Comme mes collègues blogueurs Laurent Pinsolle et David Desgouilles j’ai été destinataire du dernier livre de Jean Pierre Chevènement avant sa sortie au début du mois de Janvier. C’est donc avec beaucoup de retard que je vais livrer les commentaires et les réflexions que m’a inspiré cette lecture extrêmement stimulante.
Je ne vais pas tenter de résumer le contenu particulièrement dense de ce livre. Je renvoie donc ceux qui n’auraient pas encore lu cet ouvrage aux articles qui lui ont déjà été consacré, notamment ceux de mes éminents collègues, ainsi qu’aux nombreuses interventions médiatiques de JPC aisément accessibles sur le net.
Je vais plutôt tenter de prolonger la réflexion à laquelle nous invite Chevènement sur quelques points particuliers : la relation franco-allemande, l’idéal républicain, sans oublier bien sûr la question-titre de savoir si notre pays a encore un avenir en tant que nation.
Je me dois néanmoins en préambule de rendre hommage au travail de synthèse contenu dans toute la première partie de l’ouvrage. Jamais, je crois, les différentes dimensions de la crise actuelle, celle de la construction européenne, de l’euro, de la gauche, du néolibéralisme ou de la mondialisation n’avaient été exposées avec tant de brio. La synthèse est parfaite, la mise en perspective historique admirable, le diagnostic complet et juste, le tout dans une forme particulièrement accessible et avec un sens aigue de la pédagogie, ce qui fait de ce livre un remarquable manuel de culture générale ou d’histoire contemporaine dont je ne saurais que trop conseiller la lecture, notamment aux jeunes générations.
Que faire de l’Europe ?
Les souverainistes seront probablement déçus. JPC est très loin de prôner une sortie de l’Union Européenne, ni même une révision des traités ou encore un retour aux monnaies nationales qu’il a popularisé avec son expression « quand on est dans un avion, on ne saute pas par le hublot ». Sur ce dernier point, je ne saurais lui donner tort dans la mesure où son analyse rejoint très précisément les conclusions auxquels je suis arrivé dans mon étude sur la crise des dettes souveraines. Il s’appuie notamment (page 164) sur ce qui est selon moi l’argument principal « une dévaluation compétitive d’une Peseta et d’une Lire ressuscitée ne serait pas supportable pour notre économie »
JPC préconise une réforme de la gouvernance économique européenne classiquement keynésienne, à base d’une initiative européenne de croissance rendue possible par un grand emprunt européen pour la réalisation d’infrastructures et le financement de programmes de recherche et d’innovation, une vraie politique de change permettant de s’assurer d’une parité euro-dollar supportable, une politique de relance salariale particulièrement dans les pays excédentaires, ainsi qu’un certain protectionnisme européen pour protéger l’industrie européenne de la concurrence chinoise.
Que ses anciens soutiens se rassurent, le candidat du pôle républicain n’a tout de même pas viré sa cuti pour devenir un Eurofédéraliste bon teint ! En cas d’échec de sa stratégie européenne de croissance, il ne serait manifestement pas hostile aux solutions préconisées par Jacques Sapir, en particulier la monétisation des dettes publiques et une explosion concertée de la zone euro pour sa transformation en monnaie commune. Tout vaut mieux que la dévitalisation du tissu industriel et rien ne se place au-dessus des intérêts vitaux de la France !
On sent d’ailleurs clairement chez Chevènement, les mêmes réticences que chez l’économiste préféré des souverainistes, à ce que la France prenne l’initiative de la rupture. Notre position préférentielle doit être de convaincre l’Allemagne à revenir à une politique plus coopérative à l’égard de ses voisins. Ce n’est qu’à défaut et face à un refus allemand explicite qui conduirait le continent sur une pente suicidaire que le plan B devrait être mis en œuvre. Comme les républicains français de la fin du XIXème à propos de l’Alsace-Lorraine, sa maxime à propos du retour au Franc est « n’en parler jamais, y penser toujours » !
Quelle relation face à la nouvelle Allemagne ?
