule mot d’ordre d’éteindre les lumières pendant 5 minutes un soir de la semaine dernière ?
Emmanuel Todd disait lors de son dernier passage au Franc Parler que la politique est une manière de rendre civilisé les conflits d’intérêts. Selon lui, les sujets qui sont de l’intérêt de tous n’ont pas à structurer le débat politique. C’est vrai et c’est faux en même temps. Vrai parce que les politiques n’ont pas à s’opposer et à faire d’idéologie sur les questions d’écologie. Faux, car au delà de la compétition entre les candidats sur ce qui fait leurs différences, une campagne électorale sert aussi à faire de la pédagogie et à préparer le peuple aux efforts collectifs auxquels il devra consentir.
Le conflit d’intérêt est ici d’un genre nouveau. C’est une opposition entre l’intérêt immédiat, qui recommande de ne rien faire car tout est encore supportable, et l’intérêt de long terme qui, lui, nous enjoint d’agir rapidement pour réduire l’impact écologique de notre mode de vie, nos manières de produire, de consommer, de se déplacer ou de se chauffer. Malheureusement, cette campagne ne risque d’avoir servi à rien, y compris dans ce domaine qui faisait consensus.
Le débat me semble piégé par la fameuse maxime écolo « Penser Global. Agir local » qui tend à réduire l’action politique à un catéchisme culpabilisateur sensé modifier les comportements individuels. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre passe pourtant, avant tout, par des solutions collectives.
Commençons par situer la problématique. L’Europe à 25 représente actuellement 12.8% des émissions mondiales, et la France 2.1%. Si je m’en réfère au dernier dossier d’alternatives économiques sur le sujet, la France respecte ses engagements de Kyoto avec des émissions stabilisées depuis 1990 (-0.8% ) et une des émissions par habitant (6.2 t/h) inférieures à la moyenne communautaire (8.6 t/h), et dérisoires comparée à celle d’un Etasusien (19.7 t/h).
Il conviendrait de se pencher en premier lieu sur le fonctionnement de cette économie-monde qui génère énormément de flux de transport. Pourquoi ne pas rechercher à relocaliser les productions à proximité des lieux de consommation ? Certes, cela ne serait pas très politiquement correct. Cela reviendrait à critiquer le sacro-saint principe de libre échange. Sans aller jusqu’à remettre en cause le dogme selon lequel tout producteur produit potentiellement pour la planète entière, il semble possible d’imaginer quelques mesures efficaces et pas trop coûteuses sur le plan économique ou intellectuel, tel que l’interdiction de certains modes de transports pour certains produits. On peut notamment se demander s’il est bien écologiquement raisonnable d’autoriser le transport par avion de certaines marchandises, notamment les biens alimentaires.
Le deuxième axe serait de réfléchir aux conséquences du système de régulation en place, à savoir les quotas d'émissions de CO2. J’ai été alerté sur le risque d’effets pervers de ce dispositif épouvantablement compliqué, par un article que j’ai vu la semaine dernière dans la presse locale de ma région. Je lisais que deux parlementaires venaient se saisir Jacques Chirac au sujet de futurs quotas d’émissions de Co2 :
« Les propositions d’attribution de quotas faites à Bruxelles par le gouvernement français sont scandaleusement basses. On voudrait rayer la sidérurgie française de la carte qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Il est inadmissible que l’on demande à un secteur industriel ou des milliers d’emplois sont en jeu de réduire de 20% ses émissions pour compenser les augmentations dans les secteurs des transports ou de l’habitat »
En effet, ce serait en effet particulièrement stupide sur le plan écologique de vouloir réduire nos émissions en sacrifiant nos industries les plus polluantes (sans parler des coûts économiques et sociaux). L’acier qui ne serait plus produit chez nous, le serait en Chine, avec des rejets par tonnes d’acier produites probablement beaucoup plus importants. Et, aux émissions de la production devrait s’ajouter celles liées au transport.
