La critique de l’union européenne peut prendre des formes différentes et selon l’approche que l’on privilégiera, les conclusions différeront. Si l’on met l’accent sur la critique de la supranationalité, on aboutira à l’Europe des Nations ou au modèle intergouvernemental par opposition au modèle fédéral. Si l’on conteste son projet économique libéral, on proposera de faire une autre Europe, plus régulée et plus sociale. L’articulation de ces deux critiques a produit le discours majoritaire chez les nonistes de gauche comme de droite et un quasi consensus sur la nécessité d’une « autre Europe »
D’autres arguments peuvent conduire à rejeter l’idée même d’Europe, ou plus exactement l’idée de grand marché.
L’option de l’autre Europe repose sur l’idée que l’efficacité économique s’accroît avec la taille du marché, sous réserve cette économie puisse être effectivement régulée par un système politique efficace capable de conduire des politiques publiques actives, en matière de régulation financière, de politique industrielle, de convergence des normes sociales, environnementale et salariales, de politique monétaire, de politique commerciale à l’égard des pays tiers ou de redistribution régionale.
Or cette idée apparaît doublement fausse. Je vais tenter de démontrer dans un premier temps que tout système politique supranational est structurellement incapable de conduire des politiques autres que libérale. Ensuite, je m’attaquerais au mythe du grand marché pour montrer que ce schéma est tout simplement intenable sur le long terme.
Au cours du débat référendaire de 2005, certains s’étaient émus de constater que le projet de TCE « gravait dans le marbre de la constitution » l’orientation libérale des politiques européennes. L’argument régulièrement servi par Fabius qui voulait étrenner là un positionnement gauchiste totalement nouveau pour lui, et dont la suite a montré le caractère purement tactique, était d’une crétinerie absolue puisque les normes en questions ne changeait pas pour autant de nature, le TCE n’ayant aucun caractère proprement constitutionnel. Dans le même registre, on avait entendu que seule l’union soviétique avait dans l’histoire inscrit son projet politique dans sa loi fondamentale.Cependant, lorsqu’on y réfléchit, il ne ne pouvait pas être autrement.
Il ne faut pas confondre l’Union européenne avec une intercommunalité où des communes s’associent pour mettre en commun des compétences dont elles se dessaisissent et qu’elles exercent ensuite en commun selon les règles de la majorité.
Lorsque des communes s’associent, c’est parce qu’elles ont le sentiment d’appartenir à un même espace uni des liens de solidarité évident (le cas des agglos) ou parce que les compétences en questions ne peuvent être gérées pour des raisons techniques qu’à un niveau intercommunal (tout ce qui touche à la gestion des réseaux). Rien ne tel en Europe. Aucune communauté par nature – d’où le débat permanent sur les frontières de l’union – ni nécessité technique, sauf le cas du grand marché sur lequel on reviendra.
Le sentiment d’appartenir à une communauté de destin faisant défaut, il est bien légitime que les Etats souhaitent avant de se défaire de leurs prérogatives savoir dans quels sens celles-ci seront exercées.
Soit les compétences transférées sont gérées avec la règle de la majorité et les Etats membres prennent le risque d’être mis en minorité pour se voir imposer des politiques qui ne correspondraient pas à leurs intérêts. Soit la règle de l’unanimité s’applique, et le risque de blocage institutionnel croît avec le nombre d’Etat membres, ce qui revient au cas précédent lorsqu’un Etat exige que telle ou telle décision soit prise. Soit enfin les orientations sont gravées une fois pour toute dans le marbre ce qui évite les discussions mais prive les acteurs de toute liberté. Entre ces trois maux, l’union a trouvé un compromis qui cumule les trois inconvénients. Elle fixe des grands principes dans ses traités et les décisions se prennent à la double majorité qualifiée.
La prise de décision politique, au cas par cas et politique par politique, s’avérant particulièrement complexe dans un tel système institutionnel, seule la philosophie politique libérale convient. Ce modèle réduit en effet a son minimum les débats sur les orientations stratégiques. Le système politique libéral répond en effet à un principe de neutralité idéologique absolue, l’économie et la société devant être gouvernés par les forces du marché et les dynamiques sociales, le bien commun étant présumé résulter de l’interaction d’agents privés chacun recherchant leur intérêt particulier. La puissance publique n’a alors pour fonction que de réguler le marché par des mesures techniques et de garantir les droits et libertés des acteurs privés. Pour cela, nul besoin de politiques ni même de démocratie (au sens républicain du terme) Le droit et la technocratie suffisent largement.
