Mardi dernier, l’hebdomadaire Marianne organisait dans le cadre de l’appel à la vigilance républicaine, un colloque au palais des congrès de Nancy sur le thème de la politique étrangère de la France, en présence de Jean François Kahn, Pierre Moscovici et Nicolas Dupont Aignan. En tant que voisin, je ne pouvais que faire le déplacement.
Il me serait très difficile de faire un compte rendu objectif des débats, tant le sujet était vaste et les digressions nombreuses. Je me limiterai à faire part de quelques impressions générales sur les protagonistes et leur point de vue respectifs.
A titre personnel, l’évènement le plus important de cette soirée a été les quelques échanges que j’ai pu avoir en fin de réunion avec Nicolas Dupont Aignan au sujet des élections européennes de l’an prochain, qu’il a d’ores et déjà commencé à préparer.
Moscovici, désormais au rang d’éléphant
La première chose qui m’a frappé au cours de cette soirée fût l’extraordinaire présence de Pierre Moscovici. J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais de l’homme, mais là, il m’a bluffé ! Son discours est parfaitement huilé, que ce soit sur les éléments de fond ou sur le registre strictement politicien. Son expression est remarquablement claire, facile et agréable à suivre. Le propos est souvent agrémenté de quelques notes d’humour soigneusement préparées. Il coule avec une grande fluidité, d’autant plus facilement qu’il est facile à entendre. Aucune aspérité. Rien qui accroche. Rien qui choque. Mosco s’écoute comme on boit un petit rosé bien frais.
Le contenu n’est pas foudroyant. Rien d’original. Beaucoup d’évidences et de lieux communs. Quelques contradictions ou envolées exagérément politiciennes, mais l’ensemble est si joliment emballé et interprété avec un tel brio qu’on a l’impression de ne pouvoir qu’être d’accord. Ni sa personne, ni son discours ne heurte, même les oreilles les plus critiques. II parle avec l’assurance de ceux qui savent, avec la hauteur des hommes d’Etat qui n’ont déjà plus rien à prouver, sans jamais paraître ambitieux carriériste ou égotique. Du très grand art.
Mosco m’a fait l’impression d’un François Hollande en plus jeune et en plus talenteux. Il est déjà dans la peau d’un premier secrétaire. Il est intérieurement programmé pour devenir premier ministre, et même pourquoi pas, candidat à la présidentielle. En l’écoutant, je me suis dit qu’il était le premier secrétaire idéal pour les socialistes, et que s’il accédait à ce poste, il serait très vite incontournable pour 2012.
Deux manières radicalement différente de concevoir la politique.
La succession des interventions entre Mosco et NDA contrastaient, non pas tellement sur leur style, ni sur le fond, mais sur leur point de vue. Quand l’un cherche à reconstruire un discours clair et cohérent, à faire entendre une voix originale qui s’inscrirait dans la tradition historique de la France, l’autre recherche en permanence la synthèse, le point d’équilibre, la position toujours la plus raisonnable, la plus équilibrée, celle qui serait admissible par le plus grand nombre.
L’un pense en tant que leader d’un courant de pensée. L’autre en tant que chef d’une organisation politique à vocation majoritaire. Le contraste était parfaitement clair lorsqu’il s’agissait d’Europe. NDA voulait exprimer ce que pourrait être le point de vue de la France. Mosco intégrait d’emblée les contraintes intérieures et extérieures, comme s’il recherchait déjà la position européenne qui résulterait des arbitrages à 27.
Les deux quinquagénaires représentent deux profils très différents. Mosco est un technicien aguerri de la politique. NDA est un idéologue, l’un des derniers, sinon le dernier, à essayer de faire vivre un courant de pensée proposant une vision du monde globale et cohérente.
Une critique sans appel de la politique étrangère sarkozyste :
Les deux hommes ne se sont en fait guère contredit dans leur critique de la politique étrangère sarkozyste. Le discours n’était toutefois pas le même.
Pour NDA l’abandon de la souveraineté économique, l’affaiblissement de la fonction présidentielle, et l’alignement de la politique étrangère participent d’un même processus d’effacement de la France. La « liquidation » à laquelle procède actuellement Sarkozy (pour reprendre le terme de Mosco) s’inscrit dans un long mouvement historique, que Sarkozy ne vient en réalité que conclure.
