L'intervention de Sarkozy hier à Rethel dans les Ardennes nous ramène deux ans en arrière, à l'époque du plan de cohésion sociale de Jean Louis Borloo. Toutes les mesures annoncées apparaissent en effet comme du réchauffé, du très classique, presque du convenu : Recours aux contrats aidés, assouplissement du droit du travail, meilleur accompagnement des chômeurs, développement des services à la personne, accompagnement des transitions professionnelles par la formation…
Parmi cet éventail de mesurettes, la plus commentée a été la relance des emplois aidés. Sarkozy y a vu une preuve de son pragmatisme. La droite s'affole de la dérive socialisante de son président. La gauche a dénoncé, comme toujours quand Sarkozy vient sur ses terres, un reniement et un pillage de son fonds de commerce.
J'y vois pour ma part de la simple poudre aux yeux, une mesure annoncée mécaniquement sans avoir été pensée, qui ne s'inscrit dans aucune stratégie de développement ou de défense de l'emploi. Sarkozy nous a une nouvelle fois servie une pure opération de communication destinée à mettre en scène son volontarisme présidentiel.
L'annonce du retour des "emplois aidés" ne signifie rien du tout en elle même. Cet outil hyper classique peut servir différentes stratégies et avoir des effets très différents sur l'emploi, la structure du chômage. Selon ses modalités, ils peuvent aider certains types de publics, certains types d'employeurs ou certaines formes d'emplois ... ou n'avoir aucun effet.
1- L'emploi aidé en tant que réduction générale du coût du travail.
D'une certaine manière aujourd'hui, tous les emplois sont aidés. Les gouvernements depuis 15 ans se sont engagés dans une politique de réduction du coût du travail que ce soit en accordant des allègements de charges aux employeurs pour les bas salaires ou en accordant des compléments de revenus aux travailleurs modestes (prime pour l'emploi) ou pauvres (RSA) C'est aussi dans cette logique que s'inscrivait le projet de TVA sociale (alléger du coût du travail de tout ou partie du coût du financement de la protection sociale).
Ce type d'aide à l'emploi est fondé sur l'idée que le coût du travail est trop élevé pour les faibles qualifications compte tenu de la productivité réelle des personnes à employer.
Cette politique peut se justifier dans un régime de libre échange pour les emplois productifs exposés à la concurrence mondiale. Pour les autres, elle apparaît essentiellement créer des effets d'aubaine tout en étant très ruineuse pour les finances publiques.
Ce type d'outil fait partie de la palette gouvernementale, au travers du RSA qui organise, en quelque sorte, un partage du temps de travail pour les emplois faiblement qualifiés selon l'idée qu'il est préférable de travailler 12 ou 15 heures par semaine, que pas du tout.
2- Les emplois aidés en tant que discrimination positive en faveur de certains publics :
Il y a ensuite la catégorie des emplois aidés ciblés sur certains publics les plus éloignés de l'emploi : Chômeur de longue durée, handicapés, jeunes des quartiers, jeunes tout court … On est ici clairement dans une logique de discrimination positive. Il s'agit d'inciter un employeur à embaucher de préférence tel public plutôt que tel autre pour pourvoir un emploi vacant.
Cette politique n'augmente pas le stock d'emploi. Plus personne ne créé des emplois sous l'influence d'un dispositif d'aide. On s'en sert juste pour minimiser le coût des recrutements pendant la durée des dispositifs.
Ce type d'aides vise simplement à lutter contre des phénomènes de ségrégation et d'apparition d'un stock de chômage incompressif en raison de population devenues définitivement, à tort ou à raison, inemployables. Dans un contexte de réduction du chômage, elle prend tout son sens pour empêcher l'apparition d'une situation paradoxale où on aurait d'un coté des emplois vacants impossible à pourvoir et de l'autre des populations inemployables. C'est dans cet esprit que cette politique a été utilisée massivement par le plan Borloo dans les années 2004-2007.
3- Les emplois aidés pour développer un nouveau secteur d'activités :
Plus malin est l'emploi aidé ciblé sur certains type d'emploi dont on veut favoriser l'émergence ou le développement. Historiquement cette mesure a été initiée avec les emplois familiaux impulsé par Martine Aubry au début des années 90 qui y voyait un formidable « gisement d'emplois » cette politique s'est poursuivie ensuite, notamment par Borloo, sous le vocable « de services à la personne » terme pudique pour désigner des emplois de domesticité dont le développement passe par des aides accordées aux familles les plus aisées.
