Comme cela est devenu une habitude à chaque flambée des cours du pétrole, les professions manifestent les unes après les autres pour réclamer des mesures catégorielles de détaxation ou des aides de l’Etat. Si certaines de ces revendications sont justifiées, la plupart sont absurdes et infondées. Lorsque les coûts de production augmentent, la réaction logique dans une économie libérale est d’augmenter le prix pour le client.
On ne voit pas en effet en quoi les taxis, les transporteurs routiers ou les agriculteurs seraient empêchés de répercuter la hausse du gazole sur leur prix de vente. Il ne s’agit là que de crises opportunistes destinées à profiter d’un contexte de grogne pour arracher à l’Etat quelques subsides supplémentaires. Ces revendications doivent être rejetées sans aucune hésitation et être combattues avec fermeté. Le contribuable n’a pas à financer des hausses de prix à la place du consommateur.
La crise de la pêche n’entre pas dans cette catégorie, dans la mesure où les marins pêcheurs ne sont pas libres de fixer leurs prix. La hausse du gazole se traduit mécaniquement par une baisse de leurs revenus. Reste à comprendre pourquoi et à trouver les bons remèdes.
La crise actuelle est peut-être liée à des dysfonctionnements internes à la filière. On lisait en effet ce matin que ni les pouvoirs publics, ni les responsables de la profession n’arrivaient à expliquer comment le prix du poisson qui est payé 4 ou 5 euros aux pècheurs se retrouvait à 27 euros en magasin. S’il ne suffisait d’augmenter le prix de vente que de 50 centimes, comme on le lit dans l’article, on peut penser qu’une solution pourrait être trouvée par une réforme des modes de formation des prix à l’intérieur de la filière. Comme quoi, la libre négociation des prix entre fournisseurs et distributeurs peut aboutir à des désastres en termes d’emplois. Le gouvernement ferait bien de méditer sur ce cas d’espèce, au moment où il recherche une baisse des prix pour le consommateur par une intensification de la concurrence entre distributeurs.
Ce matin, le ministre Michel Barnier, invité de la Matinale de Canal plus, a laissé entrevoir une autre explication. Je dit « laisser entrevoir », car il était tellement confus que la délicieuse Caroline Roux n’arrivait pas à savoir s’il répondait à ses questions ou s'il pratiquer une langue de bois destinée à noyer le poisson. Le ministre s’énervait même de ne pas parvenir se faire comprendre. Au détour d’une phrase le ministre dit ses mots qui m'on frappés « sauf à importer tout notre poisson d’Asie ou d’Afrique » Tiens, tiens…
La crise de la pêche s’éclaire alors d’un jour nouveau. Les prix seraient alors déterminés par un marché mondial, dominé une grande industrie de pêche, s’appuyant sur de gros bateaux modernes, pêchant dans des eaux poissonneuses qu’aucune règlementation ne vient protéger… Il est sûr que dans ces conditions, nos petits artisans pêcheurs ne pourront pas résister très longtemps avec leur rafios hors d’âge et des ressources halieutiques strictement préservées par des quotas.
On se retrouverait donc dans une crise classique de compétitivité : La pêche européenne serait donc condamnée à mort par une concurrence mondiale sans foi ni loi, exactement comme le fût la sidérurgie dans les années 80, ou plus récemment le textile et une grande partie de l’industrie manufacturière.
Il est d’ailleurs étonnant de ne pas entendre en ce moment nos chers économistes qui ont fait profession de chanter les louanges des délocalisations, nous dire que cette crise est "une fantastique opportunité pour les régions côtières qui vont ainsi pouvoir se reconvertir vers des activités à plus haute valeur ajoutée, l’économie de la connaissance ou les nouvelles technologies ! "
On objectera que la pêche présente un caractère « culturel », qu’on n’imagine pas les régions côtières sans emplois liés à la mer et qu’il faut donc sauver par tous les moyens les emplois des marins pêcheurs. Les mines, la sidérurgie et même l’industrie automobile aussi avaient pourtant aussi un caractère culturel dans les régions du nord et de l’est de la France…
Si l’impossibilité pour les pécheurs de répercuter la hausse du gazole sur leur prix de vente s’explique par une concurrence internationale qui détermine les prix de marché, il faudra effectivement sauver la pèche européenne, soit en la subventionnant, soit en la protégeant.
