Dans mon texte sur la Burqa, je préconisais en conclusion d’autres types de réponse que la sanction pénale pour exprimer l’hostilité de la France et je citais notamment la déchéance de la nationalité française. En écrivant cela, j’avais en tête l’arrêt du Conseil d'Etat qui avait validé un refus de naturalisation pour cause de port de la Burqa il y a deux ans. Une sanction lourde, essentiellement symbolique, mais qui délivrait un message clair.
Quelle ne fût pas ma surprise d’apprendre dès le lendemain que le ministre de l’Intérieur demandait à son collègue de l’immigration d’entreprendre une déchéance de la nationalité du mari de la conductrice qui a été verbalisée pour port de la Burqa au volant. Le motif est rapidement passé de la Burqa (ou plutôt du Niqab) à la polygamie, mais la question demeure identique : Peut-on se servir de la nationalité comme d’une arme politique en direction des comportements qui heurtent « l’identité nationale » ?
Avant d’engager l’analyse au fond, on peut déjà se montrer surpris que le pénible du débat sur l’identité nationale que le ministre Besson a entendu lancer cet hiver n’a jamais été mis dans la perspective d’une réforme du code de la nationalité. Or, il si l’on avait su répondre à la question « C’est quoi être français ? » par une série d’éléments objectifs, ceux-ci auraient dû être intégrés dans les critères d’acquisition de la nationalité, ainsi que donner lieu éventuellement à l’ouverture de procédures de déchéance. Au lieu de ça, nous avons assisté à un débat en forme de sujet de philo, qui s’est traduit par une surenchère de positions électoralistes sur fond d’islamophobie. On en déduira de cette remarque liminaire, un exemple de plus, de l’incapacité définitive de ce gouvernement a mener à bien la moindre réforme. Lorsqu’on tirera un bilan du Sarkozysme, la technique gouvernementale devra se retrouver en bonne place dans les causes de son échec.
L’affaire du Nantais polygame nous renseigne également une fois de plus sur les carences techniques de ce gouvernement. Comment un ministre peut-il demander à un de ses collègues d’engager une procédure que ne permettent pas les textes en vigueur. Cela traduit, soit un mépris absolu du droit, soit un amateurisme consternant, soit encore un souci exclusif de la communication et des effets d’annonce.
L’affaire nous renseigne également sur le caractère généreux et quelque peu aveugle de notre droit de la nationalité. Comment cet individu, né en Algérie, islamiste radical, habillé comme au Pakistan, notoirement polygame, et obligeant ses épouses à se vêtir du Niqab, a pu solliciter et obtenir la nationalité française ? Au vu de cet exemple, il apparaît clairement que cet acte éminemment symbolique ne matérialise ni désir, ni reconnaissance d’un processus d’assimilation (1). Et c’est sûrement bien dommage.
Il conviendrait certainement de redéfinir plus précisément ce que signifie d’acquérir la nationalité française pour y voir autre chose que l’octroi d’un droit au séjour définitif. On ne voit pas en effet pourquoi un conjoint d’un Français se verrait reconnaître le droit à acquérir la nationalité, ni pourquoi un enfant né en France de parents étrangers pourrait devenir Français automatiquement pour le simple fait d’y avoir résidé 5 ans depuis ses 11 ans (2). En aucun cas, ces deux critères ne sont à eux seuls des certificats d’adoptions des codes culturels français et d’un désir d’intégrer la communauté nationale. De même, il conviendrait de s’interroger sur l’opportunité de maintenir la double-nationalité, particulièrement pour les pays de l’ancien empire colonial qui ont conservé une tradition francophone. Il me paraîtrait souhaitable d’exiger des personnes concernées d’opérer un choix entre leur appartenance à leur pays d’origine et à leur pays de résidence.
Cette distinction impliquerait de reconnaître à certains étrangers une carte de résident permanent sans pour autant les obliger pour cela à devenir français, ce qui me semble heurter aucun des grands principes républicains.
On m’objectera certainement qu’il n’y aurait aucun intérêt pratique à une telle réforme. Très certainement, au moins tant qu’on applique un traitement égalitaire entre le ressortissant français et l’étranger disposant d’un titre de séjour. Néanmoins, cette approche serait symboliquement très intéressante.
En premier lieu, elle permettrait et donnerait du sens à des sanctions symboliques telles que celles souhaitées par Hortefeux de déchéance de la nationalité pour comportement heurtant l’identité nationale.
