Le Figaro a révélé la semaine dernière que la commission Attali s’apprêterait à proposer la suppression des départements et le regroupement des 36000 communes en 6000 nouvelles entités. Le chantier que cette réforme représenteraient serait colossal. La nécessité de simplifier et de rationaliser l’organisation administrative du pays est un point qui fait consensus dans presque toute la classe politique et les acteurs des territoires.
Cependant, dans ce consensus, il y a une grande part d’idées reçues alimentées par les géographes en herbe pour qui la décentralisation se limite au tracé de patatoïdes sur la carte de France : Trop d’échelons d’administration, trop de communes, les départements sont ringards, les régions sont trop petites … Malheureusement, la commission Attali vient de reprendre à son compte tous ces clichés dans une proposition qui se veut choc.
Trop simpliste dans sa formulation, trop compliquée à mettre en œuvre et trop agressive à l’égard de la corporation des notables locaux, cette réforme ne verra certainement jamais le jour. Le gouvernement aurait trop de coups à prendre pour un bénéfice immédiat quasi nul. La proposition est donc mort née. Il n’y a pas vraiment lieu de le regretter, car l’urgence se situe ailleurs. Il y a bien d'autre chantiers à ouvrir pour améliorer une décentralisation qui n'est, ni fait ni à faire, avant de revoir la carte administrative.
Sortir des lieux communs
Le nombre des échelons n'est pas le problème
Appréhender la lourdeur de notre système administratif au travers du nombre d’échelons est une erreur de néophyte. A chaque compétence correspond un périmètre d'exercice pertinent. Certaines affaires se règlent au niveau du quartier, de la commune, de l’agglomération du « pays », du département, de la région, de grandes régions, de la nation, de l’Europe ou de la planète … On pourrait les multiplier et les empiler à l’infini les périmètres sans aucun dommage dès lors que chaque structure s’occupe de ce qu’elle sait faire le mieux et de rien d’autre. Ce n’est pas la multiplication des périmètres qui pose problème mais la tendance de ces structures à multiplier leurs interventions.
Lorsqu’il existe des services des affaires culturelles à la mairie, à la communauté d’agglo, au département, à la région mais aussi dans les services de l’Etat, et que tous interviennent sur les mêmes projets, cela conduit à une inflation des coûts d’administration, à une fuite en avant dans les réalisations afin « d’exister » (surtout en matière culturelle) et à la déresponsabilisation, à la paralysie ou à des phénomènes de pensée unique.
La taille des collectivités n’a aucune importance
Appréhender la décentralisation sous l’angle de la taille des collectivités engage dans la même impasse. La taille est un facteur quasiment sans influence sur l’efficacité. Lorsque le périmètre est trop vaste pour la compétence, il suffit d’organiser des subdivisions et lorsqu’il est trop petit, les collectivités se regroupent pour coopérer. La taille n’entraîne pas la puissance. Plus une collectivité est vaste, plus elle a de ressources, mais plus elle a aussi de charges et d’usager à servir !
L’idée que telle ou telle collectivité est trop petite n’a aucun sens. Il n’y a qu’à voir le poids de la région Ile de France dans le débat sur le « grand paris ». Seules les voix de l’Etat et de la Ville de Paris, sont écoutées. La région IdF compte les points, et c’est comme ça partout en France.
La taille ne pose en réalité problème que pour la démocratie locale. Lorsque le périmètre d’exercice des compétences ne correspond pas à celui de la circonscription électorale, il n’y a aucun contrôle citoyen possible. C’est particulièrement vrai pour les communautés urbaines et d’agglomération.
Le département ne mérite pas un tel acharnement
Les départements ont toujours été pris en otage dans le conflit idéologique qui oppose en France les girondins et les jacobins. Pour les uns, il est le garant de l’unité et l’indivisibilité de la République. Pour les autres, il est une survivance ringarde et archaïque d’une France rurale et conservatrice.
L’opposition aux départements peut parfois même prendre des formes totalement irrationnelles et aberrantes, comme la disparition prochaine des références départementales sur les plaques d’immatriculation au profit d’une référence régionale ! Quel intérêt ??? En termes de réalité vécue, le département a pourtant souvent une légitimité bien plus grande que celle des régions.
