Pour « libérer la croissance » et stimuler le pouvoir d’achat, le rapport Attali recommandait d’intensifier la concurrence dans la distribution et libérer les professions réglementées. Il était clair que ces propositions se heurteraient vite à des lobbies organisés et aux clientèles traditionnelles de la droite.
La contradiction entre la droite libérale, fascinée par la concurrence, et la droite conservatrice, attachée aux formes traditionnelles et à la figure du travailleur indépendant, s’exprime avec une belle acuité avec le projet de Loi sur la Modernisation de l’Economie et en particulier la disposition qui exonérerait de toute autorisation administrative la création de surfaces commerciales de moins de 1000 mètres carrés.
Le sénat, qui semble depuis quelques semaines traverser une curieuse (et sympathique) crise d’émancipation vient de rétablir la possibilité pour les maires de s’opposer à la libre création de ces commerce au nom de la défense du commerce de centre ville et des petits producteurs.
D’un coté, on privilégie la concurrence, la baisse des prix pour le consommateur et les grands groupes. De l’autre, la rente de situation, le caractère rémunérateur des prix, les producteurs et la petite entreprise. La contradiction est absolue entre deux cultures politiques, deux visions du monde et deux assises sociologiques.
L’affaire pose en réalité deux questions de nature différente. La première est de savoir si l’on stimule réellement la vie économique, l’emploi et le pouvoir d’achat en recherchant toujours une pression à la baisse sur les prix et donc sur les salaires. Ayant déjà traité cette question, je n’y reviendrais pas.
L’autre question est peut-être plus intéressante, car moins étroitement économique, plus politique ou sociologique avec une évidente dimension civilisationnelle, car il y va de nos modes de vie. Faire ses achats dans des petites échoppes dans un cœur de quartier, dans un hard discount à coté de chez soi ou dans un hyper de périphérie, ce n’est pas tout à fait la même chose. Veut-on, au nom de la rationalité économique, des villes réduites à des zones d’habitat sans commerces et sans emplois ou veut-on des villes avec une certaine une mixité des fonctions et dans ce cas, comment y parvenir ?
Pour la classe politique dans son ensemble, les termes du débat sont simplissimes. Le petit commerce de centre-ville s’oppose à la grande surface. Le premier est synonyme d’emplois stables et qualifiés, de bons salaires, de convivialité et de qualité urbaine, quand le second est vecteur d’emplois précaires et mal payés, de saccages des entrées de ville et de produits médiocres. Favoriser l’un c’est nécessairement détruire l’autre. C’est sur la base de ce raisonnement que le Sénat, emmené par le toujours fin et subtil ancien premier ministre Jean Pierre Raffarin a voulu tempérer l’ardeur réformatrice du gouvernement pour protéger le commerce de proximité des « prédateurs du Hard discount ».
La réalité d’aujourd’hui est peut-être quelque peu plus compliquée que ce schéma si confortablement manichéen.
La lucidité exige de reconnaître que plus grand monde fait ses courses d’alimentation dans le commerce de proximité. Ne subsistent plus dans le commerce de bouche que quelques boulangers, des bouchers-traiteur et de très rares poissonniers. Pour des courses d’appoint, du dépannage ou des produits haut de gamme et hors de prix, le petit commerce a encore sa place. Il est en revanche clairement incapable de nourrir une famille pendant une semaine. L’offre du commerce de centre-ville semble d’avantage complémentaire que concurrente avec celle des grandes ou moyennes surfaces.
Certes, la concurrence de la grande surface est un bouc émissaire bien pratique pour porter la responsabilité de la mort du commerce de proximité. Il est pourtant d’autres facteurs tels que la prolifération des agences bancaires, des assurances et des agences immobilières qui rachètent progressivement les fonds de commerce, l’urbanisme moderne de type péri-urbain où l’on oublie de faire des rues commerçantes et des espaces publics au milieu des résidences modernes qui poussent comme des champignons aux abords des centre-villes, ou simplement les difficultés du monde de l’artisanat à se perpétuer en trouvant des jeunes prêts à apprendre le métier.
Le maintien d’une vitalité des cœurs de quartiers relève donc en premier lieu de la responsabilité des maires au titre des politiques d’urbanisme, d’autant plus qu’ils disposent depuis peu d’un droit de préemption pour les locaux commerciaux et artisanaux.
