Il paraît qu’on n’a jamais parlé autant d’écologie que dans cette campagne présidentielle. Pour ne rien proposer de bien concret, mais ça c’est une autre histoire … Pourtant, on n’a jamais si peu entendu la candidate officielle du mouvement écologiste, Dominique Voynet. Comment ce parti, qui se voulait être le partenaire privilégié du PS pendant les années Jospin, la force montante de la gauche et son véritable vecteur de renouveau, a pu ainsi sombrer au point de ne représenter plus rien sur l’échiquier politique ?
Certes, il y a pour Dominique Voynet, un problème manifeste d’espace politique. Entre la vraie-fausse candidature de Nicolas Hulot, celle de Corinne Lepage, voire de l’ancien porte parole des Verts, Stéphane Pocrain, et même la candidate PS, qui fût ministre de l’environnement au début des années 90 et qui parle volontiers, et avec des accents sincères, de développement durable, il est bien difficile de se faire une place. Ceci dit, l’espace politique, cela se conquiert.
Certes, il y a aussi un problème structurel dans le mouvement vert, sa culture groupusculaire, basiste et quelque peu sectaire, qui l’a toujours empêcher d’accéder à l’âge adulte, et l’a, parfois fait sombrer dans les confins du ridicule. Les divisions internes et les errances idéologiques ne sont néanmoins pas l’apanage des Verts. Le spectacle parfois offert par le PS, ou actuellement par l’UMP ne sont finalement guère plus glorieux.
La cause de la décadence des Verts me semble provenir de causes plus profondes et plus intéressantes à analyser.
Historiquement, les sont issus des mouvements alternatifs et libertaires post soixant-huitards. Ils en conservent encore aujourd’hui, une culture anticapitaliste, féministe, gauchiste, anti-autoritaire, mondialiste, hédoniste et archi-individualiste. Le gros de leurs militants est d’ailleurs encore constitué par cette génération. Avec l’âge, l’écolo a vieilli et s’est embourgeoisé, et ses idées avec lui !
Par réaction vis-à-vis des excès auxquels la pensée 68 a conduit, les vents dominants soufflent aujourd’hui dans la direction opposée. L’heure est plutôt, à une demande nouvelle d’autorité, à un retour aux valeurs, et à une protection étatique dans le cadre de frontières à restaurer. Le vert rame aujourd’hui à contre courant.
Le contexte économique aussi a changé. Dans un contexte de prospérité, on peut faire l’impasse sur les questions économiques pour mettre au centre du discours politique les thèmes de la qualité de la vie. Le discours des Vert correspond, en fait, aux revendications de la génération gâtée et des bobos des centres ville : Moins de travail et plus de temps libre, plus de santé avec des aliments plus sains, moins de voiture dans les centres urbains... Quand tout va bien, on peut se permettre de défendre des causes généreuses et lointaines, comme celle des sans papiers, des oiseaux migrateurs ou des droits des homosexuels.
Depuis le retournement de la conjoncture du tournant des années 2000 et l’entrée dans un contexte récessif lié notamment à la mondialisation, les problèmes se nomment dettes publiques, délocalisations, recul des droits sociaux, écrasement du pouvoirs d’achat, montée de la violence et l’insécurité … Les thèmes verts sont naturellement beaucoup moins porteurs. Les verts se retrouvent aujourd’hui en décalage complet et muets face aux grandes questions de l’époque.
L’échec vient aussi de leur manière de concevoir la politique. Leur culture de militantisme associatif incarné par le slogan « penser global, agir local » selon lequel on change le monde par une modifications des comportements individuels et des actions concrètes, les a conduit à une successions des micro combats, sans jamais se doter d’une véritable doctrine politique globale.
Pendant la période jospinienne de la gauche plurielle, ils ont ainsi considéré que leur apport à la majorité plurielle devait être d’obtenir avancées concrètes du gouvernement, fussent-elles symboliques : modification des dates d’ouverture de la chasse, moratoire sur les OGM, régularisation de tous les sans papiers, le mariage homosexuel, journée sans voiture …
Faute de véritable logiciel, les verts n’ont jamais su renouveler les thèmes de leurs combats pour les adapter au nouveau contexte économique et social et pour se faire entendre une fois revenus dans l’opposition.
Et pourtant, les verts auraient pu. Ils détenaient avec le thème du développement durable une clé d’entrée qui leur permettait d’adopter des positions originales et fortes sur presque tous les sujets qui font débat aujourd’hui. Malheureusement pour eux, ils n’ont pas su, ou pas voulu, se saisir du concept dans toutes ses dimensions : préservation de l’environnement mais aussi cohésion sociale et développement économique.