Le département n’a qu’une vraie tare, c’est son mode de scrutin qui repose sur une circonscription qui n’a aucune réalité (le canton) et qui favorise de nouvelles formes de féodalités. Pour le reste, il exerce ses compétences de manière tout à fait comparable aux régions, qui sont aujourd’hui le vrai maillon faible de la décentralisation : Déconnectées du terrain, sans vrai compétences, sous la tutelle technique de l’Etat et archi politisées.
S’attaquer aux vrais problèmes :
La décentralisation en France ne procède pas d’une construction logique mais d’une sédimentation de réformes et de réformettes qui, au fil des ans, ont abouti à cet inextricable mille-feuilles qui ne ressemble à rien. Il serait bien trop long d’en dresser l’acte d’accusation. Retenons seulement 4 « péchés capitaux ».
Une organisation institutionnelle, qui ne garanti ni séparation des pouvoirs, ni procédure de gouvernance, ni capacité d'intelligence pour la conception et le pilotage de vraies politiques publiques. Une vraie réforme de la décentralisation gagnerait à doter les collectivités d’une vraie constitution.
Des compétences enchevêtrées : Les collectivités sont libres de définir elle-même leur champ de compétences, ce qui peut conduire à ce qu’un projet soit financé par quatre ou cinq intervenants. Outre le coût, la lenteur et les dérives bureaucratique que ce système induit, il produit aussi une culture de la pèche aux subventions, autrement dit à l’assistanat appliqué aux territoires. Il serait urgent de spécialiser les collectivités sur de vraies compétences dont elles seraient les seules responsables, et de proscrire tout financement des unes vers les autres.
La place de l’Etat : L’Etat est resté très présent dans tout ce qu’il a décentralisé. Il n’y a guère de compétence où l’Etat n’intervienne pas comme acteur, financeur, ou prescripteur. Les services de l’Etat ont aussi leur place dans ce mille-feuille illisible. Même s’il a de moins en moins de crédits à dépenser, l’Etat entend désormais intervenir comme « stratège » ce qui maintient les collectivités dans un infantilisme déresponsabilisant et assure la survie de l’appareil d’Etat. Une vraie décentralisation exigerait de déterminer au préalable, les champs que l’Etat entend abandonner, (ce qui implique d’accepter des disparités de traitement entre un endroit et l’autre).
Les finances locales sont d’un archaïsme absolu : Les assiettes des impôts sont partagées entre les 4 niveaux d’administration, les bases sont issues d’une évaluation de la valeur locative qui date de 1971 et l’autonomie financière des collectivités est très faible. Il serait nécessaire d’associer un impôt moderne à chaque niveau de collectivité de manière à ce que chacun soit responsable devant le citoyen des impôts qu’il prélève.
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Une fois que ces quatre chantiers auront trouvé des réponses, on aura défini des collectivités locales « adultes », efficaces et responsables. Il sera alors possible d’évoquer une réforme de la carte administrative pour associer le bon périmètre à chaque compétence. A ce moment là, on pourra évoquer la fusion des communes et des départements dans de puissantes intercommunalités. Avant, cela ne sert à rien ... sauf à se faire mousser en lançant une proposition dont tout le monde sait qu'elle est sans espoir, pour se donner à bon compte une image de réformateur audacieux.
Après la libéralisation des grandes surfaces pour faire baisser les prix, les (trop petites) Ecopolis pour inventer la ville de demain, la relance de l'immigration, la suppression du principe de précaution et maintenant la dissolution des départements, on commence à deséspérer que la commission Attali sorte une idée intélligente et bien pensée pour relancer la croissance.
En Angleterre il y a moins de 300 communes pour une population au peu près identique à la France, il est vrai la densité de population y est plus de fois plus forte.
En Suède il y a 288 communes pour une densité de population 5 fois inférieure à la France.
Donc la densité n’intervient pas dans le critère.
Le problème de la taille des communes n'est pas que politique il est aussi et surtout économique.
Les suédois avaient calculés que le nombre d’habitants d’une commune doit être d’au moins 30 000 habitants car les équipements les plus chers (Education , Santé) sont rentables à partir de ce nombre d’habitants. Pour eux chaque commune doit avoir au moins un lycée et un hôpital.
