Jean Pierre Chevènement vient d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle. Même s’il y a lieu de douter sur sa détermination à aller jusqu’au bout et sur la possibilité qu’il aura de créer une dynamique autour de sa candidature, elle sonne comme une bonne nouvelle dans cette pré-campagne. Il incarne manifestement un courant d’idées qui a toute sa place dans la vie politique française. Malheureusement, malgré quelques beaux succès depuis 15 ans, le « Gaullo-souverainisme » n’a jamais réussis à se structurer et à s’imposer comme un nouveau clivage. Cela constitue un mystère de l’histoire politique récente. Presque une anomalie.
Vous vous souvenez de la campagne de 2002. A cette époque ci, le candidat Chevènement s’installait en alternative du couple « Chirospin ». Il incarnait le mythe du 3ème homme qui pouvait créer la surprise. Résultat après une campagne d’une nullité affligeante, constituée de petites phrases et phagocytée par le thème de l’insécurité, Le « che » a péniblement réussi à faire plus de 5% des voix. Il faut avouer aussi que sa propre campagne aux accents pétainistes n’a pas été non plus une grande réussite …
Cette défaite, il l’a payé cher. Très cher, au niveau local, comme au plan national. Sa défaite retentissante aux législatives dans son fief belfortain contre un illustre inconnu a inauguré une série de débâcles qui a traduit un terrible recul de ses positions au profit du rival socialiste. Au plan national, il a carrément perdu pied sur la scène politique, ne pouvant jamais se remettre de son image de fossoyeur du candidat Jospin.
Avec cette candidature, c’est son avenir politique et celui de son mouvement qu’il joue. C’est pourquoi, la plupart des commentateurs veulent ne voir dans cette candidature qu’une pression sur le PS, soit pour préparer la réintégration des siens si Royal ou Fabius emporte l’investiture, soit pour négocier quelques circonscriptions avec le PS. C’est effectivement très probable
Mais, même si le Che ne va pas jusqu’au bout, sa candidature est une extrême bonne nouvelle. Au moins lui, il évoquera les sujets de fonds : les questions internationales, le projet européen, l’avenir de notre industrie, les questions monétaires et macroéconomiques et ne tentera pas d’exister au travers de mesures sociétales gadgets soigneusement marquetées pour reconquérir l’électorat populaire perdu (Non, non, je ne vise personne !). J’espère juste qu’il pourra se faire entendre suffisamment dans les médias, et imposer quelques thèmes de débats, avant de retirer sagement sa candidature au cœur de l’hiver.
Malgré toute la sympathie que j’ai pour cette candidature, j’ai effet de gros doutes sur ses chances de s’imposer dans la compétition qui s’engage. Son style très IIIème république lui nuit, comme sa très longue présence dans la vie politique qui en fait un dinosaure, ses thèmes trop complexes pour les médias, son expression raide, son discours trop de fois entendu à l’identique, ainsi que sa personnalité franchement mégalomaniaque. C’est ce que je n’aime pas chez lui. Sa tendance à se présenter comme l’incarnation de la Nation, de la République et de l’Intérêt général.
Cette année, il a un concurrent positionné sur le même créneau que lui. J’ai nommé le petit Dupont-Aignan. Certes, il est encore un peu tendre, mais avec ses faux airs à la Kennedy, il peut dans les années à venir être le nouveau porte-étendard du Gaullo-souverainisme. Pourquoi donc le vieux et le jeune ne s’associeraient-ils pas pour préparer la relève et la renaissance de ce courant de pensée ?
Il s’agit effectivement d’un vrai courant de pensée qui structure la vie politique depuis une quinzaine d’année. A contre-courant de la pensée dominante, il s’évertue à croire encore à la possibilité d’une action publique volontariste dans un cadre national, à l’autorité de l’Etat, aux valeurs d’ordre et à l’Histoire, à la grandeur et à l’indépendance de la France sur la scène internationale, à une industrie puissante, aux entreprises de services publics d’Etat à monopole, à une éducation dont la vocation première est de transmettre les savoirs fondamentaux et de créer de la citoyenneté, à croire au primat de l’intérêt général sur les intérêts particuliers et corporatistes et pour finir mais j’en oublie sûrement, à ne pas se résigner à la victoire du dogme libéral – libre-échangiste ainsi qu’à l’hégémonie culturelle, financière et militaire de l’hyperpuissance américaine.
