Cette drôle de campagne d'entre les deux tours, ne nous gratifie pas du débat projet contre projet, tant promis. Cela n'a rien d'étonnant. Les sujets de fond ayant été totalement absents du débat depuis six mois, il n'y avait aucune raison qu'ils surgissent par miracle dans l'opposition entre les finalistes.
Le débat du deuxième tour se déroule sur ce qui aura finalement été le thème central de toute cette campagne : la recomposition du jeu politique et la réconciliation des Français avec les institutions. Les lignes bougent, fortement, rapidement. On a du mal à suivre et un peu le tournis. Le système politique n'a jamais été aussi instable.
Si la future recomposition du champ politique peine à se dessiner : Que restera t-il du FN après le sarkozysme ? L'UDF est-elle mencée de Schisme ? François Bayrou fera t-il une OPA sur le PS ? Celui-ci va t-il exploser ? Faut-il s'attendre à une recomposition à la gauche de la gauche ? Autant de questions aujourd'hui sans réponse et pour lesquelles il serait hasardeux de se risquer à des pronostics. En revanche, une ligne de fracture sur les questions institutionnelles vient d'émerger clairement ces deniers jours. Face à la « République impériale » de Nicolas Sarkozy se constitue un front prônant un retour à un parlementarisme pluraliste, mais il n'est pas certain que cela soit suffisant pour le battre.
Depuis le lancement de la campagne, le souci majeur de tous les candidats aura été de réconcilier les Français avec la politique en critiquant chacun à leur façon le « système ». Le débat sur ce point est aujourd'hui bien décanté. On ne parle plus de rupture, de pouvoir féminin, et encore moins, du gouvernement par les meilleurs des deux camps. Le deuxième tour oppose deux conceptions du pouvoir, deux architectures institutionnelles, deux cultures politiques, qui proposent chacune à leur manière de refonder le lien entre les Français et la politique.
La "République impériale" de Nicolas Sarkozy.
A droite, c'est simple et clair. On a un camp mené par un « homme fort » C'est une conception virile et personnelle du pouvoir dans la pure tradition bonapartiste et gaulliste. Un homme seul régnant sur un parti aux ordres et une nation priée de se discipliner. Ce schéma vise avant tout à rétablir la verticalité du pouvoir pour recréer des marges de manoeuvre, et veut recréer l'adhésion populaire par une culture du résultat.
Ce pôle s'appuie sur une alliance politique renouvelée qui va des centristes conservateurs jusqu'au franges de l'extrême droite. Des oligarques de l'ouest parisien jusqu'aux milieux populaires. Il y a bien sûr des différences de sensibilité politique (il paraît même qu'il y aurait des sarkozystes de gauche) entre les différents supporters de Sarkozy, mais elles sont gommées par la fascination que suscite le personnage et la foi en ce mode de gouvernement. Ce camp soutien Sarkozy, parce qu'il est jugé le plus compétent, le plus volontaire, le plus apte à faire bouger les choses. Ses idées comptent moins que sa manière de concevoir le pouvoir : Un homme seul, dépositaire d'un pouvoir quasi absolu, animé par un projet et une volonté de fer.
Ce type de gouvernement s'inscrit dans une vieille tradition que l'on qualifie généralement de bonapartiste. Il est d'ailleurs étonnant de noter que la carte électorale du vote de premier tour de Sarkozy ressemble étrangement à celle du gaullisme des début et même du plébiscite de Louis Napoléon Bonaparte de 1851. Sarkozy fait ses meilleurs score dans les régions de famille nucléaire égalitaire, celles qui croient en la toute puissance de l'individu.
Le néo-parlementarisme empathique de Royal et de Bayrou.