Le discours était beaucoup plus polémique et politicien chez Mosco. Le propos peut-être le plus dur qu’il ait tenu sur la politique étrangère actuelle, l’a été en réponse à mon intervention sur l’élargissement de l’OTAN qui avait pour objet de relativiser l’atlantisme du président et de poser la question d’un éventuel alignement politique sur l’Allemagne. Mosco a effectivement réfuté la thèse de l’alignement atlantiste. Pour lui « Sarkozy n’est pas le caniche des Etats-Unis. Ce n’est pas Blair. C’est autre chose et c’est pire ! » L’alignement sur la politique des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan procèderait d’une adhésion à la vision néoconservatrice du monde. Sarko serait donc plus Bushiste qu’atlantiste !
Jean François Kahn n’a pas été en reste en dénonçant avec férocité l’intervention américaine en Afghanistan et la décision française d’y envoyer des renforts. Pour JFK, la mission de l’OTAN devait s’achever dès lors que les Tabilans avaient été chassés du pouvoir. Nous nous trouvons aujourd’hui dans le rôle d’une armée d’occupation, comme le fût l’armée rouge dans les années 80, qui est en train de cristalliser contre elle, la haine de tout un peuple ; une aventure dans laquelle la France n’avait rien à faire.
Objectif Européenne 2009 :
Dès la fin du colloque, je me suis rendu en bas de l’amphi pour présenter mes salutations républicaines au député de l’Essonne. Notre entretien fût bref, mais vite chaleureux et presque complice. Je me suis introduit dans une conversation entre NDA et des sympathisants au sujet d’une éventuelle liste commune avec Villiers aux européennes, idée que NDA rejetait avec fermeté, ce en quoi je l’ai approuvé.
"- Si je m’allie avec Villiers, je vais perdre les gens comme vous
- Moi à la limite je m’en fous, j’ai voté par défaut Villiers au premier tour, mais … Qu’est ce que j’ai pris ! C’est clair que c’est un vrai repoussoir. Et avec Villepin ? Il paraît qu’il veut se lancer aux européennes.
- Pfff Villepin … Ce que je veux c’est rassembler les républicains de droite et de gauche, faire une liste pour tout ceux qui ont voté non en 2005
- Mais positif ! Pour réorienter l’Europe, pas pour s’y opposer ?
- Oui, oui, tout à fait !!
- En clair, reprendre le discours de Guaino des présidentielles ?
- Voilà, c’est ça !!
- Mais vous avez l’argent ?
- Il nous faut un million d’Euros. On lance la souscription demain.
On en reparle très vite.
Malakine
@ Malakine
Comme quoi, il n’ y a pas qu’à Paris qu’il se passe des choses.
Je suis toujours aussi surpris par la puissance du Web. Un citoyen (toi en l’occurrence) assiste à un débat politique et met en ligne un compte rendu qui est consultable immédiatement sans passer par des intermédiaires professionnels.
Je suis peut-être naïf mais il me semble qu’avec ce type de fonctionnement, on se rapproche du fonctionnement d’une vraie démocratie.
Pour en revenir à NDA, j’ai contacté le responsable local de "Debout la République". Il m’a proposé que nous rencontrions pour "discuter". Je dois le rappeler. J’avoue que j’ai été un peu déçu (et vexé ?) de l’apparent manque d’empressement du monsieur à m’enrôler dans ses rangs même si il a précisé qu’ils avaient une petite structure et seulement quelques bénévoles.
Je suppose qu’ils n’ont pas de gros moyens mais je m’attendais à ce qu’il me propose au moins d’assister à une de leur réunion. Je crains que NDA ne parte avec un gros handicap en n’ayant pas derrière lui une structure ad hoc.
Sinon, ta description de Mosco confirme ce que je pense de lui. C’est un professionnel de la politique qui considère ça comme un métier. Il aurait très bien pu faire chanteur de variétés ou acteur du moment qu’il a un rôle d’homme public et qu’il vit confortablement.
Rédigé par : RST | 30 mai 2008 à 21:41
Pierre Moscovici me fait penser à Juppé dans sa meilleure période c'est à dire celle du Quai D'Orsay: clair, brillant avec l'assurance des grands commis de l'Etat.
Mosco est fait du même bois que le maire de Bordeaux ou Fabius... cette espèce d'homme d'Etat qui a été un peu éclipsée par la vague des avocats d'affaires et autres pubards pourrait redevenir à la mode après 5 ans de bling-bling.