Il semble donc bien que la concurrence aujourd’hui oppose deux modèles de commerce : l’hypermarché de périphérie où l’on trouve à peu près tout ce qui peut se produire et duquel il est très difficile de sortir avec un caddie de moins de 100 ou 150 € ; et la moyenne surface de son quartier où l’on satisfait ses besoins les plus élémentaires et les plus immédiats, qu’il s’agisse d’un hard discount ou d’une enseigne appartenant à la distribution classique (Match, Attac, Super U…)
Il me semble que le deuxième mode de distribution est plus dans le sens de l’histoire, notamment parce qu’il permet mieux de maîtriser ses dépenses et qu’il est économe en transports. Les hypermarchés ont, à mon avis, déjà connu leur apogée. Ils sont adaptés à l'ère d'hyperconsommation et non à une époque de pénurie et de restrictions. Aujourd'hui, leur place est dans les pays émergents.
A minima, le projet du gouvernement de favoriser le développement de moyennes surfaces urbaines apparaît donc bien conforme à son objectif d’offrir une plus grande concurrence aux hypers. Aux mieux, il contribuera à réinventer la ville et de préparer l’ère ou se déplacer en véhicule sera devenu un luxe pour privilégié.
Quand aux sénateurs, on est partagé entre l’idée qu’ils sont à coté de la plaque et emprisonnés avec des représentations qui datent de leur lointaine jeunesse, qu’ils s’amusent à montrer leur indépendance (c’est à la mode) à l’égard du pouvoir pour conforter la légitimité de leur honorable institution … ou que la campagne pour la présidence du Sénat s’est engagée dans une surenchère pour être celui qui représentera le mieux les petits maires de petites villes soucieuses de l’avenir de leurs petits commerçants et de leur petits producteurs.
Malakine
Pour ma part, cela fait un cèrtain temps que je ne compte plus trop sur les anciènes méthode,règles et traditions en matière d'affaires,donc autant aller de l'avant pour le mieux ,avec plus de vrais libéralisme qui libère vraiment l'initiative pèrsonnelle ,pour s'afranchir d'un état qui se défausse de ses obligations?
C'est de mon point de vue une aubaine qui m'a fait défaut ,il y a des décénies .
Cela fera t'il les bonnes affaire de tout le monde qui vivait du" tous ensemble " maintenant ruiné ?
Rédigé par : UN chouka | 09 juillet 2008 à 17:43
@Malakine,
Lorsque j'étais gérant de sarl de restauration, je me suis posé la question de la survie des petits commerces.
En effet seules les grandes surfaces de restauration et les petits fournisseurs spécifiques nous permettent de survivre.
A noter la prolifération des "fausses enseignes", qui à l'heure actuelle sont en majorité des "revendeurs de plats sous vide", de sauces en boites etc.
La publicité, par exemple est totalement inefficace pour un restaurant UNIQUE, autre raison pour laquelle les petits restaurants gastronomiques à prix raisonnables sont en voie de disparition.
J’avais alors imaginé un système de coopératives régionales permettant de by-passer les grossistes, avec des acheteurs compétents, (pas de fruits "gonflés à l‘eau"), pas de viandes (gonflées aux hormones), des assureurs spécifiques, etc.
Une sorte de syndicat permettant à des commerçants franchisés mais conservant leur nom propres de se regrouper pour les achats et la publicité, mais contrairement aux supérettes actuelles, de le faire dans un créneau qualitatif strict.... Comme certaines chaînes d‘Hôtels.
Cela reste à améliorer, mais je ne vois pas d’autres solution permettant la survie des commerces de centre villes.
Rédigé par : Ozenfant | 09 juillet 2008 à 18:00
Il me semble en effet que les dépenses de transports vont devenir le souci n°1. Donc il s'agira de les limiter au maximum.
Or, le mitage de l'espace rural devenu rurbain, le développement de grands hypermarchés très excentrés et toute l'urbanisation des trente dernières années vont dans le sens contraire.
Donc la solution de supérettes de taille moyenne pas trop excentrées me paraît effectivement la bonne. Mais le hard-discount fera-t-il ce choix ou ira-t-il s'installer encore plus loin là où les terrains sont les moins chers ?
Rédigé par : fer | 09 juillet 2008 à 19:37
La défense du petit commerce est un vaste sujet mais je pense vraiment que la droite conservatrice sur ce point a tout faux. D'ailleurs, J.P.Raffarin l'avait dit lui-même à l'époque de sa loi en 1996, il ne s'agissait pas tant de protèger le petit commerce que d'arrêter l'implantation des hard discounters allemands.
