Grâce aux positions sages du couple Franco-Allemand et en débit des pressions de Washington, le dernier sommet de l'Otan à Bucarest a refusé d'ouvrir immédiatement les négociations pour l'adhésion de la Géorgie et de l'Ukraine à l'alliance atlantique. Néanmoins, la porte n'a pas été totalement fermée, la décision n'ayant été que repoussée à plus tard, sans que le principe de l'adhésion ne soit formellement écarté.
Cette non-décision apparaît avec le recul comme la pire solution pour l'équilibre de la région, car depuis, les tensions se multiplient aux frontières de la Russie.
Depuis quelques semaines, la guerre menace en Abkhazie, région géorgienne pro-russe, en situation de sécession depuis la fin de l'URSS. Même si ce conflit est largement instrumentalisé de part et d'autre pour des raisons de politique intérieure, il est clairement alimenté par la perspective de l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN.
Du coté Géorgien, le président Saakaachvili s'en sert pour prétendre être agressé par une politique impérialiste russe. Du coté russe, ce conflit pour lequel les officiels dénient toute responsabilité directe, est également le bienvenu car les règles de l'OTAN interdisent d'accueillir un pays où persiste des différends territoriaux. Tant que cette guerre des nerfs durera, l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN sera à la fois légitimée et rendue impossible.
On assiste à la reproduction du même schéma en Ukraine, où les conséquences d'un conflit pourraient être bien plus graves. La polémique a été lancée par le Maire de Moscou Iouri Loujkov. A l'occasion du 225ème anniversaire de la création de la flotte russe en mer noire, celui-ci a remis en question l'appartenance de la ville de Sebastopol à L'Ukraine. Selon lui, le siège historique de la marine russe en mer noire ne figurait pas parmi les territoires de Crimée qui avaient été "offerts" par Nikita Khrouchtchev à l'Ukraine en 1954.
Depuis, la tension monte à coups d'interdictions de séjour opposées à certaines personnalités russes et ukrainiennes et se cristallise autour de la permanence de la base russe de Sébastopol au delà de l'échéance de 2017, prévue par un traité bilatéral entre les deux pays signé en 1997.
A n'en pas douter, si l'Ukraine persistait dans son désir d'adhérer à l'OTAN, la Russie ne manquerait pas d'exacerber la fracture nationale entre nationalistes ukrainiens et russophones. Le terrain est propice à cela. Selon un sondage récemment effectué en Ukraine près de 60% de la population se déclare en effet opposés à une adhésion à l'OTAN, la proportion montant jusqu'à 95% dans les régions de l'est et du sud traditionnellement pro-russes. Parallèlement, un sondage réalisé en Russie indique que 68 % des russes considèrent que la ville de Sébastobol leur revient !
Le message de la Russie à l'égard de ses voisins est très clair. L'adhésion à l'alliance atlantique ne pourra s'envisager qu'au prix d'un éclatement de ces pays. La Géorgie devra faire son deuil de l'Abkhazie et de l'Ossetie du sud, dont le président vient de proposé à son homologue de l'ossétie du nord une réunification dans le cadre de la fédération de Russie. L'Ukraine devra quant à elle se préparer à des mouvements sécessionnistes en Crimée et à la perspective d'une partition du pays dont la menace est pendante depuis la "révolution" de 2004 et se réactive à chaque échéance électorale.
L'alternative est claire. Il s'agit d'une solution à la Moldave où existe également un conflit gelé, en Transnistrie. Moscou garantira l'intégrité territoriale de ces deux pays contre une neutralité et un maintien dans l'orbite russe.
L'obstination des anciennes républiques soviétiques à intégrer un occident fantasmé ne s'expliquer que par des motifs de politique intérieure tant ils ont peu à attendre des Etats-Unis comme de l'Union Européenne, qui ne leur a du reste jamais rien promis.
Si l'attitude des Etats-Unis s'inscrit dans une logique, contestable mais compréhensible du point de vue impérial qui est le leur, de containment à l'égard de la Russie, la passivité de l'Europe est moins explicable. L'Europe est en fait (et comme toujours) paralysée par ses divisions internes. Certains membres, autrefois dans la sphère russe comme les pays baltes ou la pologne, qu'elle a intégré un peu hâtivement, soutiennent farouchement et par principe toutes les tentatives de leurs anciens compatriotes pour "se libérer des griffes de l'ours russe". C'est ainsi qu'ils ont bloqué depuis plusieurs années toute avancée dans le partenariat stratégique entre l'Union et la Russie.
Pourtant, l'Europe n'a aucun intérêt à jouer les pousse au crime. Elle n'a en particulier pas à accréditer l'idée qu'il y aurait au coeur de l'Europe un clivage entre des pays qui seraient "occidentaux" et d'autres qui ne le seraient pas, comme le font certains éditorialistes irresponsables, toujours prêts à relayer la pensée américaine.