La stratégie de la relance d’un projet d’une « Europe européenne » pose clairement la question des relations avec la « nouvelle Allemagne », notre grand voisin réunifié, à la puissance et aux souverainetés retrouvées. JPC n’élude pas la question ni sa difficulté et se garde bien de penser qu’infléchir la stratégie économique allemande ne sera qu’une formalité pour le nouveau président élu.
L’ouvrage consacre au contraire de longs sur la culture allemande, son histoire et ses enjeux contemporains. L’idée qu’il s’en dégage est que l’Allemagne, si elle s’est dotée d’une stratégie de reconquête de sa souveraineté et d’adaptation à la mondialisation qui a été couronnée de succès, n’a en réalité aucune stratégie européenne, pas même de domination. Elle se retrouve aujourd’hui dans une situation leadership qu’elle n’avait pas réellement recherchée et dont elle ne sait pas trop quoi faire. Imposer sa politique à l’ensemble de ses partenaires (ce qui est la ligne actuellement poursuivie par Angela Merkel) conduira l’Europe dans une récession généralisée et une crise économique et politique programmée. Intégrer l’intérêt économique de ses voisins dans une recherche d’intérêt général européen la conduira à réviser du tout au tout sa stratégie économique. Les abandonner au bord du chemin pour faire cavalier seul demeure un tabou. Pour l’instant …
C’est cette impasse stratégique qui permet à Jean Pierre Chevènement de rester raisonnablement optimiste sur la possibilité de faire œuvre de pédagogie et de conviction pour la convaincre de développer un projet à l’échelle du continent paneuropéen intégrant la Russie et la rive sud de la méditerranée. Il va sans dire que JPC n’attend rien de la dynamique institutionnelle communautaire pour opérer cette mutation du projet européen, mais tout de la force des nations et en particulier de la confrontation égalitaire et respectueuse des deux plus grandes puissances du continent, la France et l’Allemagne.
Mais que faire si l’amicale pression sur notre partenaire ne produit aucun effet ? Sur ce point la réponse de JPC se fait plus timide et plus hésitante. S’il n’exclue pas la rupture, il semble la concevoir en ultime recours lorsque le couple franco-allemand aura apporté la preuve tangible de son échec et uniquement de manière temporaire, le temps que la gauche allemande refasse son unité et que ce pays mette son légitime désir de puissance au service d’un projet européen qui le dépasserait.
Je regrette que sur ce point JPC n’ait pas cru utile de développer plus avant l’hypothèse du « schisme européen » qu’il évoque pourtant à travers la thèse de Peter Sloterdijk selon laquelle la vieille fascination réciproque aurait désormais fait place à un désintérêt mutuel. Il est pourtant dit à de multiples reprises, que l’Allemagne regarde désormais vers l’Est et que la France doit réapprendre à regarder son Sud. Pourquoi ne pas alors avoir poussé le modèle jusqu’à imaginer un détachement inexorable l’Europe germanique de l’Europe latine avec deux unions économiques et pourquoi pas, à terme politiques ?
A titre personnel, je ne vois pas d’autre avenir que celui-ci pour le projet européen. L’Europe évoluera dans un ensemble multipolaire où France et L’Allemagne seront au centre de zones distinctes, ou bien ce sera l’hypothèse dite de « sortie de l’histoire » où chaque nation européenne recherchera son intérêt sans plus prétendre peser sur la marche du monde.
Je ne crois pas du tout (et depuis longtemps) dans le retour à une Allemagne européenne. Pour deux raisons majeures. La première c’est que la stratégie nationale non coopérative a plutôt bien fonctionné pour elle et qu’à moins d’une déflagration économique qui remette tout en cause, elle n’a aucune raison de réviser son modèle. La seconde c’est que l’Allemagne est la grande nation de culture « souche » du continent et qu’à ce titre le seul horizon collectif qu’elle est capable de penser est son propre cadre national. La France est dans une situation rigoureusement inverse. Sa crise d’identité et ses faiblesses économiques l’empêchent de se penser comme une puissance autonome, et son universalisme la pousse à penser le collectif à l’échelle la plus large possible, l’Europe quand ce n’est pas la Planète, l’Humanité ou l’Univers.
