Je continue donc ce petit tour d’horizon de la classe politique que j’ai commencé il y a deux jours, pour faire une petite pause avec la polémique et le combat politicien. Après les révélations de la campagne, il est temps de passer en revue ceux qui se sont plantés. J’en ai retenu quatre : Jean Pierre Chevènement avec son ralliement précipité, Arnaud Montebourg qui s’est perdu dans un rôle de porte parole où il gâche son talent, Alain Juppé et sa reconversion ratée, et enfin Michèle Alliot-Marie et sa candidature à laquelle personne n’a cru.
Jean Pierre Chevènement ou le suicide politique
Son échec de 2002, la polémique sur sa responsabilité dans le traumatisme du 21 avril, et les échecs électoraux qui sont suivi (aux législatives, aux cantonales et aux régionales de 2004) l’ont conduit à une terrible traversée du désert. Chevènement, qui ne voulait pas finir ainsi, s’est inventé une nouvelle devise « même mort je reviens » et a lancé sa candidature à l’automne sur des thèses très intéressantes. Cela n’a malheureusement pas été suffisamment relevé, même par ses partisans, mais sa pensée s’était profondément renouvelée depuis 2002 sous l’influence des intellectuels du protectionnisme européen. Elle proposait désormais un projet global répondant aux défis du 21ème siècle, alliant régulation de la mondialisation, relance du projet européen et refondation républicaine.
Son ralliement, un petit mois après le lancement de sa candidature, reste une énigme. Comment cette incarnation de la raideur idéologique pour qui la politique est l’expression d’une volonté et d’une vision, a pu succomber aux charmes de la grande prêtresse de la démocratie participative et de la proximité ?
Officiellement, il a préféré peser de l’intérieur sur la campagne de Ségolène Royal pour contribuer à l’émergence d’une dynamique autour de la candidate et de la refondation d’une nouvelle gauche. Trois mois après son ralliement, on a pourtant toujours beaucoup de mal à déceler la moindre trace du logiciel chevènementiste dans la « pensée » de Ségolène Royal. Il aurait effectivement pu jouer le rôle d’Henri Guaino auprès de Sarkozy ou de Marine Le Pen auprès de son père, à savoir ramener la candidate vers des options républicaines. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a échoué, et ce n’est pas la pression centriste que Bayrou exerce sur le PS qui va conduire Ségolène Royal à se rapprocher de sa sensibilité politique …
J’ai fortement soutenu sa candidature pendant le petit mois où elle a eu cours. J’y ai cru et je crois toujours qu’il avait de vraies chances de gagner. En imposant une primaire à gauche au PS et en proposant aux Français une véritable alternative au modèle libéral libre échangiste européen, qui est le vrai « système » à contester, il pouvait se poser en recours face au binôme Ségo – Sarko et prendre la place qu’occupe aujourd’hui François Bayrou dans la compétition électorale. Chevènement a eu le tord d’avoir raison trop tôt. La stratégie de 2002 aurait payé en 2007. Aujourd’hui, son absence pèse terriblement sur cette campagne.
A moins de claquer rapidement la porte de son équipe de campagne sur une question de principe (les occasions ne manquent pas), on voit mal comment il pourrait se sortir de ce bourbier et restaurer l’autonomie de la gauche républicaine ou même contribuer à refonder la gauche sur les décombres qui subsisteront du PS après la débâcle que lui fera subir Ségolène Royal, probablement dès le premier tour de la présidentielle.
Arnaud Montebourg ou l’erreur de casting
Arnaud Montebourg apparaissait ces dernières années comme le grand espoir de la gauche. Brillant orateur, doté d’un caractère impétueux et d’une ambition sans borne, certains lui prêtait même un destin à la Mitterrand. Il s’était même prononcé contre le TCE où il avait apporté une très intéressante contribution à la campagne du non. Il avait tout pour réussir. S’il avait osé solliciter l’investiture socialiste, il aurait pu même être un formidable candidat de renouveau pour le PS.