Imaginons qu’une prérogative essentielle doive être pilotée politiquement par une structure pluriétatique comme l’UE. Inévitablement des divergences d’intérêts apparaîtront. Si on prend l’exemple de la politique monétaire, certains Etats souhaiteront que les taux d’intérêt augmentent pour lutter contre l’inflation ou une bulle immobilière quand d’autres voudront les faire baisser pour rétablir leur balance commerciale ou stimuler leur économie en panne. La seule solution pour éviter ces débats interminables et de confier ces questions délicates à des professionnels indépendants à qui on fixera un objectif de stabilité des prix. D’où l’indépendance de la BCE.
L’argument fonctionne aussi bien pour la politique commerciale. Certains Etats voudront baisser les droits de douanes sur les produits importés d’une zone géographique afin de préserver leurs exportations vers cette zone, quand d’autres qui souffriront de la concurrence de cette zone, voudront s’en protéger. Certains exigeront que certaines filières stratégiques pour leur économie soit protégée par des quotas, quand d’autres où ladite filière sera absente s’y opposeront pour ne pas pénaliser leurs consommateurs. Une seule solution : le libre échange intégral pour éviter d’avoir à prendre la moindre décision.
Plus la gouvernance d’un système politique est complexe, plus sa production se caractérisera par de la non décision qu’il habillera en théorisant son abstention à agir. Cela n’explique par l’origine du développement du libéralisme en Europe, mais cela démontre que l’Europe n’aurait jamais pu se construire autrement que dans un contexte de consensus libéral.
L’Europe puissance qui agirait à l’extérieur comme un interne sur la base d’orientations démocratiques est un rêve typiquement français. Adhérer à ce schéma exige de sacraliser l’action publique et considérer que l’intérêt général est d’une nature différente de la somme des intérêts particuliers. Il faut aussi une bonne dose d’universalisme pour imaginer pouvoir renoncer à défendre son intérêt national au profit d’un intérêt européen à construire ensemble et qui s’imposerait pour le bien de tous.
Manifestement, les Français sont les seuls à croire à ces principes nés de la mythologie républicaine.
L’exercice en commun des principales compétences économiques est une nécessité dans le cadre d’un grand marché où tout doit circuler librement, les marchandises, les capitaux, les entreprises et les hommes. Il est évident que dans un tel schéma, les politiques industrielles, les règles de la concurrence interne, la politique commerciale et la normalisation des produits doivent être communautarisées.
Mais posons-nous la question de savoir quel est l’intérêt d’un grand marché.
Nous en avons un grandeur nature sous les yeux depuis une bonne décennie avec la mondialisation et le moins que l’on puisse dire est que ses résultats incitent à la prudence : des Etats qui concentrent la production et les excédents commerciaux quand d’autres se spécialisent dans la consommation et les déficits, un système particulièrement instable où les crises se succèdent toujours plus violentes, un univers de compétition sauvage où tous les coups sont permis pour prendre des parts de marchés aux voisins (hier la compétition par les coûts salariaux, aujourd’hui la guerre des monnaies) et au final un système économique synonyme de crise sans fin.
Le constat est moins clair en ce qui concerne l’Europe, mais les mêmes forces sont à l’œuvre. Le grand marché européen n’est rien d’autre qu’une mondialisation en plus petit.
Les avantages d’un grand marché sont présumés par la théorie ricardienne : la division internationale du travail censée favoriser la spécialisation de tous sur ses avantages comparatifs, ce qui doit profiter à l’ensemble du système. Pourquoi faire soi même ce que les autres font mieux et moins cher ? La spécialisation permet ainsi des économies d’échelle, une intensification de la productivité et donc une croissance globale meilleure. C’est ce qu’on a cru observer au cours des années 2000 … avant de s’apercevoir que la croissance mondiale était en réalité tiré par une explosion du crédit jusqu’à rendre l’endettement insoutenable.
Cependant, tout en restant sur le registre de la théorie, on va également relever quelques défauts majeurs à un tel système.
