Je vais faire un pause dans ma série sur la nation pour participer au débat du moment sur les « quotas discriminatoires » que la FFF aurait eu l'intention d'imposer aux centres de formation pour limiter à 30% l'effectifs des joueurs disposant d'une double nationalité, donc susceptible d'aller jouer plus tard dans la sélection nationale du pays d'origine de leur parents.
En première analyse, j'ai réagis exactement comme mes collègues Laurent Pinsolle, David Desgouilles, B&G, ou Romain Pigenel, à savoir qu'il n'y avait pas lieu de hurler au racisme dans cette affaire, quasiment montée de toute pièce par Edwy Plenel, le grand inquisiteur en chef du politiquement correct. Suspecter les dirigeants du football français de racisme alors qu'ils nous ont proposé sous l'ère Domenech une équipe de France quasiment exclusivement composée de noirs, il fallait quand même oser !
Pourtant quelque chose continuait de me gêner dans cette affaire. Si l'accusation de racisme pouvait être rejetée assez fermement, qu'en est-il de celle de discrimination ?
Commençons par définir la notion. Une discrimination consiste à réserver des traitements différents à deux personnes qui se trouvent rigoureusement en appliquant un critère sans rapport avec l'objet même de la sélection. Si lors d'un recrutement, face à deux candidats disposant de la même formation et de la même expérience, on choisit en fonction du physique ou de la couleur de peau, on opère une discrimination et c'est mal.
Peut-on considérer alors qu'un joueur disposant de la double nationalité se trouve dans une situation différente d'un « mono-national » quand il s'agit de sélectionner à l'entrée d'un centre de formation ? Oui, dans la mesure où le double-national aura la faculté de choisir entre deux sélections nationales, ce qui introduit une forme d'aléa pour la fédération. Non dans la mesure où le double-national est un Français à part entière et qu'il se voit imposer un numérus-clausus auquel va échapper son compatriote mononational. On verra donc une discrimination si l'on se place du côté du joueur, mais pas si on se place du côté de la fédération qui ne fait finalement que défendre ses intérêts. Bref, ça se plaide …
Là on réside la gêne c'est dans ce que sous-entend le quota imposé aux binationaux. Il suppose que qu'ils choisiront certainement le pays d'origine de leurs parents. Alors certes, ce choix peut se recommander de motifs purement sportifs : mieux vaut jouer tout de suite pour l'Algérie que d'attendre une hypothétique et peut-être improbable sélection en équipe de France A. Mais ce faisant, le quota fait peser une présomption de « mauvais français » prêt à trahir sa patrie à la première occasion, sur tous les enfants d'immigrés. Ainsi plutôt que d'exprimer l'idée que chacun quelque soient ses origines pourra devenir un bon patriote et un valeureux guerrier au service de la France, à l'image d'un Patrick Vieira ou un Zizou, il tend à rejeter et à enfermer les enfants d'immigrés dans la communauté de leurs origines.
Une bonne solution pour répondre au défi posé à la fédération par la décision de la FIFA d'étendre la possibilité de changer de sélection serait de mettre en place une incitation à opter pour la sélection en équipe de France. Cette solution les instances du foot la connaissent déjà : imposer aux joueurs qui choisissent une sélection africaine un statut de joueur extracommunautaire pour les compétitions en club où le nombre de joueurs hors UE est limité à 3. Car aujourd'hui la double nationalité footbalistique permet de jouer sur les deux tableaux : africain pour jouer en sélection, européen pour jouer en club.
Que les enfants d'immigrés disposent du choix de leur nationalité, pourquoi pas. Qu'ils puissent faire valoir un double sentiment d'appartenance pour bénéficier de manière cumulée et permanente des deux identités selon les besoins du moment est en revanche beaucoup plus gênant.
Les quotas étaient une grosse bêtise. La bonne réponse était de proposer de supprimer la double nationalité, en football comme de manière générale. Mais que dirait le grand inquisiteur en chef du politiquement correct ? Ce débat est-il permis ?
Malakine
Intéressant. Je me permets d'ajouter un petit oubli :
Avant l'arrêt Bosman, c'est exactement la situation qui prévalait. La limite à 3 ne concernait ni les non-européens (bien entendu) ni même les "nationaux" mais très exactement les "non-sélectionnables".
Alors que la double-nationalité existait dans le droit général, il fallait faire son choix dans le foot.
