A compter du 1er juin, le RSA s’est substitué au RMI. La grande réforme sociale du quinquennat sarkozyste, qui devait décliner la maxime travailler plus pour gagner plus pour les plus pauvres a d'abord été parée de toutes les vertus. Elle devait lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres, inciter au retour à l’emploi et mettre fin aux trappes à inactivité. Même son financement était social !
Pourtant au fil du temps, le RSA a fait l’objet de critiques croissantes, y compris venant du PS, au point d'être présenté désormais comme une trappe à précarité. Claude Bartolone vient ainsi de signer une tribune dans Le monde dans laquelle il dénonce la valeur du travail-survie et la flexibilité à l’anglo-saxonne dont le RSA serait l’instrument.
Ces critiques sont parfaitement justifiées. Je les avais d’ailleurs déjà formulées dès le mois d’Août dernier, à l’époque où la martingale du bon docteur Hirsch bénéficiait d’un parfait consensus. Cependant, les socialistes sont bien mal placés pour faire la leçon. Non seulement, leur programme de 2007 intégrait la même mesure, mais ils doivent être mis face à leur bilan en matière de politique de l’emploi sur les bas salaires. Ils ont tellement bien préparé le terrain au RSA que sa paternité peut sans problème leur être imputée.
Le RSA a été initialement présenté comme une mesure destinée à inciter au retour à l’emploi des Rmistes. Cette idée, était déjà quelque peu choquante en elle même, puisqu’elle faisait du Rmiste le principal responsable de sa situation. Elle s’inscrivait d’ailleurs dans une pensée dominante jusqu’à la crise selon laquelle les politiques de l’emploi devaient passer par des aides individuelles aux chômeurs (formation, mobilité, accompagnement, incitations diverses) et non par des politiques macro-économiques. Selon la vulgate sociale-libérale, le chômage n’est que le symptôme d’une insuffisance flexibilité du marché du travail entre les secteurs qui détruisent de l’emploi et ceux qui en créent.
Cette présentation du RSA comme outil d’aide à la réinsertion a rapidement été abandonnée quand il est apparu évident qu'il n’était pas une allocation temporaire de retour à l’emploi mais bien une allocation universelle destinée à compléter les revenus qui se situent entre le RMI et le SMIC. En clair, le RSA est un complément de salaire pour les travailleurs à temps partiel, d’où le reproche d’encourager au développement de la précarité.
Certains, tel ce journaliste du Figaro objecte que « Les employeurs n'ont en effet, ni plus ni moins, que le même intérêt (financier) qu'avant à embaucher, ou pas, des personnes éloignées du marché du travail. Aucune aide supplémentaire à celles existantes n'a été ajoutée pour recruter un "RSAste" » C’est exact, mais c’est justement là que se situe le problème. Il fallait non pas aider mais pénaliser le recrutement de “RSAste” !
Le RSA doit être remis dans la perspective plus globale des politiques du temps de travail et notamment du « travailler plus pour gagner plus ». Dans sa volonté d’en finir avec le fameux « plafond » des 35 heures et d'augmenter la quantité de travail par salarié, le gouvernement a décidé d’encourager les heures supplémentaires, pour le salarié comme pour l’entreprise. En toute logique, cette politique aurait du être accompagnée d’une action similaire pour les situations de sous emploi. Or le RSA a oublié de traiter cet aspect du problème. Le coût des heures de travail en dessous du plancher des 35H auraient être majorées, tout comme des heures sups, en termes de salaire horaire comme de charges sociales.
Sarkozy a répété pendant toute sa campagne que les 35 heures devaient être « un plancher pas un plafond ». S’il a fait sauter le plafond, il a oublié de poser le plancher. La politique de Sarkozy visait surtout à déréguler la réglementation du temps de travail pour le plus grand bénéfice des entreprises et de leurs DRH. Concentration du travail et des revenus pour l'élite ouvrière, partage des miettes pour les exclus : Un vrai projet libéral !
Le RSA, tel qu’il a été conçu, fait en effet peser sur la collectivité tout le coût du temps partiel contraint. Notre journaliste du Figaro préfère se réjouir du développement du temps partiel :
Alors bien sur que le RSA risque de développer le temps partiel. Et alors ? Je ne vois pas où est le mal. Certains secteurs d'activité (services à la personne...) ne peuvent proposer bien souvent que des temps partiels et la France accuse un certain retard en la matière par rapport à certains pays avec lesquels on aime tant se comparer (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède...)