Malheureusement, il n’a pas eu le courage de jouer sa carte personnelle et a décidé, par lâcheté ou opportunisme, de rejoindre l’équipe de Ségolène Royal au moment où les sondages lui prédisaient une victoire facile. Pire, il cédé à la facilité de réduire son talentpolitique à sa verve d’avocat pour devenir son porte parole, le poste préféré des médiocres et des politicards sans envergure, incapables de penser par eux même.
Le bel Arnaud aurait pu être un remarquable porte parole d’un candidat développant une doctrine forte et une vision d’ensemble. Il aurait su la magnifier en y prêtant son verbe, sa fougue et sa flamme. Il n’avait en revanche rien à apporter à une campagne construite autour de la proximité et des misères des « vrais gens ». Et comme une erreur ne vient jamais seule, à la faute stratégique il a ajouté la bourde en voulant faire de l’humour dans une émission people ! Dans l’aventure, il a donc non seulement rabaissé son image à celle toujours humiliante de « la voix de son maître », mais il y a ajouté celle d’un adolescent attardé, irresponsable et incontrôlable.
Il est jeune. Il rebondira. Mais ce début de campagne, qui aurait pu le faire changer le registre, aura marqué un palier dans son ascension.
Alain Juppé ou la reconversion ratée
Le fils préféré de Chirac rêvait de se refaire sans tarder une place au soleil après son retour d’exil. Il a commencé par reprendre son fauteuil de Maire de Bordeaux, puis, à la différence des autres chiraquiens, à rallier Sarkozy sans attendre la décision du chef de l’Etat pour se faire une place dans son équipe de campagne.
La place qu’il vise c’est celle de vice-premier ministre chargé du développement durable, arguant d’une nouvelle passion pour l’écologie qui seraient née au Québec. Seulement, pas facile quand on a été un premier ministre droit dans ses bottes dont les réformes aussi courageuses que nécessaires ont mis des millions de français au bord de l’insurrection, de se faire le héraut du recyclage du papier usagé et de la récupération des eaux de pluies !
Chirac a voulu aider son vieil ami Alain à acquérir la nouvelle stature « d’Al Gore français » dont il rêvait, en organisant sa conférence sur l’agence mondiale de l’environnement, mais rien n’y fait. Juppé n’a jamais été populaire. Il ne le sera jamais. Il est l’incarnation de ces technocrates premier de la classe, dont les Français ne veulent plus. Sa passion affichée pour l’écologie et la gestion locale n’y a rien changé.
Michèle Alliot-Marie ou le syndrôme d’Icare
Ce fût l’épisode le plus pitoyable de la campagne. Quand on y pense, même deux mois après, on a bien du mal à imaginer que Michèle Alliot Marie aurait pu être candidate à l’élection présidentielle. Elle entendait pourtant incarner un projet alternatif à celui de Sarkozy. Elle prétendait même être la seule à pouvoir battre Ségolène Royal ! Toute la prétention des politiques et leur décalage avec le réel résumé dans cette séquence …
Il paraît qu’elle a fait ce numéro pour négocier avec Sarko son avenir. J’ai plutôt tendance à peser que sa carrière se déroulera désormais exclusivement à Saint Jean de Luz. Compte tenu de son apport à la vie politique française, voilà une disparition que personne ne regrettera.
A suivre : Conseil de classe 3 : Les réservistes (Borloo, Fabius, DSK, Emmanuelli, De Villepin)
Bien vu; en fait, je crois qu'il faudrait lancer un mouvement politique qui ferait la synthèse de différents courants actuellement présents dans le paysage politique français, mais qui, éclatés, n'ont pas un poids suffisants pour peser sur l'avenir du pays.
La recette : Dans un shaker, déposer une dose de Jean-Pierre Chevénement, une d'Arnaud Montebourg, une de Nicolas Dupont-Aignan, une de Marine Le Pen (si, si !), agiter bien pour éviter les grumeaux et servez frais et sexy !
Rédigé par : Xavier | 09 mars 2007 à 15:36
@ Xavier.
Il y a une règle en chimie que tu devrais méditer.
L'adition de différents composants n'a comme seul effet que d'accentuer leur défauts réciproques et jamais de mettre en exergue leur qualité.
Ceci étant je vous concède que la politique semble d'avantage relever de l'Alchimie que de la chimie.
Rédigé par : chavinier | 10 mars 2007 à 09:53