En ce qui me concerne, plutôt que de supprimer complètement la double-nationalité ce qui me gênerait dans la mesure où j'ai quelques amis qui, par mariage ou autre, peuvent avoir un double-attachement, je serais davantage enclin à obtenir la fin de l'arrêt Bosman et d'imposer le fameux 6+5 cher à Platini.
C'était d'ailleurs possible un moment donné, Gordon Brown, complètement anéanti par la non qualification de l'Angleterre au championnat d'Europe 2008, y était ouvert. Mais Sarkozy, grande gueule et petits bras comme d'hab, s'est aplati devant Barroso.
Rédigé par : David Desgouilles | 05 mai 2011 à 17:31
"Si lors d'un recrutement, face à deux candidats disposant de la même formation et de la même expérience, on choisit en fonction du physique ou de la couleur de peau, on opère une discrimination et c'est mal."
Pourtant, il faut bien choisir l'un des deux candidats. Et ce sera forcément subjectif: couleur de peau, âge, sexe, beauté, goûts, "feeling"... peut importe. Au rythme où on va, chacun pourrait crier à la discrimination et saisir la Halde donc on choisira peut-être systématiquement la "minorité visible" ou la femme. Et tant pis pour le pauvre mâle blanc de souche (cf. Areva).
Rédigé par : Claribelle | 05 mai 2011 à 19:17
Quand il s'agit d'un système ou l'on devient milliardaire en donnant des coups de pied dans un ballon, hein...
Et puis il ne s'agit pas de racisme mais de double nationalité, une chose à laquelle à laquelle j'ai toujours été farouchement opposé. On est Français(e) ou on ne l'est pas, pas quand ça vous arrange de l'être. Vous vous souvenez d'Ingrid Bettencourt et de sa Légion d'Honneur ? Apparemment cela lui convient mieux d'être colombienne, maintenant.
Rédigé par : Sancelrien | 05 mai 2011 à 19:32
Malgré lui Plenel est en train de faire murir la question de la double nationalité dans la tête des gens.
Au cas ou vous ne l'auriez pas lu , l'Equipe a interviewé 3 bi nationaux :
http://www.lequipe.fr/Football/breves2011/20110502_184526_les-bi-nationaux-pas-le-probleme.html
à la lecture on s'appercoit que la chose n'est pas si aisé pour les joueurs,car dans leur choix entre en ligne de compte des critères purement individuels (la carrière) et communautaires...le pays de naissance ou celui des parents ? auquels renvoient les potes du quartier ,Stéphane Bassong ,joueur du Cameroun né en France le dit très clairement :
«C'est un problème sociétal. A l'INF, tu es bien, tu écoutes, on te forme, mais quand tu es dans les quartiers, il y en a toujours pour dire que tu n'est pas français...»
Rédigé par : Damien | 05 mai 2011 à 23:58
J'ai toujours été opposé à la double nationalité. En France, il est interdit d'être inscrit sur les listes électorales de deux communes, et donc de voter pour le maire de la commune ou on possède une résidence secondaire, ceci afin d'éviter qu'une personne vote deux fois aux élections nationales. En revanche, on a le droit de voter pour les instances dirigeantes de deux pays, et donc d'avoir un vote qui compte double à l'ONU ! (ça sert à rien certes, mais c'est une question de principe)
De plus, un citoyen français se doit d'être solidaire avec ses compatriotes, la société française est une communauté régie par certaines règles, et il est anormal que certains puissent s'en affranchir quand ils le veulent, à partir du moment où cela les arrange, sans la moindre formalité, simplement en prenant l'avion. Non, je pense qu'il faut choisir, et n'accorder la nationalité française qu'à ceux qui le demandent, et uniquement à ceux qui abandonnent toute autre nationalité.
Rédigé par : vincent15 | 06 mai 2011 à 07:52
Cette affaire a le mérite de mettre à jour l'épineuse question de la double nationalité qui est pour moi une hérésie totale.
Je ne crois pas que l'appartenance nationale puisse se diviser au gré des envies ou des opportunités. Comme le dit Sancelrien, on est Français ou on ne l'est pas.
J'ai entendu Chantal Jouanno ce matin sur BFM dire que la fin de la double nationalité en sport serait une hérésie car la vertu de celui ci serait justement l'universalité. Je ne crois pas que la représentation d'une nation puisse justement se conjuguer avec l'universalité qui est par nature détachée de toute idée d'appartenance.