L'Europe doit clarifier ces questions dans les six prochains mois avant la prochaine réunion de l'OTAN en décembre où la question de l'adhésion de la Géorgie et de l'Ukraine devra être de nouveau évoquée. Le contexte n'a jamais été aussi favorable. L'arrivée au Kremlin de Dmitri Medvedev devrait faciliter les relations avec la Russie au moment où les discussions sur le renouveau du partenariat stratégique vont enfin pouvoir reprendre, la Lituanie venant de lever son véto.
Le général De Gaulle rêvait d'une Europe de l'Atlantique à l'Oural. Nicolas Sarkozy aura une occasion historique d'y contribuer. Dans six mois, l'Europe sera soit sur la voie d'une grande unification politique, militaire et commerciale, soit sur la voie d'un nouveau schisme. L'avenir de l'Europe s'écrira donc sous présidence Française.
Malakine
"Le destin de l'Europe s'écrira sous présidence française"
Putain 4 fois !
Rédigé par : Ozenfant | 23 mai 2008 à 18:23
Et la plume sera tenue par Sarko. ça promet une belle écriture...
Rédigé par : edgar | 23 mai 2008 à 22:00
Eh ben, si on attend de Sarko une position réfléchie, on peut attendre longtemps. Ceci dit, d'un point de vue statistique, il n'est pas impossible que sur un malentendu, il puisse prendre de bonnes décisions compte tenu du mitraillage de positions et de revirements inverses qu'il détermine. La politique quantique en quelque sorte. Ma foi, ce type de stratégie paye pour les capitaux risqueurs, alors qui sait...
Rédigé par : olaf | 23 mai 2008 à 22:23
L'Ukraine a toujours été le grenier à blé de l'empire Russe avant d'être celui de l'Union Soviétique.
Replacé dans cette perspective historique, c'est sans doute l'affaire d'un demi-siècle, peut être plus, mais je pense que tôt ou tard, l'empire finira par se reconstituer sous une forme politique ou sous une autre (fédération ou protectorat par exemple).
La hausse du prix du pétrole pourrait bien être un formidable accélérateur de cette tendance lourde de l'histoire qui passe aussi par la dépendance énergétique de l'Ukraine.
Dis comme cela, je le sais, c'est cynique pour les Ukrainiens.
Quant à l'histoire de l'Europe (comprendre l'UE cette fois), elle est peut-être déjà en train de se noyer, mais à l'opposé : dans les ports de pêche de Belgique, de France et d'Espagne où se cristallise en ce moment tout le ressentiment des pêcheurs européens en colère (et pas seulement à cause du prix du gazole).
Rédigé par : Marcus | 23 mai 2008 à 23:11
Malakine,
Très bel article de De défensa.org sur les couloirs de Bruxelles: Helmut Schmidt: «La finance folle ne doit pas nous gouverner». http://blog-ccc.typepad.fr/blog_ccc/2008/05/helmut-schmidt.html ou quand le microcosme politique pro Europe de la globalisation, s’aperçoit qu’" Un con croit vraiment que si la chemise de Paul est plus blanche que la chemise de Pierre, c‘est parce que PERSIL LAVE PLUS BLANC" (Pierre DESPROGES)
Rédigé par : Ozenfant | 24 mai 2008 à 10:41
"En VRP bonimenteur, Nicolas Sarkozy a tout de même poussé la flagornerie un
peu loin en assurant que la France sera «honorée de recevoir» le Président
angolais Dos Santos «comme un visiteur prestigieux et comme un ami»(source : Charentes libre)", Aussi quand je lis " L'avenir de l'Europe s'écrira donc sous présidence Française. ", je suis éberlué.
Rédigé par : GERD | 24 mai 2008 à 19:13
@ GERD
SOUS présidence française, ça veut pas dire PAR le président français ! Je veux juste dire qu'il va se jouer quelque chose d'important dans les six mois à venir à l'est de l'Europe avec la question de l'OTAN et qu'il se trouve que pendant ces six prochains mois, la France aura la présidence de l'Union. Lors du dernier sommet de l'OTAN Sarko a été raisonnable en prenant des distances avec son atlantisme. S'il continue sur cette voie, il aura une partie intéressante à jouer avec Medvedev. S'il joue la carte US, il va mettre le feu à l'Europe...
Le monde ne tourne pas autour de Sarko, mais en tant que président de la France, il en est tout de même un des acteurs. On a le droit de dire ça ou pas ?
Rédigé par : Malakine | 24 mai 2008 à 19:51
La présidence français sera de toutes façons marquée par l'incohérence.
Les dernières déclarations concernant l'intégration ds l'OTAN des ex républiques soviètiques Ukraine, Georgie... sont on ne peut plus incohérentes, une version avec Poutine, une autre avec les européens et le singe de la maison blanche!
le grad écart diplomatique est risqué, le seul point positif que Chirac avait laissé est donc maintenant perdu, ça continue...
Jusqu'ou jusqu'à quand?
Rédigé par : perla austral | 30 mai 2008 à 10:33