Un républicanisme de type souche
A force d’analyser avec beaucoup de précision et de lucidité les différences culturelles, pour ne pas dire anthropologiques, entre la France et l’Allemagne, sans jamais citer les travaux d’Emmanuel Todd et ses modèles familiaux, on se demande si cette grille de lecture ne lui fait pas défaut pour pleinement tirer toutes les conséquences de ses constats.
L’incompatibilité entre la culture souche et l’universalisme n’est qu’un exemple. Quand on connait l’anthropologie toddienne, la question qui saute à l’esprit à la lecture de l’exposé des valeurs dont JPC veut assurer la réhabilitation en France est de savoir si l’idéologie de ce grand républicain est réellement adaptée au tempérament national tant JPC semble être empreint de la culture souche, comme en atteste sont respect presque admiratif de la culture allemande, son ironie sur l’universalisme français tantôt qualifié de naïf tantôt de niais « qui le rend aveugle aux autres cultures », une conception holiste de la nation qui le distingue à ceux qui développent un patriotisme politique de préférence à un patriotisme national ou les principes qu’il aimerait réhabiliter : les valeurs de la transmission "qui permettent le vivre ensemble", le sens de la durée, l’autorité, le primat de l’industrie et de la production, l’approche systémique des choses …
Ce constat m’a amené à me demander si l’erreur fondamentale de JPC n’avait pas été finalement d’abriter ses concepts derrière ce terme de « République » dans laquelle chacun met désormais ce qu’il veut. Pour certains il s’agit tout simplement du libéralisme politique, le respect de la séparation des pouvoirs, le parlementarisme et les libertés publiques et individuelles. Pour d’autres il s’agit de la haine de toute forme d'appartenance à un collectif, d'identité, de communauté ou même de croyances. Pour d’autres enfin, il s’agit d’une soif inextinguible d’ordre policier et de sanction pénale.
Peut-être que finalement son discours aurait su porter davantage s’il avait pu exprimer ses valeurs sans les fédérer dans un vocable en isme quelque peu suranné qui a eu l’inconvénient de donner une coloration sépia à une critique et des propositions d’une remarquable actualité. J’avoue toutefois ne pas en être certain. Dans une société qui se pense comme "un tout", il peut exister une droite et une gauche toutes deux également « patriotiques », mais dans une société qui se pense comme une somme d’individus, celui qui pense système apparait aussitôt comme un affreux réac qui flirte dangereusement avec l’extrême droite.
Et au fait, la France est-elle finie ?
Sans même sans rendre compte, JPC pense la nation comme une structure holiste intemporelle et immortelle. Elle ne peut qu’être déprimée, fatiguée d’elle-même ou détournée de son destin par des fausses pistes ou des influences pernicieuses, mais jamais elle ne saurait disparaitre en tant que Sujet. C’est ainsi que la question qui figure en titre de l’ouvrage n’est même pas examinée. La question ne se pose tout simplement pas !
Et pourtant, JPC avait appliqué la grille de lecture toddienne à cette question centrale, il aurait pu se demander si la nation française n’était pas déjà morte sous l’influence de pures raisons endogènes. Ni en raison de la perte de son Empire, de ses colonies, de la boucherie de 14-18, de la débâcle de 1940 ou de la colonisation idéologique américaine, mais tout simplement sous l’effet de son système anthropologique de l’individualisme universaliste, qui aurait dissout de l’intérieur toute forme de principe collectif.
Il suffit d’ailleurs de reprendre cette fable de la « nation civique » à laquelle fait souvent référence JPC qui veut que la Nation française ne serait pas constituée par l’héritage d’un substrat culturel (l’apanage des nations dites "ethniques") mais par l’adhésion volontaire de citoyens libres et égaux à une communauté politique, ce qui ferait que le Français croirait plus en l’Etat qu’en la communauté qu’il forme avec ses concitoyens. Même si cette vision me semble davantage relever d’un mythe historique que de l’observation de la réalité, elle rend assez bien compte de la problématique.