Si on choisit de subventionner les emplois, la pèche sera alors considérée comme une activité du passé, quasi floklorique, qu’il faut néanmoins maintenir dans une logique d’aménagement du territoire ou pour sauvegarder l’identité nationale, un peu comme l’agriculture de montagne. On épargnera alors au consommateur européen la hausse du prix du poisson en reportant cette charge sur le contribuable. Ce choix de soutenir financièrement des emplois menacés par la concurrence mondiale a été privilégié depuis des décennies(1) et a conduit à la crise des finances publiques que l’on connaît aujourd’hui.
Mais on peut également choisir de taxer le poisson pour ramener son prix de vente à un niveau compatible avec les coûts de production européens(2), afin de rétablir la compétitivité de la pèche européenne, c'est-à-dire appliquer des mesures protectionnistes. C’est exactement ce que le gouvernement a fait à l'occasion de la dernière crise en instituant une taxe de 2% sur le poisson vendu en grande surface (3)
L’ancien commissaire européen, Michel Barnier, se retrouve donc face à un choix cornélien.
Soit sacrifier ceux qu’il a pour mission de défendre en tant que ministre, sur l’autel des sacro-saints principes communautaire de concurrence libre et non faussée et libre-échange mondial sans entrave …
Soit, se battre contre la commission européenne pour lui faire admettre la nécessité de mesures protectionnistes raisonnables destinées à sauver une filière et des emplois, qui s’ils ne sont peut-être pas estampillés « stratégie de Barcelone » sont néanmoins essentiels à la vie des territoire et à l’identité de l’Europe.
On vous souhaite bon courage, monsieur Barnier !
Malakine
(1) voir notamment les allègements de charges sur les emplois faiblement qualifiés, la PPE, le RSA, le RMI, les emplois aidés … Tous ces dispositifs participent à la logique d’indemnisation des perdants de la mondialisation, corolaire indispensable de toute politique libre-échangiste. Ceux qui gagnent à l’ouverture des marchés doivent soutenir ceux qui dans l’aventure perdent leur emplois pour défaut de compétititivité.
(2) L’affaire est intéressante car il ne s’agit pas, en l’espèce, d’un surcoût lié au coût du travail mais aux caractéristiques de la filière et à une règlementation écologique de protection de la ressource.
(3) Presque, car cette taxe n’est imposée que le poisson vendu en grande surface (ce qui va certainement entraîner son annulation pour entorse au droit communautaire de la concurrence) et qu’elle sert à financer la filière.
A quelques km de Montpellier, se trouve notre petite soeur, Sète la pécheresse.
Capitale de la fronde des pécheurs en Méditerranée.
Les pêcheurs y roulent le plus souvent en BMW R5 V8, et si çà continue ils seront obligés de changer pour un modeste 4X4 Citroën C-crosser V6 !
Plus sérieusement, la pêche locale n'a pas de concurrence étrangère, le problème semble être la vente à la criée qu’ils disent ne pas maîtriser ???
Rédigé par : Ozenfant | 30 mai 2008 à 18:45
" On ne voit pas en effet en quoi les taxis { } seraient empêchés de répercuter la hausse du gazole sur leur prix de vente. "
Les tarifs des taxis ne sont pas libres, ils sont réglementés par la puissance publique et donc les taxis ne peuvent répercuter la hausse du carburant à leur guise sur leurs prix de vente.
Rédigé par : Xavier | 30 mai 2008 à 19:13
" les marins pêcheurs ne sont pas libres de fixer leurs prix "
Ni plus ni moins que les les agriculteurs et les transporteurs routiers, tous soumis à la loi de l'offre et de la demande. Techniquement, il n'y a aucune différence entre ces différentes professions.
Rédigé par : Xavier | 30 mai 2008 à 19:15
@Malakine
N'oublions pas non plus les facteurs écologiques et l'extinction de masse que subisse les océans. Le thon de méditerrané qui s'éteint et les innombrables espèce que nos descendants n'aurons jamais l'occasion de gouter. L'Europe qui a raison de légiférer et de règlementer la pèche est totalement incohérente en important du poison péché dans des conditions écologiques désastreuse. Encore une fois on voit bien que l'écologie n'est pas compatible avec le libre-échange et le laissez faire du marché. Les droits de douanes sont inéluctable à terme mais combien de temps va-t-il falloir avant que nos élites stupide s'y mettent.
A noter que les subventions sont la pire forme de protectionnisme qui soi, couteuse et dégueulasse pour les pays pauvres. On le voit dans le domaine de l'agriculture les libéraux utilisent les effets pervers du protectionnismes par subvention qui détruit l'agriculture africaine pour justifier la fin de tout protectionnisme. Les protectionnistes doivent impérativement prôner les cotas ou les droits de douanes sans quoi ils donneront des arguments aux ultra-libéraux, tout les protectionnismes ne se valent pas en terme d'impact.