Ce statut à trois niveaux (étrangers temporairement invités, résidant permanent, national) ouvrirait l’existence d’un sas intermédiaire pour les personnes dont la France est incontestablement le pays de résidence mais qui désirent encore cultiver une différence culturelle. Je ne sais pas si je suis un cas isolé, mais à titre personnel, je suis beaucoup plus indigné par des comportements comme l’exigence de virginité de l’épouse au mariage, le port de la Burqa ou la polygamie puissent être le fait de « Français » Je crois que je serais beaucoup plus tolérant avec ce type de comportement si les personnes concernées avaient conservé leur nationalité. Avant de chercher à éradiquer du territoire national des comportements trop ouvertement étrangers, il me semble que le préalable serait de les bannir de la communauté nationale.
Ainsi la nationalité viendrait couronner ou reconnaître un désir d’intégration dans la nation et une démarche volontaire d’assimilation. Pour fonctionner correctement, le processus d’assimilation doit en effet être volontaire et exigeant. Si le processus est contraint (la naturalisation comme seule solution pour obtenir le droit au séjour définitif) le droit va générer des « Français de papier » dont l’assimilation imparfaite énerve les nationaux, et provoque chez les personnes concernées des attitudes de réaction négative et un repli communautaire. Notre nantais polygame, ne se serait peut-être allé à cette fuite en avant identitaire si on lui avait permis de conserver sa nationalité et donc son identité algérienne.
Resterait à définir les critères de l’obtention et de la conservation de la nationalité française, ainsi que les droits et devoirs afférents. C’était l’objet de ce débat sur l’identité nationale que le gouvernement n’a été incapable de mener à bien.
Malakine
(1) Même si l'article 21-4 du code civil prévoit un critère d'assimilation pour l'acquisition de la nationalité par mariage. Il s'agit néanmoins d'une exception à la règle (le principe étant la déclaration) qui nécessite l'intervention d'un décret en conseil d'Etat pour que le ministre s'y oppose.(2) Voir la synthèse de Maître Eolas sur l'état du droit de la nationalité "Qu'est ce qu'être Français?"
Quand même l'affaire Liès Hebbadj arrive à point nommé (Louvrier a bien piloté l'opération) et on peut difficilement faire pire comme repoussoir (le cas semblait connu du petit monde nantais). Ce dernier prépare d’ores et déjà une défense qui pourrait plaire à Eric Zemmour:
« À ce que je sache, les maîtresses ne sont pas interdites en France, ni par l’islam ! Si on est déchu de sa nationalité pour avoir des maîtresses, il y a beaucoup de Français qui seraient déchus », s’explique-t-il, défendant ainsi son droit à entretenir plusieurs liaisons. Nuance à apporter : l'islam n'autorise pourtant pas les maîtresses.
Techniquement il n'a contracté qu'un mariage civil ... il n'en va sûrement pas de même pour le mariage dit "religieux" en particulier au sein de la branche sectaire de l'Islam à laquelle il appartient.
Rédigé par : René Jacquot | 28 avril 2010 à 22:00
@Malakine
Cela renvoie aussi au débat sur le droit du sol. Je crois qu'il va falloir songer à le suspendre tant que la transition démographique planétaire n'est pas achevé. Sur l'acquisition de la nationalté il est clair qu'il faille aujourd'hui être plus explicite et plus rigoureux d'autant qu'il est indéniable que le système social français nourrit en grande partie le flux migratoire. L'immigration de travail ne pesant aujourd'hui pratiquement rien dans la masse migratoire, avec les difficultés déjà grandissantse de notre économie, les gens ne vont plus accepter ce genre de situation où la solidarité française sert à faire venir des salaphistes. Surtout au moment où nous avons des troupes engagés pour soit-disant combattre l'islamisme radicale en Afghanistan.
Rédigé par : yann | 28 avril 2010 à 23:14
Sur le debat de l'Identié National et ses derivés je pense que le gouvernement a tenté de preparer les esprits a 2 reformes importantes.La premiere : les conditions au droit d'obtention a la nationalité comme l'evoque ton billet et aussi la politique migratoire puisque visiblement nos ex-colonies ont l'air peu cooperente, le gouvernement durcie le ton.Ce que Todd evoquait en parlant de la refermeture des frontieres ...mais uniquement pour les immigrés.
Si ce debat a reellement servit a cela il serait temps que le gouvernement cesse de tourner autour du pot...Une mosquée a ete mitraillée a Istres et les emburquinés nous font des menaces de mort a la TV ,juste avant le diné en plus (hier chez Denisot...mais c'est passé inapercu).
Tu poses aussi la question de la double nationalité , normalement notre cher Don Juan est toujours Algerien les pays arabes appliquant le droit du sang.Pour l'anecdocte Nagui n'a jamais pu aller rendre visite a sa famille en Egypte ,le pays de ses parents ou il risque toujours la prison pour desertion ce dernier n'ayant pas fait son service la bas alors qu'il est né ici...