J’ai entendu une fois, Dominique Voynet, alors qu’elle était ministre, définir le développement durable comme « un modèle qui ne contient pas en lui-même les obstacles à son propre développement » Le concept est extrêmement puissant et plus que jamais d’actualité. Dans le contexte actuel, il serait en effet susceptible de fonder une troisième voie entre la solution participative prônée par la gauche Ségoléniste, qui recherche l’empathie entre l’action politique et l’opinion publique, et le pragmatisme technocratique de droite, qui recherche des réponses techniques au déclin dans une logique d’adaptation au nouvel ordre économique mondial.
L’approche développement durable consisterait sur tous les sujets à faire valoir les intérêts du long terme en prônant des réformes destinées à garantir des systèmes viables. On a désormais conscience qu’une économie fortement consommatrice d’énergies fossiles et des déplacements exclusivement organisés par la route ne sont pas des systèmes viables. Mais, une mondialisation qui transfère les emplois en Asie et fait fuir le capital non plus ! Un Etat qui emprunte chaque année 25% de son budget et consacre l’intégralité du produit de l’impôt sur le revenu au remboursement des intérêts de la dette non plus ! Un système éducatif qui produit 20 % d’une classe d’age sans qualification dans une économie où les emplois non qualifiés ont disparus, non plus ! Un capitalisme qui organise par un écrasement des salaires des hyper profits dont les entreprises ne savent même plus quoi faire, non plus ! Une nation qui se fragmente en individus, corporations et communautés en concurrence les uns contre les autres, non plus ! On pourrait multiplier les exemples …
On me dira qu’il ne s’agit simplement qu’il ne s’agit que de s’atteler aux vrais sujets et à vouloir trouver des réponses en s’attaquant aux causes du mal par des réformes de structures. Pas seulement. Il s’agit aussi de changer la source de la légitimité pour faire de la préservation de l’avenir un intérêt supérieur qui doit s’imposer à la fois à l’opinion du moment et prévaloir sur les mesures destinées à préserver les grands équilibres que la rationalité commande.
Les Verts ont péris en ne sachant pas se saisir d’une doctrine qui leur tendait les bras et se muer en parti du développement durable.
Le concept reste à saisir ...
Bonsoir,
Il est toujours intéressant de lire les personnes qui dissertent sur les idées et le programme des Verts. Mais ne conviendrait-il ne pas commencer par lire leur programme.
Tout d'abord, les Verts préfèrent utiliser l'expression de développement soutenable que celle de durable car loin d'être un anglicisme, le terme sustainable provient du français "soutenir". Et l'expression de développement soutenable est plus proche du concept développé dans le rapport Brundtland. Tout développement ne doit pas mettre en danger la "capacité de charge" de notre planète, de préserver nos écosystèmes. Par exemple, le nucléaire peut durer longtemps mais il est insoutenable. Nous sommes dans l'incapacité de prendre en charge des déchets nucléaires dont l'espérance de vie dépasse celle des civilisations humaines.
Les Verts partout où ils sont présents oeuvrent pour modifier nos modes de développement, le schéma directeur de l'IDF, interdire la sur-pêche, les substances chimiques de nos industries au Parlement Européen,... Même Nicolas Hulot reconnait le travail des élus verts.
Quant à l'argument d'un parti de soixante-huitard, alors pourquoi ont-ils mis à leur tête, une jeune femme de 31 ans ?
Je m'arrête là et lisais un peu les analyses vertes, peut-être changerez-vous de jugement ?
Cordialement,
Jérôme Gleizes
Responsable du programme des Verts
Et par ailleurs, a écrit en avril 2003 "Et si le club de Rome avait eu raison ... en avance ?"
http://ecorev.org/article.php3?id_article=152
Rédigé par : Gleizes Jérôme | 12 janvier 2007 à 22:04
A part les sondages, où la déchéance des Verts ?
Dans les faits, ils n'ont jamais eu autant de conseillers régionaux en 2004. Ils n'ont jamais eu autant de parlementaires nationaux et européens.
La disparition médiatique des Verts est surtout du à l'omniprésence du duo Ségo-Sarko à peine écorné par la présence médiatique de Nicolas Hulot.
Rédigé par : Vert à Deuil la Barre | 12 janvier 2007 à 22:07
En tous cas preuve est faite que les verts sont incapables de tenir une position cohérente sur des questions structurantes comme la politique européenne. la politique européenne qui reste la clef décisive des années futures.