L’économiste Patrick Kriqui dans la revue Telos s’alarme également des conséquences de la politique climatique sur la compétitivité de l’Europe, dans la mesure où les grands concurrents mondiaux n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto. Afin de préserver l’industrie européenne « au moment où elle investit dans des technologies à très basse émission », il préconise la mise en place d’une taxe Co2 aux frontières de l’espace Kyoto. Rappelons que le Premier Ministre a adressé cette proposition à la commission européenne, laquelle l'a refusé au motif qu’il s’agirait d’une forme de restriction aux échanges mondiaux !
C’est ça la logique européenne. On applique des contraintes aux entreprises européennes mais l’on refuse de les imposer aux pays tiers, ni sous forme de normes, ni sous forme de taxes. C’est la préférence communautaire à l’envers ! Le protectionnisme européen, c’est aussi un moyen de faire la révolution écologique. C’est vraiment dommage les verts ne l’aient toujours pas compris.
Autre piste. Tout en acceptant une économie qui produit toujours plus de flux de transport, il pourrait être intéressant de chercher à transférer les flux des modes les plus polluants vers les modes plus propres.
A titre d’illustration, j’ai assisté la semaine dernière à une réunion sur les perspectives de développement du fret express ferroviaire. Le projet consiste à créer un réseau européen de logistique multimodal utilisant les lignes à grande vitesse. Sa mise en place permettrait de réduire les flux qui sont actuellement transporté par camions ou par avion et donc les émissions de GES. La pré-étude de marché démontre la faisabilité technique et économique du projet, mais il butte pour l’instant sur l’opposition de la SNCF à ouvrir des sillons de nuit pour le transport de fret. L’opérateur national est en effet très peu pressé de partager son fromage des LGV par l’arrivée de concurrents privés de type DHL ou FedEx.
La France qui s’enorgueillit sans cesse de la qualité de ses services publics pourrait peut-être enfin mettre en place une vraie politique de fret ferroviaire ! Quand, un gouvernement se décidera t-il à fixer des objectifs et à exiger des résultats à RFF et à la SNCF pour le développement du fret, quitte à s’appuyer sur la concurrence. Quand se décidera t-on à rendre les transports par camion et par avion, économiquement aussi stupides qu’ils sont nuisibles du point de vue écologique ? Avant, on en parlait sans ne rien faire. Aujourd’hui, on n’en parle plus du tout.
Dernier exemple : J’habite dans l’Est où, comme chacun sait, les hivers sont généralement rudes. Malheureusement mon appartement est ancien et mal isolé. Mes fenêtres ne sont même pas équipées de double vitrage. Les travaux relèvent de mon propriétaire. Les factures de gaz, c’est pour moi. Comment puis-je contraindre mon proprio à changer les fenêtres ? Quel intérêt aurait-il à le faire, même avec des abattements de TVA ? Voilà une question simple, concrète, pratique, pour lesquels j’aimerais beaucoup entendre des propositions de nos candidats. Pourquoi, par exemple, ne pas m’autoriser à déduire le coût des travaux sur le montant des loyers ?
Ces deux derniers exemples montrent que la substitution des modèles polluants par des modèles vertueux ne se fera pas seulement avec des discours incantatoires et moralistes ou des actions symboliques destinées à prouver qu’on a pris conscience des enjeux. Les mesures d’incitations fiscales ne seront elles-mêmes pas toujours suffisantes. L’intégration par notre économie des enjeux écologiques passera par des prises de position et des décisions politiques. Elles ne seront pas toutes spectaculaires, mais elles exigeront un certain courage. Pour l’instant, le moins qu’on puisse dire, c’est que nos candidats n’en ont pas beaucoup fait preuve …
Nous avons définitivement affaire à une campagne d'image.
Il est logique que les candidats ds ce contexte, carressent tout le monde et ne fachent personne.
L'article me semble tout à fait révélateur des impasses et errements ds lesquels la politique telle qu'elle est conduite à Bruxelles ou à paris nous entraine.
La situation de la France, si elle est en termes de rejets globaux de GES satisfaisante, n'est due qu'à la composante électro nucléaire.