Je pense pas que son cheminement releve d'un quelquonque trouble identitaire , le bonhomme m'a surtout l'air d'etre un sacré champion , il a trouvé 4 bonnes poires pour ses menus plaisirs et un etat bon payeur pour les lui remunerer grassement...Je le vois comme un gars qui a une conception libertine de la famille et qui profite malignement de la religion pour lui donner un vernis de respectabilité.
Enfin troubles identitaires ou non la question de la nationalité Francaise et de sa signification se pose serieusement ,ces 50 dernieres années le pays a acceuilli certaines populations pour qui la dimension communautaire est tres forte , tout ca a clairement besoin d'une mise a jour pour.
Rédigé par : Damien | 29 avril 2010 à 01:48
On a opposé la France et l'Espagne sur l'accord massif de la nationalité aux travailleurs immigrés. Mais n'y a -t- il pas une différence entre les 2 pays, par exemple, sur l'octroi des droits et fonds ? Exemple : J'acquiers la nationalité espagnole, mais je ne suis pas Catalan (ou basque). A quoi ais-je droit ?
Quant à reconnaître les us et coutumes des étrangers, je crois qu'il faudrait d'abord que l'état français reconnaisse les communautés, càd le communautarisme. Dans le sens qu'entre un citoyen et l'état, il y ait un niveau intermédiaire - la communauté - interlocuteur pour l'individu, avec l'état.
Rédigé par : amike | 29 avril 2010 à 10:49
@ René jacquot
Certes, cela arrive à point nommé, mais le gouvernement a quand même trouvé le moyen de se ridiculiser une fois de plus ! Et puis, ce n'est quand même pas lui qui a inventé cette réalité !
@ Yann
En fait, le droit du sol n'existe pas !! J'ai été surpris de le constater en préparant cet article. Lis le topo de Maître Eolas. Un enfant né en France n'obtient la nationalité que si au moins un de ses deux parents sont français.
Pour le reste il me semble que tu confonds nationalité et immigration. Or, à ce que je sache, le regroupement familial est permis non seulement aux français de nationalité mais aussi aux étrangers disposant d'une carte de résident.
La question de revoir les règles du regroupement familial (telle que le propose Tribalat) est un autre sujet. Un sujet important et qui mérite probablement l'examen, mais un autre sujet.
@ Damien
Si tel était le cas, il aurait ouvert le chantier du droit de la nationalité et du regroupement familial depuis belle lurette ! Non, je crois que le gouvernement ne cherche pas à trouver des solutions, mais uniquement à tenir un discours dur pour attiser les tensions et attirer à lui les français nationaux qu'il aura réussi à le plus énerver.
En fait, je me fous des motivation de cet homme, comme d'une manière générale par toutes les analyses qui prétendent expliquer des phénomènes politiques ou sociaux par des explications psychologisantes. La question est de savoir s'il ne faudrait pas exiger des personnes dans sa situation (né en Algérie, ayant acquis la nationalité par mariage et titulaire d'une double nationalité) de faire un choix entre leur appartenance à la nation de leur pays de naissance et celle de leur pays de résidence.
@ Amike
J'ai rien compris. Qu'est ce que tu veux dire par cet exemple espagnol ? Et qui a parlé de "reconnaître les us et coutumes des étrangers" ou de reconnaître les communautés ou le communautarisme. Tu veux toi aussi me traiter "d'idiot utile de l'islamisme" ?? :-)
Rédigé par : Malakine | 29 avril 2010 à 11:26
@ Malakine
C'est marrant sur le timing mais ce matin la couverture de Paris-Match avec Zahia (l'escort girl de Ribery) m'a fait écrire une petite bafouille sur le sujet du côté du CGB.
"Anne et sa Burqa" face à "Zahia l'escort girl", la plus indécente des deux est clairement Anne pour moi... Effectivement Zahia marchandise son corps et se trouve en pleine phase avec la logique capitaliste d'essence sadienne, mais s'il fallait choisir une aliénation...
Rédigé par : René Jacquot | 29 avril 2010 à 12:20
Le vrai débat n'est pas sur l'identité nationale, mais sur l'identité française.
Rédigé par : Courouve | 29 avril 2010 à 14:57
@ Malakine
Vraiment excellent, ce topo d'Eolas. Il faut que je digère tout ça avant de commenter davantage, mais je peux déjà me prononcer sur la double nationalité : de mon point de vue, c'est une aberration pure et simple.