De plus, s'il est vrai que les joueurs qui partent jouer pour des équipes étrangères sont ceux qui n'ont pas été retenus en équipe de France, cette non sélection n'est pas rédhibitoire puisque en effet un joueur non retenu à 22 ans, rien ne l'empêche de travailler dur pour devenir sélectionnable plus tard. Cette "impatience" démontre juste selon moi que l'appartenance à la nation française n'est pas assez forte pour faire abstraction d'une tentation de jouer pour l'équipe de ses origines (ce que je peux comprendre). Ils auraient tort de s'en priver puisque la loi le permet.
Rédigé par : Nicolas | 06 mai 2011 à 11:55
Chantal Jouanno confonds universalisme et internationalisme , les universalistes croient en l'être universel mais pas au citoyen universel contrairement aux internationalistes , ces citoyens du monde.
Cette opposition a été son apogée pendant la période coloniale entre les socialistes colonialistes ,partisans de la citoyenneté universelle (en réalité francaise) les Ferry & co et ses opposants comme Clemenceau.
Rédigé par : Damien | 06 mai 2011 à 12:48
Bonjour,
j'ai découvert ce site il y a quelques mois, début 2011.
J'interviens pour dire que j'apprécie cette analyse de la situation.
je suis Français, né au Sénégal et donc binational. Il n'est pas normal qu'on puisse profiter de la double nationalité en jouant ainsi sur deux tableaux. Français pour son club et une autre nationalité pour la sélection.
Cependant je pense que Mediapart a le droit de s'indigner. Les propos tenus lors de cette réunion sont affligeants parce qu'ils prouvent que les dirigeants ont une vision des choses gangrenée par le racialisme. On ne peut pas accuser Laurent Blanc d'être raciste mais on peut lui reprocher une vision percluse de stéréotypes et de préjugés.
Il y a des blancs grands, costauds et forts. Ce n'est pas l'apanage des noirs. Seulement j'ai l'impression qu'ils préfèrent le rugby, le volley ou le basket au football. N'en déplaise à Eric Mombaerts, il y a des noirs petits et techniques : Pelé, Ronaldinho, Okocha, donc sous-entendre que les noirs ne comprendraient pas l'histoire et la culture technique française c'est fort de café.
La vérité est qu'on a trop privilégié en France les qualité athlétiques au détriment de la technique. le fait d'avoir Zidane a permis de masquer ce problème durant très longtemps. Les succès récents de l'Espagne et de Barcelone amènent à s'interroger sur le fait d'être allé trop loin dans cette voie.
Pour moi la question des binationaux est un alibi. Les dirigeants savent très bien que les meilleurs choisissent la France. Ce sont les seconds couteaux qui choisissent un autre pays. Il n' y a que Drogba qui représente une perte. Mais c'est un joueur qui a percé très tardivement et donc n'intéressait personne à 20 ans.
En fait quand j'entends parler de cette question de quota, je pense à Finkielkraut et à cette critique d'une équipe de France trop black, black, black.
Rédigé par : www.facebook.com/profile.php?id=887515424 | 06 mai 2011 à 23:56
@Yaya Ndiaye
Pendant la lecture du verbatim les remarques d'ordres morphologiques sont ce qui m'ont mit le plus mal à l'aise, mais c'est le seul reproche qu'on peut leur faire ...car ces remarques aussi bêtes soient-elles n'ont pas été suivi d'actes.Il a continué d'aligner et de selectionner des noirs ,souvent grands et les blancs sont toujours minoritaires.Pourtant s'il y'avait reellement eu volonté de blanchir l'équipe de France Blanc aurait pu le faire dés le départ,en remplacant par exemple Sagna par Reveillère , M'Villa par Chéyrou,en collant Gameiro derrière Benzema...mais est ce qu'on aurait gagné contre l'Angleterre et le Brésil ca c'est une autre affaire !
Je pense que Blanc et la fédé veulent en realité homogénïser l'équipe culturellement ,il l'a dit d'ailleurs dans cette réunion sauf que cet extrait est passé bizarrement sous silence dans cette polémique.
Pour la souder autour de valeurs communes qui ne relèvent pas que du sport et éviter que des tribus se forment et pourrissent l'ambiance dans le groupe.
Je suis persuadé que l'échec de Domenech vient de la , il avait à l'époque les meilleurs joueurs à leurs postes pourtant rien n'a fonctionné.