Rédigé par : René Jacquot | 30 mai 2008 à 23:43
Dupont-Aignan: "En conscience, je regrette d'avoir voté Sarkozy"
http://www.rue89.com/2008/05/30/dupont-aignan-en-conscience-je-regrette-davoir-vote-sarkozy
Rédigé par : RST | 31 mai 2008 à 16:11
@Malakine
Au fait, tu commences quand chez NDA ?
Rédigé par : RST | 31 mai 2008 à 18:41
@ RST
Il ne faut pas que tu te sentes vexé. Il me semble que c'est la tendance naturelle de tout parti de ne pas ouvrir la porte aux nouveaux. Un nouvel adhérent peut représenter une menace pour les personnes en place et un facteur de destabilisation.
@ René
Tout à fait. Je sens bien un retour des technos-crane d'oeuf après la période sarko. Un duel Copé-Mosco ne me suprendrait pas pour la prochaine présidentielle.
@ RST
On en parle dans mon prochain billet. J'ai bien envie effectivement de m'investir dans la campagne pour les européenne et donner un coup de main à NDA, mais je ne sais pas la forme que cela pourra prendre, si je prendrais une carte ou si je me contenterais d'utiliser les tribunes qui me sont offertes ici et sur Marianne2.
En tout cas, si l'engagement prend la forme d'une adhésion j'aimerais bien que cela fasse partie d'une démarche collective. Je serais d'autant plus enclin à adhérer que nous serons un certain nombre à en faire autant. Reste à savoir ce que sera ce "on". Si c'est pour se retrouver perdu au milieu de vieux gaullistes pour distribuer des tracts en ville que personne ne lira, ça n'aura pas grand intérêt.
Dans un premier temps, je crois qu'il faut mobiliser les ressources de la blogosphère pour l'aider à trouver les fonds. Ensuite, il faudra s'intéresser à son projet. Après seulement, s'efforcer de convaincre...
Rédigé par : Malakine | 01 juin 2008 à 12:51
@ Malakine
Ton commentaire sur le comportement des partis face aux nouveaux venus m'interpelle. Je n'avais pas envisagé la question sous cet angle et si cela est vrai, j'avoue que c'est un peu désespérant. Il me semblait que plus on a d'adhérents plus on est fort, surtout pour les petits partis ?
Sinon, je suis avec attention l'initiative lancée par M.aubry. Malgré les réactions négatives (et très primaires) que j'ai pu constater sur des blogs "partenaires", il me semble qu'il y a un espoir que le PS soit repris en main par des individus ayant une certaine stature politique et qui définirons peut-être enfin un vrai programme de gauche.
Pour terminer, une petite devinette (débile) :
Royal, Delanoe et Valls sont sur un bateau. Le bateau coule. Qui en réchappe ? ....
.... Martine Aubry (J'avais prévenu: c'est nul !)
Rédigé par : RST | 01 juin 2008 à 18:52
Tiens ! Malakine mettant ses talents d'analyste et de rédacteur au service de NDA, je trouve ça intéressant. NDA devrait faire gaffe quand même à pas prendre position trop vite sur des sujets merdeux sur le plan du droit comme celui du verdict d'annulation de mariage pour cause de non virginité. Histoire assez ridicule sur le fond, mais trop défendable sur la forme.
NDA devrait prendre du recul par rapport au sociétal, je pense que Malakine pourrait être de bon conseil sur ce point, à savoir ne pas se disperser sur l'accessoire.
Ceci dit, il me semble que NDA a un souci d'intégrité et de cohérence important. J'ai eu un mel de sa part en réponse à un commentaire que j'avais fait auquel il avait jugé utile de répondre.
Une personnalité politique courageuse qui me semble avoir plus de répondant qu'un De Villiers qui ne s'est pas égaré sur tout non plus.
PS : Lire le dernier billet d'OBO sur Todd, c'est assez corrosif même si pas forcément convaincant.
Rédigé par : olaf | 02 juin 2008 à 22:59
J'oubliais, concernant cette affaire de mariage annulé, j'ai parcouru le blog d'Eolas, bien entendu on a affaire à un juriste expert technicien donc bon tacticien mais ne proposant aucune stratégie, comme le font tout les myopes compulsifs à rassurer leur position d'expert établi.