Dans le mouvement inévitable vers la spécialisation, une économie peut très bien se spécialiser sur ce qui va devenir au fil du temps des faiblesses : sa capacité à emprunter qui va pousser à l’endettement, le tourisme qui va développer des emplois faiblement qualifiés et rémunérés, voire l’industrie exportatrice qui va rendre l’économie dépendante de la santé imprévisible de clients extérieurs. D’une manière générale une économie spécialisée est par définition dépendante de son environnement. Qu’un concurrent émerge, qu’un facteur fasse disparaître l’avantage comparatif ou que les clients fassent défaut et tout est par terre !
Parallèlement au mouvement de spécialisation, on constate aussi que la richesse va se polariser. Les zones riches s’enrichissent profitant de leur capital acquis et les régions pauvres se paupérisent, faute d’avantages comparatifs suffisants.
Lorsque cette polarisation a lieu au sein d’une nation, les inégalités territoriales sont acceptables. Si le capital se concentre dans la capitale et quelques grandes villes, les régions non compétitives peuvent tout de même faire vivre une économie domestique grâce aux revenus de transferts et à la mobilité des personnes (dotations aux collectivités, retraites, allocations sociales, salaires des agents publics, revenus tirés du tourisme …) Et en tout état de cause l’excès de main d’œuvre peut facilement migrer dans les régions compétitive pourvoyeuses d’emplois.
Lorsqu’une nation n’est pas pleinement unifiée, ce transfert peut créer des tensions et entraîner un rejet de la redistribution entre les régions riches et les régions pauvres. C’est ce que l’on voit actuellement en Belgique ou en Italie. C’est d’ailleurs pourquoi le modèle de l’économie ouverte pousse structurellement à la fragmentation des nations.
A l’échelle de plusieurs Etat et a fortiori du monde, la situation devient intenable et explosive à terme.
Les Etats les plus compétitifs concentrent le capital et les moins compétitifs se spécialisent dans l’endettement et la pauvreté. Cette divergence n’est tenable qu’à la condition que les pays compétitifs paient pour ceux qui ne le sont pas, soit directement par des mécanismes de solidarité, soit indirectement en alimentant un budget commun qui gérerait des services publics ou des politiques communes. La redistribution territoriale qui est possible lorsqu’on a un niveau de dépense de 56% du PIB comme la France n’est pas possible lorsqu’on a un budget de 1% comme l’UE. Quant à la mondialisation … On imagine mal la Chine financer un jour, un plan Marshall pour remettre sur pied des économies qu’elle aura ruiné.
L’intenabilité d’un tel système se constate aux deux pôles de la richesse. Les pays riches rechignent à une telle solidarité à l’égard des pauvres, qui sont perçus dans un système de compétition ouverte comme des perdants et des mauvais, voire des mauvais perdants s’ils se mettent à oser réclamer des aides ou s’ils osent se plaindre. C’est bien ce à quoi on a assisté entre la France et l’Allemagne après la sortie de Christine Lagarde mettant en cause le modèle allemand, ou pendant l’affaire grecque, lorsque les Allemands ont plus que trainé des pieds pour accepter le plan dit de sauvetage de la zone euro.
A l’inverse les perdants pourrait également s’émouvoir de constater que le capital se concentre entre les mêmes mains. A l’échelle d’une nation, le problème ne se manifestera pas. L’habitant de la Haute Loire restera indifférent au constat que riches français sont tous parisiens. Il ne verra pas le parisien comme un autre que lui, ni la capitale comme un territoire étranger. Il se dira simplement que ses enfants s’ils veulent réussir devront aller à Paris. En revanche le portugais n’appréciera pas que la richesse européenne soit concentrée en Allemagne ou que toutes ses entreprises soient détenues par des capitaux allemands. Il y verra à juste titre un système de domination économique, voire un nouvel impérialisme.
Un marché unifié ne peut être viable que sur un périmètre ou peut se manifester une réelle solidarité s’exprimant par des transferts financiers massifs entre les différents territoires de la zone. Plus la zone économique sera vaste, plus grande sera la polarisation de la richesse et plus importantes devront être les transferts. La taille optimale du marché qui constitue l'échelle de référence de l'économie apparaît donc être celle de la nation. Une économie nationale ne doit plus être perçue comme une partie d'un grand tout qui serait le monde ou même l'Europe, mais une entité à part entière trouvant en elle même les conditions de sa stabilité et de son équilibre.