En face, le schéma est différent et plus confus. Pendant longtemps, Ségolène Royal a voulu répondre à la rupture démocratique par une posture charismatique, quasi monarchique, sur le mode « aimez vous en moi » Sans abandonner ce registre, qu'elle continue au contraire à cultiver avec mettant en avant sa modestie, sa proximité et sa fameuse démocratie participative, elle s'est ouverte à la vieille tradition parlementariste incarnée par François Bayrou.
Le débat Royal Bayrou a scellé cette alliance autour de leur conviction commune qu'on ne réforme que par le dialogue, sans violenter le pays, et en faisant évoluer la politique à la vitesse de celle de la société. Le seul message qu'il ont voulu envoyer ensemble, c'est qu'il était possible de discuter et même, de faire « un bout de chemin ensemble », même lorsqu'on ne pensait pas la même chose. Sarkozy ne s'y est pas trompé en affirmant que ces pratiques signifiaient un retour à la IV ème république. Elles ne correspondent effectivement pas à sa culture politique.
Ce pôle se fédère par le refus de cette gouvernance anxiogène qu'incarne jusqu'à la caricature le président de l'UMP. Son maître mot n'est pas l'autorité de l'Etat, la volonté et le résultat, mais au contraire, la concorde, le respect de la diversité, le consensus, le dialogue et le compromis. La gouvernance qu'il propose c'est une présidence plus représentative qu'active, qui s'appuie sur une majorité de coalition et des processus de dialogue et de concertation permettant une dilution et un équilibre du pouvoir.
Les votes de Bayrou et de Royal du premier tour expriment d'ailleurs très bien cette différence de culture politique. Les deux font leurs meilleurs score dans les régions de famille souche de l'ouest du pays, celles qui croient à la primauté du système et au compromis social (1).
Plus encore qu'un référendum anti Sarkozy ou une opposition entre droite et gauche, le deuxième tour opposera surtout deux schémas institutionnels dans une vieille tradition française dont le dernier épisode date des débuts du gaullisme. L'opposition entre ces deux cultures politique est réelle ancienne et profonde. La culture du pouvoir personnel juge le parlementarisme inefficace et conduisant à la paralysie. A l'inverse, la culture parlementaire perçoit le pouvoir personnel comme un début de dictature et annonçant de violents conflits sociaux.
Une Stratégie nécessaire mais insuffisante pour s'opposer à Sarkozy.
La culture parlementariste rapproche effectivement les cultures socialiste et démocrate chrétienne. Ce n'est pas un hasard s'ils gouvernaient ensemble pendant la IVème république, alliance qui s'est d'ailleurs perpétuée dans les collectivités jusque dans les années 70. Ségolène Royal doit nécessairement venir sur ce terrain pour s'attirer les bonnes grâces de François Bayrou et séduire son électorat sans lequel il lui est impossible de l'emporter.
Elle aurait néanmoins tort de tout miser sur cet axe. Cette stratégie la condamnerait à l'échec.
1- Elle aura également besoin d'un partie des voix de Jean Marie Le Pen. Or les votes Le Pen du premier tour sont également très fort dans les pays de famille nucléaire égalitaire. Sa carte ressemble beaucoup à celle de Sarkozy. De plus, l'électorat résiduel du FN se trouve surtout dans les milieux populaires, où l'on a plus tendance à croire au mythe de l'homme providentiel qu'à faire confiance à des jeux d'appareil politicien. La même remarque s'applique aux abstentionistes, dont la carte recoupe très exactement celle de Le Pen.
2- Il ne faut pas assimiler l'électorat et ses motivations de vote avec la culture politique de leur leaders. Ce n'est pas toujours en reprenant à son compte les thèmes du parti dont on veut prendre les électeurs qu'on y arrive. Il est vrai que Bayrou est un pur représentant de la culture politique de famille souche (il en est d'ailleurs issu) et que sa carte ressemble beaucoup à celle de Jean Lecanuet de 1965. Le vote Bayrou ne s'est cependant pas cristallisé sur ce seul facteur. Il a également été déterminé par des facteurs sociaux et politiques. Bayrou fait également de bons scores dans le bassin parisien (berceau historique des valeurs individualistes égalitaires). La percée de Bayrou s'explique aussi en grande part, par un rejet dans l'électorat progressiste et les milieux intellectuel, de la personnalité de Ségolène Royal, jugée inapte à exercer la fonction présidentielle. Cet électorat ne se reportera sur elle, que si elle arrive à le rassurer sur sa capacité à exercer la magistrature suprême et à incarner un projet de société crédible.