Des communes de 200 ou 300 habitants comme on en voit beaucoup dans le Massif-Central ou dans le Sud-Ouest ne sont pas viables, certaines n'ont même pas un commerce, peu de fonctionnaires professionnels.
Des communes plus grande permettent d'avoir des plus de compétences.Chaque commune devrait avoir aussi un commissariat.
La plus petite commune, en nombre d’habitant, dans le nord de la Suède à 3000 habitants, la plus grande commune, en taille, 20 000 km2 (2 fois le département de la Gironde le plus grand département français).
Rédigé par : JLS | 14 janvier 2008 à 19:24
Bonsoir !
Personnellement s'il faut supprimer un échelon ce sont les Régions que je rayerais de la carte électorale et politique.
Small is beautiful, vive la proximité, les conseils généraux sont plus proches de la population et je préfère élire des conseilers sur lesquels je peux faire pression facilement.
De plus les Départements gèrent aujourd'hui beaucoup plus de choses (budgets environ 10 fois supérieurs aux régions, je crois, en tout cas très supérieurs c'est sûr) : collèges, RMI, routes départementales...
Alors que les Régions sont plus des machins, plus proches de l'assemblée nationale en plus "plouc" et plus petit joueur sur les corruptions, mais déjà pas mal coupées du peuple.
Mais bon, c'est que j'en pense, et je n'ai quasiment jamais gagné une élection à part le 29 mai contre le TCE...
Bien à vous tous !
aiolive
Rédigé par : aiolive | 14 janvier 2008 à 19:25
Tu trouve la commission Attali complètement déjanté, mais il y a pire. Pendant que ces imbéciles discourent sur la réorganisation de la carte française (comme si les problèmes macro-économiques venait de là) l'autre fou d'ancien premier ministre Balladur propose la fusion des USA et de l'UE parce que l'Europe c'est pas assez gros. IL y a décidément beaucoup de complexé à l'UMP tant il semble obsédé par la taille:
http://www.laprocure.com/livres/edouard-balladur/pour-une-union-occidentale-entre-europe-les-etats-unis_9782213634210.aspx
Au moment ou les USA coule et ou l'Europe est justement la région du monde la plus mal géré et la plus en déclin nos farfelue de dirigeant cherchent à aggraver les problèmes. Et puis on voit la contradiction d'un coté on nous dit qu'il faut décentraliser pour être plus efficace et de l'autre on gére la vrai économie (monnaie et politique budgétaire) à des niveaux de plus en plus délirant. Pour reprendre l'argumentation d'Aiolive (bonne année au passage) "Small is butifull" si l'on est contre la centralisation on ne peut pas être pour l'Europe c'est incohérent et pourtant on continu à en vouloir une plus grosse je me demande vraiment pourquoi?
Rédigé par : yann | 14 janvier 2008 à 20:29
@aiolive,
Perso, je pense que les cantons et les communautés de commune font double emploi. J'habite en province et la situation est différente de celle des grandes villes.
La région, au contraire, me semble devoir être maintenue, surtout depuis 2004 où pas mal de projets ont été réalisés, il faut rendre justice à la gauche même s'il y a parfois du tirage.
Rédigé par : Ph | 15 janvier 2008 à 09:27
Ph, c'est moi, j'ai voulu aller trop vite!
Rédigé par : Philippe | 15 janvier 2008 à 09:28
@ JLS
Il me semble que tu confonds taille des commune et armature urbaine. La petite taille des communes françaises est liée à son passé agricole et rural. C'est un héritage de l'histoire. Pour construire des équipements et gérer des services, il faut effectivement une taille critique, mais la réponse existe avec l'intercommunalité. En la matière, la réforme urgente serait surtout d'organiser une vie démocratique à l'échelle de l'interco avec l'élection du président au suffrage universel.
Après il y a un autre problème, qui est celui du renforcement des bourgs, des centres au détriment de la périphérie. Le problème se situe au niveau des mentalités. L'égalitarisme appliqué aux territoires est une erreur grave. On ne devrait pas parler d'égalité des chances ou de solidarité avec les territoires. Malheureusement tous les élus, de droite comme de gauche, sont toujours tentés de mettre l'argent dans les zones défavorisées dans une logique de redistribution.