***
Cette partie de mon raisonnement étant déjà bien longue. Je m’arrête là et je réserve la description du contre modèle; l'économie auto-centrée dans une Europe "multicellulaire" pour une prochaine série
PS ... que le bide épouvantable de cet article ne m'incite pas à engager.
"tout système politique supranational est structurellement incapable de conduire des politiques autres que libérale."
Donc l'URSS était libérale.
Rédigé par : Albert | 23 septembre 2010 à 21:50
L'URSS n'était à proprement parler un système supranational car le système politique y était totalement centralisé. Les nations que l'on connaît aujourd'hui avaient disparu en tant qu'entités politiques au profit d'une identité unique "soviétique".
Supra-national suppose qu'il existe encore des nations en dessous de cette entité.
L'objection est donc rejetée. :-)
Rédigé par : Malakine | 23 septembre 2010 à 21:57
Avec Pinsolle, tu t'orientes vers un modèle de coopération européenne autre ?
NDA oppose souvent son modèle d'Europe à la carte à celui de celle actuelle, sauf qu'il ne détaille pas ce que ça pourrait être...
La page est encore blanche.
Rédigé par : olaf | 23 septembre 2010 à 22:27
@ Malakine
Très bon papier. Là, je suis d'accord. Rien à redire. Il me tarde de lire la suite.
Rédigé par : Laurent Pinsolle | 23 septembre 2010 à 23:35
La vulgate ricardienne est d'autant moins tenable que les fleurons de l'industrie (ou l'Etat est parfois actionnaire) vend son savoir-faire a la future concurrence !
Non seulement ce modèle accouche difficilement d'un sentiment de solidarité europeen mais il handicape les générations restantes travaillant au pays,ils vendront quoi les salariés d'Areva quand les Coréens et les Chinois entreront de pleins pieds dans la danse ?
Citroen s'apprete a délocaliser complètement la production de sa berline de luxe non pas pour faire des économies mais parce que les grosses Allemandes occupent presque tout le marché,les Francais misant donc leurs dernières billes sur le marché Chinois.
Les anglaises résistent mieux mais sont toujours derrière (Jaguar a été vendu 2 fois d'abord a Ford puis a Tata) ,je m'y connais pas assez en automobile pour juger de la qualité des teutonnes mais je reste etonné par cette image préstigieuse donc benéficient leurs voitures !
Est ce une question de mécanique ou d'image ?On dit qu'on accorde plus volontier sa confiance aux personnes sures d'elles mêmes ?!
Rédigé par : Damien | 24 septembre 2010 à 01:05
Alstom pardon.
Rédigé par : Damien | 24 septembre 2010 à 01:07
En parlant d'Areva des élus demandent à EDF de faire preuve de plus de patriotisme,l'entreprise comptant dorénavant commander ses pièces de rechange chez des fournisseurs étrangers.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/09/23/des-elus-appellent-edf-a-plus-de-patriotisme_1415097_3234.html
l'Etat etant actionnaire a la fois d'EDF et d'Areva c'est quand même amusant ces jérémiades.
Rédigé par : Damien | 24 septembre 2010 à 01:24
Toutes les mesures prônées par l'U.E. vont bien au-delà de ce que préconisaient les pères du libéralisme économique, et Adam Smith en particulier, qui, moins dogmatiques et moins doctrinaires que nos technocrates d’aujourd’hui, recommandaient des protections douanières vis-à-vis des pays dont les règles du jeu n’étaient pas les mêmes que les nôtres.
La force de l’ultra-libéralisme a été d’être propagé et même imposé par les nations dominantes les plus puissantes pour justifier et moraliser leur suprématie.
Ce credo libre-échangiste repose d’ailleurs sur une base scientifique quasiment nulle. Il s’appuie sur :
- une contre-vérité : le règne d’une concurrence pure et parfaite,
- une erreur technique majeure : la monnaie n’est pas un simple voile, élément neutre de la théorie de l’équilibre général (loi de l’offre et de la demande),
- une situation historique périmée : la théorie de Ricardo sur les « avantages comparatifs » supposait la non-circulation du capital entre les pays
- nombre de postulats infirmés par la réalité (« le libre échange permet de créer des emplois ! »).