Il est donc d'une logique inattaquable, mais l'essentiel me semble occulté dans les méandres entre considérations privées et publiques. Encore une fois cette histoire d'annulation de mariage aurait dû aboutir, à mon sens, à un divorce aux dépens du mari, à côté de ses pompes, donc pénalité financière à s'être engagé en exigeant des conditions discriminatoires, puisqu'il n'y a aucun moyen de prouver la virginité d'un homme. Donc aucune réciprocité possible d'établir les preuves concernant un même critère, celui de la virginité. C'est un peu la faille d'Eolas que de ne pas voir qu'il y a là une inégalité d'ordre naturel que le droit est censé compenser en tant qu'instrument de civilisation.
Rédigé par : olaf | 02 juin 2008 à 23:23
@ RST
Je ne sais pas ce qu'incarne Martine Aubry sur le plan politique. Je crains d'ailleurs que ce soit le cas de tout le monde et que cela explique l'engouement actuel autour de son nom. Ne serait-elle pas qu'une nouvelle "surface projective". Une chose est sûre néanmoins, elle tient sûrement plus la route intellectuellement que Delanoê et Ségolène et elle aura la capacité d'imposer un leadership. Un "vrai programme de gauche" ? Ce genre de désir me laisse extrêmement perplexe. Tu y crois vraiment ?
@ Olaf
C'est gentil de me voir déjà en conseiller de NDA, mais je n'en suis pas encore là. C'est clair que j'aimerais bien. Le premier conseil que je lui donnerait ce serait d'ailleurs d'arrêter de se présenter comme le vecteur d'un courant d'idée et de mettre plus en avant sa personne. Il faut jouer avec les codes de l'époque, d'autant que dans cette tradition politique, on croit volontiers à l'homme providentiel.
Pour ce qui est de l'affaire du mariage, j'y réfléchis encore. Ce sera peut-être le sujet de mon prochain billet. Mais il est vrai que ce genre d'affaire mérite de la réflexion. C'est toujours plus complexe que cela en a l'air. Le problème auquel cje suis confronté c'est que cette décision me choque, mais que je ne peux que la défendre si j'examine les questions posées en raison.
J'ai beaucoup apprécié le dernier Billet de OBO qui a voulu s'en prendre au maître et qui s'est fait assez sèchement contredire par ses commentateurs ! :-) Réjouissant, d'autant que les commentaires sont argumentés et pertinents.
Rédigé par : Malakine | 03 juin 2008 à 10:22
@ Malakine
Si je crois vraiment à un "vrai programme de gauche" ?
Ben oui pourquoi ?
Reste certes encore à définir ce que cela pourrait être.... ;)
Sur le plan économique cela pourrait ressembler à ça :
http://www.chomage-et-monnaie.org/Dossiers.html
Et au niveau grand principe général à ça :
"Pour que nous nous installions en terrain socialiste, il faut et il suffit que la discipline (qu’exige la production moderne) ne repose pas sur l’obéissance hiérarchique mais sur le consentement volontaire, qui a lui-même pour condition l’intérêt et l’affection apportés par chaque travailleur à l’œuvre commune, et son initiation à tous les problèmes de la gestion, ce qui répond sous une autre forme au sens profond de l’égalité." (Léon Blum)
Rédigé par : RST | 03 juin 2008 à 19:16
Je suis fatigué ce soir !!!
Le bon lien pour mon post précédent :
http://www.chomage-et-monnaie.org/Documents_html/Vive_le_plein_emploi.html
Rédigé par : RST | 03 juin 2008 à 19:23
Mon sentiment est qu'il faut distinguer deux approches. Soit on conçoit un programme politique à contexte constant (europe, mondialisation) Dans ce cas, je pense qu'il est rigoureusement impossible de bâtir un programme de gauche tant les contraintes sont fortes et les marges de manoeuvre étroite. Sur ce qui reste de pouvoir aux Etats, le point de vue de gauche va se reporter sur un libertarisme sociétal en matière d'immigration et de moeurs, mais il n'a guère d'autres champs pour s'exprimer.
Soit on s'attaque aux contraintes extérieure parce qu'on les considère trop fortes et intenables, mais ce programme pourra tout aussi bien être qualifié de droite ou de gauche, car il substitue un clivage (souveraineté / libéralisme) au clivage gauche / droite. Voilà pourquoi je pense que la gauche est morte.
Rédigé par : Malakine | 04 juin 2008 à 09:20