A t'il été réalisée une projection des conséquences que pourraient avoir un arrêt de cette filière pour un niveau de production constant d'énergie électrique?
Je pense que c'est à partir d'éléments comme ceux ci que l'on pourra réfléchir aux orientations de politique énergétique.
Les développements et la maitrise futures de la fusion nucléaire ne sont ils pas porteur de solutions (optimisation de la ressource base uranium, absence de dechets...).
La fin du pétrole est peut être porteuse d'espoirs. Je pense comme vous que cela pourrait conduire compte tenu des investissements de reconversion énergétiques des grds transporteurs (maritimes notament) a des processus de relocalisation.
Par ailleurs les transports aériens disposent avec l'hydrogène liquide d'un carburant de substitution qui devrait être développé dés aujourd'hui.
La disposition de stock important d'hydrogène liquide passe par une capacité électrique plus importante, à relier avec la question des sources de production donc à celle du nucléaire.
Les transports terrstres et les chemin de fer doivent impérativement être privilégiés par la loi et les obligations, le CdF reste et de loin le moyen de transport le moins énergétivore en terme de rapport énergie consommée volumes et poids transportés, tout trafic de transit par la France (carrefour européen faut il le rappeler) doit être obligatoirement mis sur rail, il faut aussi parallélement développer l'usage des wagons de type modalor qui permettent des passages rail route très rapidement sans infrastructures particulières.
La SNCF se doit en tant qu'entreprise publique de servir l'interet national prioritairement à des résultats financiers, mais à sa décharge c'est tout le modèle de construction économique européen qu'il faut revoir, je n'ose pas immaginer ce que donnerait une application du TCE.
Une législation plus dynamique en terme de crédits d'impots ou de subventions doit être mise en oeuvre pour permettre une adaptation des logements à de meilleures normes en terme d'efficacité énergétique, isolation, récupération énergétique....
Il faut aussi une nouvelle politique concernant les appareils électro ménager (consommation d'eau et d'électricité), il est anormal que les appareils les plus performants soient tjs les plus chers et de ce fait réservés aux couches les plus favorisées. Jamais madame X ds sa tour avec ses 4 enfants ne pourra remplacer sa vieile machine à laver qui vient de la lacher par la dernière Miële ou Bosch avec des indices A en tout. Elle achètera ds l'urgence la moins couteuse des "merdes les plus énergétivores" fabriquée je vous le donne en mille en .....!!!!
Oui un protectionisme européen peut offrir des solutions tant en termes économiques que écologiques avec en prime des effets sociaux positifs....
Mais si vous avez entendu FLO hier sur france inter, vous avez compris qu'il n'en ont rien à faire.
Tout est lié!
C'est cela la politique, non?
Nos concurents de la star ac présidentielles ont décidément tout faux.
Un petit PS, j'ai assisté hier à mon dernier débat participatif.
Le thème était l'éducation, il s'avère que j'ai ds celui ci quelques notions...
Jamais je n'aurais pensé que l'on pouvait tomber si bas.
J'ai entendu un tissus d'inepties je dirais même de "conneries" de la part de gens qui n'y connaissent stictement rien, qui sont incapables de raisonner autrement que par l'émotionel et l'affectif...
Heuresement que c'était le dernier car à ce rythme je finissais par voter tout sauf "elle".
Rédigé par : chavinier | 06 février 2007 à 10:07
Contrairement à ce que tu affirmes, je pense que le problème écologique se résoudra de manière unilatérale, tout simplement parce que le multilatéralisme avance à un pas trop lent. Le jour où les Etats-Unis se doteront d'un président écolo-compatible, la politique changera d'elle-même. En attendant, pour la France, prenons le problème à bras le corps.
Concernant le prix de la tonne de CO2, ce qu'il faut savoir c'est qu'il s'est effondré en 2006, principalement parce qu'on avait surévalué les besoins. Les seuils ont vraisemblablement été rabaissés pour cette raison.
T.
Rédigé par : Toreador | 06 février 2007 à 16:51