Rédigé par : A-J Holbecq | 24 septembre 2010 à 07:14
> Olaf
pas du tout ! Laurent, Sapir et NDA sont sur cette logique de recomposition d'une autre Europe, mais comme je l'ai dit hier, je considère qu'elle nous conduit dans une impasse. Mon propos est plutôt de développer l'idée qu'il ne faut pas conditionner l'idée de rupture à l'espoir d'une recomposition et que la voie purement nationale est non seulement possible mais la seule réellement praticable.
> Laurent Pinsolle
Je pense que la suite devrait te convenir également. Nos approches divergent mais je pense qu'on se rejoindra sur la conclusion.
> Damien
Très bonne remarque. Je suis moi aussi effaré des pubs qu'on entend en ce moment sur le mode "Il n'y a pas besoin de parler l'allemand pour savoir qu'une voiture allemande c'est du sérieux" Mais là, j'avoue que je n'ai pas de solution contre ça. Mon protectionnisme ne va pas jusqu'à vouloir obliger les français à rouler tous dans des voitures françaises. Pourtant je roule en Renault et j'en suis pleinement satisfait.
> AJH
J'ai lu effectivement avec étonnement dans le bouquin de Claude Rochet sur les politiques publiques qu'Adam Smith n'était pas l'ultra libéral qu'on nous présente et qu'il était même favorable à un certain protectionnisme.
Sur le fond, il y a à mon sens, deux éléments à distinguer, la conception libérale des systèmes politiques et la théorie néo-libérale qui a voulu libérer toute la puissance de domination du capital sur le travail.
L'Union européenne concentre les deux aspects, mais ici je voulais essentiellement évoquer la conception libérale du système politique qui exclue toute volonté de transformation liée à l'expression d'une volonté générale vers un modèle idéal représentant une certaine idée du bien. Le pouvoir politique libéral a juste pour objet de réguler les marchés et de garantir les droits et libertés des acteurs économiques et des personnes.
Je ne nie pas que l'ultra libéralisme est une théorie non viable à long terme (même si elle est très efficace pour les détenteurs du capital) Je dis que les systèmes politiques libéraux ne permettent pas de renverser cette logique car ils reposent sur l'idée que la dynamique sociale qui résulte de l'interaction libre des acteurs produit spontanément le bien commun. Ils ne peuvent qu'accompagner les dynamiques, pas en changer la logique.
Je ne suis pas si je suis clair. J'ai pigé ça cet été en lisant Michéa.
Rédigé par : Malakine | 24 septembre 2010 à 08:41
Excellent deuxième billet.
Le lien automatique entre le libre-échangisme et l'europe telle qu'elle a été construite (je sais difficile d'en avoir d'autre) est évident suite à ta démonstration. Je ne l'avais jamais vu aussi clairement.
De fait, en l'absence d'un support liée à une cohésion nationale (ou religieuse ou idéologique), ou en l'absence d'une supériorité absolue d'un pays membre sur les autres, l'UE se heurtera toujours à un espèce de "mur de la contrainte". ce que l'on est prêt à accepter en terme de sacrifices et de désavantages à l'intérieur d'un même pays (et ces arbitrages sont quotidiens) fera systématiquement blocage entre d'un Etat membre vers un autre (avec des arguments du genre "pourquoi eux et pas moi ?...").
Et sous la tension d'une crise systémique d'une virulence extrême, le système ne peut que voler en éclat. Les européistes benêts crieront au retour des "égoïsmes nationaux" alors que c'est avant tout l'incapacité de l'UE à dépasser ce "mur de la contrainte" qui en est la cause.
J'ai une question : Sapir propose les mêmes solutions que toi mais en laissant l'officialisation de la situation (exclusion...) au reste de l'UE, la France prenant juste les décisions unilatérales rendant inéluctables le clap de fin.
J'y vois donc une divergence de méthode ponctuelle avec toi. Mais cette position Sapirienne n'est-elle pas due à une crainte de la réaction interne française face à un gouvernement mettant fin à un rêve mythique de 50 ans, dans lequel nous avons tous baignés et tous grandis ?
Y a-t-il d'autres différences ?