3- Sarkozy n'est pas que le candidat de la culture bonapartiste. C'est aussi le candidat d'une droite dure, et notamment le candidat des privilégiés. Il est donc aussi nécessaire de mobiliser ou de retourner l'électorat des classes moyennes et populaires qui ont pu être séduit par le candidat de l'UMP. Il n'est évidemment pas certain qu'une alliance avec le centre soit le meilleur moyen de le faire. Ségolène Royal, comme d'ailleurs François Bayrou, ont fait de mauvais scores dans les régions ouvrières frappées par la désindustrialisation. Leur score cumulé de 44 % au niveau national, ne s'établit qu'à 37% dans le haut Rhin, à 38 % dans les Ardennes, à 39 % dans le Pas de Calais, ou à 40 % dans les Vosges et le Territoire de Belfort. Les deux paient là, la timidité de leur discours sur les délocalisations et l'impasse sur la critique du libre échange. L'électorat populaire des régions en souffrance fait toujours défaut à la gauche. Il n'y a qu'à regarder les cartes de Besancenot et de Laguiller pour s'en convaincre.
4- Pour que la culture du "système" puisse s'opposer sérieusement à celle du pouvoir personnel, puissament incarné par Sarkozy, il serait nécessaire que Ségolène Royal puisse porter un projet collectif. Or sa liaison avec son parti est assez trouble. L'idéologie qu'elle professe est pour le moins confuse et l'alliance sur laquelle elle pourrait s'appuyer est encore très hasardeuse. Là, est peut-être le problème fondamental de Ségolène Royal : Elle a construit sa candidature comme très personelle mais s'est avérée incapable de l'incarner jusqu'au bout. Sa conversion au schéma parlementariste est trop tardive et trop incomplète pour être convaincante.
5- Enfin, la culture individualiste égalitaire est tout simplement majoritaire dans le pays.
L'opération séduction à laquelle s'est livrée Ségolène Royal la semaine dernière était nécessaire et a été menée assez habilement. Il lui reste désormais à rattraper son retard en terme de crédibilité pour rassurer la fraction de l'électorat qui reste attaché à la culture où pouvoir procède d'un seul individu. Elle a de ce point de vue accumulé tellement de handicap, qu'elle ne pourra le faire qu'en mettant rapidement en scène celui qui serait son premier ministre. Celui ci devra incarner une compétence d'homme d'Etat et la verticalité du pouvoir, être un représentant de la culture gaullo-bonapartiste, être marqué à gauche tout en étant respecté à droite. Et dans son entourage, il n'y en a qu'un : C'est Jean Pierre Chevènement.(2)
Malakine
(1) le système est sont beaucoup plus intégrateur que les système nucléaire égalitaire. L'individu y est défini par son appartenance au groupe. Sa culture inégalitaire facilite en outre la négociation et le compromis, dans la mesure où chaque partie accepte l'alterité, y compris sa domination politique économique ou sociale. Le compromis est plus difficile dans un système individualiste qui ne tend à concevoir le débat que dans l'affrontement de deux volontés individualisées et dont l'universalisme tolère mal l'idée même de différence.
(2) Le Vote de Jean Pierre Chevènement en 2002 était relativement beaucoup plus fort dans les terres individualistes égalitaire : dans la région parisienne, Rhône Alpes et le littoral méditérannéen. L'association de la sensibilité que représente JPC pourrait donc être de nature à compléter le socle de Ségolène Royal.