Pourtant, dès lors que l’Etat est mis dans l’obligation de devoir compléter les revenus du travail, le temps partiel contraint doit être regardé comme un dysfonctionnement du système économique ou une “externalité négative” pour parler comme les économistes. Il n’y a aucune raison que les finances publiques soient seules à être mobilisées pour compenser ce désordre social. L’entreprise qui bénéficie de cette flexibilité doit aussi être mise à contribution.
Certes, le RSA en lui-même n’encourage pas ce développement du temps partiel contraint. Cependant il libère l’entreprise d’une obligation qu’elle avait depuis l’origine du capitalisme, à savoir de verser au salarié un revenu suffisant pour lui permettre de vivre décemment. C’est précisément l’objet du SMIC. Le RSA, en renonçant à ce principe fondamental change le rapport entre l’entreprise et son salarié. Elle n’est plus un "employeur" mais seulement une "utilisatrice de main d’œuvre".
Venons-en maintenant au bilan des socialistes en la matière.
Le RSA s’inscrit dans la filiation de la Prime pour l’Emploi. Il s’agit dans les deux cas de faire compléter par la collectivité des salaires correspondant à la réalité de la valeur marchande du salarié mais insuffisants pour vivre (principe de l'impôt négatif). La différence est que la PPE était annualisée et centrée autour du SMIC (progressant jusqu’à ce niveau et régressant ensuite jusqu’à 1.4 SMIC) alors que le RSA est ciblé sur les salaires inférieurs au SMIC et mensualisé, donc plus réactif. Néanmoins il s’agit bel et bien du même dispositif. Le preuve, le RSA et la PPE ne peuvent se cumuler. Au fait, qui a créé la PPE ? Le gouvernement Jospin en 2001 !
Quand au développement du travail à temps partiel, le PS devrait faire un peu profil bas et se souvenir qu’il a mis en place de 1992 à 2001 des allégements de charges massifs pour les contrats à temps partiels. Il s’agissait à l’époque non pas de se plier aux canons du modèle anglo-saxon mais « d’enrichir la croissance en emploi » ou de partager le travail.
Par deux fois, le gouvernement Beregovoy (dont la ministre de l’emploi n’était autre que Martine Aubry) a subventionné le temps partiel par des allègements de 30 % (taux porté à 50 % en 1993) de toutes les cotisations patronales pour les contrats entre 19 heures et 30 heures par semaine. Les résultats ne se sont pas fait attendre : Entre 1992 et 1999 le nombre de temps partiels a augmenté de 1.2 millions, soit une hausse de 50 %, dont la moitié est imputable à cette politique d'allégement de charges d'après une étude de la DARES.
En la matière, le bilan des socialistes est donc pire que celui de la droite. La politique des socialistes cumulait développement du travail précaire et impôt négatif. Le RSA est donc bien une idée de gauche au service d’un projet de droite.
Malakine
Article de Reich :
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2748
Où il rappelle que le problème de l'emploi vient aussi de l'automatisation des tâches, j'ai d'ailleurs visité une usine de ma boite, tout est automatisé, on y voit presque personne, la plupart des mouvements sont des automates. Comme une si l'on était à l'intérieur d'une grosse horloge.
Moi même suis payé pour améliorer entre autres ce type de performances.
Ce que Reich souligne d'important c'est que les pays émergeant sont aussi sur la voie d'une production de plus en plus automatisée et productiviste.
Ils le seront d'autant plus que les normes qualité et environnementales seront sévères. Car la fiabilité et les économies de la production de masse dépend de l'automatisation. En cela on peut dire que les pays émergents rejoindront très rapidement la problématique de nos pays, d'autant plus que la circulation des connaissances va plus vite. D'où devra découler la réflexion globalisée à un phénomène global, celui de la montée en productivité et donc de la rémunération de ceux qui ne seront pas directement liés à cette production. Autrement dit comment redistribuer les gains de productivité à l'échelle mondiale. Le mouvement jusqu'ici acceptait de lancer des miettes au chômeurs exclus des pays développés, mais l'ampleur du phénomène s'accroissant à l'échelle des populations chinoises ou indiennes, les miettes lancées par le capital-production ne suffiront pas à compenser le déséquilibre. Je doute qu'une ou des dictatures puissent endiguer ce changement colossal. D'une certaine façon le capitalisme tel qu'on le connait devrait être dépassé par ce qu'il a produit.
Rédigé par : log | 03 juin 2009 à 23:09
@ Olaf
Ca n'a aucun rapport avec le RSA, mais c'est intéressant. Tu as d'ailleurs bien fait de poster ce commentaire sous cet article, parce que le zéro faisait tâche.