Il y'a toujours eu des groupes dans le groupe chez les Bleus (Stéphanois contre Girondins du temps de Platini ,ou jeunes contre vieux en 98)mais une fois sur le terrain tous avaient le même objectif.Faire honneur au maillot ou du moins tout faire pour ne pas le déshonorer,et déshonorer par la même occasion la famille aux yeux des voisins.
La question de la double nationalité réglera t-elle ce problème ?Quand je vois le Stade de France aux couleurs de l'équipe visiteuse et l'hymne sifflé je me dis que oui , et quand j'entends Gomis dire qu'il a choisi l'EDF par attachement pour son pays de naissance et ajouter qu'il ne le regrette pas malgré ses non selections (alors qu'il le mérite amplement) je me dit que non.
Mon sentiment est que cette affaire dépasse le cadre du football et que médiapart aurait du s'abstenir de fouttre le bordel la bas.
Rédigé par : Damien | 07 mai 2011 à 01:35
> David Desgouilles
Exiger d'un individu qu'il choisisse sa nationalité n'exclue pas un double sentiment d'appartenance culturel. Si on s'inscrit dans une conception civique de la nationalité (ce qui je le rappelle est sensé être notre tradition) alors il faut faire prévaloir le critère de l'adhésion volontaire donc du choix sur celui de l'appartenance culturelle.
Pour revenir au foot, on parle là des doubles nationaux mais sais tu ce qu'il en est pour les étrangers ? Car si l'on s'en tient au discours de la fédé qui considère que les centres de formations ont vocation à former les futurs joueurs de l'équipe de France, alors les étrangers devraient en être tout simplement exclus. Si on avait parlé de quotas pour les joueurs étrangers, c'est un débat sur la préférence nationale que l'on aurait eu !
> Claribelle
Certes, mais tout dépend sur quoi repose ton feeling. Si c'est une impression t'indiquant que telle personne s'insèrera bien dans le job ce n'est pas pareil que si elle repose sur une impression d'attirance ou de dégoût que t'inspire son apparence physique. J'ai été DRH une année dans ma vie, je sais qu'on tombe vite dans cette subjectivité discriminatoire.
> Damien
C'est bien pour ça qu'il serait dans l'intérêt même des binationaux de leur demander de choisir. Cela faciliterait leur construction identitaire. Ils seraient ainsi fortement français par un lien civique, ce qui leur permettrait d'ailleurs d'affirmer plus aisément leur attachement à leur culture d'origine.
> Yaya Ndiaye
Le débat sur le profil des joueurs est effectivement venu interférer sur celui de la binationalité. En réalité c'est une tout autre question qui tire le débat dans un sens opposé.
L'approche par les physiques reviendrait simplement à demander aux centres de formations de privilégier des profils techniques, ce qui devrait réduire spontanément la proportion de blacks sans avoir besoin d'instaurer des quotas.
Bon après, il faut arrêter aussi de hurler au racisme dès qu'on procède à une généralisation ou qu'on prête des traits caractéristiques à un peuple ou une population donnée.
> Damien
Je ne suis pas sûr que Domenech n'ait pas été prisonnier de la guerre ethnique que tu décris. J'ai toujours été étonné par l'exclusion des franco-maghrébins par exemple.
Quant à Médiapart, on est d'accord. Plenel est une pourriture. Il faudrait une haute autorité du journalisme capable de retirer la carte de presse à des salopards de cette espèce qui considère que le lynchage médiatique est une mission sacrée de tout journaliste réellement indépendant.
Rédigé par : Malakine | 07 mai 2011 à 09:06
Bonjour,
"ce qui devrait réduire spontanément la proportion de blacks sans avoir besoin d'instaurer des quotas"
A voir. D'autres profils de jeunes footballeurs noirs plus techniques pourraient eux aussi profiter de cette inflexion.
Rédigé par : www.facebook.com/profile.php?id=887515424 | 07 mai 2011 à 10:48
Pourtant, il faut bien choisir l'un des deux candidats. Et ce sera forcément subjectif: couleur de peau, âge, sexe, beauté, goûts, "feeling"... peut importe. Au rythme où on va, chacun pourrait crier à la discrimination et saisir la Halde donc on choisira peut-être systématiquement la "minorité visible" ou la femme. Et tant pis pour le pauvre mâle blanc de souche
Rédigé par : Haber | 19 mai 2011 à 21:13