Malakine,
Rien ne me choque dans ce que vous venez d'écrire, je n'ai donc pas de commentaire direct à faire.
Je dirais simplement en annexe à votre article, que l'électorat vote aussi avec ses tripes et que là Ségolène n'est pas excellente.
Ségolène se croit obligée de parler de tout, tout le temps:
"Je n'aurais rien contre F. Bayrou comme premier ministre", puis quelques heures après "DSK ferait un bon premier ministre"....
Cela n'engage que moi, mais je n'ai aucun atome crochu avec Chtrôssecanne que j'ai analysé comme un dilettante lorsqu-il était aux finances.
Comment va se restructurer le futur P.D. ?
Bayrou débarrassé de ses crocodiles qui ont eu la gentillesse de se dénoncer tout seuls.... bon débarras pour la plus part de ces ringards (Maurice Leroy et consorts), dommage pour Hervé Morin que je ne voyais pas trahir et qui vient peut-être de se saborder tout seul... on vit une époque formidable !
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 30 avril 2007 à 17:30
Sur l'alliance supposée entre le PS et le centre, il est difficile d'y voir clair en ce moment. Que ce soit sur les chances de Bayrou de réussir son pari de faire exister une force autonome (va t-il renier ses amis qui prennent parti pour Sarko et qui se présenteront aux législatives avec l'étiquette majorité présidentielle ?), sur les probabilités d'éclatement du PS ou d'un effondrement aux législatives. Je préfère donc attendre un peu pour écrire sur ces sujets.
Que ça ne vous empêche pas de dire comment vous voyez évoluer les choses ...
Rédigé par : Malakine | 30 avril 2007 à 18:03
Bonjour Malakine
Comme Gilbert, pas grand chose à rajouter à votre article, si ce n'est une question: où peut-on trouver un topo SIMPLE sur vos familles "souche", "nucléaire", etc ? Je n'y entends pas grand chose.
Une remarqué également : la supposée "culture du résultat" de Sarko me semble plutôt être une culture de l'image, mais hélas tout le monde semble avoir accepté l'idée que Sarko est "compétent" ou "efficace", idée qui n'est que le fruit d'un remarquable travail de communication (qui remplace l'action chez Sarkozy).
Tout de même, un apôtre des résultats devrait les brandir et non les taire ou les maquiller... (chomage, insécurité, dette, prélèvements ficaux...).
Concernant la recomposition possible de nos partis, ces supputations me semblent d'abord liées à l'élection du 6 mai.
Si Sarko passe comme c'est hélas probable, je crains fort que Bayrou et son "PD" ne soient laminés, et que le PS ne repousse une nouvelle fois sa mise au clair.
D'autant que son élection risque de provoquer des troubles, qui ne feront a prori (si l'on en juge par les précédents) qu'augmenter sa razzia aux législatives.
Bref selon moi la recompositon arrivera si la France choisit le parlementarisme et le dialogue, et n'arrivera pas si elle choisit l'homme fort et l'autoritarisme.
Tout ça ne me redonne pas beaucoup le moral...
Bon premier mai quand même !!
PS - A propos de Sarko et de sa stratégie de communication, je vous recommande cette interview de Philippe Cohen qui est une superbe démonstration :
http://www.marianne2007.info/Philippe-Cohen-Sarkozy-est-une-machine-a-scoops-pour-les-journalistes-_a336.html
Rédigé par : aiolive | 30 avril 2007 à 18:48
Toujours à propos des médias dans cette campagne, je vous recommande cet article d'acrimed :
http://www.acrimed.org/article2614.html
Rédigé par : aiolive | 30 avril 2007 à 21:58
@aliolive
Je te propose ses liens que je viens de trouver pour toi sur le net pour te familiariser au concept des systèmes familiaux. Un jour, je tenterais sûrement de faire ma propre synthèse ...
http://www.europepolycentrique.org/identiteeuropeenne.html
http://www.genaisse.com/forums/viewtopic-11879.html
Rédigé par : Malakine | 01 mai 2007 à 09:05
Un fois n'est pas coutume, Ailolive va me tomber dessus:
Nous, les Socialistes avons déjà saccagé notre seule chance d'éliminer Sarkozy et donc de pouvoir prendre le pouvoir dans deux mois aux législatives en soutenant Bayrou.