L'idée des niches d'emplois a ensuite été reprise et développée par la même Martine Aubry sous Jospin avec les emplois jeunes. A l'origine, il s'agissait en effet autant de réduire le chômage des jeunes que de favoriser l'émergence de nouveaux emplois. La circulaire de 1997 exigeait en effet un caractère novateur des emplois et même un souci de solvabilisation. Il est très regrettable que cette exigence ait rapidement disparu sous l'effet de la tentation de faire du chiffre. Ce type de dispositif pourrait être en effet un vecteur pour le développement de l'innovation sociale et pourquoi pas, transposé au monde industriel, un vecteur d'innovation tout court.
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Au terme de cette petite typologie des emplois aidés on se demande dans quelle catégorie s'inscrit la relance annoncée par Sarkozy. Il ne s'agit ni de financer massivement des petits boulots, ni de favoriser l'employabilité de certaines catégories les plus éloignées de l'emploi, ni d'essayer d'explorer de nouveaux gisements d'emplois.
Rien ne permet de penser sérieusement que les 100 000 emplois aidés de plus annoncés par le président se traduiront par 100 000 Chômeurs de moins. La mesure ne pourra éventuellement n'avoir qu'un effet de substitution certaines catégories de chômeurs, certains un peu plus éloignés de l'emploi prendront la place d'autres, un peu plus employables.
Il s'agit simplement de communiquer pour annoncer une mesure sociale témoignant de sa préoccupation pour ceux qui seront les vraies victimes de la crise. Sarkozy ne fait là que répondre à une demande sociale de « défense de l'emploi » qui s'exprime légitimement dans la population, comme un maire refait une rue pour répondre aux pressions des riverains. Sans plus de vision stratégique.
Comme je le développerais demain dans un article plus globalement consacré à la politique de l'emploi, Sarkozy a montré mardi qu'il n'avait strictement aucune réponse spécifiquement adaptées à la crise pour endiguer la montée du chômage et amortir le choc social du cataclysme économique qui s'anonnce.
Malakine
Qui, par ailleurs, a aujourd'hui "une réponse spécifiquement adaptée à la crise pour endiguer la montée du chômage et amortir le choc social du cataclysme économique qui s'annonce" ?
A part bien sûr le PS qui ressort sa relance du pouvoir d' achat ...
L' occasion serait belle de mettre enfin en place une vraie politique de formation professionnelle et de mettre fin à la gabegie qui est commise en son nom.
Rédigé par : Erick | 30 octobre 2008 à 10:47
@Malakine,
Il est évident que les solutions proposées par NS n'en sont pas.
D'après ce que j'ai compris, il veut commencer par créer ces emplois aidés dans le secteur non marchand d'abord.
C'est un retour de la politique Jospin.
Pourquoi ne pas demander à Merkel comment elle réussit à faire baisser le nombre de chômeurs?
Mais, apparemment, son nouvel ami est le premier ministre anglais qui n'est même pas concerné par la zone euro.
Rédigé par : Philippe | 30 octobre 2008 à 12:01
@ Erick
Même la formation professionnelle n'est pas une solution. Ca aussi, c'était une solution de l'époque où l'on parlait de mutation économique, de flexi-sécurité et de transitions professionnelles. Aujourd'hui, l'économie est en panne faute de demande, d'investissement ou de confiance et de projets si l'on préfére. C'est pas de former ou même mieux plus qui apportera une réponse à ce problème.
@ Philippe
Je vois que je n'ai pas été compris. La politique de Jospin elle avait l'avantage d'être ciblée sur une catégorie de personne (les jeunes) pour faire diminuer un chomage catégoriel. Ca ca peut marcher et avoir un sens. En revanche, une politique d'emplois aidés indifférenciée NE PEUT PAS avoir d'effet sur le chômage. Ca ne créé pas d'emploi, ça créé des effets d'aubaines ou au mieux ça organise une substitution certaines catégories de chômeurs et certaines autres. C'est juste fait pour rassurer.
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Vu le bide de cet article, je renonce au deuxième volet.
Rédigé par : Malakine | 30 octobre 2008 à 12:13
Si, j'avais compris mais mon commentaire était général.
Puisque tu évoques les emplois jeunes de Jospin, on en dit souvent du mal. Pourtant, des stats ont été faites dans ma région et plus de la moitié ont passé des concours ou trouvé un emploi parfois avant l'expiration de leur contrat, ce qui a permis à d'autres d'être recrutés.
Cela a été possible dans de petites structures où ils étaient pas mal épaulés.
Rédigé par : Philippe | 30 octobre 2008 à 12:50