Cet article ne m'a pas échappé et je l'ai aussitôt enregistré pour le mettre précieusement de coté. Il est très intéressant par son tour de passe passe qui permet de donner un semblant de justification théorique à la mondialisation. En fait il confond diminution des emplois industriels dûs à la productivité et disparition des activités industrielles liées à la mondialisation.
Si le premier est normal et peut être compensé par des créations d'emplois dans les service, le second suscite des déficits commerciaux, moins de croissance et un appauvrissement généralisé de l'économie. Les Etats-Unis ont pu l'expérimenter à leur dépends.
Rédigé par : Malakine | 04 juin 2009 à 10:10
Malakine, ce que tu décris comme "normal", c'est la "théorie du ruissellement" tout simplement...
olaf a raison de citer ça ici parce que c'est bien le sujet : le temps global de travail se réduit avec l'augmentation de la productivité.
Il faut bien trouver des solutions !
Soit on fait du temps partiel, avec complément de salaire, soit on partage le temps de travail avec les 35h...
Je pense personnellement que la première solution serait la bonne si le complément de salaire était lié à la responsabilité de parent au foyer (donc un seul par foyer).
Mais à un moment, on ne peut pas dire que tout vient du libre-echange. Et donc proposer autre chose que simplement le restreindre :/
Rédigé par : EtienneB | 05 juin 2009 à 00:03
@ Etienne
Juste un truc à ne pas oublier, il n'y a de gains de productivité important que dans l'industrie. Dans les services il y en a très peu. Il y a une limite physique à l'emploi dans les secteurs productifs, mais il y en a aucune dans les services résidentiels. En la matière, le seul facteur limitant c'est le pouvoir d'achat de la population résidente.
La solution c'est de conserver une base productive forte, (donc protégée de manière à la "fixer" sur le territoire)de manière à créer des richesse et de la productivité. De la taxer à fond (puisqu'elle est fixée) et ainsi de détaxer les services résidentiels, là où se créent les emplois.
Tu vois, je propose autre chose ... mais j'ai toujours besoin du protectionnisme dans l'équation. Maintenant si quelqu'un à une solution pour retrouver le plein emploi, la croissance et le rééquilibrage des finances publiques dans un contexte de libre échange, je suis preneur. Et pas que moi, la France, l'Europe et le Monde ! S'il y a un petit génie qui a la réponse, qu'il ne se prive surtout pas de l'exprimer ! :-)
Rédigé par : Malakine | 05 juin 2009 à 00:27
Non,justement, il n'y a pas de solution miracle, ni dans le libre-échange, ni avec un protectionnisme. Taxer au maximum n'est pas une solution idéale non plus, puisque cela reviendrait aussi à minimiser la prise de risque et donc l'innovation, on n'en revient au risque lié au communisme. D'ailleurs, ça me fait penser à un article de la Forge "Les robots préfèrent Marx"
http://la-forge.info/2008/09/30/prospective-les-robots-preferent-marx/
La gauche et le PS se sont fait prendre au libéralisme par l'internationalisme, et qu'il faut donc veiller à expliquer que le protectionnisme ne heurte pas cet internationalisme.
Ils sont donc dans un certain paradigme, et font du mieux qu'ils peuvent dans celui-ci. Et ils n'y réussissent pas si mal, autant au pouvoir, que lorsqu'ils sont dans l'opposition (même si, depuis 2002 et les limites de la démocratie, le parti est plus que mal à l'aise).
Cela dit, je suis acquis à la thèse d'un protectionnisme européen. Mais en l'état actuel, je pense que je voterais PS, car c'est encore eux qui nous défendent le plus, de fait.
Rédigé par : EtienneB | 05 juin 2009 à 01:30
Tu es même mûr pour prendre ta carte !
Rédigé par : Malakine | 05 juin 2009 à 10:56
Malakine,
L'approche de Jorion me parait bonne :
http://www.pauljorion.com/blog/?p=3299
C'est la spéculation, mammouth parasitaire sue le dos d'une souris qui met la zone. Un peu comme une glande endocrine peut mettre le souk dès qu'elle dysfonctionne, aspect informatif avec ses contre réactions, à contrario de l'aspect quantitatif des bilans pays par pays.
Autre perspective à lire de Harribey sur le protectionnisme :
http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2009/05/30/quelle-europe/
Rédigé par : log | 05 juin 2009 à 22:15