La grande distribution n'est pas concurrente du petit commerce, elle est complémentaire. Et la baisse d'activité du petit commerce n'est pas liée à la grande distribution mais aux évolutions des comportements. Ainsi, avec l'arcenal législatif actuel qui devrait protéger les petits commercants, ils souffrent quand même et nous avons des quasis monopoles dans beaucoup de zones de chalandises où il n'y a qu'une seule enseigne de grande distribution. D'ailleurs, les enquêtes de UFC, 60 millions et les cabinets spécialisés l'ont bien montré.
LE problème est que beaucoup de sénateurs pensent encore que les francais font leurs courses dans le petit épicier du coin (n'y voyez aucun rapport avec la moyenne d'age du Sénat ni le fait que la dernière fois qu'ils ont fait eux-même leurs courses remonte à une époque où c'était surement le cas).
Si un secteur a bien besoin d'une libéralisation, c'est bien la grande distribution. Mais en contre-partie, il faut aider le petit commerce avec des mesures qui les aident vraiment, comme les inciter à faire des regroupements pour les achats voire à se constituer en réseau de franchises, garder des loyers abordables dans les centres-villes quitte à ce que les mairies aident, construire des nouveaux immeubles qui prévoient le rez-de-chaussée pour les commerces (c'est typique des nouvelles constructions que d'exclure systématiquement les commerces du RDZ) et surtout baisser les charges et la TP qui sont les causes de beaucoup de fermetures de petits commerces, libéraliser des horaires d'ouverture plus large car perso, je ne vais pas faire mes achats chez le petit commerce en pleine journée car je travaille comme tout le monde...
Des solutions pour soutenir le petit commerce, il y en a et souvent ce n'est que du bon sens et elles ne coutent pas cheres. Mais comme dit l'adage dépenser c'est agir, le gouvernement/les senateurs préfere donner une aide en cash qui permettra de soulager les problèmes pendant 6 mois plutot que de les aider à s'adapter structurellement.
Rédigé par : Niko | 10 juillet 2008 à 06:19
Soit on subventionne le petit commerce, soit on tombe dans une concentration poussée par la rentabilité des points de vente...
Ne peut on pas trouver une solution - je pense à Amazon avec sa théorie de la longue chaîne - qui favoriserait une rentabilité à long terme.
Rédigé par : amike | 10 juillet 2008 à 09:38
En m'interogeant sur la situation,j'ai tout de meme quelques doutes pour l'avenir,puisqu'il y aurait toujours "les mafias qui se manifèsteraient alors automatiquement de manière ouvèrte ,imposée par la force violente "en faisant briller leurs vrais monaies ,si le pouvoir d'achat s'éfondrait encore?Il me semble donc que les vrais échanges libéreaux,prendraient alors tout de suite la relève ?
Peut etre sommes nous déjas sous l'emprise des organisations parallèles ?
Rédigé par : UN chouka | 10 juillet 2008 à 12:56
L'aspect "campagne pour la présidence du Sénat" m'avait complètement échappé quand j'ai lu que le Sénat amendait le projet.
Dans l'examen que vous souhaitez sur l'aspect "mode de vie" la question qui se pose c'est dans quelles conditions le consommateur renoncera t-il au déplacement vers un commerce excentré et au stationnement gratuit (hypers ou hard-discount) au profit d'un commerce de proximité ?
Il renoncera probablement à faire de nombreux kms, mais probablement pas à remplir son coffre ! Je pense au provincial, peut-être faut-il envisager une attitude différente pour le parisien qui a déjà renoncé à la voiture.
Et si l'alternative était le développement de la vente par correspondance, y compris pour l'alimentaire ?
J'ai observé aussi la prolifération des agences bancaires ou immobilières dans des artères commerçantes, mais aussi de nombreux "pas-de-porte" simplement fermés san succession. Ce n'est donc pas ces agences qui ont contribué à la fermeture des épiceries, quincailleries, magasins d'électro-ménager et autres commerces spécialisés.
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 10 juillet 2008 à 13:00
Mon expérience de parisien : la livraison est un facteur important de choix en centre ville. Sans voiture, les hyper de banlieue sont inaccessibles et la moyenne surface devient le point d'approvisionnement principal. Plusieurs offrent la livraison gratuite. C'est un peu plus cher sans doute, mais on n'y passe pas plus d'une heure tous les quinze jours. Et le commerce d'appoint pour le coup c'est la toute petite surface, l'épicier du coin qui le fournit.
