Malakine, sur son blog, m’invite à aller plus loin que mon livre : « La France est-elle finie ? » pour répondre à ses interrogations, ce que je vais essayer de faire. Elles sont pertinentes, tellement même qu’il m’arrive de me les formuler à moi-même.
Je souhaite auparavant dissiper quelques malentendus. J’ai beaucoup d’admiration pour les intuitions et les analyses souvent pénétrantes et toujours stimulantes d’Emmanuel Todd. Il me semble cependant que l’exigence républicaine telle que je l’ai définie permet de dépasser l’opposition entre la « culture individualiste » et la « culture souche ». Je ne méconnais pas le temps long de l’Histoire qui ferait rouler chaque peuple indéfiniment dans son ornière. J’ai constaté depuis longtemps qu’il fallait un projet pour rassembler les Français.
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PS : Cet article devrait à son tour donner lieu à une réponse de ma part ... si j'arrive à me sortir du rôle de l'rréductible pessimiste dans lequel il tend à m'enfermer.
Monsieur Chevènement
Personne ne doute que vous soyez un républicain , mais vous êtes un républicain qui s'est souvent trompé.
Votre péché originel est d'avoir cru en François Mitterrand, et vous avez le mérite de le reconnaître dans votre livre. Comment avez vous pu croire un seul instant que François Mitterrand pouvait devenir un de Gaulle bis "l'homme bis de la nation" ? quoique dans certaines circonstances...
Alors que la relance, voulue par le gouvernement auquel vous participiez en tant que ministre de la recherche et de l'industrie, était visiblement entrain d'échouer, vous avez rendu fou de rage Jacques Delors lorsque vous avez à nouveau prôné une relance au cours d'un Conseil des ministres que vous n'avez pas pu oublier. Delors vous a posé une question : la relance, mais avec que argent ? vous lui avez répondu qu'il suffisait d'emprunter. La réplique du ministre des finances fut cinglante : Vous n'avez que ce mot à la bouche "emprunter" et qui rembourse ? vous a t-il dit
Vous avez toujours voulu que la France joue en solo contre ses partenaires. Déja en 1982 alors que les difficultés se profilaient vous avez continué à refuser la loi du marché, vous avez refusé les règles européennes et c'est ce qui expliquait déjà votre idée de re- relance intérieure accompagnée d'une sortie du SME.
Vous vous êtes également trompé dans bien des diagnostics ou analyses comme vous voudrez. Souvenez vous de l'après élections municipales de 1983. Alors que les Français venaient de sanctionner une politique qui ne leur convenait pas et qui les a amenés à subir un plan de rigueur qui, par rapport à celui d'aujourd'hui, paraît être du gâteau, vous avez fait une analyse inverse. Vous avez déclaré " Nous avons reçu un message des Français qui nous demande d'aller encore plus à gauche". Vous n'avez rien compris et les Français vous l'ont à nouveau fait savoir en 1986. Vous avez cru qu'en votant à droite les Français voulaient une politique de gauche. Oui, vous vous êtes souvent trompé.
Finalement c'est la ligne Delors qui a prévalu, à un point tel que dans le nouveau gouvernement il est devenu le numéro deux dans l'ordre protocolaire. Vous ne pouviez l'admettre ce qui a justifié votre départ. Si vous n'être pas entré en opposition, vous avez alors était assez critique envers la politique menée. Vous avez justifié votre départ du gouvernement Mauroy par une politique que vous jugiez trop droitière et pourtant...
Laurent Fabius a été installé par François Mitterrand à Matignon, c'était le 19 juilet 1984. Souvenez vous monsieur Chevènement des déclarations du Premier ministre " Il ne faut pas décourager les hauts revenus. ceux qui travaillent le plus doivent être récompensés". souvenez vous encore "On ne peut pas préparer la France à affronter la fin du XX éme siècle avec un esprit d'intolérance et des idées d'avant guerre" et encore, voici le summun dit par Laurent Fabius " Le vote de 81 ne m'a jamais semblé être une conversion au socialisme", déclaration en totale contradiction avec vos analyses. Pourtant, si vous avez quitté le gouvernement Mauroy que vous trouviez trop à droite, vous êtes revenu dans celui de Laurent Fabius qui l'a été bien plus. J'avoue n'avoir pas bien compris à l'époque. Dans votre livre, vous vous dédouanez, trop à votre aise, du bilan à la fois économique et européen de vos amis politiques, un peu de retenue. Je fais partie de ceux qui estiment que vous vous êtes beaucoup trop trompé pour aujourd'hui vous faire crédit.
Mais il y a plus, ce sont vos contradictions. Je n'ai jamais compris, monsieur Chevènement, le fait que vous souteniez le programme commun de la gauche dans lequel il était dit que" la gauche renoncerait à la force nucléaire si elle parvenait au pouvoir" et que dans le même temps (c'était en 1977) et vous étiez rapporteur du comité directeur du PS avec Mrs Robert Pontillon et Charles Hernu, votre rapport disait" que si la gauche gagne, elle devra tenir compte du fait nucléaire". Comment encore une fois accorder crédit à un homme qui défend à la fois une chose et son contraire.
