Le débat socialiste d’hier soir m’a laissé dans une grande perplexité. Je me suis demandé quel était l’objet exact de ce type de confrontation. Comment choisir entre trois prétendants qui sont liés par un même programme ? Est-ce qu’on attend des militants socialistes qu’ils les départagent sur leurs nuances programmatiques, est ce qu’il s’agit de choisir le candidat le plus efficace contre la Droite, ou celui qui aura le plus la stature d’homme d’Etat ?
Car selon le critère de sélection qu’on utilise, le champion serait à chaque fois différent.
S’il s’agit de les départager sur leurs différences, mon choix irait sur Royal. Ségolène s’est démarquée de ses concurrents sur deux points auxquels j’attache beaucoup d’importance. En premier lieu, le rapport aux Etats-Unis. C’est la seule qui n’a pas lourdement insisté sur notre amitié avec le peuple américain et notre alliance traditionnelle avec ce pays. Elle a été beaucoup plus critique. La description qu’elle a fait de ce qui nous différencie faisait preuve d’une vraie dualité, très rassurante sur l’indépendance dont elle pourrait faire preuve à l’égard de l’hyperpuissance, même si de manière assez contradictoire, elle s’est alignée sur les positions américaines sur la question iranienne. Ségolène s’est montrée également beaucoup plus offensive sur la politique commerciale en semblant remettre en cause le dogme du libre échange. Il m’a semblé qu’elle était des trois la plus proche de la sensibilité « souverainiste ». Elle fût d’ailleurs la seule à s’inscrire dans la Lignée du Général De Gaulle.
S’il s’agit de choisir le meilleur candidat pour le combat de 2ème tour, il me semble que le plus qualifié est à l’évidence DSK. Que ce type est brillant ! Quelle éloquence ! Quelle maîtrise des dossiers ! Ce type a réponse à tout, c’est vraiment impressionnant … Je crois que les socialistes pourraient envoyer DSK sans aucune hésitation face à n’importe quel candidat de Droite. Il le pulvériserait !! En plus, il n’est pas dénué de charisme. Même physiquement, il a l’allure d’un chef d’Etat. Ne négligeons pas en effet l’importance du critère physique. C’est important, notamment pour les femmes (Là, je sens que je vais me faire tuer. Quoique … Il ne me semble pas y avoir beaucoup de femme sur la blogosphère politique)
S’il s’agit de choisir celui qui a l’étoffe d’un chef d’Etat tel qu’on se fait une idée du rôle depuis l’époque post-gaulliste. Fabius a manifestement quelques longueurs d’avance sur ses collègues. DSK reste sur un registre de super premier ministre et peine à se hisser au niveau du dessus. Il a l’âme d’un prof, d’un parlementaire, d’un intellectuel, d’un éclaireur d’avenir. Pas d’un président. La manière dont Fabius l’a sèchement ramené aux réalités lorsqu’il a tracé comme perspectives pour l’Europe qu’elle recouvre toute la méditerranée fût révélateur de ses limites en la matière.
Quant à Ségolène, je l’imagine encore difficilement négocier face au regard bleu acier du « Tsar de toutes les Russies ». Je l’imagine même très difficilement dans ses rapports avec son futur premier ministre, car une fois passées les généralités sur « l’ordre mondial juste », sa maîtrise des dossiers complexes laisse franchement à désirer. Je crains fort qu’elle se trouve en situation de cohabitation avec son futur PM dès le lendemain de sa nomination. Elle serait contrainte de nommer un type sans charisme, ni poids politique (genre Jean Louis Bianco), ou alors de présider à la Chirac. Quelques interventions télévisées bien préparées par ses conseillers sur le registre des valeurs, et le reste du temps, laisser son PM se débrouiller avec les affaires de l’Etat …
Fabius, en revanche, a manifestement beaucoup appris au contact de Mitterrand. Il est d’ores et déjà prêt pour s’installer à l’Elysée. Sa conclusion était vraiment impressionnante. On n’avait l’impression qu’il nous transmettait déjà ses vœux un soir de 31 décembre ! Il a manifestement beaucoup travaillé la posture présidentielle, et je crois, qu’hier soir, il a beaucoup marqué de points sur ce registre.
Je ne suis pas toutefois convaincu que la question de la stature présidentielle soit un bon critère de choix. C’est en endossant un costume trop grand pour soi qu’on grandit. N’importe lequel des trois à l’Elysée prendrait la dimension du personnage et la France est un pays suffisamment monarchiste pour reconnaître rapidement le nouvel élu comme « le président de tous les français » …
Au final, je serais bien en peine de les départager sur le débat d’hier soir. Ca tombe bien ceci dit, je ne suis pas militant socialiste …
En fait, le grand vainqueur de la Soirée m’a semblé être … Jacques Chirac ! Ces deux heures de débat ont été un hommage permanent à son action en matière de politique étrangère. Je suis persuadé qu’on n’aurait pas retrouvé une telle unanimité autour du bilan du président sortant dans un débat de ce genre à droite …
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