On voit maintenant, chaque jour plus clairement, la montagne de problèmes que François va avoir à affronter après le "lâchage des lâches".... ou des réalistes ?
Dans cinq jours Nicolas Sarkozy va être élu avec l’aide du P.S. !
Le P.S. qui à tout fait pour que Ségolène ROYAL abandonne les idées qui l’avaient propulsée à 65% d’avis favorables, il y a moins d’un an: l’école studieuse, la recherche, le travail, la famille, la patrie, l'autorité, la primauté de la victime sur les délinquants, l'effort, le mérite. Ce sont ces valeurs, formulées plus brutalement (la France on l’aime ou on la quitte) au profit des nantis et sans solidarité, qui font que c’est maintenant Nicolas SARKOZY le favori. Neuf fois sur dix quand vous demandez à un Sarkozyste pourquoi ils votent Nicolas, la réponses est: « La France a besoin d’autorité ». Il y a un an Ségolène représentait cette autorité, François Hollande en apparaissant impromptu à la télévision et en la contredisant sur plusieurs sujets à miné cette image, le programme laxiste du P.S. a fait le reste. François Hollande pourra au moins écrire un livre: «Comment j’ai tout fait... pour faire perdre Ségolène et rester le chef de famille».
En fait, il suffisait à Ségolène de se rapprocher un peu plus des idées souverainistes de son nouveau "copain le Ché" et de se montrer sous sa vraie personnalité de "Thatcher Sociale" pour gagner une élection qu'au départ elle ne POUVAIT PAS PERDRE pour la bonne raison que je la crois beaucoup plus active et factuelle que "l'agité velléitaire".
Pour paraphraser Charlie Hebdo: "C'est dur d'être aimée par des cons !"
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 01 mai 2007 à 10:05
Bonjour,
il y a plusieurs semaines vous évoquiez déjà cette recomposition politique à laquelle nous assistons :
- une pôle UMP-FN d'une part et un pôle UDF-PS de l'autre. Bien vu !
Par contre, comment pouvez-vous imaginer que la mise en avant aujourd'hui de JPC (comme premier ministre ?) puisse être le facteur capable de combler le déficit de crédibilité qui vous fascine, ce qui n'est plus le problème d'ailleurs ?
SR s'est largement appuyée sur l'homme et les analyses de ses amis pour rassembler l'ensemble de son camp au cours de la campagne.
Aujourd'hui SR laisse entendre qu'elle n'exclue pas de faire appel à DSK, ce qui peut séduire l'électorat centriste tout en rassurant celles et ceux qui doutent encore de sa stature de "femme d'Etat". C'est essentiellement de ce côté qu'elle doit s'ouvrir si elle veut qu'une majorité présidentielle qui lui soit favorable se dessine.
Probablement faudrait-il aussi que SARKOZY fasse un dernier faux pas pour que la gauche gagne tant l'écart à combler reste important. A gauche aussi tout reste possible !
PMF, de retour !
Rédigé par : PeutMieuxFaire | 01 mai 2007 à 10:42
@ pmf
Merci de saluer ma clairvoyance. Je me suis toutefois planté sur un point. Je disais à l'époque que l'alliance entre le PS et le centre conduirait de l'autre coté à une alliance entre le FN et l'UMP. Ce n'est pas se qui s'est passé. C'est l'inverse. C'est le fait que Sarkozy ait réussi à réduire de moitié le FN, qui rend cette alliance entre le centre et le PS nécessaire.