Enfin pour ce qui de la notion d'Etat nation je n'oublie pas ce que disait le général de Gaulle " Nous ne pouvons pas nous défendre seuls - d'ailleurs personne ne le peut - . la sécurité de chacun ne saurait être assurée que par la coalition organisée de tous" et aussi "L'indépendance" ne va pas sans "les Alliés"; elle n'est pas la solitude. L'indépendance c'est la façon nationale de vivre avec eux. ". L'amorce de l'idée européenne ce n'est pas Jean Monnet mais bien le général de Gaulle. A la fin de son voyage à Bruxelles le 11 octobre 1945, le Général voit en privé le ministre belge des affaires étrangères, Paul-Henri Spaak. Lance t-on alors les bases de la construction européenne" Je suis très partisan de l'entente entre les pays de l'Occident sur certains points précis" dit Spaak. Mais là où la Belgique voit essentiellement des problèmes de sécurité collective, de Gaulle voit plus loin. Du moins c'est ce qui ressort de la page qu'il consacre à son voyage dans ses Mémoires de guerre. Ce que le Général retient de ce qu'il a dit à l'hôtel de ville et à l'université de Bruxelles, deux lieux cités avec précision, est résumé en quelques mots "Je proclame l'espoir que pourrait apporter, un jour, au monde entier, l'association de tous les peuples de l'Europe."
Il y a malgré tout un sujet sur lequel vous n'avez jamais dévié et lorsque vous répondez à Malakine que la République est d'abord enseignante, je vous approuve totalement. Aujourd'hui l'enseignement est basé sur le contructivisme c'est à dire non pas sur l'enseignement, non pas sur la transmission du savoir mais sur la théorie du "apprendre à apprendre" et on voit où cela nous mène. Vous avez été un bon, un très bon ministre de l'Education nationale. Vous avez essayé de réhabiliter la discipline, le mérite et les devoirs et même, vous êtes celui qui a voulu que les enfants apprennent leur hymne national. Je suis bien certain que à droite personne n'aurait osé aller aussi loin que vous.
Je me différencie de vous sur la notion de l'intérêt général, une notion un peu galvaudée et que l'on emploie à tort et à travers, parfois à la place d'autres notions plus adaptées comme les notions de "service pubic" de "bien commun" ou encore "d'utilité sociale".
La notion de "bien commun" est la plus ancienne. Il s'agit d'une notion philosophique ( Aristote et Thomas d’ Aquin). Au Vémé siècle avant JC, Thucydide homme politique et historien athénien disait "qu' une société qui perd le sens du bien commun est une société condamnée ". Selon lui le bien commun présente 3 caractéristiques : il transcende les intérêts privés et n’en n’est pas la somme, il n’est pas défini par la loi ou la norme car il suppose le débat, la délibération au regard de ce qui semble juste et bien, et enfin il se fonde sur la capacité de chaque individu à discerner l’essentiel au coeur de l’important. Il appelle chacun à douter et à rechercher une vérité toujours en construction.
Je suis loin de prétendre détenir cette vérité puisque je suis toujours en recherche. Cette vérité, je ne crois pas que vous la possédiez plus que tout autre.
Cordialement
FR
Rédigé par : flamant rose | 02 mars 2011 à 14:27
@ Malakine
Vous aurez compris que le principal reproche que je fais à Jean Pierre Chevènement c'est d'en prendre trop à son aise dans la façon de se dédouaner. Il a participé en tant que ministre à la construction de ce qu'il combat aujourd'hui
Rédigé par : flamant rose | 02 mars 2011 à 14:40
voici le commentaire que j'ai fait sur le blog de Flamant rose
Vous adressant à JPC, vous écrivez « Dans votre livre, vous vous dédouanez, trop à votre aise, du bilan à la fois économique et européen de vos amis politiques, un peu de retenue ». Vous avez tout à fait raison, en consultant Wikipédia on peut lire que Chevènement a été 4 fois ministre sous la présidence de F Mitterrand et une 5 éme fois de 1997 à 2000 sous la cohabitation et sous l’autorité de Lionel Jospin; il se doit d’assumer tout ce qui a été fait puisque en vertu de sa théorie « un ministre ça ferme sa gueule ou sa démissionne » s’il ne l’a pas fait, il doit assumer, ce qu’il ne fait pas. La position qu’il prend est effectivement trop facile..
Rédigé par : Manue | 02 mars 2011 à 16:23
L'échassier dans son marais putride ne mérite aucune réponse.
Rédigé par : ETDAS | 04 mars 2011 à 12:27
@Malakine :
Ne crois-tu pas que tu pourrais te sortir de ton "rôle d'irréductible pessimiste" ? La politique est en train de redevenir intéressante et même amusante, on dirait...
Rédigé par : Sancelrien | 06 mars 2011 à 11:53
Sancelrien n'a pas tort...
Rédigé par : Emmanuel B | 06 mars 2011 à 14:30
J'abonde également dans le sens de sancelrien
Rédigé par : guzy | 08 mars 2011 à 13:35