Rédigé par : Joe Liqueur | 29 avril 2010 à 23:27
On ne peut plus d'accord avec le nommé Jacquot...
Surtout lorsqu'il cite Natacha Polony...
Rédigé par : A.rnaud. | 30 avril 2010 à 10:43
Que dire d'une étrangère avec un visa de touriste qui vient à Paris en touriste si elle porte un voile intégral ? Faut-il l'obliger à l'enlever, ne pas lui donner de visa?
On voit là la limite ubuesques des sanctions qui vont être proposées au législateur.
Rédigé par : Constantin ANGHELIDI | 01 mai 2010 à 15:25
très bon papier, comme souvent... quant à savoir si le ministre de l'intérieur " traduit, soit un mépris absolu du droit, soit un amateurisme consternant, soit encore un souci exclusif de la communication et des effets d’annonce", c'est hélas un peu des trois !!!
mais la principale préoccupation de nos gouvernants est de réagir à temps pour le Journal TV de 20h00... alors s'il faut en plus prendre le temps de l'analyse....
Question de base : je suis français depuis au moins quatre générations : si j'adopte la religion musulmane et que mon épouse porte la burqa, on me déchoit de ma nationalité... pour prendre laquelle ?...
Il me semblerait normal, comme l'a bien dit Malakine, que la nationalité s'obtienne parce qu'on accepte de vivre selon les coutumes et les traditions du pays, et devrait conduire à renoncer à la double nationalité, qui est une ineptie...
Mais cela n'est-il pas politiquement incorrect parce que çà rejoint les thèses du FN et son principe du refus du gain de la nationalité par le simple fait d'y être entré ou né ??!!...
Rédigé par : renot.th | 01 mai 2010 à 16:40
@ renoth.th
D'accord avec vous, c'est un peu des trois, ou plutôt… beaucoup des trois.
Pour la déchéance de la nationalité française, il semble que cette procédure soit pour l'instant réservée à "l'individu qui a ACQUIS la qualité de Français" :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=6DF4B0059A66DF01E19682E0D213B782.tpdjo09v_2?idSectionTA=LEGISCTA000006150513&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20100501
Si vous êtes né en France d'au moins un parent français ou lui-même né en France, vous n'êtes pas concerné.
Pour l'affaire de Nantes, il semble que la supposée "polygamie" (et la supposée fraude ?) du mari soit (soient) d'abord invoquée(s) comme motif(s), plutôt que le niqab de sa femme (au volant).
Par ailleurs notez bien que la déchéance de la nationalité française est impossible si elle a pour résultat de rendre l'individu apatride.
Enfin, comme Malakine l'a précisé à Yann, la France n'applique pas un droit du sol pur et simple, tant s'en faut. Voir ici :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=DD7D15D8ECB5380078900C3E419AAF31.tpdjo10v_2?idSectionTA=LEGISCTA000006149908&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20100501
Rédigé par : Joe Liqueur | 01 mai 2010 à 17:35
Il y a confusion à mon avis entre intégration et statut juridique. L'idée d'une catégorie intermédiaire est posée comme une sorte de sas entre l'arrivant, qui entre en stage d'intégration, et le jambon beurre, qui a tous les droits.
Quid du jambon beurre français et con depuis 10 générations qui considère que sa fille doit arriver intacte au mariage ? On le classe dans les résidents permanents ? Je ne crois pas que ce soit envisagé par les tenants de cet type de msures...
Rédigé par : edgar | 04 mai 2010 à 22:30
Heureusement que je suis repasser ici,sinon j'aurai jamais remarquer que votre blog a repris!
Concernant ce cas de nationalité vous mettez le doigt sur un des problèmes actuelle de la République, la négation des identités.
Une négation a sens unique.
"Tout le monde est français" nous dit-on
mais c'est a géométrie variable, on est français quand sa nous arrange,et on ressors son identité d'origine dès qu'il le faut.
en octroyant la nationalité française a n'IMPORTE QUI,
sans SÉLECTION
et sans VOLONTE d 'INTEGRATION
(tu est français mais sois fier de tes origines,et n'oublie que la France aune dette envers toi)
et surtout la MASSE de ces immigrés non sélectionné rende cette situation ingérable.
aujourd'hui la Nation s'occupe plus d'étranger a qui elle accorde le statut de français que de ces nationaux (français de souche et immigrés intégrés)
sans aller jusqu'a un sens ethnique de la nationalité un peu de bon sens dans l'octroie de celle ci ne ferait pas de mal,mais j'ai comme l'impression que les autorités ne le veulent pas intentionnellement.
La Nation est déconnecté de la réalité de sa base.
Rédigé par : Jehuty | 08 mai 2010 à 16:46