Ce courant de pensée a connu ses heures de gloires dans la période récente : La démission de JPC en 1991 au moment de la première guerre du Golfe, les 49 % de non sur le traité de Maastricht, porté par un Philippe Seguin au sommet de sa forme, les beaux scores des listes souverainistes de Villiers et/ou Pasqua aux européennes de 1994 et 1999, et naturellement les 54.7% du non de 2005 à la constitution européenne.
Le problème c’est que ces idées n’ont jamais pu s’ériger en mouvement politique susceptible de s’imposer comme nouveau clivage alternatif au vieux et désormais sans consistance clivage Gauche / Droite. Il ne s’est toujours manifesté que comme une ligne de fracture au sein de chaque camp. Il n’a en fait jamais osé tenter de réunifier ses deux rives. Minoritaire à droite comme à gauche, il s’est fait dominé par les tenants de l’économie ouverte et de la pseudo modernité.
La campagne 2007 a encore moins de chances que les précédentes échéances de voir la structuration politique de ce mouvement de pensée. Aujourd’hui l’heure est à la synthèse. On voit bien comment, chacun de leur coté, Royal et Sarkosy tentent d’intégrer des éléments souverainistes dans leur logiciel : Sarkosy avec ses Discours de Nîmes et de Périgueux écrits sous l’influence d’Henri Guaino. Royal, avec moins de brio, avec son thème de l’ordre juste. Même Le Pen tente aujourd’hui de capter l’héritage !
Et si finalement la stratégie était la bonne ? Et si finalement, le courant Gaullo-souverainiste emportait la bataille idéologique dans chacun des camps ? Si Sarkosy, terrifié par l’idée de voir l’ex-RPR lancer contre lui une candidature concurrente, abandonnait définitivement ses habits de candidat du capitalisme mondialisé et du modèle américain pour se faire le héraut des valeurs républicaines ? Et si Royal choisissait de combler sa vacuité doctrinale en adoptant le logiciel chevènementiste après un ralliement fort opportun ? Et si Le Pen … ? Non cette hypothèse là, je n’ose pas la formuler.
En attendant, je te souhaite bon courage, cher Jean Pierre. Fais nous une belle campagne !
Une bonne nouvelle car il parlerait des sujets "importants" ? Ma foi, il ne fait que de la propagande pour ses petites ambitions comme tous les autres. Son "non" à l'Europe n'a strictement rien apporté, sa campagne non plus... Le "Che" est comme son comparse argentin : un archaïsme, une légende (l'icône des jeunes en moins).
En tout cas, si je ne lui souhaite pas courage et je ne l'aime pas vraiment, je trouve votre ton très bon et votre blog de qualité.
Alors courage à vous.
Rédigé par : Eliram | 07 novembre 2006 à 13:41
le "Che" c'est encore lancé dans une ultime campagne! mais avec qui? Sans avoir consulté les membres de son parti n'est ce pas risqué ?
Il devra trouver aussi les 500 signatures. Je ne pense pas que les socialistes vont l'aider s'ils ont une mémoire qui remonte à 5 ans!
Rédigé par : constantin | 07 novembre 2006 à 23:33
Mais si ! Il s'est présenté après en avoir parlé avec son parti. En tant qu'es belfortain, tu imagines bien que j'ai encore des contacts avec des militants du MRC ... C'est pourquoi je suis persuadé que le but de l'entreprise est de faire la paix avec le PS. Ca n'empêche pas que JPC puisse apporter quelque chose dans cette campagne.
Rédigé par : Michka | 08 novembre 2006 à 01:17
Le " Che " dans la campagne ? je n'y crois pas une seconde , à moins que lui aussi ne commence à rechercher un maroquin de ministre .il n'est d'ailleurs pas le seul à commencer par J.Lang .Ségolène a déjà dit que Chevénement était son ami alors un ralliement contre un poste de ministre est fort possible .
Bravo pour ton blog .J'aimerais connaître ton opinion sur le modèle de démocratie qu'a représenté les primaires au sein du PS
Rédigé par : René | 08 novembre 2006 à 09:14
Ce dont je suis sur et certain c'est que le MRC dans le 93 n'a pas eu de débat sur l'éventuelle candidature de Chevènement.
Pourtant, c'est la veille de l'annonce de sa candidature que les militants MRC de la Seine-Saint-Denis avaient leur réunion. S'il y a été question de l'éventuelle candidature du "che" c'est plus comme une possibilité de pression sur le PS pour une répartition des maroquins.
Rédigé par : constantin | 08 novembre 2006 à 16:38