Cette recomposition, on a pas fini d'en parler. Je suis d'ailleurs en train de préparer un article sur le sujet.
En ce qui concerne, la mise en avant de JPC. C'est inutile de gloser à l'infini. Cela ne se fera pas. Mais je vais tout de même dire pourquoi je pense que c'est une erreur de mettre DSK en avant.
Si elle joue au centre, elle risque de se couper de sa gauche, des purs, des tenants du non. Déjà des voix s'élèvent (Mélanchon, Emmanuelli). En cas de victoire, si elle nomme DSK, le risque est grand de voir apparaître un schisme qui ferait fuir toute la gauche du parti. Entre la force démocrate et ce nouveau parti de la gauche du PS, le parti de ségolène Royal va être pris en tenaille et risque de grosses déconvenues au législatives.
Imaginons toujours que Ségolène gagne. C'est de plus en plus dur, mais restons sur cette hypothèse.
Elle n'aura gagné que contre Sarkozy. Sa majorité n'aura aucune cohérence, ni politique, ni doctrinale, et c'est naturellement sa foutaise de pacte qui va pouvoir donner la ligne à suivre pour le gouvernement (vu que c'est un programme pour une région).
Maintenir l'unité de sa majorité nécessitera des efforts terribles et un équilibrisme de tous les instants. Nommer DSK serait perçu comme une provocation et conduirait à la rupture avec la gauche. Il lui faudra un homme de synthèse, quelqu'un qui est favorable à l'ouverture au centre, mais qui sois aussi être marqué bien à gauche, qui puisse rassurer la droite en incarnant l'état et des valeurs d'ordre et de rigueur, quelqu'un qui ait voté non au TCE pour équilibrer l'européisme de Bayrou. Il n'y en a pas 50 dans son entourage qui réponde à cette description.
Ce n'est pas tant une histoire de crédibilité que de pouvoir maintenir l'équilibre de sa majorité.
Il y a un autre facteur, celui dont le parle dans l'article. Bayrou et Royal ont leur assise électorale dans les mêmes régions (de famille souche). Il faut aussi que ce pôle prenne pied dans les régions de culture nucléaire égalitaire. Pour cela, il lui faut un premier ministre qui n'incarne pas, comme Bayrou ou Royal, un système, un parti, une coalition, l'équilibre, le dialogue, l'empathie du pouvoir avec la société, mais les valeurs de l'autre france, celle qui a voté Sarkozy ou Le Pen : La politique comme expression d'une volonté, la Nation comme facteur de rassemblement et de contre poid à l'individualisme, l'autorité de l'Etat, l'ordre, la verticalité du pouvoir ...
Et il se trouve aussi que JPC correspond à ce profil.
Rédigé par : malakine | 01 mai 2007 à 11:26
A propos de vos hypothèses de recomposition
JPC serait sans doute un bon leader, mais rien n'avancera (je crois) tant que le PS sera partagé entre oui-ouistes et nonistes. Cette question du oui/non au TCE me semble toujours pertinente et segmentante.
La création du parti démocrate pourrait encourager le PS à choisir le "non" et donc ses oui-ouistes à rallier le parti centriste.
Le PS "noniste" devrait alors s'ouvrir à la gauche alternative s'il veut représenter quelque chose, et pour cela il serait sans doute préférable de créer un nouveau parti.
Le FN et la LCR resteraient aux extrêmes, et l'étape suivante serait l'émergence d'un pôle gaullo-souverainiste à droite, qui amènerait l'UMP à imploser pour rejoindre qui le centre libéral, qui la droite souveraine, qui le FN.
Cette politique-fiction a pour condition la victoire de Royal...
Si Sarko passe, Bayrou sera laminé, et le PS n'aura pas je pense le courage de se réformer tout seul. Et il faudra être sacrément patient pour voir émerger des forces poltiques représentatives du peuple français.