Verdun
Rédigé par : Verdun | 24 septembre 2010 à 09:06
Je trouve votre démonstration très intéressante. Elle revient à dire que sans système de valeurs cohérents entre les différents pays, on ne peut appliquer qu'une politique basée sur le plus petit dénominateur commun : le Marché
Rédigé par : philippe | 24 septembre 2010 à 12:19
De Gaulle avait tout dit dans son discours sur les cabris: il est normal qu'il y ait une coopération entre pays différents. L'option n'est pas la fusion dans le machin actuel qui nous ruine, mais une coopération organisée. NDA a abandonné - je n'y suis pas pour rien... - le slogan "pour une autre Europe" (11 000 entrées sur Google ce jour) qui est une ânerie.
Nous ne devons pas tomber dans le piège "ou l'ouverture ou la fermeture", mais ouvrir selon nos intérêts, les autres en faisant de même. Comme le dit André Jacques, Adam Smith ne disait pas autre chose et passerait aujourd'hui pour un protectionniste aux yeux des commissaires politiques de BRX.
Rédigé par : Claude Rochet | 25 septembre 2010 à 09:31
Oui Claude
De toute façon, quelque soit la suite, on ne peut reconstruire quoi que ce soit sur ces fondations actuelles.
Le problème c'est qu'il n'y a pas que l'U.E.; il y a aussi la BM, le FMI, et surtout l'OMC
Connais tu la "Charte de la Havane" qui aurait pu être cette bonne OMC si les US n'y avaient pas mis leur véto (en 47 ou 48) ?
A+
AJ
Rédigé par : A-J Holbecq | 25 septembre 2010 à 10:06
@Malakine
Bravo ! il n'y a rien à ajouter.
Cette démonstration implacable valide l'existence d'un 3ème choix politique pour ceux qui en doutaient encore et confirme mon propre point de vue que cette orientation politique est seule vraiment respectueuse de l'environnement par la relocalisation des pouvoirs, économique et industrielle qu'elle suppose (transporter c'est polluer).
Comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, Malakine oeuvre pour la survie de la biosphère sans que cela soit le but recherché... ou bien c'est moi qui suit naif :-).
D'un point de vue électoral, ce simple constat peut déboucher sur plusieurs conséquences intéressantes :
1) Une grande alliance de partis entre les souverainistes et les écologistes sur la base structurante de la relocalisation en question. D'ailleurs, cette idée défendue par François Degans fondateur du parti CEI-SER existe depuis lontemps (http://www.cei-ser.com/). En résumé : "Etre contre la mondialisation économique, la concentration, n’est pas une opinion qui s’ajoute à celle de se vouloir écologiste. C’est une condition préalable."
2) Pas d'alliance entre partis mais un transfert vers le vote souverainiste des électeurs écologistes (Les Verts, MEI, Europe Ecologie) dont la majorité ne constitue pas un vote d'adhésion mais un vote protestataire par défaut contre les 2 grands partis traditionnels UMP et PS. Je m'explique : les électeurs concernés sont d'abord des "anti-mondialisation" et ne se retrouvent ni dans la nébuleuse verte hétérogène (Verts tendance Yves Cochet, Bové, Cohn-Bendit, partisans d'une alliance avec le PS) ni dans le Parti de Gauche de Mélenchon qui ne se donne pas les moyens de ses ambitions vis à vis d'une rupture franche avec l'UE.
Sur le fond du texte et l'interprétation de l'actualité politique récente prise en exemple, je suis du même avis.
Enfin, une appréciation personnelle : ce 2ème billet n'est pas un bide d'ailleurs comment savoir combien de fois il a été consulté ? J'ai également eu des problèmes pour enregistrer mon commentaire (suite au message d'erreur "Sorry ! We can accept this data"). Peu de réactions, il est vrai mais la lecture d'un tel article suppose un "certain temps" comme dit Fernand Raynaud ... et encore un peu plus si on veut le commenter :-)
Rédigé par : Santufayan | 25 septembre 2010 à 11:03
Message d'erreur récurrent au moment de valider l'enregistrement du commentaire, ce n'est pas la 1ère fois : "Sorry ! We can't accept this data".
Après 5 ou 6 essais tous refusés, pour me dépanner j'ai sauvé le texte dans le brouillon de ma messagerie Yahoo.fr, fermé le navigateur, relancé le navigateur internet, retour sur le site Horizons puis copier-coller depuis Yahoo.fr vers la fenêtre du commentaire et enregistrement du commentaire.