Pour rappel la position des verts lors du référendum sur le TCE a été pathétique.
J'ai personnellement souvenir d'un meeting pour le OUI à Vitry, où Alain Lipietz a réussi a déclarer à l'assistance qu'il était favorable au TCE parce qu'il il était antimilitariste; et quand je l'ai interpellé sur le fait que je ne parvenais pas à comprendre comment un antimilitariste pouvait cautioner une augmentation des budgets militaires, A Lipietz répond que c'est la rançon pour sortir de L'OTAN. Si on lui fait remarquer que le TCE indique que "l'otan demeure pour les pays qui en sont membres l'instance de mise en oeuvre de la politique de sureté et de défense commune", A Lipietz répond "je vous met au défi de me trouver l'article disant cela", c'est facile artcle 1 41 alinéa 7 deuxième paragraphe.
Personnellement j'en ris encore et ds la salle ce soir là bcp aussi.
Alors quand les représentants des verts seront plus responsables et respecteront l'intelligence des citoyens plutot que de les bassiner avec des lubies bobo comme les éoliennes (j'invite les internautes à consulter les travaux de fond sur la question) ou la journée sans voiture, peut être retrouveront ils une image de sérieux et de crédibilité.
Concernant l'age de la 1ère secrétaire,"l'age ne fait rien à l'affaire..." quand les idées sont aussi dépassées, on peut tjs mettre en tête d'affiche un bébé, ça ne changera rien à l'affaire.
Rédigé par : chavinier | 13 janvier 2007 à 00:14
@ Jérôme Gleize
Si vous avez bien lu mon article, vous verrez que je regrette que les Verts n'aient pas su gérer leur crise de croissance pour devenir un parti mature, notamment en ce saisissant des questions sociales et économiques, pour devenir un vrai parti du développement durable, "soutenable" si vous préférez, mais je ne vois guère de différence. Devenir un parti mature, c'était en particulier abandonner les combats ponctuels ou symbolique pour penser la société dans sa globalité.
Les verts se sont conçu comme un parti d'appoint du PS pour l'influencer sur quelques thèmes sensibles. On voit ce que cela donne maintenant que Royal est hégémonique à gauche ...
Quand au fait, que les verts aient eu raison avant tout le monde sur bien des points. Il me semble l'avoir écrit ...
Puisque vous êtes responsable du programme des verts, j'aimerais vous demander votre position sur la question du libre-échange et de la mondialisation. Hier, dans mon article sur le libre échange, j'indiquais, parmi d'autres arguments, que la délocalisation de notre industrie en Chine était particulièrement néfaste sur le plan écologique, et qu'il faudrait mieux rapatrier par des mesures protectionnistes, des productions industrielles en Europe, là où on produit dans des conditions sociales acceptables et avec des normes environnementales.
Qu'en pensez vous ? Quelle est la position des verts sur le libre échange ? Est ce que vous êtes favorables aux thèses du protectionnisme européen défendues, notamment par Emmanuel Todd ?
Rédigé par : Malakine | 13 janvier 2007 à 23:33
Pour les écologistes, et pour les Verts, la question du libre-échange est
transformée en question de relocalisation de la production. Actuellement,
les transports sont le premier facteur de l'émission des gaz à effets de
serre. Les prix n'intègrent pas le coût des conséquences des changements
climatiques car les effets sont diffus mais réels. Il faut donc trouver
des mécanismes pour réguler des échanges et des mesures juridiques
adaptées. Par exemple, la souveraineté alimentaire est un de ces concepts.
La priorité de toute agriculture doit être d'assurer l'alimentation en
produits sains de sa population et non une production intensive destinée à
l'exportation.
Sinon le libre échange est une fiction libérale qui ne correspond à aucune
réalité économique. La position des Verts est celle de l'échange
équitable, celui qui assure une juste répartition de la valeur produite
entre le producteur initial et le consommateur final. L'échange est
rarement libre, il y a toujours une asymétrie entre le producteur et
l'acheteur.
De plus, répondre à la question uniquement en terme monétaire (par des
salaires minimaux) n'est pas suffisant car cela a des effets qu'indirects
pour contrôler les conséquences de notre modèle de développement et que
les mesures salariales sont souvent réduites par une dégradation des
conditions de travail.
Cordialement,
Jérôme Gleizes
Rédigé par : Jérôme Gleizes | 13 janvier 2007 à 23:42