@ Gilbert : j'ai cherché mais pas trouvé de quoi te tomber dessus ? J'ai toujours pensé que le PS risquait de faire gagner Sarko, pour toutes sortes de raisons.
J'apprécie JPC, j'ai même voté pour lui une fois (européennes je crois), c'est dommage qu'il n'ait pas fait "son Bayrou" et n'ait pas tenté de réunir la gauche du Non.
Tant que le PS sera schizophrène sur cette question du oui/non et tout ce qu'elle entraîne, rien n'avancera à gauche.
Quant à DSK il n'a rien à faire à gauche, mais à la place de la droite ou du centre je n'en voudrais pas.
@ Malakine : merci pour les liens, ils complètent ma culture !
Dites, ces cartographies doivent assez vite évoluer, non? On vit quand même à l'heure de la mobilité de beaucoiup de populations ?
Rédigé par : aiolive | 01 mai 2007 à 12:21
Content de constater que Malakine reprend certaines de mes analyses.
JPC souhaitait en 2002 incarner la nation comme Sarko souhaite le faire aujourd'hui. La dimension:"autorité de l'Etat, ordre, ..." chez les deux hommes est indéniable. Malakine oublie simplement de signaler la dimension libérale de Sarko qui n'existe pas chez JPC. Or "l'autre France", selon l'expression de Malakine, celle identifiée par la présence majoritaire de la famille nucléaire égalitaire (le très grand basssin parisien) possède une dimension égalitaire, appelle à un "individu"fort incarnant le pays mais possède aussi une dimension libérale qui réclame la liberté de l'individu. Le Pen avait d'ailleurs, à ma grande surprise, des éléménts de programme très libéraux. Par ailleurs, n'oublions pas que Napoléon III a fini sa "carrière" sur un programme libéral.
JPC est un national républicain qui fait passer la Nation avant la liberté individuelle, je ne crois pas qu'il puisse séduire durablement l'autre France.
Rédigé par : Toussaint | 01 mai 2007 à 12:28
@ Toussaint
Alors là, on est pas du tout d'accord. Comme le souligne Gilbert, le soutien à Sarkozy repose sur cette idée "la France a besoin d'autorité". En aucun cas sur son libéralisme.
Je crois que ça fait très longtemps que tu n'as pas écouté un discours de Sarko. Celui de dimanche était encore un hymne à l'autorité et une charge violente contre le libéralisme des moeurs, la pensée 68, pour le retour au valeurs, aux règles communes, au respect, à la morale.
Sarkozy n'est libéral que sur le plan économique. Et encore, il n'en parle même plus. En économie, il ne parle que de volonté politique, d'interventionisme étatique, de protections ...
Le succès de Sarkozy s'appuie sur le désir d'ordre et d'autorité, sur l'envie d'un pouvoir fort. Pas du tout sur une aspiration à plus de libertés.
Ce sont là d'ailleurs des valeurs assez classiques des valeurs nucléaires égalitaires. Les sociétés libérales égalitaires sont indisciplinées et difficiles à gouverner. Celà conduit en réaction, à intervale réguliers à un appel à un "homme providentiel", à un pouvoir fort.
Rédigé par : malakine | 01 mai 2007 à 13:49
Aiolive,
Globalement d'accord avec toi, mais je ne suis pas sûr que le NON à l'Europe ait eu une influence notoire sur cette élection.(j'ai voté NON, mais pour un traité constitutionnel simple, voté démocratiquement, le même jour par les peuples et les propositions de Bayrou de traité simplifié suivi de referendum, me vont bien).
Le problème principal de l'Europe est de ses constituer un noyau de leaders actifs capables d'insuffler une vraie politique commune avec une certaine dose de protectionnisme, et que cela ne sera fait qu'avec une France forte.... et capable d'influencer l'Allemagne. Je ne vois ni Sarkozy, ni Ségolène capables de s'entretenir sereinement avec Merkel, ou bien ?