Rédigé par : Santufayan | 25 septembre 2010 à 11:11
La catastrophe ne se produira-t'elle pas avant que nous ne soyons unis et solides? Ne devrions-nous pas déjà entamer un dialogue avec Marine Lepen pour la pousser à hausser son niveau d'analyse? Elle seule peut expliquer à des dizaines de millions de Français comment la sortie de l'UE peut se faire. Je crois, en outre, que la montée du FN, serait un catalyseur pour les Républicains incapables de s'unir.
Rédigé par : Jardidi | 26 septembre 2010 à 10:27
J'ignore qui d'entre vous a écouté "c'politique" ce soir sur France 5, mais il faut reconnaitre que Marine Le Pen a été excellente...
Si vous l'avez manqué et que ça vous intéresse, c'est en video à partir de 20 h je pense
http://tinyurl.com/lrsbvh
Rédigé par : A-J Holbecq | 26 septembre 2010 à 18:58
L’histoire des XIXe et XXe siècles a donné suffisamment de raisons de se méfier de l’hypertrophie du principe national qui a pour nom « nationalisme ». Elle n’a cependant produit aucune conception opératoire alternative de la souveraineté politique. C’est pourquoi, détruisant l’idée de nation, le libéralisme détruit du même coup celle de souveraineté, en prenant bien soin, signe de sa parfaite hypocrisie, d’éviter toute reconstruction de souveraineté à des échelles territoriales élargies. Car l’idée de nation souveraine pourrait fort bien être étendue au-delà des ensembles territoriaux et culturels où elle a d’abord trouvé naissance, pour embrasser des ensembles autrement composites mais rendus cohérents par la mise en commun d’un destin — cela même qu’on appelle souveraineté —, extension au terme de laquelle il deviendrait plus clair que souveraineté et nation, c’est en fait tout un, et que l’une n’est qu’un autre nom de l’autre.
Frédéric LORDON
http://www.monde-diplomatique.fr/2010/05/LORDON/19137#nb4
Cité par Malakine (ne rêvez pas)
Rédigé par : F.Lordon | 30 septembre 2010 à 16:48
A propos de F.Lordon, il vient de sortir un nouveau bouquin "Capitalisme, désir et servitude" qui a donné lieu à une émission d'Arrêts sur Image tout simplement remarquable.
Même moi, j'ai compris et pourtant on y parle de philosophie et de Spinoza !!!
Le bouquin n'a pas l'air facile mais d'après Judith Bernard d@si, si on fait un petit effort, on peut comprendre.
Je vais tenter le coup.
Rédigé par : RST | 30 septembre 2010 à 22:43
@RST , l'emission passera "en clair" dans qqs temps comme la Ligne Jaune ?
T'es pas la première personne à en dire du bien sur le net.
Si l'aide de la philo est recquise pour expliquer ce marasme c'est bien qu'en dessous transpire une idéologie (les thuriféraires prétendent l'inverse)et qu'il est donc possible de la désosser.
Rédigé par : Damien | 01 octobre 2010 à 01:07
Bonjour à tous,
Excellent blog.
Cela dit je trouve qu'il manque souvent, dans cete analyse par exemple, l'acteur le plus puissant du monde (privé de la Chine qui est le dernier état fort): j'ai nomé la multinationale.
C'est elle qui fait les lois aux Etats Unis, en Europe et dans les pays du tiers monde à travers ses bras armée que sont le FMI ou la Banque Mondiale quand ce n'est pas l'armée américaine.
Pas plus tard qu'hier enfin récemment, le président de Big Brother en personne de le dire : http://www.theatlantic.com/technology/archive/2010/10/googles-ceo-the-laws-are-written-by-lobbyists/63908
Bref, on ne peut plus raisonner que par pays même si en Asie, à l'image de la Corée et du Japon, les entreprises sont encore gérées de façon assez "patriotes".
Finalement, l'émergence de la Chine dans cette grande partie de monopoly n'est peut être pas une si mauvaise nouvelle, c'est le seul état assez fort pour s'opposer à l'anarchie libéraliste.
La ploutocratie mondialiste qui n'a pas de patrie semble avoir des problèmes à dicter à la Chine son cahier des charges.
Rédigé par : Jo Bserve | 04 octobre 2010 à 19:00