Si c’est l’adhésion du citoyen au pouvoir politique qui fait en France la nation, que se passe-t-il si au terme de plusieurs décennies de trahison des élites et de mauvaises politiques, le citoyen ne croit plus en l’Etat ? Si celui-ci a été démantelé de tous les attributs de la souveraineté au point que les gouvernants ne font plus que de la gestion de l’opinion ? Si celui-ci est au bord de la ruine, sans marge de manœuvre et de capacité à agir ? Si les gouvernants ont été colonisés par une classe de parasites qui ne pensent plus la proposition politique et l’action publique en termes de réponses à des enjeux d’avenir mais uniquement en termes d’impact médiatique, avec un œil sur l’audimat ou le buzz entrainé par leur dernières déclarations et un autre sur les sondages de popularité? Que reste-t-il de la France lorsque la politique s’est réduite à sa dimension électorale et l’Etat est désormais dans un tel état de déliquescence ?
Cette question que JPC a refusé de se poser, je lui la pose : Monsieur le ministre d’Etat, ne croyez-vous pas que notre pays aujourd’hui n’est plus qu’un agrégat désunis d’individus que ne réunit plus que la promesse de subsides d’un Etat en faillite morale et financière ? Ne voyez-vous pas que nos élites, réelles ou supposées, se vivent comme appartenant à une oligarchie mondiale avec la mondialisation comme seul horizon et l’Amérique pour seul modèle ? Ne pensez-vous pas que l’immense majorité du peuple s’est réfugié sur la sphère privée sentimentale, familiale ou communautaire et n’attend plus aucun projet national ? N’êtes-vous pas frappé de constater que l’on ne parle plus exclusivement que des Français et de leur vrais problèmes de vie quotidienne, et plus jamais des maux dont souffre la France, que les problèmes, comme les réponses, sont toujours exprimées de manière individuelles (quand ce n’est pas psychologique), jamais de manière systémique ou macroéconomiques !
Oui, Monsieur le ministre d’Etat, je le reconnais, je n’y crois plus. Je n’arrive plus à y croire. Je me sens politiquement déprimé, comme je le crois, beaucoup de républicains, de patriotes ou de souverainistes (selon le vocable que chacun préfèrera), devant ce qu’est devenu notre pays et l’absence de perspective sérieuse que la situation s’arrange à brève échéance. Voyez donc : Dans un an nous aurons le choix entre la fuite en avant dans toutes les solutions qui ont causé notre perte, où laisser l’Etat entre les mains du chef d’une entreprise électorale qui n’a d’autre ambition que faire le guignol à la télé …
Si vous pouviez prendre la plume pour écrire le petit chapitre qui manque à votre livre pour rassurer ceux qui comme moi désespèrent de leur propre pays et n’arrivent plus à croire qu’il puisse encore écrire une page de l’Histoire, pas même de la sienne …
Malakine
Pour commander le livre en ligne, voir la page de présentation de l'ouvrage, sur le blog de Jean Pierre Chevènement
Quelle déprime!
Je ne sais pas si Jean-Pierre Chevènement pourrait te rassurer à ce niveau de défiance.
Merci en tous cas pour tes analyses sur la durée (pour ma part, j'ai commencé à les lire un peu tard). Rien n'est plus passionnant que de voir se constituer une pensée exigeante mais capable de se remettre en cause, de profiter des cogitations de quelqu'un qui ne s'en remet pas à un socle d'analyses préconçues (même solides) mais essaie loyalement de se tenir à la pointe de ce qui se passe en tenant compte de ce que le nouveau a toujours de proprement inouï. Au risque assumé du casse-gueule. Félicitation pour cet effort continu, dont je vois bien peu d'autres exemples. Je ne souscrivais pas à toutes tes analyses - celle d'une mort clinique des vertus de l'universalisme par exemple me paraît largement exagérée - mais peu importe les réticences, je suis triste car j'avais pris l'habitude de penser avec toi (quelquefois contre toi aussi, c'est vrai) et je me sens déjà orphelin du blog et de son forum.
Très amicalement,
Rédigé par : Emmanuel B | 22 février 2011 à 15:17
Très intéressant d’avoir ta lecture du dernier livre de JPC. Sur l’Allemagne, je suis arrivé à une conclusion peut-être un peu farfelue, mais qui serait que notre voisin ne souhaite pas faire ce qu’il faut pour sauver l’euro (et à juste titre), à savoir accepter les euro-obligations ou augmenter largement le FSE mais qu’ils ne souhaitent pas non plus prendre l’initiative de la fin de la monnaie unique. Du coup, ils se retranchent derrière une politique qui contraindra forcément les pays du Sud à quitter la monnaie unique (le premier étant la Grèce). Reste à savoir si la France aura alors le courage de faire de même.