Rédigé par : yann | 30 mai 2008 à 19:25
@Xavier
La loi de l'offre et de la demande est une chimère, elle ne fonctionne pas dans le monde réel. L'explosion du prix du pétrole sans rapport avec l'évolution de la production et de la consommation ou les marché immobiliers montre que c'est une fumisterie intellectuelle. Les marché sont myope et sensible aux effets de foule et de bulle, il n'y a rien de rationnel dans leur comportement lorsque ceux-ci sont laisser sans règle d'encadrement. Je m'étonne encore de voir le nombre de gens croire aux vertus du marché libre malgré l'incapacité de la planète à produire suffisamment de nourriture ou à se préparer à la fin de l'ère pétrolière que l'on sait inéluctable depuis des décennies. Il faut regarder les chose en face le marché sans l'état ça ne fonctionne pas et ça n'a jamais fonctionné.
Rédigé par : yann | 30 mai 2008 à 19:31
@ ozenfant
La concurrence avec les poissons d'importation, ce n'est pas quelque chose que j'ai inventé. Je l'ai lu et j'ai même lu qu'on important à peu près autant de poissons que ce que l'on péchait.
Sinon, ce que tu dis, me rappelle une expression "socialiser les pertes et privatiser les profits"
@ Xavier
Bon déjà il y a une différence entre les taxis et les autres puisque leur prix sont règlementés (J'ignorais), mais à moins que je confonde avec une autre corporation, il me semble bien avoir entendu un chauffeur de taxi exiger un carburant détaxé et non une augmentation des tarifs réglementés.
Pour le reste, il faut m'expliquer pourquoi dans certains secteurs seule l'offre détermine le prix et pourquoi dans d'autre l'offre serait dans l'incapacité totale d'influer sur le prix. Lorsque l'intégralité des producteurs voient leur cout de production augmenter de x%, s'ils ne peuvent pas le répercuter c'est qu'il y a un facteur bloquant. Si ce n'est pas les prix mondiaux liés aux importations c'est quoi ?
@ yann
Je ne comprends pas ce que tu dis. Du tout. Quand on parlait de la TVA sociale, le débat portait sur l'augmentation des prix qu'elle susciterait. Tout le monde considérait qu'une augmentation des taxes se répercuterait sur les prix. Personne n'a évoqué l'idée que la demande ferait plafonner les prix et que certains seraient étranglés à force de rogner sur leurs marges. Lorsqu'il s'agit de pétrole, alors là, ça ne fonctionnerait plus ??
Pourquoi ?? Expliquez moi ...
Rédigé par : Malakine | 30 mai 2008 à 20:45
@ Malakine
Merci pour cette intéressante analyse
Ces histoires de poisson me font penser à celle de la perche du Nil. J’ai arrêté d’en consommer depuis que j’ai appris que cet excellent poisson introduit artificiellement en Tanzanie dans les années soixante était l’objet d’un des plus grands scandales (décrit dans le film documentaire "Le cauchemar de Darwin") lié à la mondialisation. Des immenses avions cargos emmènent des tonnes de poissons vers l’occident après être arrivés chargés d’armes pour le continent africain.
Le poisson est conditionné localement dans de superbes usines par des populations qui n’ont pas les moyens de se le payer et consomment les têtes et autres restes.
2/3 des espèces de poisson qui vivaient à l’origine dans le lac Victoria ont disparu.
La "mondialisation" menace l’industrie de la pêche en France mais elle affame aussi les populations du Sud. Un vrai succès …..
Rédigé par : RST | 30 mai 2008 à 20:45
@Malakine
La hausse actuelle du prix du pétrole est disproportionner par rapport aux problèmes d'offre et de demande. Certain soupsonne l'intervention de spéculateur sur la hausse des prix, je te rappel qu'en 2000 le baril était aux alentours de 20$. Une hausse aussi brutale prouve bien que le marché est truqué quelque part.
Quand à la régulation par le marché peut-on vraiment parler de régulation quand un système provoque de tel singularités au sens mathématique du terme. Un système régulé doit avoir une évolution à peu prés linéaire pas des variations de type chaotique. La loi de l'offre et de la demande est pleine d'exception si je puis dire. Regarde les USA théoriquement leur industrie est aujourd'hui largement avantagé par rapport à l'UE grâce à une monnaie qui a perdu plus de 60% de sa valeur et pourtant leur déficit commerciale ne se réduit toujours pas, ils viennent de franchir un nouveau record!!!