@ Yann
Je suis parfaitement d'accord. Les régions n'ont aujourd'hui aucune compétences et aucune réalité politique. Elles ne pourraient en avoir que dans une logique fédérale en devenant des landers à l'allemande ... mais ça notre esprit jacobin et centralisateur n'y est pas prêt. La classe politique locale est encore moins prête que le citoyen à gérer de vrais services publics. Pour l'instant, elle ne sait que distribuer de l'argent.
@ Phil
Les cantons n'existent pas ! Ce ne sont que des circonscriptions électorales pour l'élection des conseillers généraux, mais ils n'ont aucune réalité administrative.
Rédigé par : Malakine | 15 janvier 2008 à 10:25
Encore un bon billet de Malakine qui met à mal les quelques idées reçues qui étaient les miennes sur ce sujet.
Mais puisque vous concédez que le problème des départements c'est le mode de scrutin que pensez-vous de la proposition de Bayrou : pendant la campagne celui-ci proposait de rapprocher les conseils généraux et les conseils régionaux dans une seule collectivité locale, avec les mêmes élus mais sans supprimer fusionner les deux collectivités ?
Concernant les département ne conviendrait-il pas de poser le problème différemment :
« Quels départements pourrait-on supprimer et quels départements devrait-on garder ? ».
Je tire cette question d'un article (référence ci-dessous) où l’auteur propose de poser la question autrement :
"Est-il pertinent de pérenniser l’existence du département de la Seine qui, territorialement, est identique à la ville de Paris ? Est-il intelligent de conserver les départements d’outre-mer, géographiquement identiques aux régions d’outre-mer ? Est-il judicieux de maintenir le département du Rhône, intégré, géographiquement parlant, dans la communauté urbaine de Lyon ? Est-il fonctionnel de découper la gestion publique de l’île de Beauté entre deux département et la collectivité territoriale de Corse ? Ne pourrait-on pas, dans certaines régions aussi, supprimer les départements, comme, par exemple, ce fut évoqué par certains élus pour l’Alsace ?"
http://www.reforme.net/archive2/article.php?num=3180&ref=1560
Bonne journée, PMF
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 15 janvier 2008 à 11:32
@ PMF
La question est délicate car mal posée. D'une manière générale, on ne peut pas correctement se prononcer sur une réforme quand on en connaît pas les effets attendus. Si l'idée de fusionner le personnel politique des départements et des régions aboutit à une spécialisation de ces deux collectivités chacun sur leurs domaines de compétences afin de mettre fin aux financements croisés, c'est plutôt une bonne chose. Si c'est pour institutionnaliser le cumul des mandats dans deux collectivités qui fonctionneraient comme aujourd'hui, cela n'aurait aucun intérêt.
Rédigé par : Malakine | 15 janvier 2008 à 11:53
Si j'ai parlé des cantons, c'est qu'au chef lieu de canton où j'habite, à chaque élection, on voit rappliquer les maires des communes.
Par ailleurs, comme je l'ai dit, il n'y a qu'une liste pour les municipales mais la campagne est chaude pour les cantonales: un PC, un PS et une "sans étiquette" (UMP).
Rédigé par : Philippe | 15 janvier 2008 à 13:01
Très bonne question Malakine !
Quelle solution ?
COMMENT se séparer du mille-feuille administratif avec ses doublons, ses triplons, et ses administrations administrant d'autres administrations !
Vaste chantier qui demande de vraies études par de vrais organisateurs ayant une vraie expérience de l'usage de ces administration !
On peut toujours rêver !
Rédigé par : Ozenfant | 15 janvier 2008 à 15:29
Voix clairement dissonante: le département est un anachronisme flagrant, le mode de désignation de ses dirigeants (les conseillers généraux) favorise le clientélisme, et je suis de ceux qui ont effectivement des "idées reçues": on peut fort bien se passer de cet échelon en transférant l'essentiel de ses compétences aux régions, en en redonnant à l'état, de même qu'on pourrait regrouper nombre de communes (37.000 pour la seule France, c'est hallucinant)
Effectivement, cela toucherait trop d'élus et de gens qui gravitent autour des élus (fonctionnaires territoriaux, membres de commissions diverses, etc.) pour que ça se fasse un jour. Donc, inutile d'ouvrir un conflit qui n'aboutira hélas jamais.
Rédigé par : Benjamin | 20 janvier 2008 à 20:50