Il est sûr que les bons chiffres actuels de l’Allemagne pourraient la pousser à persister dans sa politique. Après, le jour où l’euro explose (et les pays du Sud ne pourront pas suivre longtemps), l’Allemagne aura à nouveau besoin d’une coopération européenne car en l’absence de cadre coopératif, les dévaluations seront très violentes, ce qui lui fera très mal. Là, la France pourra agir avec sa position médiane entre Allemagne et Italie et Espagne. Mais il faudra le bon personnel politique à ce moment-là.
Sur l’échec de JPC, mon sentiment en 2002 était qu’il avait trop cédé aux petites phrases dirigées contre Jospin et Chirac, n’apparaissant que critique et pas suffisamment comme force de propositions. Comme tu le soulignes bien, le vocable « républicain » n’est pas très clair en outre. Dommage qu’il n’ait pas pris conscience qu’il est peut-être plus gaulliste que socialiste…
Concernant ton jugement sur la France, j’y vois forcément une conséquence de ton pessimisme naturel. Non, notre pays n’est pas mort. Il est éminemment vivant. Le corps politique Français bouge, veut du changement, veut qu’on lui parle de République, de nation, de projet collectif.
C’était le sens de la victoire de 1995 de Chirac. C’est aussi le sens de la défaite de Jospin en 2002, le candidat du renoncement (sur les délocalisations ou l’insécurité). C’est le sens du vote assez formidable de 2005. N’oublions pas que 70% des Français s’étaient déplacés (une participation supérieure à la meilleure présidentielle des Etats-Unis, en 2008, pour un simple référendum) pour aller voter contre ce qu’on leur disait de voter qui plus est. Même 2007 montre l’importance du volontarisme. Le corps politique Français est bien vivant. Il ne demande plus qu’à s’incarner, à trouver un candidat à qui se confier. Les mouvements récents (envolée du Modem en 2007, envolée des Verts en 2009, remontée en flèche du FN en 2011) montrent au contraire une envie d’alternance, une vivacité démocratique qui laisse espérer à mon sens. Notre démocratie est bien vivante. Sinon, nos compatriotes se contenteraient de s’abstenir et de laisser un mouvement de balancier se produire (comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne).
Bien sûr, PS et UMP se rapprochent du statut de parasite politique vivant sur la France au lieu de la servir. Bien sûr, nos élites vivent dans leur bulle et ont arrêté de penser. Mais je crois qu’une insurrection démocratique approche. Notre pays est encore très loin d’être un agrégat désuni d’individus qui ne pensent plus qu’à leur nombril et aux avantages qu’ils pourront obtenir à titre purement personnel. Il faut juste laisser un peu de temps à nos compatriotes. 2007 a été le point bas de notre déprime politique (Sarkozy, Royal, Bayrou…). 2012 devrait marquer un nouveau départ, avec à gauche, l’émergence d’une alternative anticapitaliste, et je l’espère et le crois, un renouveau gaulliste avec NDA. Bien sûr, cela ne nous mènera pas au second tour, mais nous aurons pris date pour l’avenir, avant la grande décomposition du PS et une recomposition majeure de notre système politique, sans doute avec la prochaine crise.
Il nous faut un peu de patience.
Rédigé par : Laurent Pinsolle | 22 février 2011 à 19:15
Merci Malakine pour ce dernier avis sur le livre de JPC.
Je partage entièrement tes questions quant à la pertinence relative de JPC sur ses choix. Je dirais même plus, sans m'étaler: il écrit comme un spectateur et c'est ce qui me choque le plus en le lisant.
C'est exactement sur tes questions qu'il faut travailler. Oui nous déprimons, mais la roue tourne et l'espoir réside dans l'innovation politique et idéologique. Le pôle républicain est mort et tant pis (JPC dans son livre solde cette tentative 10 ans après), la France existe toujours.