Suivant la loi de l'offre et de la demande ça ne colle pas et il y a plein d'exemple similaire. Sur la valeur du pétrole il y a fort à parier qu'on va avoir une forte chute dans pas longtemps les stocks regonfles et la récession aux USA puis planétaire devrait calmer le jeu. Quoiqu'il en soit l'économie ce n'est pas de la physique les lois ne sont pas naturel et dépendent de comportement lié à la psychologie des masses. Aujourd'hui tout le monde pense que le pétrole doit grimper donc il grimpe, demain il fera peut-être l'inverse car il est allé trop loin.
Rédigé par : yann | 31 mai 2008 à 00:04
Malakine,
Tu as sans doute raison au plan national, je donnais un exemple local.
D'autre part, je ne crois pas que la concurrence de la pêche étrangère soit une raison cohérent....
A moins que tu n'ais des raisons de penser qu'ELLE échappe à l'augmentation du prix du baril !
Rédigé par : Ozenfant | 31 mai 2008 à 11:11
@ Malakine,
Pour avoir un avis éclairé sur la situation des pêcheurs français, il nous faudrait avoir entre les mains un certain nombre de chiffres, comme la consommation de poisson en France au cours des 10 dernières années, l'évolution des prix, l'évolution de la demande, le % de poissons pêchés par des pêcheurs français dans les zones côtières françaises par rapport aux poissons pêchés dans le reste du monde, les ressources estimées au niveau mondial, etc…
Ce que je lis ici ou là (mais est-ce la vérité ?), c'est que le kilo de cabillaud par exemple serait acheté à nos pêcheurs aujourd'hui environ 3 à 4 euros le kilo ; et il serait revendu dans les grandes surfaces aux alentours de 25/30 euros en ce moment.
Sans vouloir aller trop vite en besogne, je crois que la clef du problème se trouve en partie dans le mode de distribution du poisson (ce qui est aussi vrai pour bon nombre de produits agricoles cultivés en France).
Je crois qu'il est plus que temps de favoriser des modes de distribution sans intermédiaire, c'est-à-dire directement du producteur au consommateur, mais aussi de favoriser les produits locaux en fonction de leur saisonnalité. Principaux intérêts d'une telle démarche : des produits moins chers, plus frais et peut-on l'espérer, de meilleure qualité. Tout le monde y gagnerait, sauf les grandes surfaces : le contribuable car on arrêterait de subventionner l'agriculture, la pêche et tutti quanti, le consommateur, le producteur…
"Small is beautifull !"
Rédigé par : olivier | 31 mai 2008 à 15:57
Brillante analyse, la politique de "conservation des ressources halieutiques" de Jo Borg est donc à double tranchant...
Un chiffre de 56 000 pêcheurs en 2001, nous sommes passés à 17 000... Là, il y a un problème.
Je serais curieux de voir ce que va donner la manif' des pêcheurs ce mercredi à Bruxelles.J'ai encore un souvenir ému de celle des dockers en 2006 à Strasbourg...
Rédigé par : René Jacquot | 01 juin 2008 à 18:59
Olivier,
J'ai fait plusieurs textes sur l'absence de libre concurence qu' "s'accordent" (tacitement ou illégalement) pour gonfler induement les prix.
La plus belle preuve en étant que les hyper pratiquent des prix de fruits et légumes de 170 à 200% plus élevés que les super-marchés de gros qui ont pourtant ont les mêmes fournisseurs !!!
C'est là, la question à régler immédiatement !
Ce ne sont pas les dernière mesures prises par le Paon de Neuilly qui apportent le moindre début de solution.
Rédigé par : Ozenfant | 01 juin 2008 à 19:10
Le bon lien pour mon post précédent :
http://www.chomage-et-monnaie.org/Documents_html/Vive_le_plein_emploi.html
Rédigé par : RST | 03 juin 2008 à 19:21
Les rayons de boucherie sont remplis de viande de bêtes issues de l'élevage ... Quelques fois de gibiers!
Pourquoi faudrait-il que les étals des poissonneries ne seraient garnis que de poissons sauvages au risque de faire disparaître ces espèces et in fine de créer des "parcs naturels de protection" ! Que les pêcheurs de reconvertissent en fermiers pisciculteurs? Ce sera plus rentable, moins dangereux, ... tout a gagné.
Rédigé par : Tino | 22 juin 2008 à 10:47
@RSt,
Merci de ce lien qui éclaire bien la situation de l'Europe et de la France.
Rédigé par : Philippe | 22 juin 2008 à 11:11