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 01 mai 2007 à 16:12
@Malakine
Je ne nie pas le discours "autoritaire de Sarko", il est réel. Pour traduire exactement ce que je pense de lui, je dirais qu'il est un protecteur incluant donc une dose d'autorité. Il veut protéger l'industrie, les classes populaires et moyennes contre la mondialisation. Il veut protéger ceux qui"souffrent" (classes populaires, habitants des quartiers sensibles, toutes les femmes opprimées, les handicapés, ...), il veut protéger les espaces de libertés individuelles. Il se veut protecteur plus qu'autoritaire.
Le libéralisme n'est pas antagoniste à l'autorité et encore moins à la protection. A mes yeux, il incarne bien le libéralisme protectionniste que j'appelle de mes voeux.
Reprenons l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen:"Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sureté et la résistance à l'oppression".
Cet article 2 montre bien le caractère libéral de la Révolution française de 1789 contre l'Ancien Régime. Au fond, le libéralisme vise la défense des plus faibles contre les plus forts dans la mesure où il revendique l'égale liberté pour tous. La sureté et la résistance à l'oppression implique une part d'autorité pour la défense de ces valeurs, pour la protection. Au fond, le libéralisme est un vrai humanisme.
Malakine dit: "Ce sont là d'ailleurs des valeurs assez classiques des valeurs nucléaires égalitaires. Les sociétés libérales égalitaires sont indisciplinées et difficiles à gouverner. Celà conduit en réaction, à intervale réguliers à un appel à un "homme providentiel", à un pouvoir fort."
Je suis d'accord avec toi sur ce point, l'histoire de France est ponctuée d'appel à l'homme providentiel dans un pays où les sauts d'humeurs sont aussi imprévisibles que violents. La filiation Napoléon I, Napoléon III, De Gaulle, Sarko me semble pertinente. Le caractère indiscipliné du grand bassin parisien est clair.
@aiolive
L"analyse des structures familiales, malgré la mobilité géographique reste très pertinente. Les cartes électorales de 2007 ressemblent à celles de 1974 ou 1981 dans les grandes lignes. Le facteur anthropologique des structures familiales est un outil intellectuel fondamental pour l'intelligibilité des mouvements des sociétés. D'ailleurs, nous avons au moins tous un point commun ici, les travaux et les bouquins d'Emmanuel Todd.
Rédigé par : Toussaint | 01 mai 2007 à 17:10
C'est curieux, mais j'ai du mal à me faire à l'idée que les choses sont jouées.
Rédigé par : Marcus | 01 mai 2007 à 17:52
@ toussaint
Le discours de Sarkozy - ou plutôt de Guaino - me convient parfaitement. Je crois que tu l'as compris. C'est un discours que je n'espérais plus entendre.
Cependant ce discours ne doit pas faire oublier son programme. La fin de l'impôts sur les successions, le bouclier fiscal, et sa "france des propriétaires", ce ne sont pas des mesures protectrices destinés au monde du travail, ce sont des mesures destinés aux possédants.
Personnellement ce n'est pas sa gouvernance bonapartisme ou son volontarisme exacerbé qui me fait peur. Au contraire, j'apprécie plutôt. C'est sa proximité avec les oligarques parisiens. La tensions qui existe entre son programme destinés aux privilégiés et son discours souverainiste et ouvriéristes, me conduit à penser à une immense manipulation. Entre l'emballage et le produit qu'il y a à l'intérieur, je préfère prendre en compte la réalité du produit.
Rédigé par : malakine | 01 mai 2007 à 19:11
Ségolène Royal a faites siennes les conquêtes de Mai 1968 face à Nicolas Sarkozy qu'elle a accusé de vouloir "remonter le temps" et de préparer une "France bloquée"...... Candidate des soixante-huitards attardés, est-ce bien judicieux à 4 jours du vote décisif ?
Rédigé par : Gilbert Sorbier | 02 mai 2007 à 08:37