Rédigé par : julia | 23 février 2011 à 11:35
Merci Malakine pour la grande bouffée d'air intellectuelle que vous nous avez fait respirer avec ce blog.
Je trouve tout à fait dommage sinon dommageable que vous l'abandonniez maintenant, même si je comprends entièrement qu'un moment de déprime politique puisse vous affecter. Mais il me semble par ce que vous dites dans votre message d'"adieu" qu'il est relié à d'autres facteurs qui vous sont plus personnels, et sur lesquels je n'ai évidemment rien à dire.
Je crois que ceux qui vous lisent et consultent ce blog hésitent eux aussi par moments entre le constat de la faillite nationale dont les citoyens français sont partie prenante ; et d'autre part l'espoir que des signes que tous nous souhaiterions convergents annoncent un réveil démocratique et patriotique : c'est l'un des sens de la réaction d'Emmanuel B. Vous n'êtes pas seul, et ne sombrez pas ainsi dans la déprime !
C'est une question de moment, de fatigue accumulée, et aussi pour chacun d'entre nous de tempérament. Si un réel sentiment d'empathie m'envahit en lisant vos deux derniers textes, je dois aussi vous dire que la vie intellectuelle que vous animez ici est à la fois de votre fait mais en même temps dépasse votre stricte condition subjective.
Ailleurs, près de la France, dans des conditions bien sûr totalement différentes, des peuples qui pensaient verrouillées les conditions de leur oppression abattent les barrières mentales qui les empêchait de concevoir un avenir collectif. Ils en sont aussi surpris que nous-mêmes, mais une analyse bien informée permettait de supposer que c'était possible.
Il faut donc supposer aussi que cela peut être le cas du peuple français dont vous faites comme moi partie.
Une circonstance exceptionnelle,et tous repart. Mais il faut une bonne réflexion préalable, donc des bases intellectuelles solides qui gisent par exemple dans votre blog, pour espérer orienter un tel mouvement.
Reposez-vous, mais ne l'abandonnez pas s'il vous plaît.
Francis Commarrieu.
Rédigé par : Francis Commarrieu | 23 février 2011 à 15:22
L'Europe sans frontières ne peut pas réussir, l'Allemagne ne peut plus nous détruire sans notre accord, les pauvres ne sont pas prêts à se laisser écraser et sont favorables au retour à la France. Donc, d'ici trente ans, nous devrions avoir redressé la situation. Pourquoi veux-tu que cela soit résolu rapidement? Il faut un peu de temps pour que le beau rêve européen se termine, vingt ans de plus pour faire émerger une autre politique. Cela se joue sur une ou deux générations.
Rédigé par : Jardidi | 23 février 2011 à 16:10
Merci, analyse très intéressante, bien qu'un peu trop pessimiste. Pour ma part, j'y crois toujours, car les Français se sont réveillés. Et le Peuple français est capable de tout...
A ce propos, sur la déprime décliniste, je te propose d'aller en Grande-Bretagne ou en Espagne pour prendre conscience de ce que sont de réels pays en déclin. J'y ai été, c'est effarant. ;)
PS : bonne continuation. :)
Rédigé par : B&G | 23 février 2011 à 20:33
Je n'ai pas terminé la lecture de ce livre et je ne peux qu'abonder sur la première partie de ton propos sur la clarté de la synthèse des évolutions récentes de notre pays, de ses choix politiques.
Mais en revanche, je ne m'attends pas à découvrir dans le livre la répons eà la question titre (et je serai même déçu de l'y trouver), car l'objectif de JPC me semble être (d'après ses interviews) de donner des clés et l'envie aux français.
Il propose tout de même des solutions.
J'invite les lecteurs à compléter cet ouvrage par la conférence donnée par JPC à l'IEP d'Aix en Provence, que l'on trouve en vidéo partout, et notamment ici :
http://www.mrc-comite-marseille.fr/ext/http://www.dailymotion.com/mrc-comite-marseille#videoId=xgt185">http://www.dailymotion.com/mrc-comite-marseille#videoId=xgt185">http://www.mrc-comite-marseille.fr/ext/http://www.dailymotion.com/mrc-comite-marseille#videoId=xgt185
Il y en a 7 parties.
cela complète assez bien ce que j'ai pu lire (j'entame le dernier tiers).
je complèterai une fois le livre terminé.