Avec un autre élément pas complètement propre à Paris : l'implantation de grandes surfaces en centre ville (des monoprix sur deux ou trois étages).
Il y a une sorte de réticence envers la livraison, que la hausse du prix de l'essence devrait peut-être faire réduire.
Rédigé par : edgar | 10 juillet 2008 à 14:38
@edgar,
Lors de mes séjours à Paris très courts ou non, je trouve des épiciers "musulmans" en particulier dans le 17 ème où l'on trouve fruits, légumes et conserves assez tard le soir. Il n'y en a pas dans tous les quartiers.
En province, c'est différent mais dans la plupart des petites villes, dont la mienne, subsistent encore quelques boucheries et boulangeries mais, d'après les infos de ces commerçants, la plupart vont fermer à leur retraite car il n'y aura personne pour prendre la suite.
Que les sénateurs cherchent à défendre un mode de vie "à l'ancienne", c'est évident mais si on peut vivre sans voiture à Paris, on se demande comment feront les habitants dans ce cas dans les cités de province lorsque les commerces de proximité auront disparu.
Je ne parle même pas des villages que je traverse parfois où il n'y a plus ni école, ni bureau de poste ni commerce. Les "itinérants" qui apportaient épicerie et viande ont disparu.
@PeutMieuxFaire,
Je connais des couples "branchés" qui se font livrer par des groupements genre coopératives (parfois bio) après avoir commandé sur internet mais ce n'est pas le plus grand nombre.
Hors sujet: cela me fait penser à Boutin qui, ce matin, répondait à une auditrice de France Inter sur les "maisons à 15 euros" que tous les renseignements étaient sur son site.
Comme si tout le monde surfait sur le web!
Rédigé par : Philippe | 10 juillet 2008 à 16:53
Dès qu'on parle de choses concrètes à un Français, soudainement, il n'a plus rien à dire, où bien ?
A rapprocher de ce que dit Michel Onfray:
"Je parle souvent du délinquant relationnel pour définir la personne qui entretient avec elle-même un rapport faussé ce qui, par conséquent, induit avec les autres, puis avec le monde, une relation tordue, torve et, pour tout dire, malsaine. Ce genre d’individu pratique le déni, affirme avec véhémence que le réel n’a pas eu lieu pour la bonne et simple raison que son fantasme fait la loi : s’il a trahi ou trompé, il n’a pas trahi ni trompé, en revanche c’est autrui, « les autres », « les gens », qui se sont rendus coupables du forfait en question, même, et surtout, quand ils n’ont rien fait, ni bougé le petit doigt."
http://pagesperso-orange.fr/michel.onfray/Chronique_juillet08.htm
Je répète donc, pour ceux ceux qui vivent dans le réel avec ses combats journaliers pour survivre contre les agressions du percepteur, des concurrents qui vous font des procès, des services sanitaires qui vous ont dans le nez (où à la bonne, c'est selon), du syndic, de la voiries qui à inondé le quartier par accident, de la Mairie dont les fonctionnaires attendent le bakshish, de tous les fournisseurs de services essayant de vous piéger, etc. etc. etc. etc. :
Un système de coopératives régionales permettant de by-passer les grossistes, avec des acheteurs compétents, (pas de fruits "gonflés à l‘eau"), pas de viandes (gonflées aux hormones), des assureurs spécifiques, etc.
Une sorte de syndicat permettant à des commerçants franchisés mais conservant leur nom propres de se regrouper pour les achats, la protection et la publicité, mais contrairement aux supérettes actuelles, de le faire dans un créneau qualitatif strict.... Comme certaines chaînes d‘Hôtels.
Rédigé par : Ozenfant | 10 juillet 2008 à 17:54
@OZ,le but du jeu en ce moment et plus que jamais, c'est de faire payer .
Payer par tous les moyens tout et n'importe quoi pour que le fric circule .
A parir de là, "des fois " j'ai le seniment d'etre pris encore plus que d'habitude pour un c..?Je me demande meme parfois , si ce n'est pas tout bonnement de "l'èscroquerie "organisée dans le cadre d'un "abus de confiance " ?
Donc, la "roublardise officieuse "excuses moi, du mot,consiste a passer tout au dessus ,pour ne pas se faire plumer ?(tu vois ce que je veus dire encore une fois :-)
Je crois que la vérité est là .
Comme dit l'autre "si tu suis le règlement tu ne t'en sorts pas "...............
Rédigé par : UN chouka | 11 juillet 2008 à 22:02