V.
Rédigé par : Verdun | 24 février 2011 à 09:45
le bon lien est là :
http://www.dailymotion.com/mrc-comite-marseille#videoId=xgt185
Au passage, au début de la partie 2, JPC précise que la réponse à la question-titre est "bien évidemment non".
V.
Rédigé par : Verdun | 24 février 2011 à 09:47
L'ouvrage de Jean-Pierre Chevenement ne m'a pas désespéré, bien au contraire... quand je vois qu'il existe encore des hommes d'Etat (comme Védrine et lui) avec une telle acuité d'analyse, je me dis que tout n'est pas perdu!
Le livre semble être une longue réponse à la Préface de Régis Debray aux "Discours de Guerre de De Gaulle", d'une manière ou d'une autre les Peuples ne sortent pas totalement de l'histoire (voir les égyptiens)... après, je suis d'accord avec toi sur JP-C qui hésite en le Demos et l'Ethnos, là-dessus il est beaucoup plus ambigu qu'un Mélenchon!
Son ouvrage vaut également pour la volée de bois vert qu'il envoie à Jacques Delors comme principal artisan du virage néolibéral! La deuxième gauche a vraiment été le cheval de troie des pires compromissions!
Comme le disait Gramsci « Il faut allier le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté », l'individualisme ou plutôt l'égogrégarisme a ses limites et je crois encore à cette "common decency", ce sens commun du Peuple au-delà du processus narcissique et d'atomisation.
Le combat pour la réforme des retraites (au delà du simple corporatisme) a prouvé que nous demeurions une nation politique pas encore endormie et repue par le "tittytainment".
Rédigé par : René Jacquot | 24 février 2011 à 22:57
Voir le commentaire de Yannick Harrel
http://harrel-yannick.blogspot.com/2011/02/filles-de-charlemagne-allemagne-et.html
En attendant la réponse de Jean Pierre Chevènement, qui ne devrait pas tarder, si j'ai bien compris.
Rédigé par : Malakine | 25 février 2011 à 10:35
La France ? C'est une illusion, même pas belle, un roman construit au dix neuvième siècle pour transformer des peuples divers en bons français, prêts à se faire massacrer en 14/18 (et ce fut un succès éclatant). Je ne vois pas pourquoi cette construction politique temporaire devrait être magnifiée ainsi.
Les gens qui vivent sur ce territoire ont des intérêts tellement divergents que le nationalisme ne peut être que coercitif ou guerrier (comme aux USA en passant). Non merci!
Les nations ne sont qu'une réponse temporaire aux problèmes que pose l'Histoire. Les problèmes actuels du monde les dépassent : le nuage de Tchernobyl a ignoré les frontières et l'impéritie russe a failli nous coûter notre vie!
Il faut maintenant inventer autre chose...... le nationalisme, même rebaptisé souverainisme, n'est qu'une impasse.
Rédigé par : Pati | 25 février 2011 à 18:35
c'est fascinant ce grand écart de Chevènement, entre une analyse que nombre de commentateurs disent implacable, et un positionnement politique qui vise à le maintenir comme "ministrable".
Pour finir on aboutit à de l'eau tiède dans les recommandations et à de la nostalgie comme idéal politique.
Tout cela parce qu'il ne pousse pas son raisonnement à son terme : ce n'est pas la France qui est morte, c'est l'Union européenne comme projet collectif soutenu par les peuples. Plus personne n'en veut, mais Chevènement fait comme les allemands selon Laurent Pinsolle : il attend que l'Union explose sans vouloir passer pour celui qui aura réclamé la chose. Au final, c'est peut-être du courage qui lui manque, et ça, pour un chevènementiste, c'est sans doute ce qui est le moins acceptable.
Rédigé par : edgar | 26 février 2011 à 16:27
A noter une réponse de JP Chevènement à cet article :
http://www.chevenement.fr/Reponse-a-Malakine-la-situation-est-aujourd-hui-beaucoup-moins-desesperee-qu-elle-ne-le-paraissait-le-18-juin-1940_a1088.html
Rédigé par : Tomgu | 01 mars 2011 à 18:07